• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1. État des connaissances

1.3. La qualité du traitement médicamenteux antidépresseur

L’usage optimal des médicaments se définit comme « l’usage qui maximise les bienfaits et minimise les risques pour la santé de la population en tenant compte des diverses options possibles, des coûts et des ressources disponibles, des valeurs des patients et des valeurs sociales » (68). Plusieurs facteurs peuvent influencer l’usage optimal du médicament. Le premier facteur est l’accès aux médicaments, celui-ci est déterminé par les décideurs qui peuvent rendre disponible ou non un médicament pour une population. L’accès peut également être déterminé par d’autres facteurs tels que l’organisation des soins et le système d’assurance (68). Le deuxième facteur est la qualité de la prescription, qui est déterminée par les médecins qui doivent prescrire le médicament approprié pour la durée nécessaire (68). Le dernier facteur est la qualité de l’usage des médicaments par les patients, qui se traduit par le respect des recommandations thérapeutiques établis entre le patient et son médecin prescripteur (68). Malgré les recommandations d’organismes tel que le CANMAT, la qualité de la prescription et de l’usage par les patients sont parfois sous- optimaux (25,56,69-72).

L’usage optimal du traitement est donc multifactoriel : certains éléments étant reliés à l’organisation des soins, d’autres aux prescripteurs et finalement, certains de ces éléments touchant aux caractéristiques du patient et à ses comportements liés à la santé. Dans le cas de la dépression, le sujet ayant des symptômes doit d’abord consulter un professionnel de la santé, recevoir le diagnostic approprié et le cas échéant la prescription appropriée quant au type de médicament, à la dose et la durée du traitement. Ce traitement médicamenteux doit

13

être accepté par le patient, il doit être réclamé en pharmacie et être pris pour la durée et selon la posologie recommandée.

1.3.1 Qualité de la prescription

Le choix de l’antidépresseur, la dose d’antidépresseur prescrite et la durée de la prescription sont des indicateurs qui sont souvent utilisés pour évaluer la qualité d’une prescription (15-17,67,73). Le CANMAT relève l’importance de ces trois facteurs dans l’établissement du traitement médicamenteux le plus adéquat pour atteindre les objectifs du traitement (67). L’importance du choix de l’antidépresseur prescrit réside dans le fait que certains antidépresseurs ont une meilleure tolérance et sécurité par rapport aux effets indésirables et qu’ils ont moins de restrictions par rapport à la consommation de certains aliments ou de médicaments par le patient (67,74,75). Le CANMAT recommande la prise d’antidépresseur à des doses où ils auront une meilleure efficacité, comme cela a été démontré dans les essais cliniques (67). Finalement, la durée du traitement médicamenteux est un facteur également important pour assurer la résolution des symptômes et la prévention de la récurrence des symptômes (67).

Dans le contexte québécois, en ce qui concerne l’usage des antidépresseurs, le rapport de l’INESSS (33) décrit l’usage des antidépresseurs pour les années 2005/2009 par les personnes assurées par le RGAM et ayant commencé un traitement avec un antidépresseur au cours de l’une des années étudiées. Les sujets inclus dans l’étude du rapport de l’INESSS (33) étaient uniquement des nouveaux utilisateurs d’antidépresseurs. De plus, les résultats concernant la qualité de l’usage des antidépresseurs a été rapportée spécifiquement pour les sujets ayant eu un diagnostic de dépression majeure (33). Ainsi, parmi les 34 886 sujets inclus et ayant eu un diagnostic de dépression majeure, 12,3% n’ont pas été exposés à un antidépresseur de 1ère intention dans les 365 jours suivant le diagnostic (33). Une étude au Danemark a obtenu des résultats relativement similaires avec une proportion de 18% des sujets n’étant pas exposés à un antidépresseur de 1ère intention (76). Aux États-Unis, Robinson et al. ont constaté que cette proportion était encore plus élevée, soit 21,4% (28). Pour l’exposition à la dose quotidienne recommandée, l’INESSS rapporte qu’une proportion de 15% de la cohorte n’avait pas de prescription à la dose quotidienne recommandée par le CANMAT (33), tandis que cette proportion était de 12,6%

14

dans une étude réalisée en Alberta au Canada (14). Robinson et al. ont également observé une proportion plus élevée que celles obtenues au Québec ou au Canada, cette proportion étant de 30% (28).

1.3.2 Qualité de l’usage par les patients

L’adhésion des patients au traitement est un élément important de l’usage optimal du traitement médicamenteux. L’adhésion au traitement est définie comme le respect du patient de l’ensemble des recommandations thérapeutiques de la part des professionnels de la santé (77). L'adhésion au traitement comporte principalement l’acceptation, la persistance et l’observance (78).

L’acceptation réfère à l'action menée par le patient de commencer le traitement après que celui-ci lui a été prescrit. Cela signifie qu’une fois que le patient reçoit une ordonnance de la part du médecin, il se rend à la pharmacie pour la faire exécuter une première fois (78). La persistance réfère à l'action menée par le patient lorsqu’il poursuit son traitement pendant toute la durée recommandée par le médecin (78). La persistance à prendre le traitement antidépresseur pour toute la durée prescrite est particulièrement cruciale et problématique, de sorte que la non-persistance peut conduire à la rechute ou à la récurrence (dépression à répétition), même après la rémission d'un épisode dépressif (79). Des études ont montré que jusqu'à 42% des patients arrêtent la prise de leurs médicaments antidépresseurs au cours des quatre premières semaines de traitement (24,79,80) et jusqu'à 70% interrompent leur prise de médicament au cours des six premiers mois (72). Cette non- persistance au traitement médicamenteux antidépresseur, non seulement compromet l'efficacité du traitement mais aussi augmente le risque de rechute (81,82). Dans une étude récente, les patients qui étaient non persistants, c’est-à-dire qui avaient arrêté leur médication dans les six premiers mois suivant le début du traitement, avaient 77% (valeur- p˂0,01) plus de risque de subir une rechute que les patients qui étaient persistants à prendre leur traitement pendant au moins six mois (83).

L’observance est définie comme étant la prise de traitement par le patient exactement comme la posologie l’exige (78). Des études ont été réalisées pour étudier les conséquences de la non-observance du traitement antidépresseur (81,84-86). Le plus

15

souvent, l’observance était mesurée par le ratio de possession de médicaments (RPM) (Medication Possession Ratio-MPR) (81,84-86). Cette mesure représente la proportion de jours couverts par une médication pour une période donnée. La proportion de patients observants (ayant un RPM ≥ 80% (81) et ≥ 75% (85)) variait de 43,3% (81) à 78,7% (85) pour la période totale du traitement tandis qu’elle était d’environ 60% (84,86) pour la phase d’attaque et de 45% (84) à 52% (86) pour la phase d’entretien. Les résultats de l’étude de Cantrell et al. (81) ont montré qu’une meilleure observance du traitement était associée à une baisse des coûts médicaux annuels. En effet, la différence des coûts médicaux annuels entre les patients observants et non observants était de plus de 400$ par patient (81). Les auteurs ont montré que les personnes considérées observantes de leur traitement, c’est-à- dire celles ayant un RPM de 75% ou plus, étaient 15% moins susceptibles d’être hospitalisées ou de faire une visite aux urgences par rapport aux personnes non observantes (RPM < 75%) (85). Dans une étude réalisée chez des travailleurs, ceux qui étaient observants de leur traitement antidépresseur (RPM ≥75%) pendant la phase d’attaque étaient 38,7% moins susceptibles d’avoir un épisode récurrent de dépression que ceux observants pour moins de 70% des jours (84). Pour la phase d’entretien, les travailleurs observants (RPM ≥75%) étaient 46,1% moins susceptibles d’avoir un épisode récurrent de dépression comparativement à ceux étant observants pour moins des 80% des jours (84).

1.4. La défavorisation matérielle et sociale et la qualité du