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106. Comme on le sait, les cahiers de la FIDIC proviennent du droit anglais103 et non français, c‟est la raison pour laquelle il convient de savoir, sous l‟angle du droit français, hormis l‟arbitrage et la conciliation, si les procédures contractuelles de règlement des litiges prévues dans les contrats-types FIDIC sont applicables ou non.

§1. Les procédures pré-arbitrales de la FIDIC sous l’angle du droit français 107. Au sujet du règlement des litiges, la nouvelle loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, dans le Titre II intitulé favoriser

les modes alternatifs de règlement des différends, à l‟article 4 prévoit qu‟ « à peine d‟irrecevabilité que le juge peut prononcer, la saisine du tribunal d‟instance par déclaration au greffe doit être précédée d‟une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, sauf : [...] (20 si les parties justifient d‟autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige ». Aux termes de cet article, on comprend qu‟en droit

français, les parties sont invitées à recourir à un autre mode de règlement des litiges avant de les porter devant une juridiction étatique. Ceci signifie que les procédures pré-arbitrales des cahiers de la FIDIC sont applicables en droit français. Plus clairement, en matière de marchés publics de travaux, l‟article

103 L‟article 108 (1) de La loi de construction 1996 au torise les parties du contrat de

construction à porter leur litige devant un DAB : « A party to a construction contract has the right to refer a dispute arising under the contract for adjudication under the a procedure complying with this section ».

50 du CCAG français prévoit que « le représentant du pouvoir adjudicateur et

le titulaire s‟efforceront de régler à l‟amiable tout différend éventuel relatif à l‟interprétation des stipulations du marché ou à l‟exécution des prestations objet du marché ».

Ainsi, en matière de construction tant publique que privée, les modes alternatifs de règlement des litiges, comme ceux des contrats-types FIDIC, sont privilégiés. La question se pose de savoir quelle est la teneur de ce privilège, autrement dit, si une partie peut y échapper en allant directement devant le juge étatique auquel cas le juge français devrait se déclarer incompétent et demander aux parties de se conformer préalablement aux procédures contractuelles.

§2. L’effet d’une fin de non-recevoir sur les procédures pré-arbitrales prévues dans les contrats-types FIDIC

108. En ce qui concerne la recevabilité d‟une procédure amiable de règlement des litiges, la Cour de cassation française, depuis 2003104, a confirmé qu‟est « […]

licite, la clause d‟un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu‟à son issue le recours de la prescription, constitue une fin de non- recevoir qui s‟impose au juge si les parties l‟invoquent ».

109. En 2012, en matière d‟application des contrats-types FIDIC, cette question s‟est aussi posée lorsque la Cour d‟appel de Paris105

a eu l‟occasion d‟être saisie d‟un recours en annulation de la sentence arbitrale qui est fondé notamment sur le fait que le tribunal arbitral s‟est déclaré compétent alors que la procédure pré-arbitrale par l‟ingénieur n‟est pas respectée. En l‟espèce, le juge a abandonné ce recours en considérant que « SECOL qui critique la

décision de l‟Arbitre ayant fait partir le délai de prescription de la date à laquelle le droit a été en premier lieu privé ou contesté sans tenir compte de la

104 Cass. Ch. Mixte, No 00-1942300-19424, le 14 février 2003. 105

procédure préliminaire [par l‟ingénieur selon l‟article 67 du Livre Rouge

1987] et de négociation obligatoires, invite en réalité le juge d‟annulation à

une révision au fond de la sentence qui lui est interdit ».

Ainsi, la Cour d‟appel de Paris ne s‟est pas prononcée sur le point de savoir si la procédure de règlement des litiges de l‟ingénieur constitue ou non une fin de non-recevoir. Ce silence peut-il permettre de déduire que le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges en général n‟est remis en cause qu‟au cas où une des parties voudrait échapper à cette procédure amiable pour aller devant le juge étatique et non pour recourir à l‟arbitrage de sorte que les arbitres disposent de toute latitude à l‟égard de cette question ? Ou, existe-t-il une autre explication dans sens de l‟arrêt le plus récent en 2014 de la Cour de cassation selon lequel la procédure amiable ne constitue une fin de non- recevoir que lorsque les parties ont prévu les conditions particulières de sa mise en œuvre : « la clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement

amiable, non assortie de conditions particulières de mise en œuvre, ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s‟imposant à celui-ci »106.

Aux termes de cette explication, il est difficile de confirmer que cette position de la Cour de cassation peut être transposée aux procédures pré- arbitrales des cahiers FIDIC par les raisons suivantes : d‟abord, la renonciation à une fin de non-recevoir est valable seulement à l‟égard de la clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable « non assortie de

conditions particulières de mise en œuvre ». Tel n‟est pas le cas pour les

contrats-types FIDIC qui stipulent les conditions particulières de mise en œuvre de la procédure de règlement des litiges tant par le DAB que par l‟ingénieur. Ensuite, en 2012, la Cour de cassation107

a admis la fin de non- recevoir à l‟égard d‟une clause stipulant le recours à un expert préalablement pour trancher les litiges. Il semblerait que cette solution soit d‟autant plus pertinente pour les procédures pré-arbitrales de la FIDIC que le rôle de

106 Cass., Ch. comm. No : 12-27004, le 29 avril 2014. 107

l‟ingénieur et des membres du DAB ne diffère pas de celui d‟un expert en matière de construction. Enfin, en pratique, les procédures pré-arbitrales de la FIDIC peuvent être traitées comme une partie de la convention d‟arbitrage108

. Si cette conception est partagée, le juge étatique et l‟arbitre doivent se déclarer incompétents lorsque le litige n‟est pas préalablement soumis aux procédures pré-arbitrales des contrats-types FIDIC.

Conclusion du chapitre

110. Les contrats-types FIDIC faisant l‟objet de cette recherche relèvent du contrat de louage d‟ouvrage auquel sont parties l‟entrepreneur et le maître de l‟ouvrage. C‟est pourquoi, les procédures de règlement des litiges prévues par ces contrats ne s‟appliquent qu‟aux litiges entre ces deux acteurs. Pour définir l‟effet de ces procédures, la date d‟achèvement des travaux entre en ligne de compte car elle détermine la nature de la responsabilité de l‟entrepreneur à l‟égard du maître de l‟ouvrage, ce qui préside au respect des procédures contractuelles de règlement des litiges. En général, ces procédures contractuelles sont valables et promues par la législation nationale. Cependant, le niveau de cette promotion varie selon le droit de chaque pays non seulement pour ce qui concerne la détermination du délai d‟effet de ces procédures mais également pour la mise à exécution des décisions de l‟ingénieur, du DAB et bien du tribunal arbitral. C‟est la raison pour laquelle pour bénéficier de ces avantages, les parties devraient modifier les conditions des cahiers de la FIDIC en vue de répondre aux exigences du système légal choisi.

108 C

HRISTOPHER R. SEPPALA, „Commentary on recent ICC arbitral awards dealing with dispute adjudication board under FIDIC contracts‟, Inter. Const. L. Rev, 2016, p. 193.

PREMIÈRE PARTIE

PROCÉDURES PRÉ-ARBITRALES

111. Comme il a été dit précédemment, avant l‟arbitrage, la FIDIC propose deux mécanismes de règlement des litiges, l‟un concerne l‟ingénieur, l‟autre le DAB. Dans cette partie, successivement, le rôle de l‟ingénieur se ra étudié dans le Titre 1 et celui du DAB dans le Titre 2.