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Les justiciables des procédures contractuelles prévues dans les cahiers FIDIC

70. Aux termes des contrats-types FIDIC, la plupart des échanges, au cours de l‟exécution du marché, se font entre l‟entrepreneur et l‟ingénieur plutôt qu‟avec le maître de l‟ouvrage. Par ailleurs, le premier doit se conformer à plusieurs instructions de l‟ingénieur. Il est donc inévitable qu‟on se trouve dans la situation où l‟acte de l‟ingénieur dans la direction et le suivi des travaux peut causer un préjudice à l‟entrepreneur. En l‟occurrence, le Livre Rouge 1977 a stipulé que l‟ingénieur était compétent pour statuer sur les litiges survenant entre lui-même et l‟entrepreneur70 tandis que le Livre Rouge 1987 et ceux des années suivantes n‟y font pas référence.

Ainsi, deux hypothèses peuvent exister : soit un litige entre l‟ingénieur et l‟entrepreneur est impossible; soit un litige survient entre eux mais dans ce cas, en vue d‟assurer l‟impartialité dans son règlement, la FIDIC n‟accorde plus à l‟ingénieur la compétence pour trancher un litige auquel il est partie. Si tel est le cas, la liquidation des litiges doit-elle s‟appliquer aux autres procédures contractuelles ? Pour répondre à ces questions, il convient de déterminer les parties du marché à travers la nature du contrat de construction établi sur la base des cahiers de la FIDIC.

§1. Le contrat de construction établi sur la base des cahiers FIDIC relevant du contrat de louage d’ouvrage

71. Il est notoire que les contrats-types FIDIC trouvent leur origine dans le droit anglais. Actuellement, il y a plusieurs types comme, par exemple, le Livre Rouge pour le contrat de construction de génie civil ; le Livre Jaune pour le contrat de construction des usines ; ou le Livre Or pour le contrat de construction dont toutes les opérations comme la conception, la construction d‟un ouvrage et son exploitation sont à la charge de l‟entrepreneur ; et bien

70 « Le litige de quelque nature que ce soit qui survient entre l‟entr epreneur et le maître de

l‟ouvrage ou entre l‟entrepreneur et l‟ingénieur… doit préalablement être soumis par écrit à l‟Ingénieur avec copie à l‟autre partie…»

d‟autres. Ainsi, la question se pose de savoir à quel régime juridique sont soumis ces types de contrats.

Dès 1980, dans sa thèse sur le contrat international de génie civil, Patrick SIMARD a affirmé que « le contrat FIDIC est, au regard du droit

français, un contrat de louage d‟ouvrage par lequel une personne, l‟entrepreneur, se charge d‟accomplir pour une autre, le maître de l‟ouvrage, un travail déterminé pour un prix contractuel »71. Cela signifie qu‟il n‟existe

que deux parties - l‟entrepreneur et le maître de l‟ouvrage - dans la relation contractuelle aux termes des cahiers de la FIDIC. Autrement dit, l‟ingénieur n‟est pas partie au marché72

. Cette définition coïncide avec les explications d‟Owen, un des experts en la matière pour qui « le contrat [le Livre Rouge 1999] est une convention légitime qui stipule les obligations et les droits des

parties que sont l‟entrepreneur et le maître de l‟ouvrage. L‟ingénieur n‟est pas partie au contrat. Il est désigné par le maître de l‟ouvrage pour réaliser ses missions prévues dans le marché »73. Cela se justifie aussi à l‟article 1.1

(iv) du Livre Rouge : « l‟ingénieur est la personne désignée par le maître de

l‟ouvrage ès qualité pour les missions du marché qui lui sont dévolues et dénommé dans la Partie II de ces Conditions ». Ainsi, la question est de savoir

s‟il peut y avoir un litige entre l‟ingénieur et l‟entrepreneur dans la mesure où, dans l‟exercice de ses missions, l‟ingénieur cause des préjudices à l‟entrepreneur.

§2. L’absence de litige entre l’ingénieur et l’entrepreneur soumis aux procédures contractuelles

72. Comme on peut le lire à l‟article 1.1 (iv) du Livre Rouge 1987, « l‟ingénieur

est la personne désignée par le maître de l‟ouvrage … ». Aux termes de cette

définition, l‟ingénieur peut être considéré comme employé du maître de l‟ouvrage et non une partie indépendante du marché. C‟est la raison pour

71 P

ATRICK SIMARD, op. cit., (note 31), p. 16.

72 Voir aussi dans G

LAVINIS, op. cit., (note 37), p. 367, No 475 ;

73 Voir Gwyn OWEN, The working of the dispute adjudication board (DAB) under the new

laquelle, en ce qui concerne le litige entre l‟ingénieur et l‟entrepreneur, Panayotis GLAVINIS a considéré que :

« En réalité, il s‟agit d‟une fausse question, car le fait de l‟ingénieur

comme concepteur ou directeur des travaux engage le maître de l‟ouvrage. Le seul litige concevable qui résulte du contrat et qui puisse être soumis à l‟ingénieur selon la clause 67 est celui qui oppose l‟entrepreneur au maître de l‟ouvrage. Un litige qui oppose l‟ingénieur à l‟entrepreneur ne doit pas être soumis à l‟ingénieur, pas plus au tribunal arbitral d‟ailleurs. Ce litige ne résulte pas du contrat. Il est né à l‟occasion de son exécution, mais sa source n‟est pas contractuelle. L‟entrepreneur ne pourra mettre en cause la responsabilité de l‟ingénieur que sur une base délictuelle devant les juridictions de droit commun. L‟ingénieur demeure donc un tiers par rapport au contrat et au litige. »74

73. Il en résulte qu‟à la suite du Livre Rouge 1977, le problème de l‟existence d‟un litige entre l‟ingénieur et l‟entrepreneur ne figure plus dans les nouvelles rédactions des contrats-types FIDIC. À titre d‟exemple, l‟article 67 du Livre Rouge 1987 stipule que « le litige (dispute) de quelque nature que ce soit qui

survient entre l‟entrepreneur et le maître de l‟ouvrage […] doit préalablement être soumis par écrit à l‟ingénieur avec copie à l‟autre partie […] ». Aux

termes de cette clause, on peut affirmer que les procédures contract uelles ne s‟appliquent pas aux litiges entre l‟entrepreneur et l‟ingénieur (si tel est le cas). Ce type de litige ne fait donc pas l‟objet de cette recherche.

Section 2 : Le champ et le délai d’application des procédures