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La prédominance de la recherche de la vérité

§2.Les nouvelles compétences du juge aux affaires familiales en matière de tutelle des mineurs

SECTION 2 : Les modes de preuves utilisés dans le cadre des conflits familiaux

B. La prédominance de la recherche de la vérité

315 de l’enfant, puisque ce dernier peut demander à être entendu, afin d’exposer son avis quant à sa résidence.

316 a.L’utilité du FICOBA

Créé par un arrêté du 14 juin 1982, ce fichier, géré par la direction générale des finances publiques, rassemble les comptes de toute nature, bancaires, postaux, ou bien encore d’épargne, et offre aux personnes habilitées les informations d’ouverture et de fermeture des comptes détenus par une personne ou une société sur le territoire français et dans les départements d’outre-mer.

Il contient des informations relatives aux déclarations fiscales incombant aux organismes qui gèrent des comptes, tels que des établissements bancaires et financiers, des centres de chèques postaux ou des sociétés de bourse.

Cependant, ce fichier est restreint, car il ne donne aucune information sur les opérations effectuées sur le compte ou sur le solde de celui-ci. Il ne renseigne pas sur les comptes ouverts au nom d’une société civile immobilière dans laquelle la personne détiendrait des intérêts ou les comptes courants au sein d’une société, pas plus que les comptes ouverts à l’étranger ou dans l’Union européenne.

La crédibilité des informations contenues au FICOBA est tout autant limitée par la diligence des établissements gérant des comptes dans leur déclaration558.

L’ensemble des données sont conservées pendant une durée de trois années révolues après l’enregistrement de la clôture du compte pour les comptes dont le titulaire est une personne physique, et dix ans après la clôture pour les comptes dont le titulaire est une personne morale. Jusqu’à un arrêté du 13 décembre 2007, ce fichier n’était pas accessible au citoyen, l’administration fiscale ne donnant pas suite aux demandes de communication d’information dont elle était saisie, en prétextant le respect du secret professionnel. Ainsi, dans le cadre d’une procédure de divorce, seules les autorités judiciaires, les tiers autorisés, habilités par une décision de justice, tels que les notaires nommés sur le fondement de l’article 255 10° du Code civil ou les professionnels qualifiés désignés sur le fondement de l’article 255 9° du même code, ou encore les huissiers de justice chargés par le créancier de former une demande de paiement direct d’une pension alimentaire ou agissant aux fins d’assurer l’exécution provisoire d’un titre exécutoire, ou les organismes débiteurs des prestations familiales chargés

558 V. CHARIOT-LECUYER, « La collecte des informations : les fichiers », AJF 2009, p.373

317 de poursuivre le recouvrement des créances alimentaires impayées pouvaient avoir accès audit fichier.

Suite à ces restrictions, le ministère de l’économie a souhaité ouvrir certaines informations du FICOBA à la procédure d’accès direct. Ainsi, par délibération n°2007-295 du 4 octobre 2007, la CNIL a rendu un avis favorable à ce projet, en précisant qu’en cas de désaccord avec le ministère, les informations dont la communication de porte pas atteinte au contrôle ou au recouvrement des impositions pourront être communiquées au requérant. Cette délibération de la CNIL a donné lieu à un arrêté du 13 décembre 2007 dans lequel le ministre du Budget a adopté un mécanisme de droit d’accès mixte. Désormais, le titulaire d’un compte peut consulter le FICOBA, soit directement auprès du centre des impôts dont dépend son domicile lorsqu’il désire connaitre les informations qu’il contient le concernant, soit en saisissant la CNIL d’une demande de droit d’accès indirect, dans la mesure où les informations demandées sont relatives aux données bancaires liées à la nature et à l’identification du compte, demande exercée dans les conditions prévues à l’article 42 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée.

Afin d’obtenir des informations sur le compte FICOBA de son client, l’avocat doit détenir du juge une autorisation de saisir directement FICOBA. Représentant son client, ce dernier peut également saisir la CNIL d’une demande de droit d’accès indirect pour acquérir les informations bancaires de son client. Une attente est toutefois nécessaire avant de les obtenir, mais cette nouvelle procédure d’accès au fichier estompe les incertitudes apparues quant aux difficultés d’accessibilité de ce fichier FICOBA, et ce, sans l’intervention d’un magistrat ou d’un expert. Ainsi, un conjoint peut produire dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel ou contentieux, un relevé FICOBA, dans le but de justifier de sa bonne foi dans la rédaction de sa déclaration sur l’honneur, et peut tout autant sommer la partie adverse de produire son relevé FICOBA afin d’éradiquer les polémiques sur d’éventuelles existences ou non de comptes cachés.

318 b.L’AGIRA

Jusqu’en 2003, les assureurs connaissaient des difficultés quant à l’information du décès de leurs assurés et les textes en vigueur ne favorisaient pas l’identification des bénéficiaires, laissant de multiples contrats d’assurance non réclamés. Afin de remédier à ces soucis, les pouvoirs publics ont effectué diverses réformes de 2003 à 2007, dans le but de faciliter l’information des assureurs sur le décès de leurs assurés et permettre une meilleure identification des bénéficiaires de ces assurances vie.

Ainsi, la loi DDAC du 15 décembre 2005 dispose désormais que toute personne physique ou morale peut demander par lettre à un ou plusieurs organismes professionnels représentatifs, habilités à cet effet par arrêté du ministre chargé de l’Economie, à être informée de l’existence d’une stipulation effectuée à son bénéfice dans une police souscrite par une personne physique dont elle apporte par tout moyen, la preuve du décès.

Un guichet unique de centralisation de ces demandes a été créé, l’AGIRA, dévoilant son utilité qu’en cas de décès, et ce dans le but d’améliorer les démarches des particuliers, qui doivent adresser une seule demande, transmise aux gestionnaires des contrats d’assurance concernés. Ce système a été amélioré par la loi du 17 décembre 2007 obligeant les assureurs de s’informer du décès éventuel de leur assuré en leur permettant de consulter les données figurant sur le répertoire national d’identification des personnes physiques et relatives au décès des personnes qui y sont inscrites559. Les personnes pensant être destinataire d’un contrat ont la possibilité de rédiger une demande à l’AGIRA, accompagnée d’un justificatif du décès de la personne concernée. Des informations complémentaires peuvent être demandées par l’AGIRA. Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative, la ou les entreprises d’assurance concernées l’informent cette dernière dans un délai d’un mois à compter de la réception d’un dossier complet.

En situation de divorce, la consultation d’AGIRA est inutile puisque seul le conjoint bénéficiaire peut la consulter suite au décès de l’assuré. Elle peut toutefois être avantageuse, dans l’hypothèse où l’époux a appris le décès d’un parent ou d’un proche de son conjoint, et

559 Article L. 132-9-3 du Code des assurances

319 qu’il suspecte que ce dernier va bénéficier d’une assurance vie. Dans ce cas, seule une sommation faite à ce dernier d’avoir à communiquer la réponse d’AGIRA peut être envisagée.

Lors d’une procédure de divorce, même si la consultation de la fiche FICOBA est possible pour tout citoyen, elle est cependant insuffisante, voire décevante, lesdits renseignements pouvant malheureusement être obsolètes. L’AGIRA est intéressante lorsque l’assuré est décédé, mais reste impossible pour les autres contrats d’assurance vie, rendant dans la plupart des cas, sa consultation inutile. En conséquence, seul l’article 259-3 du Code civil permettant au juge de faire procéder à toutes recherches utiles concernant les débiteurs ou ceux qui détiennent des valeurs pour le compte des époux sans que le secret professionnel puisse être opposé, pourra être exercé par l’époux en difficulté de prouver l’hypocrisie et les oublis volontaires de son conjoint dans la déclaration de son patrimoine.

c.L’utilisation de ces divers procédés dans la quête d’information sur le patrimoine de l’un des époux

Le point de la prestation compensatoire va soulever quelques interrogations, notamment sur la transparence et la sincérité des déclarations faites par les parties, ainsi que sur les pièces qu’elles auront fournies. Contrairement à la contribution et à l’entretien de l’enfant, les erreurs éventuelles d’appréciation ne peuvent être corrigées. Dans l’hypothèse où des éléments du patrimoine ou des revenus de l’un des époux créancier ont été étudiés, il sera difficilement possible de réviser le montant de la prestation compensatoire à la hausse aprè le prononcé du divorce.

Il est tout aussi délicat pour un époux de connaitre et surtout de justifier de la réalité patrimoniale de son conjoint, notamment lorsque ce dernier exerce une activité commerciale, libérale ou indépendante dont il ne retire officiellement que peu ou pas de revenus. Dans ces circonstances, la déclaration sur l’honneur de l’exactitude des ressources, revenus et patrimoine, que le législateur a exigé des parties a pour but de restaurer un soupçon de morale et de responsabiliser les parties, et ce en laissant se développer des pratiques diverses dans les juridictions, que la haute juridiction régule difficilement. En effet, même si elle a précisé que

320 l’absence de production de la déclaration sur l’honneur ne pouvait être considérée comme une fin de non-recevoir en l’absence de sanction prévue par le texte560, et qu’une fausse déclaration intentionnelle peut ouvrir la porte à un procès en révision561, elle laisse toutefois la possibilité aux juridictions de tirer toutes les conséquences envisageables de son omission.

Dans l’hypothèse où le juge doute de la sincérité de cette pièce, il a la possibilité de pouvoir ordonner un expertise comptable ou patrimoniale d’un ou des deux époux, ou de désigner un professionnel qualifié, dans le but d’établir la réalité de la situation présentée. Encore, une fois, le coût élevé de ces mesures dissuade très souvent le demandeur, qui en général n’est pas le plus fortuné, sans omettre le temps nécessaire à leur réalisation. Elle n’est réellement pratiquée que lorsque des intérêts économiques importants sont en jeu. Le juge dispose d’une autre carte afin d’obtenir les renseignements qu’il souhaite pour dissiper ses doutes en faisant application de l’article 259-3 du Code civil, qui lui permet de pouvoir consulter le fichier FICOBA dépendant du ministère de l’Economie et des Finances, afin d’obtenir les coordonnées des comptes ouverts au nom de chaque époux. Les informations recensées dans ce fichier concernent les coordonnées de l’établissement détenteur du compte. Même s’il ne permet pas de connaitre les montants des opérations portées sur le compte, ni son solde, il offre au juge la certitude que l’époux détenteur dudit compte n’a pas omis d’en faire référence, et de le signaler à son conjoint, par injonction d’en communiquer l’encours.

Lorsque le juge interroge directement ce fichier FICOBA, il doit rendre une décision désignant le directeur de ce fichier aux fins de lui communiquer la liste des comptes bancaires ou postaux détenus par l’un des époux ou les deux, en précisant leur état civil. Une fois les informations attendues communiquées, ce magistrat doit en communiquer la teneur durant le débat contradictoire. Il a également la faculté par l’article 255 10° du Code civil, de confier cette mission au professionnel qualifié ou au notaire chargé d’établir un projet d’acte liquidatif d’effectuer cette consultation.

560 Cass, Civ 1ère, 23 mai 2006, n°05-17.533, Bull. civ. I, n°260 ; D. 2007. Pan. 608, obs. WILLIATE-PELLITTERI

561 Cass, Civ 1ère, 28 février 2006, n°04-12.621, Bull. civ. I, n°118 ; AJF 2006, obs. S. DAVID, p. 205 ; RTD civ.

2006, obs. HAUSER, p.289 ; Cass, Civ 1ère, 12 juin 2008, n°07-15.962, Bull. Civ. I, n°141; AJF 2008, obs.

DAVID, p. 344; RTD civ. 2008. 462, obs. HAUSER; Defrénois 2008. 2424, obs. MASSIP

321 Ce droit d’accès au fichier FICOBA est personnel au titulaire du compte ou à son mandataire, et seule la qualité de « tiers autorisé » ou une autorisation de justice est nécessaire pour accéder à ces renseignements. Les frais de cette consultation reste à la charge de l’une ou de l’autre des parties, ou partagés entre elles.

Le juge aux affaires familiales doit être informé sur des points spécifiques que les parties ne développent pas toujours. Pour cela, il possède des moyens lui permettant de s’informer tout seul. On est dans un contentieux où les parties dissimulent certaines informations. En outre, elles connaissent mal le droit et le procès, comme le principe du contradictoire.

Mais compte tenu des règles de procédure civile, n’est-il pas risqué d’accorder plus de pouvoir au juge aux affaires familiales ? En effet, il est sensé ne se prononcer que sur les moyens que les parties invoquent dans leur conflit, et ne peut obliger ces dernières à s’expliquer sur des points précis. Ici, l’idée que l’un des époux ne désire pas révéler la réalité de son patrimoine due à son activité professionnelle, démontre une limite des règles de procédure civile, afin de protéger l’époux qui financièrement se retrouverait lésé. Le droit de la famille prédomine afin de répondre à la prestation compensatoire, ainsi qu’à la pension alimentaire, et ce, dans l’intérêt de la famille.

2.La recherche de la réelle situation familiale

La difficulté essentielle pour le juge aux affaires familiales est de rendre une décision concernant les mesures accessoires, qui s’adapte au mieux à la situation fluctuante des parties.

Aux prémices de la conciliation, lorsque la procédure est orale, le juge détient des informations récentes que les parties viennent de se communiquer, parfois quelques jours avant l’audience. L’audience lui permet de solliciter des parties présentes les informations nécessaires aux arguments qui lui sont présentés, et qui soient conformes à la situation des époux. Les mesures provisoires rendues par le juge découlent d’un examen précis, actualisé par les parties. Il est possible que la situation patrimoniale d’un des époux soit délicate, dans

322 ce cas, le juge conciliateur a la possibilité de procéder à la désignation d’un expert ou d’un professionnel qualifié dans le but de rédiger un inventaire estimatif de l’état des revenus et patrimoine de chacun. Mais, si ce juge doit se prononcer sur le divorce et les mesures accessoires qui l’accompagnent, les pièces justifiant de la situation des parties datent très souvent de plusieurs mois, par le seul effet de la procédure écrite et des délais de procédure, dans l’hypothèse où ce ne sont pas les mêmes que celles produites devant le juge conciliateur.

Dans ce cas, le juge du divorce peut rendre une décision sur la contribution et l’entretien des enfants qui ne prend pas en considération la situation du débiteur à la date où il statue. Ici, les avocats doivent rester vigilants car l’autorité de la chose jugée empêche toute nouvelle saisine du juge aux affaires familiales aux fins de révision de cette contribution, dans la mesure où il n’est pas justifié que le changement de situation est postérieur au jugement de divorce, ou à l’ordonnance de clôture de la procédure, exception faite d’un recours en appel de la décision pour que soit prise en compte la nouvelle situation des parties.