• Aucun résultat trouvé

L’enfant est confronté à ses juges dans le cadre de son audition450, audition qui peut être effectuée dans toutes les procédures le concernant depuis la loi n°93-22 du 8 janvier 1993. Ce texte a été modifié par l’introduction des dispositions de la loi n°2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, qui permet au mineur doté de discernement de demander a être entendu par le juge451.

Les dispositions organisant la procédure spécifique de l’assistance éducative prévoient également la présence du mineur aux audiences d’assistance éducative452. Le fait que l’audition du mineur doué de discernement ne soit plus soumise à l’appréciation du juge a donné lieu à quelques réactions de la part des juges aux affaires familiales, alors que la présence du mineur aux audiences d’assistance éducative est une pratique de longue date, même pour les enfants mineurs très jeunes, a priori, non doués de discernement. La différence de pratique entre ces deux juges ne repose pas que sur la différence de culture professionnelle, mais plutôt sur la place à accorder à l’enfant dans les différentes procédures qui le concernent.

Le décret n°2009-572 du 20 mai 2009 est venu préciser les conditions dans lesquelles le mineur est informé de son droit a être entendu par le juge, La forme de la demande, l’organisation de sa convocation ou de la délégation de l’audition à un professionnel qualifié, les conditions de restitution du contenu de cette audition ont également été précisés.

Quant à la loi du 5 mars 2007, elle a profondément bouleversé l’équilibre de la procédure en matière d’autorité parentale, en accordant une place prépondérante à l’enfant dans une procédure qui, au départ, opposait que des adultes en cours de séparation. Pour la procédure en matière d’assistance éducative, c’est différent, puisqu’elle a été créée autour du mineur, dans l’objectif de sa protection, objectif qui ne peut se concevoir sans que le mineur ait eu connaissance de l’existence des moyens utilisés pour assurer sa protection.

450 *L. GEBLER, « L’enfant et ses juges. Approche transversale des procédures familiales. » AJF 2007, p.390

451 Article 388-1 C. civ

452 Article 1182 CPC, issu du décret du 15 mars 2002

260 Avant l’entrée en vigueur du décret du 20 mai 2009, les règles étaient plus précises en matière d’assistance éducative que devant le juge aux affaires familiales. Le but du législateur était de traiter le mineur comme partie prenante à la procédure d’aide éducative, de gagner son adhésion à la mesure autant que celle des parents et de protéger la parole de l’enfant. Pour le juge aux affaires familiales, il était clair que le conflit opposant les adultes en pleine séparation exigeait que l’on tienne l’enfant à distance, la protection de sa parole ne relevant jusque là que de la pratique. En effet, à défaut de disposition précise, la restitution des auditions était à la discrétion du juge, sauf à respecter le principe du contradictoire.

Suivant le juge auquel il va être présenté, les procédures d’audition du mineur sont différentes (1), mais peuvent être faite directement par le juge (2). Ces procédures étant spécifiques, l’application du principe du contradictoire est nécessaire (3).

1.Des procédures distinctes :

Une comparaison peut être faite entre la procédure d’audition du mineur en matière d’assistance éducative et celle appliquée devant le juge aux affaires familiales453.

L’article 1182 du Code de procédure civile prévoit la présence de l’ensemble des membres de la famille à une même audience : ceci explique que le juge des enfants n’a pas besoin d’être saisi d’une demande formelle. En pratique, lors de l’audience, l’enfant est entendu seul, ses parents devant se retirer quelques instants du cabinet du juge. L’objectif est de rendre une décision à l’issue de cet entretien avec l’enfant, pour cela, il est nécessaire qu’un échange ait lieu afin que chacun puisse s’exprimer, aussi bien l’enfant que ses parents.

L’enfant est alors partie prenante, puisqu’il a fait connaissance avec comme ses parents du signalement, du rapport éducatif ainsi que des objectifs fixés par le juge dans le cadre de la mesure éducative.

453 M. CREBASSA, « L’audition de l’enfant par le juge aux affaires familiales et par le juge des enfants. », AJF 2009, p.328

261 Quant au juge aux affaires familiales, il est saisi d’une demande, qui peut émaner des parents454. Dans cette hypothèse, il n’est pas obligé d’y faire droit et sa décision est susceptible de recours. Cette demande peut également venir du mineur lui-même, et être rejetée par le juge, dans ce cas, la décision rendue ne peut faire l’objet d’un recours. Le décret du 20 mai 2009 précise que cette demande n’est pas dotée de forme particulière. Il est donc tout à fait concevable que le mineur puisse faire sa demande oralement. Cependant, la présence des parents n’est pas requise, le jour de l’audience à laquelle ils sont seuls convoqués, accompagnés de leurs enfants. En principe, le mineur est convoqué postérieurement à l’audience faite avec les parents. Ce différé permet au juge d’évaluer la nécessité de recourir à un tiers qualifié pour procéder à l’audition de l’enfant, surtout lorsqu’il ressort des débats ou des pièces produites par les parties que la situation familiale est complexe et suppose une observation plus approfondie par le biais d’une enquête sociale, d’une expertise médico-psychologique, ou encore demande une personne ayant des compétences particulières pour recueillir la parole de l’enfant. Suivant les éléments détenus par le juge aux affaires familiales dans la procédure, il peut décider de procéder directement à l’audition de l’enfant, ou de désigner un tiers qualifié pour l’accomplir. Ce tiers chargé de procéder à l’audition du mineur doit exercer ou avoir exercé une activité dans le domaine social, psychologique ou médico-psychologique.

Dans tout les cas, le mineur n’a aucune autonomie dans le litige qui oppose ses parents, il ne peut donc en aucun cas provoquer l’ouverture d’une procédure relative à l’exercice de l’autorité parentale, ou visant à provoquer la séparation parentale, contrairement à son droit de demander une mesure de protection pour lui au juge des enfants. De plus, la procédure appliquée devant le juge aux affaires familiales concerne avant toute chose les parents dans l’exercice de leurs prérogatives, il est donc essentiel que le mineur garde sa place de tiers à la procédure ayant pour objet essentiel de trouver une solution au conflit d’autorité parentale, et non de lui laisser prendre la place de ses parents dans la prise de décisions. Il est donc fondamental que chacun garde sa place dans le conflit à traiter.

454 C. ELIACHEFF, P. HUERRE, « Le J.A.F et l’enfant », AJF 2009, p.323 ; J. BIGOT, C. SCHAUDER, « Les dangers de l’audition de l’enfant par le juge aux affaires familiales. », AJF 2009, p.324

262 2.L’audition directement réalisée par le juge

Il est tout à fait possible dans les deux procédures que le juge entende d’abord les parents puis l’enfant, afin de parvenir à situer l’enfant dans son environnement quotidien d’exercice de l’autorité parentale, qu’il s’agisse d’arbitrer un conflit ou d’intervenir lorsque l’exercice de cette autorité parentale est générateur d’un danger ou ne protège pas suffisamment l’enfant455. Pour ouvrir la discussion entre le juge aux affaires familiales et l’enfant, il est important que ce magistrat se renseigne sur la volonté de sa demande d’audition. Le juge pour enfant, quant à lui, songera à savoir si l’enfant connait les causes pour lesquelles il est entendu devant son tribunal. Puis, chacun de ces magistrats explique son rôle, la place de l’enfant dans la procédure, ainsi que les décisions et les mesures qui peuvent être prises.

S’agissant du juge pour enfant, sa mission essentielle est de préciser les raisons de son intervention, de rappeler son rôle de protection et d’expliquer les outils qui existent pour aider la famille, voire d’avoir l’accord de l’enfant à une intervention, surtout lorsqu’un adolescent est en cause. Concernant le juge aux affaires familiales, sa fonction est d’entendre s’exprimer l’enfant sur la situation conflictuelle de ses parents et ce qu’il en comprend. En outre, il s’agit de lui signifier qu’il a le droit de ne pas avoir d’avis, et de laisser ses parents construire une solution dans son propre intérêt ou à défaut, de laisser agir le juge.

455 Ibid

263 3.L’application du principe du contradictoire

La protection de l’enfant et de sa parole en matière d’assistance éducative est basée sur la faculté du juge pour enfant à écarter une pièce du dossier au moment où il est consulté par les parties : ainsi, le procès verbal d’audition du mineur du dossier d’assistance éducative peut être occulté lors de l’audition des parents.

Avant le décret du 20 mai 2009, aucun texte ne réglementait les modalités de restitution de l’audition de l’enfant devant le juge aux affaires familiales. Si l’enfant ne désirait pas que son audition figure dans le dossier ou que cette dernière ne soit lue par ses parents, le procès verbal pouvait être évincé du débat. Cette opportunité avait rarement lieu, puisque l’enfant avait pu élaborer, lors de son audition, son idée afin de l’exprimer de façon non violente pour ses parents. Il peut aussi s’être situé dans une position de compromis entre les demandes de chacun de ses parents, notamment quand il a réussi à exprimer son désir d’être protégé du conflit parental, accompagné du poids que représente ce conflit à ses yeux.

L’enfant pouvait être soulagé lorsqu’il était expliqué que la décision du juge aux affaires familiales se fondait essentiellement sur les arguments et pièces fournis par les parties, et que la procédure en question n’appartenait qu’aux adultes.

Depuis l’entrée en vigueur du décret du 20 mai 2009, un compte rendu d’audition de l’enfant doit être rédigé afin de s’assurer du respect du principe du contradictoire. Seuls les éléments contenus dans ce compte rendu ont la possibilité d’être utilisés pour fonder en partie une décision. Cependant, il est laissé une marge de manœuvre dans la retranscription de l’audition, puisque celle-ci n’a pas à être exhaustive. En effet, elle doit rendre compte des éléments essentiels apparus lors de l’audition. Il peut aussi être intéressant de faire mention des attitudes et des émotions exprimées par l’enfant pour en restituer l’atmosphère.

Il semble difficile de rendre une décision en matière d’assistance éducative ou d’autorité parentale, suite à une audition du mineur, lorsque l’entier contenu de cette dernière ne peut être utilisé pour motiver le jugement à venir. Toutefois, le contenu de cette audition conforte très souvent les éléments que détient le juge. Dans le cas contraire, les mesures d’expertise et d’évaluation des situations permettent de dévoiler ces mêmes éléments.

264 La place de l’enfant ne doit en aucun cas être perdue de vue, aussi bien dans la procédure que dans l’attente qui découle du rapport de l’audition. L’objectif de cette audition du mineur n’est pas de recueillir des éléments de preuve à l’encontre des parents, en matière d’assistance éducative, ni de laisser à l’enfant l’opportunité de décider des modalités d’exercice de l’autorité parentale à la place des adultes, le but étant sa seule protection.