IV. ETUDE DE CAS : CRISE EN UKRAINE
2. La perception des presses française et allemande de la crise ukrainienne
3.1. La perception de la crise ukrainienne aux Etats-Unis
La presse américaine exige une réponse ferme à Vladimir Poutine et soutient la
livraison d’armes aux armées ukrainiennes pour combattre les séparatistes
C’est la presse américaine, qui, sans grande surprise, débat le plus longuement d’une
possible livraison d’armes aux forces ukrainiennes. Ainsi, The Wall Street Journal rapporte
que « l’Ukraine demande depuis des mois à ses partenaires occidentaux qu’ils lui livrent des
armes létales mais que l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne notamment persistent
dans leur refus par peur que le conflit, qui dure maintenant depuis presqu’un an,
dégénère ».
231Dans leur analyse, les médias américains excluent une réponse militaire à Vladimir Poutine
surtout parce que « l’UE est mal préparée pour soutenir une confrontation ouverte avec
Moscou ». Aux yeux de The Wall Street Journal, qui a écrit, de loin, le plus d’articles sur le
conflit ukrainien, « le continent n’a rien fait pour consolider les armées des plus grands Etats
membres comme le Royaume-Uni et la France tandis que l’Allemagne, « poumon
économique de l’UE » a renoncé à construire une force militaire à cause de son passé
difficile hérité de la seconde guerre mondiale ».
232« En effet » rajoute le journal, « le manque
d’une large force intégrée avec une structure de commandement intégré fait que l’Europe
n’ait pas d’autres options que de s’en remettre à la force militaire des Etats-Unis ».
La presse américaine reproche notamment une gestion de crise trop technique dominée par
des considérations économiques. « Cette assistance politique » pratiquée par l’UE aurait eu
des résultats positifs aux Balkans mais en Ukraine, la « discussion technique » empêche la
résolution du conflit en général.
233De manière générale, les médias américains reprochent aux Européens de ne pas être
assez fermes dans leur réponse à Vladimir Poutine ; ils se doutent que les sanctions
affectent véritablement la Russie. « Le résultat (…) est une audace accrue de la part de la
Russie et une attitude condescendante envers ceux qui représentent l’Europe et qui n’osent
pas appeler les choses par leur vrai nom ».
234231
The Wall Street Journal, World News: Ukraine Shops for Weapons in Abu Dhabi - Leader places orders at arms show; U.S., U.K. hold off on providing any lethal aid to..., 22.02.2015
232
The Wall Street Journal, A Shaken EU Makes No Real Effort to Confront Russia Over Ukraine, 02.03.2014
233
The Wall Street Journal, EU Faces Difficult Choices Over Ukraine; Europe's Policies So Far Have Been Unimpressive, But the Crisis Will Not Ebb Anytime Soon, 20.03.2014
234
Pour The Wall Street Journal, ce sont notamment la France et l’Allemagne qui semblent
exclure tout ce qui pourrait mener vers plus de confrontation avec la Russie, comme une
action militaire ou même des sanctions économiques efficaces.
235Alors, aux yeux des
médias américains, la réponse des Européens devrait être beaucoup plus dure, cohérente
dans ses actions et aller au-delà « du soutien verbal pour les gens qui veulent sortir du
contrôle russe dans son ensemble ».
236Car dans l’analyse de la presse américaine, il n’y a
pas de doute : « les Russes vont tenter le tout pour tout, c’est-à-dire mettre en question le
système de sécurité post-soviétique en Europe dans son ensemble. Et ils voient une chance
d’y parvenir » veut croire The Wall Street Journal.
237En Europe, en revanche, la prise de décision est compliquée. A titre d’exemple, The Wall
Street Journal mentionne le fait que l’UE ait besoin de l’accord de l’ensemble de ses 28 Etats
membres pour prolonger les sanctions contre la Russie qui expirent entre mars et juillet.
238De plus, l’économie reste fragile et les sanctions risquent de couper les liens commerciaux
que l’UE a créés avec la Russie, et notamment l’accès des Européens aux vastes réserves
russes de pétrole et de gaz.
239Dans l’analyse des Américains, toutes les puissances
européennes sont alors concernées de la même manière. L’Allemagne et l’Italie pour leurs
importations de gaz russe, la France pour ses contrats militaires et le Royaume-Uni pour son
industrie financière, étroitement liée au le Kremlin.
2403.2. Evaluation des stratégies allemande et française du point de vue américain
La presse américaine voit une l’Allemagne, leader des pays européens pour les
négociations avec Kiev et Moscou, mais aussi un pays dépendant du gaz russe et
décrit comme proche de la Russie
Oui, la presse américaine le reconnait aussi : L’Allemagne dépend du gaz russe. Les
sanctions seraient donc particulièrement coûteuses pour le plus grand exportateur
d’Europe.
241Selon l’essayiste américaine Mary Anastasia O'Grady, l’Allemagne est sous
pression à cause de ses intérêts économiques.
235 The Wall Street Journal, A Shaken EU Makes No Real Effort to Confront Russia Over Ukraine, 02.03.2014
236
The Wall Street Journal, Putin Unplugged, 05.02.2014).
237
The Wall Street Journal, Germany Draws a Pink Line on Ukraine, 03.02.2015
238
The Wall Street Journal, Russia Plans Deep Budget Cuts as Revenues Drop; Finance Minister Plans 10% Cuts..., 14.01.2015
239
The Wall Street Journal, A Shaken EU Makes No Real Effort to Confront Russia Over Ukraine, 02.03.2014
240
The Wall Street Journal, Europe News: EU Rifts Emerge on Punishment For Moscow, 19.03.2014
241 The Wall Street Journal, EU Faces Difficult Choices Over Ukraine; Europe's Policies So Far Have Been Unimpressive, But the Crisis Will Not Ebb Anytime Soon, 20.03.2014
« Soyons honnêtes » dit-elle, « les Etats-Unis sont le leader de l’OTAN. Sans ce leadership,
les dirigeants européens ne feront rien du tout. Soit parce qu’ils ont trop peur, soit parce
qu’ils s’abritent derrière des considérations économiques, l’Allemagne en première ».
242Plus grave encore, les Etats-Unis soupçonnent l’Allemagne d’être, au fond, du côté des
Russes. Ils s’étendent alors longuement sur les supposés liens culturels et politiques qui lient
l’Allemagne et la Russie. Ils font notamment état d’une coopération renforcée avec la Russie
depuis les années 1960 et de liens privilégiés entre Gerhard Schröder et Vladimir Poutine.
Même Frank-Walter Steinmeier aurait soutenu cette approche lors de son premier mandat
de ministre des Affaires étrangères entre 2005 et 2009.
243« Les sondages indiquent que les médias du Kremlin peuvent en effet trouver un terrain
propice à leur propagande en Allemagne, notamment puisque les médias traditionnels
deviennent de plus en plus critiques à l’égard de la Russie » explique The Wall Street
Journal.
244Donc oui, l’Allemagne est le leader de l’Europe aux yeux des Américains, qui se demandent
tout de même si on peut lui faire confiance.
245« Même si elle est devenue plus dure avec la
Russie récemment (…), Mme Merkel était l’interlocutrice préférée de M. Poutine à l’Ouest
analyse The Wall Street Journal,
246qui reconnait tout de même un certain changement de
ton dans la diplomatie allemande. « En Allemagne, où les autorités avaient été sceptiques
par rapport à de nouvelles sanctions par crainte de faire dérailler les discussions entre
Moscou et Kiev, le ton a visiblement changé ces derniers jours » indique ainsi The Wall
Street Journal.
247Dans l’ensemble, la stratégie et le leadership allemands ont été soutenus
par le président américain, Barack Obama, y compris dans les médias américains. Ces
derniers s’interrogent néanmoins de la fiabilité de l’Allemagne en matière de leadership
international et restent sceptiques par rapport à la stratégie de n’imposer « que » des
sanctions.
248242 The Wall Street Journal, Violent Extremism; A transcript of the weekend’s program on FOX News Channel, 22.02.2015
243 The Wall Street Journal, Europe Narrows Divide Over Russian Sanctions; Broader sanctions would counter accusations that Europe has been dragging its feet, but.., 25.07.2014
244
The Wall Street Journal, In Depth: Russia Moves to Ramp Up Information War in Europe, 25.08.2014
245
The Wall Street Journal, A Shaken EU Makes No Real Effort to Confront Russia Over Ukraine, 02.03.2014
246 The Wall Street Journal, In Depth: Russia Moves to Ramp Up Information War in Europe, 25.08.2014
247
The Wall Street Journal, EU Seems Ready to Impose New Sanctions on Russia Over Ukraine; The Bloc's Mood..., 29.08.2014
248 The Wall Street Journal, Germany's Foreign Engagement Is Very Light-Fingered; Berlin Has Led Europe's Diplomatic Response to Russia's Aggression in Ukraine, but Is..., 14.08.2014