III. ETUDE DE CAS : INTERVENTION AU MALI
2. La perception des presses française et allemande du conflit au Mali
2.6. Evaluation des choix stratégiques allemands dans la gestion du conflit au Mali
2.6. Evaluation des choix stratégiques allemands dans la gestion du conflit au
Mali
La presse française ne semble pas convaincue de l’engagement allemand aux côtés
des Français
Que pense alors la presse française de cette « stratégie allemande » ? Tout d’abord, il
convient de noter que l’engagement de l’armée allemande au Mali, aux côtés de ses
partenaires européens, est très salué par les responsables politiques. Après le désaccord
ouvert sur le dossier libyen, la portée symbolique de la décision allemande est mise en
avant.
116
Der Spiegel, Soldaten in Sandalen; Der riskante Einsatz der Bundeswehr, 29.10.2012
117 Die Welt, Regierung schließt Mali-Einsatz nicht aus, 05.11.2012
118
Die Welt, Kommentar; Deutschland ist kein Weltpolizist, 02.11.2012
119
Die Welt, Regierung schließt Mali-Einsatz nicht aus, 05.11.2012
120 Süddeutsche Zeitung, Wir haben aus Afghanistan gelernt; Verteidigungsminister Thomas de Maizière über Einsätze deutscher Soldaten im Ausland - womöglich auch..., 03.11.2012
Ceci pourrait également répondre à un besoin, pour les responsables politiques français, de
montrer à l’opinion publique que la France est loin de faire cavalier seul dans cette affaire.
121La plupart des médias estiment cependant que cet engagement est insuffisant. Pour eux,
l’Allemagne a fait le strict minimum ; elle est loin d’être à la hauteur de ses ambitions qui
devraient nécessairement être similaires à celles de la France. « Pour autant, toujours pas
question de troupes au sol : l'Allemagne s'en tient à un appui logistique via la mise à
disposition de deux Transall pour transporter les 3 300 soldats de la force d’intervention de la
CEDEAO » analysent Les Echos.
122La presse française se livre alors à une analyse en profondeur des raisons du soi-disant
« refus » allemand. En revanche, à aucun moment les médias français ne mettent en cause
la pertinence de l’intervention militaire en tant que telle ou font mention d’une solution
alternative, même si, à quelques rares occasions, un certain malaise transparaît par rapport
à une Allemagne qui au moins s’engage dans un cadre européen, contrairement à la France.
L’ancien député européen Jean-Louis Bourlanges affirme ainsi dans Les Echos : « je ne
pense pas que les Allemands cherchent à exercer le leadership en Europe. Leur souci, c'est
de vivre en paix et de réussir économiquement, c'est-à-dire de gagner beaucoup et de ne
pas payer trop. Les prétentions françaises à faire de la figuration historique suscitent chez
eux plus d'ironie que d'inquiétude. Ils ont tort : il n'est pas sain que l'Europe économique et
monétaire soit allemande et que la présence internationale de l'Europe soit
franco-britannique ».
123Enfin, la presse française fait état d’un manque de concertation entre Paris
et Berlin, mauvais pour la politique de défense européenne, estimant que Paris est en faveur
d’un engagement militaire, là où Berlin ne l’est pas. « La question malienne illustre les
difficultés à faire fonctionner l'Europe de la défense : si un pays n'y trouve pas son compte
pour ses affaires politiques internes, on laisse un autre monter au front », conclue
Libération.
124Pour la presse allemande, les interrogations persistent : oui à l’engagement au Mali
mais sous quelle forme et jusqu’à quel point ?
La presse allemande de son côté reprend les déclarations politiques selon lesquelles
l’Allemagne s’est engagée aux côtés de ses partenaires français et européens, dans le
respect des procédures européennes, et a ainsi marqué son soutien et sa solidarité avec la
France. Il est vrai qu’après la Libye, un pas semble avoir été franchi.
121
Le Figaro, Paris cajole l’Allemagne et regrette la Grande-Bretagne, 19.02.2014
122
Les Echos, Les combats s'intensifient, Merkel apporte son soutien, 17.01.2013
123 Les Echos, « Il s'agit moins de célébrer le traité de l'Elysée que de relancer l'Europe », 22.01.2013
124
Néanmoins, il y a aujourd’hui un malaise visible dans la société allemande et les discussions
autour de l’intervention au Mali ont lancé une réflexion profonde sur l’avenir de l’Allemagne
en tant que puissance politique et les stratégies à mettre en œuvre. Outre les voix politiques,
ce sont notamment celles des experts qui s’élèvent pour réclamer plus d’assurance et de
fermeté au sujet de la politique de sécurité et de défense. Die Zeit se moque ainsi de la
stratégie allemande au Mali en disant qu’il « n’y a eu pas plus qu’un soutien symbolique, et
bien sûr, non violent pour les Français alors que l’intervention militaire avait même été
approuvée par Berlin ».
125En attendant, les Allemands se plaisent dans le rôle du « good cop » qui intervient après les
troupes françaises, écrit die Zeit en citant l’exemple du Mali.
126En l’absence d’une stratégie
européenne ou internationale clairement définie, ceci semble alors être un partage des
tâches acceptable pour la population allemande. Bien que les médias allemands soulignent
la nécessité de ne pas aller trop vite dans l’envoi de troupes dans une société en crise et
mettent en garde contre des « décisions lourdes de conséquences prises à la légère »,
127les
commentaires réclamant plus de responsabilité pour l’Allemagne dans les conflits
internationaux sont de plus en plus nombreux. Il s’agit, pour le moment avant tout d’experts,
spécialistes de la défense ou des relations internationales, ainsi que de responsables
politiques, mais ils commencent à se faire entendre. Au Mali, « l’Allemagne a donné
exactement ce qu’il fallait pour conserver un minimum de crédibilité auprès de ses
partenaires », explique Hilmar Linnenkamp du think-tank SWP dans un article du taz - die
tageszeitung.
128125
Die Zeit, Der einsamste Mann von Berlin 28.02.2013
126
Die Zeit, EU; Die Vereinigten Staaten von Krautropa, 22.05.2013
127 Die Welt, Hin - und nicht weg, 27.12.2012
128