IV. ETUDE DE CAS : CRISE EN UKRAINE
2. La perception des presses française et allemande de la crise ukrainienne
2.6. Evaluation des choix stratégiques allemands dans la gestion de la crise en Ukraine
La presse française estime que l’Allemagne également a tardé à réagir en raison de
ses intérêts économiques en Russie, mais est ensuite devenue le leader de l’Europe
L’Allemagne a pris du temps par peur pour ses intérêts économiques, estime la presse
française dans l’analyse de la stratégie allemande dans le dossier ukrainien. Elle lui
reconnait cependant une présence accrue dans la gestion de crise et une certaine fermeté.
« Après avoir protégé les intérêts économiques de l'Allemagne, Angela Merkel a durci sa
position vis-à-vis du Kremlin » écrit Le Figaro.
221217
Der Spiegel, Welche Folgen hätte ein russischer Gasboykott?, 08.09.2014
218 Die Welt, Russland; Der Krim fehlen die Touristen, 25.04.2015
219
Frankfurter Allgemeine Zeitung, Russlandversteher unerwünscht, 24.03.2015
220
Die Welt, Bundespräsident Joachim Gauck warnt zum 100. Jahrestag des Kriegsbeginns Europa vor einem Rückfall in die Nationalstaaterei; "Eine schwere..., 28.06.2014
221
Le Monde cite notamment un expert, professeur de relations internationales de l'Institut
universitaire européen de Florence, Ulrich Krotz, qui explique que « L'Allemagne est donc
forcément plus présente, mais sans se départir d'une approche très prudente pour protéger
ses relations avec la Russie ».
222Néanmoins, pour la plupart des journalistes français, l’Allemagne est devenue le leader
incontesté de l’Europe dans le dossier ukrainien. « Dans la crise ukrainienne, la diplomatie
allemande a su imposer son leadership aux Vingt-Huit » s’exclame Le Monde avant
d’ajouter : le plus dur reste à faire, mais cette révolution ukrainienne a mis en lumière trois
tendances de fond : l'effacement des Etats-Unis, l'affirmation du rôle de l'Allemagne et
l'émergence d'une diplomatie des Européens ». Pour Le Monde, l’Allemagne s’affiche même
en beau-joueur lorsqu’elle essaie de louer les efforts français dans les négociations à
Kiev.
223Enfin, les médias français ne peuvent pas s’empêcher de mentionner qu’à côté de la
belle unité affichée par la chancelière et son ministre des Affaires étrangères, il y en a aussi
un qui ne joue pas le jeu : « leur illustre compatriote, Gerhard Schröder » qui n’a pas hésité à
« festoyer avec le président russe en début de semaine.
224La presse allemande doute de l’efficacité de « l’approche Merkel » mais semble
finalement satisfaite du résultat, contente d’avoir évité que le conflit ne devienne
mondial
La presse allemande elle aussi reconnait un début difficile de la machine diplomatique
allemande qu’elle accuse d’avoir tardé à réagir. « De fait, ce sont les Etats-Unis, la
Grande-Bretagne, la France et le Canada qui ont annulé le G8. L’Allemagne s’est ralliée à leur
décision plus tard » rapporte Spiegel Online qui reprend les propos américains accusant
Angela Merkel d’être « frileuse dans son leadership ».
225Il est vrai que la stratégie de la
chancelière, qui a l’habitude de prendre son temps et de peser le pour et le contre, était
contestée, même en Allemagne. Les médias ont notamment critiqué la « ligne rose » du
gouvernement alors que la situation en Ukraine avait dégénéré depuis longtemps. « Pendant
que « l’Ouest » réfléchit à la carotte qu’il pourrait offrir à Poutine, « l’Est » se déplace vers le
sud » met en garde le Frankfurter Allgemeine Zeitung.
226222 Le Monde, D'abord, il y a le gaz russe..., 13.03.2014
223
Le Monde, Le jour où l'Europe est passée à l'action, 27.02.2014
224
Le Monde, En Ukraine, Vladimir Poutine joue la carte du chaos, 02.05.2014
225 Spiegel Online, Alle schauen auf Merkel, 03.03.2014
226
Néanmoins, la stratégie des Allemands semblent trouver des alliés. « L’Allemagne est au
centre de la diplomatie de crise, mais elle n’y est pas toute seule » se réjouit le Süddeutsche
Zeitung.
227La presse allemande fait alors confiance à Angela Merkel pour négocier avec Vladimir
Poutine. « Dans la relation avec Poutine, elle a deux atouts principaux » estime le
Frankfurter Allgemeine Zeitung : « une certaine intimité (qui ne veut pas dire confiance), qui
s’est développée au fils des années, et une compréhension de la culture russe que la
chancelière doit à ses origines est-allemandes.
228Les médias la mettent toutefois en garde :
« Même si la gestion de crise par le gouvernement allemand est plutôt appréciée en
Pologne, le scepticisme polonais envers Berlin reste très présent ».
229De manière générale, la presse allemande estime que la stratégie allemande est la bonne
dans une situation particulièrement complexe. Ils reprennent ainsi les propos du président
allemand Joachim Gauck, qui est d’avis que « Merkel et Steinmeier savent ce qu’ils font »,
un sentiment partagé par une bonne partie de l’opinion publique. Comme pour
s’auto-convaincre de cette bonne nouvelle, les médias allemands mentionnent aussi que
l’Allemagne va même plus loin que ses partenaires et donne l’exemple. « Avec le retrait du
permis d’exportation (de l’entreprise de défense Rheinmetall), l’Allemagne va plus loin que
les sanctions économiques contre la Russie décidées par l’UE. La semaine dernière, cette
dernière a décidé d’un moratoire pour les contrats d’armement. Mais elle en a exclu,
notamment sous la pression française, les contrats en cours.
230227
Süddeutsche Zeitung, Liebesgrüße nach Moskau; Eine düstere Lagebeschreibung des ukrainischen Präsidenten Petro Poroschenko bewegt die EU dazu, Russland eine Art..., 28.06.2014
228
Frankfurter Allgemeine Zeitung, Ukraine-Krise - Merkels fortgesetzte Reisediplomatie, 09.02.2015
229
Frankfurter Allgemeine Zeitung, Russlandversteher unerwünscht, 24.03.2015
230 Die Welt, Bundesregierung widerruft Genehmigung für Rheinmetall. Moskau demonstriert Stärke nahe der ukrainischen Grenze; Gabriel stoppt Rüstungsgeschäft - Russland beginnt Großmanöver, 05.08.2014