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Chapitre 3. Influence dans un réseau social et pilotage de la délibération

2.1 La notion d’influence dans un réseau social

Il est commun de constater que durant une phase de délibération, certains acteurs vont changer leur opinion initiale. Les raisons de ce changement, en supposant que ce n'est pas un événement aléatoire, peuvent être de différents ordres. Une des raisons les plus naturelles, vient de la versatilité de certains agents qui sont influencés par les arguments d'un agent ou d’une coalition d’agents. Ils peuvent aussi se sentir plus ou moins obligés, de suivre l'avis de cet agent ou coalition pour des raisons hiérarchiques, politiques voire plus obscures. Ces agents peuvent au contraire agir en réaction à un agent ou une coalition, en suivant systématiquement l'opinion contraire. Le terme générique d’« influence » est utilisé ici pour désigner tous ces types de phénomènes de changement d’opinions conformément à (Grabisch and Rusinowska, 2009b).

2.1.1 Pouvoir décisionnel d’un acteur (Grabisch and Rusinowska, 2009)

Différents modèles ont été introduits en théorie des jeux afin de représenter l'influence dans les réseaux sociaux. Nous nous intéressons ici plus précisément à l’étude d’influence basée sur l’indice de pouvoir décisionnel de Hoede-Bakker (Hoede and Bakker, 1982). Celui-ci permet de calculer le pouvoir décisionnel global d’un acteur dans un réseau social. Cet indice a été généralisé par les travaux de Rusinowska et De Swart (Rusinowska and De Swart, 2006). Une autre approche du calcul du pouvoir décisionnel est proposée par Grabisch et Rusinowska (Grabisch and Rusinowska, 2010) (Grabisch and Rusinowska, 2009). Les raisons de l'existence de tels phénomènes d'influence, à savoir, pourquoi un individu change sa décision, relève davantage de considérations psychologiques et sont hors du champ des études proposées par Grabisch et Rusinowska (Grabisch and Rusinowska, 2009b).

Nous considérons que le débat porte sur le choix entre deux options, notées 1.

Le réseau social considéré est composé d’un groupe de n acteurs { ,...,a1 an} noté :{1,..., }

Nn pour simplifier. Chaque acteur a une inclinaison a priori à opter pour 1 ou 1. Un vecteur d’inclinaisons, noté i, est composé des valeurs 1 et 1 : la jème composante de i,

est notée ij  { 1, 1}, elle représente l’inclinaison de l’acteur aj. Soit { 1, 1} n

I    l’ensemble

de tous les vecteurs d’inclinaisons possibles.

Dans ce modèle d’influence, l’hypothèse de base est que chaque acteur a une inclinaison a priori qui, sous l’influence des autres acteurs, peut être différente de sa décision finale. En d’autres termes, chaque vecteur d’inclinaisons iI est transformé en un vecteur de décisions

Bi par une fonction, notée B, qui modélise l’influence dans le réseau social. La j-ème

coordonnée de Bi est exprimée par (Bi) ,j j{1,..., }n et représente la décision de l’acteur aj. Ensuite, à chaque vecteur de décisions b est associée une décision collective du groupe

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( ) { 1, 1}

gd b    par une fonction gd I:   { 1, 1}. La fonction gd est appelée fonction de décision de groupe et modélise la décision du collectif d’acteurs (une majorité par exemple). Une fonction d'influence B peut correspondre à un comportement collectif commun. Par

exemple, dans (Grabisch and Rusinowska, 2010) une fonction d’influence majorité, notée

 t

Maj et paramétrée par un réel t, est introduite. Plus précisément, pour un vecteur d’inclinaisons iI donné :   1 si ( ) 1 si N t N i t Maj i i t                    ( 3.1)

    i {j N i/ j  1} et 1N (respectivement 1 N ) est le vecteur des 1 (respectivement

des 1).

Un autre exemple d’une fonction d’influence peut être la fonction d'effet de masse psychologique, initialement introduite dans (Grabisch and Rusinowska, 2010). Plus précisément, soit l’ensemble i  {k N i/ k }, B est telle que :  i I, si i t alors

( )

i  Bi où t[1, ]n et   { 1, 1}.

La définition de l’indice du pouvoir décisionnel (l’indice de Hoede-Bakker, noté

j

a

HB )

proposée dans (Hoede and Bakker, 1982), où seulement la réussite par rapport à l’option 1 est considérée, a été généralisée par Rusinowska et De Swart (Rusinowska and De Swart, 2006) en étudiant la réussite pour les deux options 1 et 1.

Définition 3.1 : Soient une fonction d’influence B et une fonction de décision de groupe gd , l’indice de pouvoir décisionnel généralisé d’un acteur ajN , noté ,

j

a

GHB est défini par :

{ / 1} { / 1} 1 ( , ) ( ( ) ( )) 2 j j j a n i i i i GHB B gd gd Bi gd Bi ( 3.2)

Le principal inconvénient de l’indice de Hoede-Bakker et de sa généralisation est qu’il masque le rôle effectif de l’influence. En effet, il analyse la décision finale d’un acteur en termes de succès ou d’échec selon que la décision du groupe coïncide ou non avec l’inclinaison première de l’acteur et non avec sa décision finale. Partant de cette idée, Grabisch et Rusinowska (Grabisch and Rusinowska, 2010) ont proposé de distinguer la fonction d’influence de la fonction de décision de groupe pour formuler un nouvel indice de pouvoir décisionnel qui se base cette fois sur la concordance entre la décision du groupe et la décision de l’acteur. L’un n’est pas mieux que l’autre : ce sont deux points de vue différents de ce que représente un succès pour un individu donné dans un choix collectif. En plus, ce nouvel indice de pouvoir décisionnel permet d’affecter aux vecteurs d’inclinaisons des probabilités différentes (toutes les configurations d’inclinaisons ne sont pas également

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probables). Plus précisément, notons p I: [0,1] une distribution de probabilité sur I , où

( )

p i est la probabilité d’occurrence du vecteur d’inclinaisons i. L’influence est modélisée par

une fonction B et la décision de groupe par une fonction gd . Notons pB P B 1 

 , la

probabilité des vecteurs de décision.

Enfin, introduisons la notation bk suivante, pour un vecteur de décision bI et un acteur , k a kN : si j , si j= j k j j b k j N b b k          .

Définition 3.2 : L’indice de pouvoir décisionnel modifié d’un acteur a kk, N, noté ,

j a  est défini par : { /( ) 1} { /( ) 1} ( , , ) ( ). ( ) ( ). ( ) k k k a B gd p i Bi p i gd Bi i Bi p i gd Bi  



 ( 3.3)

Pour conclure sur les indices rappelés dans cette section, pour chaque acteur aj,jN les

concepts de succès et d’échec sont rappelés :

Le succès d’un acteur a kk, N est défini par :

{ / ( )}

( , ) ( )

k k

a B b I b gd b B

SUC gd p

p b ( 3.4)

Il correspond à la somme des probabilités des événements où la décision de l’acteur coïncide avec la décision du groupe.

L’échec d’un acteur ,a kkN est défini par :

{ / ( )}

( , ) ( )

k k

a B b I b gd b B

FAIL gd p

 p b ( 3.5)

2.1.2 Capacité d’un acteur dans un modèle de débat (Rico et al., 2004)

En décision multicritère, des modèles ont aussi été introduits afin de représenter l'influence dans un collectif d’acteurs. Dans (Rico et al., 2004), les auteurs introduisent une modélisation de l’influence différente de celle de (Grabisch and Rusinowska, 2010). En effet, l’influence qu’un acteur peut avoir sur les autres acteurs est modélisée par une capacité sur les sous ensembles de N. Notons X l’ensemble des parties de N (

X

2

N).

Définition 3.3 : une capacité normalisée  sur X est une fonction :X [0,1] telle que ( ) 0

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Pour faire le lien avec le chapitre précédent où les définitions des mesures de possibilité et de nécessité ont été rappelées, une capacité normalisée est liée à ces deux notions de la façon suivante :

- Une mesure de possibilité  est une capacité normalisée telle que :

, X ( ) ( ) ( )

A BA B A B

        .

- Une mesure de nécessité N est une capacité normalisée telle que :

, X ( ) ( ) ( )

A BN A B N A N B

    

La capacité d’une coalition d’acteurs AX représente l’importance de cette coalition dans le collectif N. Pour deux acteurs a et l a (s l s, N), ({ })al ({ })as ({ , })a al s (respectivement ({ })al ({ })as ({ , })a al s ) signifie qu’il existe une synergie positive (respectivement négative) entre les deux acteurs. Cette interprétation de l’influence est à la base du mécanisme de révision des préférences d’un acteur après l’intervention d’un autre acteur dans le débat.

Pour caractériser l’influence entre deux acteurs a et l a , une autre capacité normalisée s ,

s l

a a

est introduite dans (Rico et al., 2004) sur la paire composée par ces deux acteurs à partir de la capacité normalisée . Plus précisément, la capacité normalisée ,

s l a a  est définie de la manière suivante : , ( ) { , }, ( ) ({ , }) l s l s a a l s A A a a A a a       ( 3.6)