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3. Cadre théorique

3.2 Les représentations sociales

3.2.4 La menace du stéréotype et la comparaison sociale

Steele et Aronson (1995) montrent que les individus appartenant à un groupe qui fait l’objet d’un stigmate, c’est-à-dire d’un stéréotype négatif, ont tendance à réussir moins bien des tâches dans lesquelles leurs compétences sont en jeu, notamment lors de tests censés mesurer leur intelligence. Cet effet, qualifié de menace du stéréotype, s’explique par le fait que les membres du groupe stigmatisé craignent de ne pas être suffisamment compétents et donc de confirmer le stéréotype dont leur groupe fait l’objet. La crainte de ne pas réussir produit ainsi une pression évaluative :

« A court terme, la pression ainsi créée peut perturber le fonctionnement cognitif et le comportement de la cible […]. A long terme, le fait d’être constamment confronté à cette suspicion d’infériorité intellectuelle peut amener la personne à progressivement se désidentifier du domaine concerné ou de l’école en général ». (Désert, Croizet &

Leyens, 2002, p.555)

Ainsi, la menace du stéréotype est pertinente pour un groupe social particulier, comme celui des élèves en difficulté ou en échec scolaire. Plus généralement, les groupes stigmatisés doivent, pour réussir, franchir davantage d’obstacles. D’autres études (Croizet & Claire, 1998) ont démontré l’effet préjudiciable de la menace du stéréotype sur la réussite des étudiants issus de milieux socioéconomiques modestes. Spencer, Steele et Quinn (1999) démontrent l’effet nuisible de la menace du stéréotype à propos de la réussite des femmes en mathématiques. Ces études démontrent que si l’on rend inapplicable le stéréotype dans certaines situations, comme celle d’évaluation à laquelle on confronte l’élève, les écarts entre les individus diminuent. Ainsi, le niveau de réussite diffère moins, voire même plus du tout.

Un aspect particulier de la menace du stéréotype est que le groupe stigmatisé n’a pas forcément besoin d’adhérer au stéréotype. Si le groupe est confronté à une situation où la menace du stéréotype est présente, ses membres confirment le stéréotype, sans forcément le vouloir. En effet,

« non seulement, les membres de groupes stigmatisés [par exemple les élèves en échec] ont à franchir une série d’obstacles structurels et culturels à leur réussite scolaire et professionnelle. […] Lorsqu’ils réussissent à franchir toutes ces barrières, […] il reste toujours un autre obstacle, une autre menace : leur comportement risque

de confirmer le stéréotype négatif attaché à leur groupe ou d’être interprété en fonction de celui-ci ». (Désert, Croizet & Leyens, 2002, p.558)

Sur un autre plan, « les réputations d’infériorité intellectuelle ne se limitent pas exclusivement à l’histoire personnelle des individus, elles peuvent également émaner de leur appartenance groupale » (Toczek & Martinot, 2005, p.64). Le sentiment d’infériorité constitue donc également un processus social accentué par la stigmatisation sociale et par la menace du stéréotype.

En ce qui concerne la comparaison sociale, elle est donc un domaine important dans le cadre de la menace du stéréotype, car des chercheurs ont démontré que « des élèves au parcours scolaire faible sont sensibles à la comparaison avec les bons élèves » (Désert, Croizet &

Leyens, 2002, p.560). Ils ont voulu se centrer davantage sur l’individu et non plus seulement sur le groupe social, dans le but de montrer que la menace du stéréotype peut avoir un effet direct sur l’individu. L’importance d’accorder une attention particulière aux stéréotypes que l’enseignant peut faire émerger, pour pouvoir les atténuer, est alors grande. En effet, Spencer, Steele et Quinn (1999) ont montré, lors d’une étude sur la performance mathématique de femmes en situation de menace du stéréotype, que « lorsque les consignes rendaient le stéréotype inapplicable à la situation, femmes et hommes présentèrent le même niveau de réussite au test » (Désert, Croizet & Leyens, 2002, p.559). Il est ainsi essentiel de comprendre que si l’enseignant rend le stéréotype dans la situation d’évaluation inapplicable, tous les élèves auront davantage de chance de réussir.

Plus précisément, la comparaison sociale se situe au cœur de la théorie de l’identité sociale qui concerne l’appartenance à des groupes distincts (Tajfel, 1972 ; Turner, 1975). Cette théorie renvoie au fait que la société est divisée en catégories sociales qui interagissent en fonction de statuts différents. Elle se centre sur les groupes et non plus seulement sur l’individu. De manière générale, la comparaison sociale montre que les membres d’un endogroupe recueillent des jugements plus favorables que les membres de l’exogroupe. Cela s’expliquerait par le fait que les individus préfèrent être associés à des catégories positives. En conséquence, des chercheurs expliquent que la comparaison sociale « est largement susceptible d’être biaisée de sorte que l’endogroupe en ressort toujours positif » (Leyens, Yzerbyt & Schadron, 1996, p.90). Cet aspect aura son importance dans la distinction entre

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élèves en réussite et en échec, mais également entre certaines représentations d’enseignants et futurs enseignants, notamment quant à l’apport de l’expérience du métier.

Par ailleurs, la comparaison sociale des compétences est un processus social qui évolue. Par exemple, Martinot (2005) explique qu’à la fin de l’enfance, entre 8 et 11 ans, les enfants accordent davantage d’importance aux comparaisons. Ces dernières « jouent un rôle de plus en plus important et ne sont plus uniquement temporelles […], mais se produisent avec autrui » (p.86). Pour sa part, l’élève doublant fait bien partie d’un groupe stigmatisé. En conséquence, son identité sociale est dévalorisée par autrui, ce qui a une répercussion négative sur l’estime qu’il a de lui. La stigmatisation est donc une problématique récurrente dans la société, et une recherche parmi d’autres confirme qu’« on peut craindre un processus de stigmatisation des redoublants par les non-redoublants » (Crisafulli, Guida, Perréard Vité &

Crahay, 1999, p.18). De plus, « durant l’enfance et l’adolescence, l’image que se construit un individu lui est principalement renvoyée par son groupe social de référence » (Croizet &

Martinot, 2004, p.29). L’entourage de l’enfant serait donc primordial pour maintenir l’estime de soi. Ainsi, même un élève issu d’un groupe stigmatisé pourrait avoir une estime de soi satisfaisante si son entourage l’aide à la développer. Toutefois, certains facteurs renforcent la dévalorisation des groupes stigmatisés, tels que « la visibilité du stigmate, la régularité des interactions avec les individus non-stigmatisés et la perception de l’existence d’une discrimination » (p.31).

Enfin, précisons qu’il existe deux types de comparaison des compétences entre individus, ascendante et descendante. La comparaison ascendante consiste à se comparer à meilleur que soi, tandis que la descendante consiste à se comparer à moins bon que soi. Il paraît intéressant à ce sujet de relever le fait que « pour les individus stigmatisés, les comparaisons avec l’endogroupe permettent donc d’éviter les comparaisons ascendantes avec les individus non-stigmatisés – comparaisons néfastes pour l’estime de soi » (Croizet & Leyens, 2004, p.36).

3.3 Les attributions causales de l’échec et de la réussite scolaire

Dans cette partie de chapitre, j’aborde la théorie de l’attribution causale de la réussite et l’échec scolaires, puisque cette théorie est incontournable pour pouvoir répondre aux questions spécifiques de recherche. Après une définition de la théorie de l’attribution, différentes recherches concernant les attributions causales de la réussite et de l’échec scolaires, ainsi que la conception maturationniste, seront abordées. Je traiterai ensuite de la loi de Posthumus, de la conception de l’intelligence et de l’idéologie du don, ainsi que de la culture de l’échec et de l’idéologie de l’excellence. Ces divers aspects, tout comme la conception maturationniste, sont liées aux attributions causales, et sont essentielles dans le cadre de l’analyse des données pour comprendre les représentations des personnes interviewées quant à la réussite et l’échec scolaires.

3.3.1 Définition de la théorie de l’attribution

Dans l’optique d’expliquer notre comportement et celui d’autrui, on ne peut ignorer la théorie de l’attribution, dont Heider (1944, 1958) fut un des pionniers. La théorie de l’attribution permet de comprendre quelles causes sont attribuées à l’échec ou à la réussite scolaire.

L’attribution causale est un processus à travers lequel les individus infèrent les causes des comportements ou événements, comme la réussite ou l’échec. En traitant de la théorie de l’attribution, Deschamps (1992) parle de psychologie du sens commun qui « permet d’expliquer notre comportement et celui d’autrui, d’interpréter ce qui nous arrive ou ce qui arrive à notre voisin » (p.52). Il parle de sens commun, par opposition à la connaissance scientifique, pour montrer que la théorie de l’attribution concerne des représentations sociales, dont on sait qu’elles sont subjectives.

De manière générale, il y a des attributions causales internes et externes. Deschamps et ses collaborateurs expliquent ainsi cette distinction dans la théorie de l’attribution :

« L’idée centrale est celle selon laquelle les événements, les conduites, résultent ou sont dues à des forces, à des déterminismes, émanant soit des personnes en cause, soit de l’environnement. Dans le premier cas, on parle de causalité interne ou de facteurs dispositionnels ; dans le second cas, on parle de causalité externe ou de facteurs situationnels ». (Doise, Deschamps & Mugny, 1991, p.184)

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Par ailleurs, il existe deux biais d’attribution qui sont pertinents dans le champ éducatif.

D’une part, le biais d’auto-complaisance (Miller & Ross, 1975) est essentiel dans le cadre des attributions. Ce biais consiste à attribuer sa réussite à des causes internes (auto-attribution) et à attribuer son échec à des causes externes (hétéro-attribution), dans le but de maintenir une image positive de soi. Autrement dit, « les attributions causales entrainent parfois un biais d’auto-complaisance : les individus s’attribuent la responsabilité de leur réussite (attribution interne), mais rejettent la responsabilité de leurs échecs sur autrui ou sur autre chose (attribution externe) » (Martinot & Toczek, 2005, p.25). Ce biais pourrait indirectement expliquer que les enseignants tendent à attribuer l’échec de leurs élèves à des causes extrascolaires ou internes à l’élève, dans le but que leurs propres compétences ne soient pas remises en cause. Dans ce cas, les causes de l’échec seraient externes à l’enseignant. Les individus prédisent des causes internes ou externes pour expliquer l’échec ou la réussite dans l’optique de maintenir une image positive de soi.

D’autre part, le fait que les enseignants attribuent les causes de l’échec scolaire à l’élève pourrait amener le second biais, celui de l’auto-handicap. Leary et Shepperd (1986) parlent de stratégie préventive pour expliquer le biais d’auto-handicap. Il consiste à attribuer son échec à des causes externes, dans le but de conserver une image positive de soi. Il est relié au biais d’auto-complaisance, car il concerne la protection et la valorisation de l’image de soi.

L’individu attribuerait à l’échec des causes externes, dans le but d’éviter de considérer que le manque de compétence soit une cause plausible de l’échec. Cette dynamique, qui explique que les enseignants attribuent l’échec aux élèves (biais d’auto-complaisance), pourrait amener les élèves à adopter un comportement handicapant.

Concernant l’élève en particulier, il semble important de préciser que les élèves ont tendance à attribuer leur échec au manque d’effort, plutôt qu’à l’enseignant, à la chance ou à l’intelligence. Dweck (1989) relève dans ses recherches un aspect encourageant de cette analyse, car « si les enfants attribuent leurs échecs à un manque d’efforts ou à l’utilisation de mauvaises stratégies, ils conservent l’espoir de réussir et demeurent persévérants dans la réalisation des activités » (Crahay, 2007, p.251), tout en ayant conscience que le contexte dans lequel se trouve l’élève est également déterminant pour sa réussite.

3.3.2 Brève présentation de quelques recherches sur l’attribution causale

Différentes recherches établissent à quels facteurs les enseignants attribuent l’échec scolaire.

Ainsi, dans sa recherche, Burdevet (1994) montre que deux catégories de causes de l’échec sont prépondérantes, le climat/milieu familial et le manque de maturité, les enseignants interviewés attribuant l’échec scolaire à des causes internes à l’élève ou à des causes extrascolaires : « Les enseignants invoquent principalement des causes non scolaires pour expliquer leurs décisions de redoublement » (Crahay, 2007, p.152). De cette manière, quand un élève échoue, les enseignants ne se remettraient pas en cause, ni leur enseignement.

L’attribution de l’échec est ainsi externe à l’enseignant. Concernant plus spécifiquement le redoublement, « la croyance dans les bienfaits du redoublement est donc bien réelle, même s’ils spécifient des conditions essentiellement liées à la réactivité de l’élève et de son entourage social » (Marcoux & Crahay, à paraître).

Concernant une autre recherche, Byrnes (1990), cité par Crahay (2007), a montré que les enseignants attribuent l’échec à des causes liées au manque de maturité, à la faible estime de soi ou encore à une baisse de la motivation. Les difficultés didactiques liées aux apprentissages paraissent beaucoup moins importantes pour expliquer l’échec d’un élève.

Crahay (2007) relève que « les difficultés d’apprentissage ne sont qu’une composante parmi d’autres de l’échec » (p.133).

Par ailleurs, l’enquête de Pini (1991) auprès des enseignants genevois a également montré comment les enseignants expliquent l’échec. Il a mis en évidence que les enseignants attribuent l’échec de l’élève à des facteurs extrascolaires face auxquels l’école ne peut rien faire. Par rapport à l’échec scolaire, l’enseignant ne semble pas « considérer le redoublement comme un échec de son propre enseignement et, d’autre part, que cette mesure ne constitue pas à ses yeux une forme d’injustice dont l’élève serait en quelque sorte la victime » (Pini, 1991, p.263). Un autre constat faisant suite à cette étude concerne une culture de l’échec et un parallèle avec l’idéologie de l’excellence, qui seront évoquées plus loin. En reprenant les études de Pini (1991), Crahay (2007) relève qu’« on peut supposer que les enseignants craignent que leurs collègues ne les blâment d’avoir eu la faiblesse de promouvoir un élève faible » (p.119). En conséquence, un enseignant peut être amené à considérer un élève en échec scolaire en prévoyant ses capacités à suivre l’enseignement de l’année suivante, plutôt que se concentrer sur ses acquis.

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Pour ce qui est de la recherche menée par Gosling (1992), il a également interrogé des enseignants. Ces derniers devaient établir un portrait d’élève qui échoue ou réussit en explicitant les soi-disant causes de la réussite ou de l’échec. Selon l’explication des enseignants, il ressort que les causes de l’échec ne correspondent pas à celles de la réussite :

« Ce qui entraîne l’échec n’est pas dû au manque de ce qui favorise la réussite, et ce qui permet le succès n’est pas la présence de ce que fait défaut à l’élève qui échoue » (Gosling, 1992, p.125). En conséquence, le fait d’être brillant, normal, moyen ou en échec total ne s’explique pas par les mêmes causes. L’élève brillant s’explique par un don naturel qu’il posséderait. On remarque que l’idéologie du don se fait ressentir dans les discours des enseignants. Nous y viendrons plus loin. Quant à la réussite « normale », elle s’expliquerait par la motivation de l’élève, et surtout par ce que son enseignant met en place. Concernant les élèves moyens, ils se verraient attribuer un manque d’effort pour expliquer leurs difficultés, ainsi qu’une non-maîtrise des connaissances basiques. Quant aux élèves en échec considérable, ils le seraient à cause d’une inadaptation aux programmes scolaires. On remarque que l’enseignant n’est que très rarement, voire pas du tout, remis en cause dans le fait qu’un élève est en échec. De manière générale, la réussite scolaire est surtout attribuée au don, au désir de réussite, à la motivation, au bon rapport avec l’enseignant et donc à la compréhension de ses attentes, tandis que l’échec scolaire est fortement attribué à des causes extrascolaires, comme le milieu familial, le manque d’effort. L’inadaptation aux programmes relève également de cette attribution. Finalement, le clivage se creuse entre les « bons élèves » et ceux stigmatisés, comme les élèves en échec. Lors d’une étude sur des élèves marginalisés, Pierrehumbert (1991) souligne qu’il « apparaît que ces enfants, singulièrement, semblent chercher une certaine conformité aux modèles, en particulier au modèle du bon élève, proposé implicitement par l’enseignant » (p.172). Plus que d’être un modèle aux yeux des élèves, l’enseignant communiquerait implicitement le modèle d’élève à suivre qu’il préconise. Ce constat peut paraître rassurant, mais il comporte néanmoins une menace : si ces élèves marginalisés « restent très sensibles à la question de réussite scolaire, ils n’en seront que plus vulnérables, en particulier au sortir de l’école, sachant qu’il va se creuser un écart entre leur idéal et leurs chances réelles de réussite scolaire et socio-professionnelle » (pp. 172-173).

D’autres recherches confirment que les causes de l’échec sont attribuées à des causes individuelles, relatives à l’enfant, vis-à-vis desquelles l’enseignant ne pourrait pas avoir d’emprise concrète. En effet, « pour expliquer l’échec scolaire, les enseignants accordent plus

de poids à des causes individuelles ou aux dispositions de l’enfant qu’à des causes malléables » (Bless, Bonvin & Schüpbach, 2005, p.120). Dans leurs explications de l’échec, les enseignants sont ainsi très peu remis en cause. L’échec d’un élève n’est que très peu vécu comme un échec personnel pour l’enseignant. Celui-ci attribue l’échec à la responsabilité de l’élève et refuse l’idée selon laquelle il aurait pu, en s’y prenant différemment, éviter l’échec de l’élève et donc empêcher qu’il double :

« Plutôt que se dire ou se sentir en échec, c’est l’élève qu’ils [les enseignants]

déclarent en échec, lui faisant porter la plus grande responsabilité, affirmant qu’il n’est pas « capable », qu’il souffre de n’être pas assez mûr, intelligent, travailleur, sérieux, motivé, docile, ordonné, ponctuel, actif, autonome, organisé ou lucide pour apprendre

« correctement » ». (Perrenoud, 1996, pp.23-24)

Il semble donc qu’une conception maturationniste adoptée par un nombre conséquent d’enseignants apparaisse fréquemment. Elle revient à attribuer l’échec des élèves à travers des jugements portant sur la maturité. En conséquence, l’attribution causale de l’échec devient interne à l’élève et non-contrôlable. L’enseignant se voit ainsi déchargé de toute responsabilité dans l’échec possible de ses élèves, la conception maturationniste permettant d’attribuer le manque de maturité comme cause de l’inadaptation au rythme de la classe.

3.3.3 La loi de Posthumus

L’effet Posthumus permet de rendre compte de l’implication ou de la responsabilité de l’enseignant et du contexte de la classe dans l’échec scolaire des élèves.

Différentes études ont été menées à ce sujet, comme celles de Grisay (1984) ou de Detheux (1992). Crahay (2007) cite cet effet pour montrer le caractère relatif des décisions de redoublement, en relevant que suivant la classe dans laquelle l’élève se trouve, il sera plus ou moins facilement en échec ou en réussite. Il propose une définition suivante de la loi de Posthumus : « Quelle que soit la distribution des compétences au début de l’année scolaire, la distribution des notes en fin d’année épouse grosso modo une forme gaussienne » (p.79). En conséquence, l’enseignant aura tendance à ajuster son enseignement en fonction de ses propres jugements sur les performances des élèves, dans le but d’avoir une distribution gaussienne des notes. La forme gaussienne représente une courbe normale et implique une

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dispersion des notes des élèves telle que « les évaluations gérées par les enseignants amplifient la dispersion des notes des élèves » (p.83).

3.3.4 Conception de l’intelligence et idéologie du don

Dans une étude, Mugny et Carugati (1985) interrogent divers groupes sociaux à propos de leurs conceptions de l’intelligence. Ils montrent que les conceptions de l’intelligence varient en fonction de la culture, mais également en fonction du groupe social d’une même culture.

L’intelligence est une construction collective et culturelle. Elle n’est pas uniquement propre à l’individu, elle relève également d’une dynamique sociale. En effet, les rapports sociaux sont constitutifs du développement cognitif et social de l’intelligence. Concernant l’intelligence, Mugny (1987) relève que « les rapports sociaux dans lesquels l’enfant se trouve inséré sont de faits constitutifs de son ontogenèse simultanément cognitive et sociale » (p.14). De plus,

« l’intelligence est aussi souvent conçue comme la réussite à satisfaire aux exigences scolaires » (p.18). Ce constat est essentiel dans le cadre de cette recherche, puisque l’enseignant intervient auprès de l’enfant en utilisant ses représentations de l’intelligence et du développement. Ces dernières sont donc également employées pour définir leurs représentations de la réussite ou de l’échec scolaire.

Fondamentalement, il n’est pas possible d’avancer une définition unique de l’intelligence, puisqu’elle est en partie socialement construite et que ses représentations varient en fonction

Fondamentalement, il n’est pas possible d’avancer une définition unique de l’intelligence, puisqu’elle est en partie socialement construite et que ses représentations varient en fonction