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2. Cadre conceptuel, théorique et contextuel

2.3 La figure enseignante

2.3.2 La figure comme vecteur des rôles identitaires

Les enfants se forgent une représentation sur ce qui relève de chaque sexe dès le plus jeune âge.

Le sexe est, avec l’âge, les deux premières catégories sociales utilisées par les enfants pour comprendre le monde qui les entoure. Elles sont même considérées comme étant les attributs que les enfants utilisent en tout premier pour différencier les humains. (Dafflon Novelle, 2006b, p. 11)

Si la reconnaissance de l’identité sexuée se fait très rapidement chez les enfants, c’est d’abord à partir des différences biologiques mais ces dernières n’expliquent pas à elles seules cette construction précoce. Les auteurs sont nombreux à penser que la « construction de l’identité sexuée passe […] par la capacité de distinguer les deux sexes et la prise de conscience de son appartenance à l’un ou l’autre, mais également par la connaissance et l’appropriation des rôles qui y sont rattachés » (Ferrez, 2002, p. 3). L’enfant apprend à repérer son sexe biologique et, à partir de là, à analyser les rôles sociaux attendus culturellement et codifiés comme étant spécifiques de son sexe. Le processus mis en évidence ici insiste sur l’acquisition par l’enfant de son propre sexe, c’est-à-dire savoir s’il est un garçon ou une fille, puis, sa capacité à

« établir les stéréotypes liés aux rôles sexuels et enfin adhérer aux rôles appropriés à son identité sexuée » (Le Maner-Idrissi, 1997, p. 30).

Précisons que cette construction identitaire ne se fait pas du jour au lendemain mais que les enfants passent par plusieurs étapes avant de comprendre la détermination des rôles en fonction du sexe. Dès 20 mois, les jouets préférés des enfants sont typiques de leur propre sexe. Au premier stade, nommé l’identité de genre, « alors âgés de 2 ans environ, les enfants sont capables d’indiquer de manière consistante le sexe des individus qu’ils rencontrent en se basant sur des caractéristiques socioculturelles, comme la coiffure, les vêtements » (Dafflon Novelle, 2006b, p. 11). Ils connaissent les comportements stéréotypés liés au sexe et les adoptent. De plus, ils associent déjà à chaque sexe des activités, professions, comportements et apparences qui leur sont propres. « Les enfants savent, par exemple, que pompier ou policier sont des professions majoritairement exercées par la gente masculine, et ceci, même s’ils n’ont jamais vu en vrai un pompier ou un policier dans l’exercice de leur fonction » (Dafflon Novelle, 2006b, p. 11). Ils ont alors adapté la majeure partie des activités et attributs de leur propre sexe. Vers trois à quatre ans, les enfants comprennent que le sexe des individus est une donnée durable au cours du temps, il s’agit ici du deuxième stade appelé stabilité du genre. Ils sont capables que comprendre que les filles deviendront des dames, et les garçons, des hommes. Ils font ainsi le lien entre les individus de même sexe à divers étapes de la vie.

Ajoutons encore qu’à ce stade, les enfants sont conscients du comportement différencié des adultes en fonction de leur sexe. Entre cinq et sept ans, les représentations stéréotypées des genres se mettent en place progressivement : c’est le troisième stade appelé constance de genre. La constante sexuelle est attribuée à un critère biologique stable et indépendant des situations, soit le sexe. Durant cette période, « ils accordent la plus grande importance aux stéréotypes et ne pas s’y conformer a une implication morale pour eux » (Ferrez, 2002, p. 3).

Petit à petit, ce refus des transgressions comportementales en fonction du sexe s’atténue, et ils font preuve de flexibilité quant aux rôles sexués.

Cette construction progressive de l’identité est influencée par l’environnement social. Les filles et les garçons ne naissent pas avec le sentiment d’appartenance envers leur genre, car

« Devenir un garçon ou une fille de sa culture, c’est le résultat de l’action conjuguée des facteurs biologiques, de l’action de l’environnement et de l’activité structurante du sujet » (Le Maner-Idrissi, 1997, p. 111). Ainsi, les comportements ne sont pas innés, mais ils proviennent d’une construction en interaction avec l’environnement. Cela se fait notamment par l’observation des comportements des personnes de son entourage qu’ils imitent ensuite.

Cependant, les enfants ne fondent pas une représentation des attributs relatifs à chaque sexe uniquement par l’observation des personnes de leur environnement. Les élèves acquièrent

leurs connaissances « par le biais de médiateurs, auxquels ils ont accès dès leur plus jeune âge et qui offrent des représentations sexuées du monde dans lequel ils vivent : jouets, publicités, livres, télévisions, manuels scolaires » (Dafflon Novelle, 2006b, p. 19). Le livre et plus particulièrement, l’album de jeunesse font partie de cet environnement social de l’enfant puisque ceux qui ont été choisis sont présents dans les classes au sein des coins-lecture. Les albums sont tout à la fois : la première littérature de jeunesse, un support privilégié du processus d’identification et de l’apprentissage des rôles sexués et des rapports sociaux de sexe. Pour ainsi dire, l’examen de cette littérature nous renseignera sur les stéréotypes de la figure enseignante transmis à l’enfant durant les étapes de la construction de son identité sexuée. Pour aller plus loin, Ferrez soutient l’idée selon laquelle les représentations véhiculées par les livres sont intériorisées par les enfants alors influencés dans leur construction identitaire.

La littérature enfantine fait partie de cet environnement social de l’enfant, et en tant que vecteur de valeurs et instruments de socialisation, elle constitue un mode non négligeable de transmission des attentes et représentations que les adultes adoptent à l’égard des deux sexes. (Ferrez, 2002, p. 4)