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Chapitre 2 Etat de l’art et positionnement scientifique

2.6 La dimension stratégique de l’intégration Lean Green

Cette introduction présente les orientations stratégiques pour le management Lean d’une part et le management Green d’autre part. L’étude récente de Dües et al (2013) synthétise chaque paradigme, en termes d’objectif principal et de focus – tableau 8.

Tableau 8 - Les objectifs et focus des managements Lean et Green (Dües et al., 2013)

Dans la littérature Lean, certains auteurs ont développé la portée stratégique du Lean, qui a été décrit comme « un concept de management en tant que tel » (Pettersen, 2009). Néanmoins, les entreprises ne semblent pas converger sur leur approche du Lean. Certaines se limitent à l'application sporadique d’outils Lean alors que d'autres se montrent plus visionnaires en donnant une véritable dimension stratégique au Lean. Le tableau 9 montre une segmentation du management Lean.

Tableau 9 – Les différentes approches du Lean (Pettersen, 2009)

De leur côté, Cruz-Machado et Leitner (2010) précisent que le Lean est à la fois une philosophie d’élimination de toute forme de pertes et un système d’outils à déployer.

Quant au management Green, les entreprises doivent adopter la stratégie la mieux adaptée à leurs caractéristiques en termes de performances environnementales, afin d'obtenir un avantage concurrentiel sur leur marché (Orsato, 2006). Ainsi, selon cet auteur, la stratégie Green est liée d’une part à la stratégie générale de l’entreprise (réduction des coûts versus différenciation – selon Porter (1980)) et d’autre part, à la valeur perçue par le client, notamment la valeur du produit, du service apporté, ou la valeur inhérente à l'organisation et les processus de l'entreprise. Le tableau 10 synthétise ce double regard.

Management Lean Management Green Objectif principal Maximiser les profits grâce à la réduction

des coûts (Carvalho et Cruz-Machado, 2009)

Réduire les risques et les impacts environnementaux - Améliorer l'efficacité écologique de l’entreprise et leurs partenaires (SME, 2008 ; Zhu et al., 2008 ; Carvalho et Cruz-Machado, 2009)

Focus Réduction des coûts et amélioration de la flexibilité grâce à l'élimination continue des non valeurs ajoutées sur l’ensemble de la chaîne logistique (Vonderembse et al., 2006 ; Mollenkopf et al., 2010)

Réduction de l'impact écologique des activités industrielles grâce à l'élimination des déchets, et la suppression des pollutions (Carvalho et Cruz-Machado, 2009 ; Mollenkopf et al., 2010)

Mise en œuvre discrète Mise en œuvre continue

Cadre philosophique Améliorations Lean (Leanness) Pensée Lean (Lean thinking)

Cadre pratique Boite à outils du Lean (Toolbox

lean)

Orientation Lean (Becoming lean)

Tableau 10 – Le modèle stratégique environnemental (Orsato, 2006)

De manière cohérente, Das Gandhi et al. (2006) proposent une matrice stratégique Green croisant le niveau de respect des règlementations environnementales et l’intensité de la concurrence, pour dégager quatre stratégies selon le tableau 11.

Tableau 11 – Le modèle stratégique Green (Das Gandhi et al., 2006)

Les entreprises pro-actives positionnent l’environnement comme une opportunité d'affaires potentielles et d'avantage concurrentiel. La stratégie réactive est induite par une impulsion externe ou par le marché. Dans le premier cas, l’entreprise cherche à se conformer aux réglementations environnementales et dans le second cas, les entreprises développent des nouveaux produits pour des clients à forte sensibilité environnementale (Jose et Sawhney, 2003). Les entreprises sensibles voient l'environnement essentiellement sous l’angle technique. Les entreprises insensibles ou passives ne sont pas dans un contexte d’exigence (règlementaire ou marché).

En complément du regard isolé précédemment décrit dans la littérature, le chapitre suivant explore les articles proposant un regard stratégique sur l’intégration Lean Green.

2.6.2 Les voies stratégiques explorées sur l’intégration Lean Green

Cette section analyse les modèles stratégiques de l’état de l’art par ordre chronologique, dans le domaine de l’intégration Lean Green.

Stratégie 1: Stratégie 4:

Eco-efficience Leadership sur les coûts

environnementaux

Avantage Compétitif Stratégie 2: Stratégie 3:

Leadership par rapport aux

normes Labels environnementaux

Organisation Produits et services

Axe de compétitivité Coût plus faible

Différenciation fo rt

Réactive

Pro-active

fa ib le

Sensible

Insensible

faible fort R es pe ct d e l'e nv iro nn em en t Intensité de la concurrence

Modélisation de l’intégration Lean Green appliquée au management des déchets, pour une performance équilibrée

Thèse de doctorat, Alain FERCOQ, Arts et Métiers ParisTech 2014

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Dès 1996, Florida est à l’origine d’une étude qui fait référence. Il a conduit un sondage structuré auprès de 450 usines américaines. Il précise alors que 43% des usines étudiées s’appuient sur un programme TQME (Total Quality Environnemental Management), qui étend les principes du management de la qualité aux aspects environnementaux.

Plus récemment, Corbett et Klassen (2006) ont travaillé sur l'évolution du Management de la Qualité Totale (ou Total Quality Management), pour afficher le concept de Management Intégré de la Qualité Totale et de l'Environnement – figure 15. Une approche systémique et intégrée, d'un point de vue managérial, est la bonne voie pour concilier le Lean et le Green.

Figure 15 - Le concept de Management Intégré de la Qualité Totale et de l'Environnement (Corbett et Klassen, 2006)

Pojasek (2008) propose également une stratégie intégrée, le Système de Management Lean Green pour une performance durable. Trois leviers conduisent à une activité soutenable : le Lean, le Système de Management Green et une Structuration de l’Excellence, s’appuyant sur un réseau d’indicateurs, des principes directeurs et des bonnes pratiques – figure 16. Les décisions environnementales font alors partie du système global de management de l'organisation. Les approches Lean et Green sont alignées, pour la conduite des programmes d’amélioration continue.

Client final Autres parties prenantes Environnement naturel

Management de la Qualité Totale

Contrôle de la Qualité

Management Intégré de la Qualité Totale et de l'Environnement

Fournisseurs

Processus internes Processus internes

Matières et énergies

Déchets et pollutions

Figure 16 – Le Système de Management Lean Green pour une performance durable (Pojasek, 2008)

L’année suivante, Bergmiller et McCright (2009) présentent un modèle intégré Lean Green qui relie un Système de Management, les Techniques de Réduction des Pertes et les résultats en termes de performances – voir tableau 12. Les résultats de leur étude indiquent que les programmes Lean and Green sont synergiques en termes de performances.

Tableau 12 - Modèle Lean Green de Bergmiller et McCright (2009)

Lean Performances Durables Structuration de l’Excellence Système de Management Green Le Système de Management Lean/Green

Les Techniques de Réduction des Pertes Lean Green

Les résultats en termes de performances Lean/Green Leadership Empowerment Système de Management Environnemental Certivification ISO14001

Vision et Stratégie -- Innovation Partenariats – Alliances - Opérations

Fonctions Supports

Modification de la conception des Produits et Procédés Démontage -- Substitution Réduction – Recyclage -- Refabrication

Consommation interne – Prolongation de l’utilisation Retour des conditionnements Management des risques Création de nouveaux marchés Le tri des déchets

Qualité - Coût

Taux de service des livraisons Satisfaction client

Profitabilité Délai

Position par rapport au marche Réputation

Conception des Produits

Pertes au niveau des Procédés / équipements

Bénéfices Ventes

Modélisation de l’intégration Lean Green appliquée au management des déchets, pour une performance équilibrée

Thèse de doctorat, Alain FERCOQ, Arts et Métiers ParisTech 2014

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Plus récemment, Porter et Kramer (2011) ont présenté le concept de Création de Valeur Partagée comme une stratégie qui améliore la compétitivité d'une entreprise tout en faisant progresser simultanément les conditions économiques et sociales des communautés au sein desquelles elle opère. Les entreprises peuvent créer de la valeur économique par la création de valeur sociétale. L'auteur suggère trois façons différentes de le faire : par la modification de la conception des produits et des marchés, par la productivité dans la chaîne de valeur (en termes d’utilisation de l'énergie et des ressources sur l’ensemble de la chaîne logistique), et la construction de groupements industriels (ou clusters) autour de l'entreprise.

Enfin, le concept intégré « LARG » (Lean, Agile, Résilient, Green) a été étudié (Cabral et al., 2012 ; Carvalho et al., 2011). Les quatre paradigmes ont le même objectif global : satisfaire les besoins des clients, au meilleur coût possible pour tous les acteurs de la chaîne logistique. Chaque concept a cependant ces spécificités : le Lean vise la minimisation des non valeurs ajoutées ; l’Agilité est axée sur une réponse rapide aux évolutions du marché ; la Résilience cherche à répondre efficacement aux perturbations, et le management Green minimise les impacts environnementaux.

2.6.3 Discussion

Les cinq modèles présentés ci-dessus fournissent chacun d'eux des facteurs à prendre en compte pour une entreprise qui souhaite mettre en œuvre une stratégie Lean Green ; celle-ci doit être intégrée, systémique, alignée avec les objectifs stratégiques généraux de l'entreprise et doit porter sur une chaîne logistique élargie, puisqu’elle peut intégrer d’autres parties prenantes que sont classiquement les clients et les fournisseurs. En complément des différents travaux présentés dans ce paragraphe, une étude approfondie d'une stratégie intégrée Lean Green structurant l’impact sur la performance équilibrée (économique, environnementale, sociale) pourrait faire l'objet d'un futur travail de recherche.

2.7 La dimension politique/normative de l’intégration Lean Green