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La détermination du montant de l’indemnisation

Dans le document S ANCTION DES COMPORTEMENTS VIOLENTS , (Page 52-58)

U NE APPROCHE ECONOMIQUE

3.1. La détermination du montant de l’indemnisation

e

n vol par exemple, n évaluation et sa compensation peuvent être établies à partir des prix pratiqués

sur le marché auqu e perte d’intégrité

physique, se pose la question de la substituabilité d’une « quantité ou d’une qualité de santé » avec un montant d’argent.

Les victimes d’une agression physique subissent une perte de santé, que les économistes dits de la valeur de la vie qualifient de wrongful injury (blessure préjudiciable)57 lorsque celle-ci est temporaire ou permanente, mais n’entraîne pas la mort. Ils parlent de wrongful death (mort préjudiciable) si la victime décède (Viscusi, 1993, 2000). Dans le premier cas, le préjudice subi par la victime et la réparation pouvant lui être associée peuvent être appréhendés en recourant aux modèles développés en économie de la santé, inspirés des travaux de Drèze (1962) et de Grossman (1972). Il s’agit plus précisément de mettre en relation l’intégrité physique d’un individu , mesurée au travers de son « stock de santé »

, et un montant d’argent, c’est-à-dire un niveau de richesse , de telle sorte que l’utilité de la victime puisse être décrite par la fonction suivante58 :

L

peut être déterminé par l’ampleur du préjudice qu’elles subi sent (Sous-section 3.1). L’indemnisation permet ainsi de « réparer » le crime, mais est susceptible de provoquer certains effets perv en incitant les individus à adopter des comportements frauduleux (Sous-section 3.2).

Les peines d’am nde peuvent servir à dédommager les victimes pour le préjudice subi. Lorsqu’il s’agit d’un préjudice patrimonial, u

so

el ce préjudice est relatif. En matière d

j

Hj Yj

57 En référence aux termes employés par les juristes anglo-saxons.

58 Voir Cooter et Ulen (2000).

(

j j

)

j

j u Y H

U = ,

(

1.3.1

)

La fonction est la fonction d’utilité de l’individu , supposée

continue, deux hacun de ses

arguments. La pente de la courbe d’utilité

j

( )

u j

fois différentiable, concave et croissante en c

j

( )

u mesure sur chacun de ses points le taux m

le t

améliorer sa richesse ou réciproquement . Considérons le cas d’un individu qui, arginal de substitution dans les préférences de l’individu j, c’est-à-dire aux auquel il est disposé à renoncer à une partie de son intégrité physique pour

59

avant de devenir victime d’une agression, jouit d’un niveau de santé Hj et d’une richesse d’un montant Yj. Par simplification, nous supposons qu’il maximise son utilité U0j en ces coordonnées (point E0j sur le Graphique 1.1).

Graphique 1.1. Fonction d’utilité richesse/santé

Hj

Yj

0 Hj

Yj 0

Uj 0

Ej

Les courbes d’utilité étant convexes, par propriété, plus la combinaison de l’agent sera éloignée du point médian et plus il sera disposé à se séparer du « bien » dont il est le mieux doté pour obtenir un peu plus de l’autre bien.

59

L t, nous supposons qu’il subit une perte d’intégrité physique d’un montant ; il se retrouve alors dans la situation décrite par le point E sur le Graphique 1.260 :

Graphique 1.2. Perte d’utilité liée à une altération physique

orsque cet individu devient la victime d’un crime violen hj 1

j

Hj

Yj

Yj 0

Uj 1

Ej

E0j

Hj j

0 Hj h

Si le préjudice corporel s’accomp gne d’un préjudice financier, le point se situe alors à l’intérieur du segment

a

[

E1j,Hhj

]

1

Ej ; par ailleurs, en cas de

perte provisoire de santé, la victime peut retrouver son état de santé initial (Hj).

Toute indemnisation, dans le premier cas aussi bien que dans le second, vise à financer les soins médicaux et/ou les pertes de revenu que l’état de la victime a

associé au fait d’être agressé, pouvant être perçu comme un coût d’opportunité sur

engendrés. Dans ce cas, la situation de la victime est alors à nouveau caractérisée par le point E0j sur le Graphique 1.1.

De la même manière, les juges reconnaissent souvent que le dommage corporel s’accompagne d’un préjudice moral. Il s’agit alors de réparer le tort

60 L’analyse de la situation en termes d’un modèle richesse/santé ne prend pas en compte le caractère évolutif et/ou potentiellement fatal de la perte de l’intégrité physique (Harrant, 2002).

la santé de la victime. Certaines violences peuvent en effet laisser des séquelles psychologiques, empêchant la victime de jouir de la totalité de ses ressources

ême utilité. Dans ce cas, la

physiques, même si elle les a recouvré. Par exemple, les victimes d’un viol ne parviennent pas systématiquement à retrouver le niveau d’activité sexuelle qu’elles avaient avant de se faire agresser ou à en dériver la m

victime ne retrouve qu’une partie r du préjudice physique hj qu’elle a subi. Si l’on considère que le montant minimal de l’amende est optimal lorsque son montant F permet à la victime de retrouver son niveau d’utilité initial (E0j ), alors ce montant d’argent doit permettre à la victime de compenser la perte d’utilité subie suite à l’agression. Il s’agit du point E2j sur le Graphique 1.3.

Graphique 1.3. Montant de l’indemnisation pour une perte de santé partielle

Hj

Yj

0 Hjhj Hj

Yj

F Yj+

0

Uj 1

Ej

E2j

0

Ej

j j

j h r h

H − + ⋅

L’amende doit dans ce cas être au moins fixée à un niveau F

[ (

1−r

)

hj

]

, tel que :

{

j j

}

j

{

j

[ ( )

j

]

j

( )

j

}

j Y H u Y F r h H r h

u ; = + 1− ⋅ ; + −1 ⋅

(

1.3.2

)

Enfin, si le crime que la victime subit crée un préjudice corporel irréversible et irréparable, alors le montant F de l’amende doit être fixé à un niveau tel que :

{ } { ( )

jhj

}

Il s’agit du point E sur le Graphique 1.4.

Graphique 1.4. Montant de l’indemnisation pour une perte de santé irréversible

(

1.3.3

)

j j

j j j

j Y H u Y F h H

u ; = + ;

3 j

Hj

Yj

0 Hj hj Hj

Yj

F Yj+

0

Uj 1

Ej

3

Ej

0

Ej

La question de l'indemnisation monétaire des victimes d’agression physique soulève un certain nombre de problèmes, qui n’ont pas forcément de solutions à ce jour, mais qu’il convient de poser :

(i) Le mécanisme d’attribution d’une indemnisation est construit sur l’idée que la victime reconnaît une forme de substituabilité entre son état de santé et un montant d’argent (Isley and Rosenman, 1997)). Or, une victime ne choisit pas, par définition, de subir la dégradation de son intégrité physique. Cependant, en l’impossibilité de pouvoir recouvrer totalement son intégrité physique (grâce à des

soins médicaux par exemple), une indemnisation sous forme monétaire apparaît omme étant le seul moyen compensateur61.

si la victime décède : dans un tel cas, ce

’est pas la victime, défunte, qui peut demander et obtenir réparation de ses préjudi

n des caractéristiques, les conomistes du Forensic Economics calculent une valeur hédonistique de la vie

) basée sur les caractéristiques observées de la vie de la ersonne considérée. Cette méthode permet d’expliquer que la valeur d’une vie iffère d’un individu à l’autre. Dans cette perspective, les juges devraient se férer à la valeur hédonistique de la vie pour calculer la compensation à attribuer ux proches de la victime défunte, ils parlent alors de hedonic damages [Albrecht

994), Gilbert (1995)].

Deux raisons sont avancées en faveur de la non-reconnaissance du droit de famille d’être compensée du préjudice subi par le défunt [Voir Ciecka (1992), eland (1993), Viscusi (2000)] : d’une part, si la victime est décédée, il devient possible de la compenser directement (Ireland et Rodgers, 1993). Par onséquent, le principe de « hedonic damages » ne doit être utilisé que dans les

c

(ii) Par ailleurs, un problème se pose n

ces auprès du juge, mais sa famille (Schieren, 1998).

Les économistes du courant Forensic Economics, qui s'intéressent essentiellement à l'aspect médico-légal d'un préjudice et de son évaluation, conseillent aux juges d’estimer un montant de compensation en fonction des préjudices subis par la famille et du préjudice subi par la victime décédée, c’est-à-dire la perte de sa propre vie62. Comment déterminer en termes monétaires, la valeur qu’un être humain attribuait à sa propre vie ? En se référant à la théorie des prix hédonistiques, fondée sur la différenciatio

é

(hedonic value of life p

Voir Lambert Faivre (1996), ou Harrant et Vaillant (2005) pour une application au cas de nfants nés handicapés.

Une controverse existe à ce sujet entre les économistes de la valeur de la vie appartenant au courant appelé Forensic Economics et certains auteurs inspirés directement de Schelling (1968).

Le débat porte sur les différentes pertes qui doivent être prises en considération dans l’évaluation du montant de la compensation destinée à la famille du défunt : le juge doit-il prendre en compte le préjudice subi par la victime décédée en plus du préjudice subi par ses proches (Liuzzo, 1991) ?

61

e

62

cas où la victime n’est pas décédée ; en étant « seulement » blessée, elle est à ême alors de bénéficier de cette compensation (Ireland, Johnson et Rodgers, 992). D’autre part, la compensation accordée à la famille du défunt est établie en fonctio

ités à prendre plus de risques ou moins de précau

mpensé pour cela, et ce qui est « mal » et susceptible d’être condam

m 1

n de la perte d’utilité. Or, l’utilité d’une « mort » n’est ni définissable, ni quantifiable (Becker et Stout, 1992).

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