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Interactions sociales, normes sociales et criminalité

Dans le document S ANCTION DES COMPORTEMENTS VIOLENTS , (Page 33-37)

U NE APPROCHE ECONOMIQUE

1.1. Interactions sociales, normes sociales et criminalité

Les interactions sociales permettent à un délinquant présent ou futur d’obtenir de l’information sur ses actes et sur leur portée (Paragraphe 1.1.1). Elles peuvent également affecter son comportement au travers des actions ou des attitudes des autres membres du groupe auquel appartient son auteur (Paragraphe 1.1.2).

Consciemment introduites par certains groupes ou bien apparues comme le résultat des échanges entre individus qui cherchent à maximiser leur utilité, c’est-à-dire résultant de l’émergence graduelle d’un consensus. Voir par exemple Coleman (1973, 199

42

0) ou Posner (1997).

1.1.1. Interactions sociales et information

Les échanges d’un individu avec son entourage, notamment avec d’autres individ

iance des percep

1.1.2. Interactions sociales et normes sociales

Les interactions sociales ne rendent pas qu’un service informationnel.

Elles sont susceptibles de modifier les gains et les coûts d’une action criminelle, à travers les normes sociales dont elles sont porteuses.

us ayant été confrontés à la justice criminelle et ayant été arrêtés et sanctionnés, lui permettent d’obtenir une information sur les issues et les risques associés à la réalisation d’un crime. Les observations de certains proches, les observations les plus récentes ou les informations en provenance des médias, peuvent d’ailleurs avoir plus d'impact sur la prise de décision (Nisbett et Ross, 1980). Le comportement criminel peut ainsi être particulièrement affecté dans les situations où l’information n’existe pas, ou ne semble pas pertinente au délinquant, et les situations dans lesquelles l’individu ne peut acquérir d’information de ses expériences passées. En outre, comme tous les individus ne se réfèrent pas aux mêmes communautés et n’ont pas la même capacité à acquérir (ou disposition à payer) de l’information, tous n’ont pas la même perception de la sanction et de son degré de vraisemblance (Sah, 1991). Une large var

tions peut ainsi apparaître au sein d’un même groupe sociétal ou encore des différences dans la distribution de ces perceptions entre plusieurs groupes, d’autant que les criminels peuvent être mal informés sur la vraisemblance de leur détection et sur leurs propres capacités (Levitt, 1998a). En d’autres termes, les criminels peuvent souffrir d’une certaine forme de « myopie rationnelle », si bien que d’importantes sanctions peuvent ne pas influer la décision de s’engager dans une activité délictueuse (Wilson et Herrstein, 1985) : les effets des changements de la sanction légale ne dépendent pas tant de ses changements vrais que des croyances individuelles à son sujet (Simon, 1955).

Capital social et criminalité

La demande de prestige, ou réciproquement le désir de ne pas subir l’opprobre « des autres », influence le comportement individuel à travers la réputation et l’acceptation sociale, aussi bien que par le biais des opportunités

« marchandes » résultant des interrelations avec les pairs43 (Williams et Sickles, 2002). Les bénéfices qu’un individu peut anticiper de ces interactions dépendent de son capital social. Ce capital est généralement défini en relation à l’ensemble des règles, normes, obligations… qui régissent les interactions sociales, dans le ontexte des arrangements institutionnels de la société permettant à ses membres iduels et communs (Lederman, Loayza et enéndez, 2000). Becker et Murphy (1988) soulignent que le stock de capital social

c

d’atteindre leurs objectifs indiv M

d’un individu est proportionnel à l’effort qu’il engage pour l’améliorer, mais dépend également des positions sociales héritées (Coleman, 1990).

Le crime et l’usage de la violence sont plus coûteux pour ceux dont le stock de capital social est important auprès d’une communauté pratiquant des activités honnêtes44. Ceci peut expliquer pourquoi des institutions comme le mariage, l’Eglise ou encore l’obtention d’un emploi, sont susceptibles de réduire la vraisemblance qu’un individu s’engage dans le crime. Cette influence présumée des normes sociales a constitué le centre d’intérêt des sociologues avant de faire l’objet de l’attention des économistes du crime. En particulier, le sociologue Merton (1938), à l’aide du concept d’anomie inspiré des travaux de Durkheim45, souligne le rôle de la perte de « cohésion sociale » sur le comportement criminel.

Une société anomique est une société dans laquelle les normes sociales tendent à

43 La théorie de l’engagement du sociologue H.S. Becker (1973) explique par ce phénomène pourquoi certains deviennent délinquants et d’autres non [Voir également la théorie du lien social de Hirschi (1969)].

44 Nous utiliserons le terme « honnête » dans le reste de cette thèse pour désigner les activités qui ne sont pas criminelles.

45 Voir également les travaux de Srole (1956).

disparaître, et le phénomène est propice à la délinquance. Notons que si les économistes du crime tendent également à s’intéresser à l’influence des normes sociales, leur méthodologie (analyse « coût/avantage ») est différente. Les sociologues qui utilisent le concept d’anomie, quant à eux, expliquent la criminalité comme un phénomène de masse : elle serait le résultat d’un décalage entre la culture et l’organisation sociale, c’est-à-dire entre les valeurs qui gouvernent la conduite des individus et l’ensemble des normes et institutions qui permettent l’accès à cette culture (les moyens). Plus précisément, la criminalité serait un moyen d’atteindre les buts proposés par la société, pour ceux qui n’ont pas accès aux moyens « légitimes ».

Rémunération sociale et violence

L’idée selon laquelle le capital social réduirait le nombre de crimes violents commis dans une société (Lederman, Loayza et Menéndez, 2000) repose

r deux arguments. Favorisant la diminution des coûts de transaction sociale, il ciliterait ainsi la résolution pacifique des conflits [Voir Fukuyama (1995) et on ociétés dans lesquelles le capital social joue n rôle important sont mieux équipées pour s’organiser à l’encontre des problèm

entes communautés. Esteban et Ray 994) parlent également de « polarisation » à ce sujet : il s’agit du degré de paration entre l’homogénéité large et interne de groupes.

La compréhension du phénomène de polarisation peut être améliorée, par l’idée que le capital social d’un individu n’existe pas exclusivement en relation à une seule société, « honnête ». En effet, au sein d’un même espace géographique, un individu peut rechercher la considération des membres de communautés de référence différentes, pratiquant chacune des activités honnêtes, criminelles, voire su

fa

Robis et Siles (1999)]. Ensuite, les s u

es de passager clandestin. Il y a donc moins de bénéfices potentiels pour les comportements opportunistes, ce qui tend à diminuer les risques de conflits sociaux et de comportements violents. Néanmoins, même si le capital social facilite la coordination intra-groupe, en promouvant l’identité du dit groupe, il favorise également l’hostilité entre différ

(1 sé

les deux en même temps. Ce phénomène a été décrit par la théorie dite « des roupes de référence » du sociologue Clark (1972) ; ce dernier insiste sur le rôle de l’en

s violents si l’usage de la violence est perçu comme un signe de reconn

g

semble des groupes réels ou imaginaires auxquels le criminel se réfère (et qu’il peut choisir)46. Dans cette perspective, nous pouvons considérer qu’un individu peut simultanément se référer à une communauté criminelle (un gang par exemple) et à une communauté sanctionnant la pratique d’actes délinquants et violents (comme sa propre famille). L’influence de l’une relativement à l’autre dans l’échelle des valeurs d’un individu peut expliquer une partie de l’intensité ou de la fréquence de son activité criminelle. Notons enfin que l’existence d’un capital social relatif à une communauté criminelle peut conduire à la réalisation de crimes plu

aissance, ou de valorisation (Vertinsky, 1999). Selon Glaeser, Sacerdote et Scheinkman (1996), de telles interactions sociales, « perverses » selon leurs termes, peuvent être une cause de l’inertie observée du taux de crimes dans certaines grandes villes.

Dans le document S ANCTION DES COMPORTEMENTS VIOLENTS , (Page 33-37)