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La détermination de l’objet du contrat d’entreprise

Section I : Un recours limité aux dispositions de droit commun

B. La détermination de l’objet du contrat d’entreprise

278. Contrairement au destin que lui avaient prédit les rédacteurs du Code civil, le

contrat d’entreprise ne se limite pas aux conventions relatives aux choses. Il peut renfermer une multiplicité d’objets et porter sur l’exécution d’ouvrages de tous ordres497,

dont immobilier qu’il faudra envisager amplement par la suite.

279. Cette hétérogénéité manifeste se matérialise tant sous un angle corporel

qu’incorporel. Pour ce qui est de l’aspect corporel, le contrat peut renvoyer à la fabrication, la réparation, ou la transformation d'une chose mobilière ou immobilière498.

494 La problématique afférente à la recherche de l’obligation principale survient notamment lorsque le

contrat va par exemple comporter des obligations propres au louage d'ouvrage, au commodat et au louage de chose, in Cass. 1re civ., 7 oct. 1963, précité. À cet égard, la Cour de cassation a déjà eu à qualifier de

prêt à usage, la remise d'une échelle par le maître à son entrepreneur, in Cass. 1re civ., 26 oct. 1960, Bull. civ. I, no 463.

495 Défini par l'article 1er de la loi du 1er juillet 1901, comme « une convention par laquelle plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leurs activités dans un but autre que de partager des bénéfices ».

496 Par exemple, en cas de défaut de surveillance d’un architecte après acceptation à titre gracieux par ce

dernier d’assumer la direction des travaux, il perd sa qualité de locateur d’ouvrage et peut voir sa faute engagée conformément au droit commun, in Cass. 3e civ., 20 juin 1972, Bull. civ. III, no 405.

497 M. PLANIOL et G. RIPERT, Traité pratique de droit civil français, op. cit., no 914.

498 On relève une jurisprudence abondante à ce propos : les juges ont donc qualifié de contrat d’entreprise,

celui passé entre un client et un garagiste, in Cass. 1re civ., 19 mars 1968, Bull. civ. I, no 106 ; un teinturier, in Cass. 1re civ., 11 mai 1966, Bull. civ. I, no 281 ; un bijoutier, in Cass. com., 2 nov. 1965, Bull. civ. IV,

no 546 ; un agriculteur, lorsqu'il n'existe entre les parties aucun lien de subordination, in Cass. 3e civ., 25 oct.

131 L’essentiel en toutes circonstances étant de prévoir une obligation de faire499. S’agissant

cependant de l’aspect incorporel, la présentation des frontières sus-évoquées permet entre autres d’établir que le contrat d’entreprise puisse porter sur un service se révélant tout aussi protéiforme.

280. De fait, il peut adopter la forme d’une prestation intellectuelle. Tel est le cas du

médecin à l’égard de ses patients500, ou de l’avocat lorsqu’il ne fait pas que représenter501

son client et s’engage à mettre au service de ce dernier son savoir-faire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle d’aucuns considèrent souvent ce deuxième exemple comme un contrat mixte teinté de mandat et de louage d’ouvrage502.

281. La prestation intellectuelle peut également simplement désigner le conseil

juridique503, et dans une certaine mesure, les ingénieurs conseils et les bureaux d’étude504,

bien que souvent, ils soient dans une démarche de conception et réalisation de l’œuvre conçue505. Sont également à ranger dans cette catégorie, les architectes506, ainsi que toutes

les entreprises en organisation507.

282. Par ailleurs, la prestation peut également opter pour une forme matérielle, qui la

plupart du temps, est associée à l’effort intellectuel508. Comme le précise Monsieur le

Conseiller Bernard Boubli en prenant appui sur de nombreuses jurisprudences, il existe aussi des cas où ce service matériel constitue l’obligation majeure et exclusive du

499 A. BÉNABENT, Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, op. cit., no 482. 500 B. BOUBLI, « Contrat d’entreprise », op. cit., n° 8.

501 H. LÉON et J. MAZEAUD, Leçons de droit civil, op. cit., n° 1334.

502 L. SEBAG, « La détermination des honoraires de l'avocat après l'arrêt de la Cour de cassation du 17 juin

1970 », D. 1970, Chron., p. 177.

503 R. SAVATIER, « Les contrats de conseil professionnel en droit privé », D. 1972. Chron., p. 137 ;

R. SAVATIER, « La profession de conseil juridique », D. 1969, Chron., p. 145.

504 Cass. 3e civ., 17 juin 1971, D. 1971, p. 515.

505 M.-F. MIALON, « Contribution à l'étude juridique d'un contrat de conseil », RTD civ. 1973, p. 6 ;

G. VINEY, « La responsabilité des entreprises prestataires de conseil », JCP 1975, I, p. 2750 ; J.-Cl. GOLDSCHMIDT, « Étude générale des conditions de la responsabilité des bureaux d'engineering »,

Gaz. Pal. 1976. 1. Doctr., p.1.

506 À l’occasion de l’accomplissement de sa mission consistant à dresser le plan de l’immeuble, l’architecte

déploie des techniques et moyens d’ordre intellectuel.

507 À l’instar des entreprises de spectacles.

508 Les exemples sont légion : la situation du médecin qui après établissement du diagnostic du patient

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débiteur. Cela a notamment été le cas en matière d’hôtellerie509, ou encore de contrats

d’édition à compte d’auteur510.

283. En outre, coexiste avec l’objet, la nature du contrat d’entreprise qui au sens du

droit peut être à caractère civil, commercial ou mixte. Ainsi, le louage d’ouvrage est civil, lorsqu’aucune des parties n’est commerçante ; commercial lorsque les deux parties sont commerçantes et le travail à exécuter concerne leur commerce ; et mixte lorsqu’une seule des parties est commerçante. Le contrat d’entreprise peut également être de nature administrative lorsqu’il est conclu par des collectivités ou personnes publiques511.

284. Ainsi, présenter le contrat d’entreprise sous toutes ces facettes après lui avoir

tracé des limites, nous est apparu dans l’ordre des choses. En d’autres termes, l’envisager sous un angle plus général a permis dans un premier temps d’illustrer ses complexités et particularités, puis dans un second temps, d’effectuer le tri nécessaire afin de mieux recentrer l’attention autour des travaux sur existants. La conjonction de ces deux étapes devrait en principe faciliter l’appréhension du cadre légal dédié aux opérations de travaux sur existants. Cependant, il nous paraît évident que la complétude d’un tel objectif ne saurait se limiter à la seule étude du champ d’application du contrat d’entreprise. C’est pourquoi il y a tout intérêt à creuser la question de son régime.

§2- Le régime du contrat d’entreprise

285. Envisager son régime contractuel suppose ici d’aborder l’ensemble des règles

inhérentes au formalisme (A) et à l’exécution (B) du contrat d’entreprise dans le domaine du droit commun de la construction. Néanmoins, réitérons que seul le contrat du louage d’ouvrage des entrepreneurs mérite développements512.

509 Cass. 1re civ., 19 oct. 1999, no 97-13.525.

510 Voir, la loi no 57-298 du 11 mars 1957, in D. 1957. pp. 102 et 350, rect. 166. 511 B. BOUBLI, « Contrat d’entreprise », op. cit., n° 10.

512 Pour rappel, le louage d’ouvrage des entrepreneurs constitue la forme contractuelle la plus utilisée en

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