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Les frontières du contrat d’entreprise

Section I : Un recours limité aux dispositions de droit commun

A. Les frontières du contrat d’entreprise

256. Afin de faciliter l’étude et la compréhension de la vente d’immeubles à rénover,

nous avons procédé à des analogies avec d’autres contrats voisins. À notre sens, une telle méthode a permis de distinguer le contrat de l’article L. 262-1 du Code de la construction et de l’habitation, des autres formes contractuelles avec lesquelles il cohabite, et dont l’esprit pouvait conduire à des assimilations maladroites. Ainsi, il nous paraît opportun de transposer cette approche à l’examen du contrat d’entreprise440 qui est un louage dont

la finalité et le fonctionnement se rapprochent des hypothèses de contrat de travail, de vente, de mandat, ou encore à d’autres sous-catégories de contrat de service.

257. S’agissant de la frontière avec le contrat de travail : le code du travail ne donne

pas de définition légale du contrat de travail même s’il s’y réfère à bien des égards441.

Comme souvent, c’est la doctrine et la jurisprudence qui s’attèlent à pallier cette absence. Traditionnellement donc, le contrat de travail442 s’entend comme une convention aux

termes de laquelle une personne, dénommée le salarié, s'engage à accomplir une

440 Dans ce sens, B. BOUBLI, « Contrat d’entreprise », Rép. D. imm. 2016, sect. 4, n° 11 et s ; Ph.

MALAURIE, L. AYNÈS et P.-Y. GAUTIER, Des contrats spéciaux, op.cit. ; F. COLLART-DUTILLEUL et Ph. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, 9e éd., Dalloz, n° 696 et s. ; J. HUET, Les principaux contrats spéciaux, 3e éd., LGDJ, 2012, n° 32101 ; P.-H. ANTONMATTEI et J. RAYNARD, Droit civil, Contrats spéciaux, 7e éd., LexisNexis, 2013, n° 419 et s.

441 Y. AUBRÉE, « Contrat de travail (Existence-Formation) », Rép. D. trav. 2014, n° 42.

442 Encore connu sous la dénomination de louage de services que lui donne le Code civil, in Ph.

MALINVAUD, Ph. JESTAZ, P. JOURDAIN et O. TOURNAFOND, Droit de la promotion immobilière,

123 prestation de travail pour le compte et sous l'autorité d'une autre, dénommée l'employeur, qui consent à lui verser en contrepartie, une rémunération443.

258. Il résulte de cette description que l’existence du contrat de travail suppose la

réunion cumulative de trois principaux critères : d’abord l’exécution d’une prestation de travail, ensuite, le versement au travailleur concerné d'une rémunération en contrepartie de l'accomplissement de cette prestation, et enfin, la subordination juridique de ce travailleur au donneur d'ouvrage qui est, en principe, le bénéficiaire de cette même prestation de travail444.

259. Par rapport au contrat d’entreprise, l’élément central qui le distingue du contrat

de travail est le lien juridique de subordination qui dans ce cas de figure est inexistant445.

En effet, la relation employeur-employé caractérisant le contrat de travail ne s’observe pas dans le rapport liant le maître d’ouvrage, à l’entrepreneur, ce, nonobstant le fait que dans les conventions, le recours au service de l’un par l’autre en vue de l’accomplissement d’une tâche précise soit identique446.

260. À cette subordination du salarié à l’égard de son patron, les tenants de la

distinction opposent le critère unique tiré de l’indépendance juridique447 qui gouverne la

relation maître d’ouvrage et entrepreneur448. La conséquence directe de cette

considération consiste à déduire que le salarié louant ses services à son employeur est

443 G.H. CAMERLYNCK, Traité de droit du travail, Tome 1 : Le contrat de travail, 2e éd., Dalloz, 1982,

p. 52, n°43 et s.

444 E. DOCKÈS, « La détermination de l'objet des obligations nées du contrat de travail », Dr. soc. 1997,

p. 140 ; T. REVET, « L'objet du contrat de travail », Dr. soc. 1992, p. 859.

445 En effet comme arguent Messieurs les Professeurs MALINVAUD, JESTAZ, JOURDAIN et

TOURNAFOND, le maître d’ouvrage n’exerce pas sur les locateurs d’ouvrage un pouvoir absolu de commande et de surveillance. Il faudra entendre par commande ici : la commande d’ouvrage passée par le maître d’ouvrage qui sollicite une prestation moyennant le versement d’une somme d’argent ; et par surveillance : la simple vérification de la conformité de l’ouvrage. À aucun moment sa surveillance portera sur l’exécution technique des travaux d’entreprise, in Droit de la promotion immobilière, ibidem.

446 Pour illustrer ce propos : le travailleur vis-à-vis du donneur d'ordres, en ce qui concerne l'organisation

et les modalités d'exécution de son travail ne permet pas de l'assimiler à un salarié, même s'il accomplit un travail rémunéré pour le compte d’autrui. Voir en ce sens, Cass. 1re civ., 29 avr. 1929, DP 1930. 1, p. 6,

note A. Rouast : à propos d'un élagueur chargé de procéder, en toute indépendance, à l'ébranchage des arbres du jardin d'un propriétaire ; Dans le même sens, a été écartée la qualification de contrat d’entreprise dès lors que le pouvoir de direction et de contrôle sur le conducteur d’un engin de terrassement a été transféré au maître d’ouvrage pour l’exécution d’un travail déterminé, in Cass. 3e civ., 24 juin 1992, JCP

1992, IV, n° 2443, p. 268, Gaz. Pal. 1993, 1, pan. 37.

447 Ce critère d’indépendance juridique a été préféré à celui de subordination économique proposé par une

partie de la doctrine, in B. BOUBLI, « Contrat d’entreprise », op. cit., n° 13.

448 B. BOUBLI, « Contrat d’entreprise », op. cit., n° 12 ; Ph. MALINVAUD, Ph. JESTAZ, P. JOURDAIN

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tenu d’une obligation de moyens449, tandis que l’entrepreneur, en s’associant à son client,

contracte plutôt une obligation de résultat450.

261. Si cette différence du contrôle des moyens et du contrôle du seul résultat existe

bien, sa détermination n’est pas toujours évidente. En effet, ni le paiement à l'heure, ni la fourniture de matériaux par le maître, ni l'initiative qu'il conserve dans l'exécution du travail, ne conduisent à une exclusion systématique des effets du contrat d’entreprise. Réciproquement, la rémunération à la tâche et la relative liberté laissée à un ouvrier dans l'exécution d'un travail ne suffisent pas à écarter l'existence d'un lien de subordination451.

262. De plus, la présentation du lien juridique de subordination comme principal

élément distinctif entre le contrat d’entreprise et le contrat de travail affiche des intérêts à trois niveaux :

263. Le premier intérêt s’observe en matière de rupture du contrat. En effet, dans une

telle configuration, la situation du salarié placé sous la subordination juridique de son employeur lui garantit, ad normam juris, une protection spéciale. En revanche, dans le contrat d’entreprise, seules les règles de droit commun ont vocation à s’appliquer. De plus, relevant du régime général de la sécurité sociale, l’employé jouit également d’une couverture en cas d’accident du travail ; à l’inverse du locateur dont le statut de travailleur indépendant le conduit à supporter seul les cotisations sociales qui, dans le régime général sont pour la quote-part la plus élevée, à la charge de l'employeur.

264. Le deuxième intérêt se manifeste en matière de responsabilité civile.

Conformément à l’article 1242 du Code civil452, l'employeur est responsable de ses

préposés, même occasionnels453. Le maître d’ouvrage ne l’est guère vis-à-vis du locateur

449 Obligation de moyens qui se manifeste avec l’existence du lien de subordination. 450 Même s’il jouit d’une totale liberté de ses moyens pour atteindre ce résultat. 451 Cass. soc. 13 nov. 1996, Dr. soc. 1996, p. 1067, note J.-J. Dupeyroux.

452 « On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde (...) Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ».

453 Comme le souligne Monsieur le Conseiller BOUBLI, l'employeur répond des conséquences

dommageables de son fait envers le salarié. Cela conduit les Juges du droit à considérer qu'il est tenu à son égard d'une obligation de sécurité de résultat dont ils tirent toutes les conséquences lorsque la santé du salarié est en cause, notamment pour cerner la faute inexcusable de l'employeur à l'origine d'une lésion d'origine professionnelle, in B. BOUBLI, « Une pincée de droit pour l'obligation de sécurité de résultat »,

125 qui travaille en toute indépendance et demeure par conséquent seul responsable de ses actions454.

265. Quant au dernier intérêt, il est relatif à la compétence de la juridiction habilitée à

trancher en cas de différend. Effectivement, il incombe à la juridiction prud’homale de se prononcer en cas de litige né du contrat de travail, et à celle de droit commun de statuer sur un conflit opposant les parties à un contrat d’entreprise.

266. S’agissant de la frontière avec le contrat de vente : la détermination de la frontière

entre le contrat d’entreprise et celui de vente requiert également la prise en compte d’un certain nombre d’éléments. Il faut au préalable savoir qui du maître d’ouvrage ou du locateur fourni la chose sur laquelle porte l’ouvrage. À l’évidence, si l’opération porte sur une chose fournie par le maître, il ne peut y avoir vente, car l'entrepreneur n'apporte que son savoir-faire455. Il peut être pris en exemples : l’hypothèse d’un contrat conclu en vue

de l'entretien, ou de la réparation d’une chose appartenant au maître d’ouvrage456, ou

encore l’édification d’un immeuble sur un terrain dont le maître est propriétaire457. Dans

de tels cas de figures, une grande partie de la doctrine ne retient que la qualification de contrat d’entreprise.

267. Cependant, il est important de préciser que cette opinion consistant à ne retenir

que le régime du contrat d’entreprise dès lors que l’entrepreneur ne fournit pas la matière sur laquelle il travaille, n’a pas fait l’unanimité au sein de la doctrine. En effet, une partie de celle-ci a considéré que la convention conclue devait constituer un contrat mixte conciliant à la fois vente et louage d’ouvrage. D’où les propositions formulées naguère de, soit appliquer les règles de l’entreprise pendant l’exécution du travail et celles de vente après la réception458, soit de décomposer le contrat en une vente de la matière et un louage

JCP S 2008, p. 1624. En revanche, l’employeur ne répond pas des fautes lourdes causées par le salarié, in

Cass. soc. 29 avril 1981, Bull. civ. V, n° 352.

454 Cass. com. 13 avr. 1972, Bull. civ. IV, no 100.

455 H. LÉON et J. MAZEAUD, Leçons de droit civil, par M. DE JUGLART, t. 3, 2e vol., 5e éd.,

Montchrestien, n° 2872.

456 G. RIPERT et J. BOULANGER, Traité de droit civil, t. 3, LGDJ, 1956-1960, no 2601.

457 Lors de ce type d’opération, l’entrepreneur qui n’est alors qu’un façonnier de par le travail qu’il apporte,

œuvre pour la transformation d’un terrain nu en terrain bâti.

458 Ch. AUBRY et Ch. RAU, Droit civil français, t. 5 par P. ESMEIN, 6e éd., Litec, 1953 § 374-1o, texte et

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d'ouvrage pour le travail fourni459. Toutefois, ces suggestions vont très vite se heurter aux

articles 1787 et 1788 du code civil qui placent le travail exécuté par l’entrepreneur et la matière fournie par le maître d’ouvrage sous l’égide du seul contrat d’entreprise, écartant de fait toute autre hypothèse de qualification.

268. Les juges ont en outre retenu l’unique qualification de contrat d’entreprise au

détriment de celui de vente, dès lors que l’entrepreneur ne se contentait pas que de fournir les matériaux, mais s’engageait en plus, à les aménager ou les mettre en place460. Cela

fut notamment le cas à l’occasion de travaux portant sur la réfection d’une toiture461, la

vente et l’installation d’équipements d’une piscine462, la réalisation de travaux de gros

œuvre463, la prise en charge d’un lot de travaux464, la fourniture et la pose d’éléments

électriques465 ou encore la fourniture et le montage d’un bâtiment en bois466.

À cette condition de fourniture accompagnée d’une obligation d’aménagement, la jurisprudence exigeait également le respect d’une prestation suffisante de la part de l’entrepreneur-fournisseur467. Néanmoins, ce critère n’influe plus sur son pouvoir

d’appréciation, celle-ci ne mettant plus l’accent que sur le travail spécifique de l’entrepreneur devant répondre aux besoins particuliers exprimés par le donneur d’ordre468.

269. S’agissant à présent de l’intérêt d’opérer une telle distinction, celui-ci repose

principalement sur l’appréciation du prix. Comme le rapporte Monsieur le Conseiller Bernard Boubli469, l’accord sur le prix est essentiel pour caractériser la vente470, alors que

459 M. PLANIOL et G. RIPERT, Traité civil de droit français, par ROUAST, contrats civils, n° 912, in B.

BOUBLI, ibidem.

460 Par opposition au contrat de vente qui ne retient que la seule fourniture de matériaux sans obligation

d’aménagement.

461 CA Nancy, 30 août 1979, JCP G 1980, IV, p. 231. 462 T. Com. Toulouse, 12 nov. 1980, JCP 1981, IV, p. 386.

463 Cass. 3e civ., 18 janv. 1983, RDI 1983, p. 452, obs. Ph. Malinvaud et B. Boubli. 464 CA Aix-en-Provence, 11 déc. 1984, RDI 1986, p. 205, obs. Ph. Malinvaud et B. Boubli. 465 CA Paris, 26 sept. 2000, AJDI 2000, p. 957.

466 Cass. 3e civ., 17 déc. 2014, RDI 2015, p. 125, obs. B. Boubli.

467 À propos d’un vendeur de chauffage central ayant la qualité d’installateur agréé par l’agence pour les

économies d’énergie qui ne peut être considéré comme entrepreneur, faute de prestations d’installation suffisantes, in Cass. 3e civ., 24 nov. 1987, Gaz. Pal. 29-30 janv. 1988, pan., p. 8.

468 Cass. com., 4 juill. 1989, JCP 1990, p. 21515, note Y. Dagorne-Labbé. 469 B. BOUBLI, « Contrat d’entreprise », op. cit., n° 28.

470 H. LÉON et J. MAZEAUD, Leçons de droit civil, op. cit., nos 862 et 875 ; J. GHESTIN,

127 le contrat de louage d’ouvrage ne conditionne pas sa validité à la fixation du prix par les parties471.

270. À propos de la frontière qui sépare le contrat d’entreprise du mandat : l’article

1984 du Code civil définit le mandat ou procuration comme « un acte par lequel une

personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ». Autrement dit, quand bien même cela n’a pas toujours été le cas472, il est

aujourd’hui indispensable qu’un pouvoir de représentation soit efficient pour que le mandat puisse être caractérisé473.

271. Cependant, eu égard à sa définition474 et à la position tranchée des juridictions,

on observe que le contrat d’entreprise semble réfractaire à toute idée de représentation475.

Cela se traduit simplement par le fait que contrairement au mandataire qui accomplit des actes juridiques pour le compte de son mandant, le locateur exécute des actes à la fois d’ordre matériels476 et intellectuels477. Le contrat de l’article 1710 du Code civil confère

471 Cass. 3e civ., 18 janv. 1977, Bull. civ. III, no 25 ; Cass. 1re civ., 28 nov. 2000, no 98-17.560 ; dans le

même sens, les juges considèrent que le contrat d’entreprise échappe à l'obligation d'une détermination préalable de la contrepartie pécuniaire, in Cass. 3e civ., 2 juill. 1997, JCP 1997, IV, p. 1900 ; Les juges ont

estimé que « le contrat d’entreprise était présumé conclu à titre onéreux », formulation laissant entendre qu’il pouvait être conclu à titre gratuit, in Cass. 3e civ., 17 déc. 1997, RDI 1998 p. 255, Ph. Malinvaud et

B. Boubli.

472 En effet, pendant longtemps, les prétoires ont considéré à l’égard de certaines professions libérales que

le mandat puisse prospérer nonobstant l’absence d’un pouvoir de représentation, in B. BOUBLI, « Contrat d’entreprise », op. cit., n° 29.

473 F. LEDUC, Deux contrats en quête d’identité, les avatars de la distinction entre le contrat de mandat et le contrat d’entreprise, Études offertes à G. Viney, LGDJ, Lextenso, 2008, p. 595 et s. ; P.-Y. GAUTIER,

« Les fluctuations historiques de la frontière mandat/entreprise, ou à partir de quel moment le produit est considéré comme vendu, dans l'intérêt commun, dans un grand magasin », RTD civ. 2002, p. 323 ; N. DISSEAUX, La qualification d’intermédiaire dans les relations contractuelles, Thèse dactylo., Paris I, LGDJ, 2007 ; A. GILSON-MAES, Mandat et Responsabilité civile, Thèse dactylo., Reims, 2013, p. 16 ; Cass. 1re civ., 19 févr. 1968, Gaz. Pal. 1968. 2, p. 144, note J.-P. Doucet.

474 Voir, supra n° 254.

475 À noter que la consécration du critère de représentation ne sera effective que bien après. Puisqu’au

XIXe siècle, mandat et louage d'ouvrage se séparaient d'abord sur la gratuité présumée du premier et

l'onérosité du second, in M. FAURE-ABBAD, « l’impact de la réforme des contrats spéciaux sur le contrat d’entreprise », RDI 2017, p. 570, n° 2, in « Responsabilité civile, contrats spéciaux, sûretés : l'impact des réformes à venir sur le droit immobilier et de la construction », actes du colloque organisé à Paris le 25 novembre 2017 par l’Association Française pour le Droit de la Construction (AFDC) et la Fédération Française du Bâtiment (FFB), RDI 2017, p. 560.

476 Petite précision, le vocable « matériel » est compris ici sous l’angle non juridique, in Ph. MALINVAUD,

Ph. JESTAZ, P. JOURDAIN et O. TOURNAFOND, Droit de la promotion immobilière op. cit., n° 64.

477 Il en est ainsi pour l’architecte, in Cass. 1re civ., 21 janv. 1963, Gaz. Pal. 1963. 1, p. 333 ; l’entrepreneur

qui ne représente pas le maître d’ouvrage, in Cass. 1re civ., 19 févr. 1968, précité ; Voir aussi dans le cadre

de la sous-traitance, avec l’entrepreneur général qui traite en son nom propre avec les sous-traitants et ne représente pas celui qui lui a confié le marché ; Cette idée d’indépendance rejoint l’article 69 de l’avant- projet Capitant qui précise que le contrat d’entreprise est « celui par lequel le prestataire doit accomplir un

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ainsi au prestataire, une marge de manœuvre dans ses tâches que le régime du mandat ne saurait lui garantir478.

272. Toutefois, le contrat d’entreprise et le contrat de mandat ne demeurent pas

totalement exclusifs l’un de l’autre479. Il existe des cas où les deux concepts opèrent de

front vers un objectif commun. Cela s’observe par exemple en matière de conseil juridique avec l’avocat, qui lorsqu’il assiste son client, en est mandataire480 et aussi dans

le domaine du tourisme avec les qualités d’entrepreneuret de mandatairereconnues à une agence organisant un voyage481. Outre ces deux domaines, l’association des notions de

mandat et d’entreprise régit aussi le champ immobilier. Selon les cas, le mandat et l’entreprise peuvent constituer un groupe de contrats482 voire un contrat unique avec en

exemple : le contrat de promotion immobilière qui est présenté comme un mandat d’intérêt commun483.

273. Quoi qu’il en soit, tracer la frontière du contrat d’entreprise avec celui de mandat

permet certainement de délimiter les champs respectifs de chacun, afin d’éviter des confusions dues à de forts traits de ressemblance. Cela permet entre autres de comprendre que les conventions passées par le locateur d'ouvrage avec les sous-entrepreneurs ou fournisseurs n'engagent pas le maître qui n'a aucun lien contractuel avec eux et peut souvent complètement ignorer leur existence484. Par ailleurs, les effets de l’article 2000

du Code civil485, prévoyant une indemnisation du mandataire par le mandant en cas de

pertes éprouvées lors de l’exécution de sa mission, ne peuvent être étendus à la situation du maître d’ouvrage vis-à-vis de l’entrepreneur486.

478 N’étant pas a priori un représentant à la demande du client, l’entrepreneur accomplit ainsi un travail

dont il prend la responsabilité, in Ph. MALAURIE, L. AYNÈS et P.-Y. GAUTIER, Des contrats spéciaux,

op. cit., n° 709.

479 D’autant plus que les deux concepts convergent vers un objectif commun à savoir l’exécution d’un

travail pour le compte d’autrui, in A. BÉNABANT, Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, 11e éd., LGDJ, coll. Domat Droit privé, 2015, n° 494.

480 Voir, loi no 71-1130 du 31 décembre 1971, D. 1972, p. 38 ; Cass. 1re civ., 15 janv. 2002, no 99-21.799. 481 Conformément à l’article L. 211-17 du Code du tourisme.

482 L’hypothèse de l’architecte qui a priori n’est pas investi d’un pouvoir de représentation, peut se voir

charger par son client d'accomplir, au nom et pour le compte de celui-ci, certains actes juridiques déterminés, in Cass. 1re civ., 17 déc. 1964, D. 1965 ; Il peut par exemple représenter son client auprès des

autorités administratives, voire passer et modifier des marchés.

483 C. civ., art. 1831-1.

484 Cass. 1re civ., 7 oct. 1963, Bull. civ. I, no 414 ; Cass. 3e civ., 8 mars 1968, Bull. civ. III, no 103.

485 « Le mandant doit aussi indemniser le mandataire des pertes que celui-ci a essuyées à l'occasion de sa gestion, sans imprudence qui lui soit imputable ».

486 À moins que le dommage ne résulte de la faute prouvée du maître de l’ouvrage, in Cass. 1re Civ., 17

129 Après avoir distingué les contrats courants du louage de service487, de ceux

d’entreprise, d’autres contrats d’une moindre importance méritent une étude succincte.

274. De la même manière qu’avait procédé Monsieur Bernard Boubli lors de son étude

consacrée au régime du contrat d’entreprise488, il convient de bien distinguer le contrat

d’entreprise de cinq autres types de contrat de service que sont : le dépôt, le transport, le commodat, l’association et enfin l’assistance.

275. Concernant le dépôt, il peut être confondu avec le louage d’ouvrage lorsque celui-