• Aucun résultat trouvé

Les ajustements opérés au stade de l’exécution de la vente d’immeubles à rénover

Section II : Le contenu de la vente d’immeubles à rénover

B. Les ajustements opérés au stade de l’exécution de la vente d’immeubles à rénover

235. À cette phase de l’étude du contrat de vente d’immeubles à rénover, s’il est clair

que son régime est assez proche de celui de la vente en l’état futur d’achèvement ou de rénovation, il s’en distingue tout même au travers des ajustements opérés par la loi. Ainsi, nous allons voir que les notions d’achèvement et de garantie de bonne fin relatives aux ventes d’immeubles à construire sont appréciées différemment en matière de vente d’immeubles à rénover.

236. Sur la notion d’achèvement en matière de vente d’immeuble : les interprétations

du législateur divergent selon qu’il s’agit d’une vente d’immeubles à construire ou d’une vente d’immeubles à rénover.

109

237. Dans le régime de la vente d’immeubles à construire, l’achèvement s’apprécie

par rapport à l’immeuble vendu. Le Code de la construction et de l’habitation le démontre d’ailleurs via son article R. 261-1 qui dispose que l'immeuble vendu est réputé achevé

« lorsque sont exécutés les ouvrages et sont installés les éléments d'équipement qui sont indispensables à l'utilisation, conformément à sa destination ». Alors que dans le régime

de la vente d’immeubles à rénover, c’est uniquement l’exécution des travaux mentionnés au contrat conformément à leur utilisation, qui importe pour apprécier l’achèvement406.

238. Cette différence de conception inhérente à l’appréciation de l’achèvement par

rapport aux travaux et non pas au regard de l’immeuble s’explique assurément : dans la vente d’immeubles à rénover, ce sont les travaux qui constituent l’élément central du contrat, et non pas l’immeuble, comme ce peut être le cas en matière de vente d’immeubles à construire.

239. En outre, n’apprécier l’achèvement qu’à l’aune de l’exécution des prestations

contractuellement fixées remet à nouveau en jeu, mais sous un angle différent, le critère d’habitabilité du local. La fin des travaux convenus au contrat ne suppose pas forcément que l’immeuble dans son ensemble soit habitable407. Dit autrement, le vendeur-

rénovateur, tenu d’achever ou faire achever les travaux convenus, peut s’affranchir de son obligation d’achèvement, sans toutefois garantir à l’acquéreur une habitabilité des lieux. C’est une configuration qui est a priori inenvisageable dans le domaine de la vente d’immeubles à construire qui conditionne la constatation d’achèvement au caractère habitable de l’immeuble.

240. Par ailleurs, la doctrine408 soulève un point important quant à l’achèvement des

travaux dans le cadre d’une vente d’immeubles à rénover. En effet, l’article R. 262-4 écarte du constat d’achèvement, les défauts de conformité contractuels et malfaçons qui ne dénaturent pas l’utilisation des travaux nouveaux. Or, si dans une vente d’immeubles à construire, il peut être aisé d’apprécier l’achèvement par rapport aux ouvrages exécutés conformément à leur destination, il n’en est rien pour les cas de vente d’immeubles à rénover. Effectivement, dans quelle mesure peut-on apprécier dans l’absolu,

406 CCH., art. R. 262-4.

407 Ph. MALINVAUD, Ph. JESTAZ, P. JOURDAIN, O. TOURNAFOND, Droit de la promotion immobilière, op. cit., p. 466.

110

l’impropriété des ouvrages neufs à leur destination, lorsque ceux-ci sont incorporés dans les existants ?

241. En sus du constat d’achèvement, peut-on relever un autre ajustement opéré en

matière de fourniture de garantie de bonne fin ou d’achèvement. Dans le domaine de la vente immobilière, une telle garantie vise à assurer la protection de l’accédant à la propriété. Or, avant la création du contrat de vente d’immeubles à rénover, la protection de l’accédant à un immeuble en cours de rénovation n’était guère assurée.

242. Comme cela a déjà pu être expliqué plus haut, lorsque l’opération projetée était

une rénovation légère, elle adoptait, à la fois, celle d’une vente d’immeuble existant et d’un louage d’ouvrage de droit commun sur les travaux à exécuter. Par conséquent, le vendeur-rénovateur n’était pas contraint de fournir une garantie de bonne fin à l’acquéreur. En revanche, lorsque l’opération de rénovation était significativement lourde et de ce fait basculait dans le régime de la vente en état futur d’achèvement, le vendeur- rénovateur n’avait nul besoin d’être garanti par un organisme extérieur ; il pouvait ainsi échapper à toute garantie bancaire et « s’auto-garantir » par le biais de la garantie intrinsèque409. Une situation qui comme le souligne Monsieur le Professeur Philippe

Malinvaud, mettait l’acquéreur dans une situation inconfortable410, puisque ce dernier

n’était alors nullement à l’abri de l’abandon du chantier ou de la faillite du rénovateur.

243. L’institution d’une garantie exclusivement extrinsèque à travers la création de la

vente d’immeubles à rénover a mis fin à cette quasi-absence de protection de l’acquéreur, ce, nonobstant les réserves du Professeur Malinvaud quant à l’imposition de cette garantie à tout type de rénovation fut-elle lourde ou légère411. De plus, on peut considérer que la

mise en place du mécanisme de garantie extrinsèque par le régime de la vente d’immeubles à rénover a, d’une certaine manière, révolutionné les garanties de bonne

409 L’ancien article R. 261-18 du CCH autorisait la fourniture d’une garantie intrinsèque dès lors qu’une

des conditions suivantes était réunie. Ainsi, soit l’immeuble était hors d’eau et non grevé de privilège ou hypothèque ; soit les fondations devaient être achevées et le financement assuré à hauteur de 75% du prix de vente de l’immeuble.

410 Ph. MALINVAUD, Ph. JESTAZ, P. JOURDAIN, O. TOURNAFOND, Droit de la promotion immobilière, op. cit., p. 469

111 fin ; étant donné que la garantie intrinsèque régissant les ventes d’immeubles à construire a par la suite été supprimée au profit de la seule garantie extrinsèque412.

En plus de l’aménagement d’une garantie de bonne fin exclusivement extrinsèque, le contrat de vente d’immeubles à rénover a la particularité de lui conférer une forme spécifique et différente de celle des ventes d’immeubles à construire.

244. Contrairement à la vente d’immeubles à construire, la garantie bancaire

d’achèvement que fournit le vendeur-rénovateur ne peut résulter que d’un cautionnement. En d’autres termes, la possibilité d’opter pour soit un cautionnement solidaire, soit une ouverture de crédit comme le permet le régime de la vente d’immeubles à construire, ne peut être ouverte au porteur d’un projet de rénovation. En outre, le législateur de 2006 a limité la garantie financière de l’opération de rénovation à la seule garantie d’achèvement. Il n’a, en d’autres termes, pas prévu de garantie de remboursement comme en matière ventes d’immeubles à construire.

412 Le décret du 25 mars 2016 entré en vigueur le 28 mars supprime définitivement les garanties

112

CONCLUSION DU CHAPITRE II

245. Pour apprécier le fonctionnement du contrat de vente d’immeubles à rénover,

deux axes parallèles doivent être empruntés :

Le premier relatif à son champ d’application aboutit, après examen, à la considération selon laquelle le présent statut tend à ne régir que les travaux dits « légers », excluant d’emblée ceux d’une ampleur plus lourde.

Il résulte de l’analyse du second axe traitant de son contenu, que sa structure est le fruit d’une combinaison de formules contractuelles préexistantes et de critères qui lui sont propres. La valeur ajoutée de ce modèle contractuel tient au fait qu’il a été spécialement et expressément conçu pour les rénovations. De plus, à travers son étude, le présent contrat ne se limite pas au seul encadrement des opérations de rénovation, mais participe également àleur classification.

Toutefois, ces considérations ne doivent pas masquer une réalité pratique plus nuancée. En effet, on peut s’interroger sur la réelle opportunité de ce contrat et de son régime. Son caractère contraignant qui impose notamment au vendeur qui se charge des travaux de rénovation de fournir une garantie de bonne fin, un encadrement des paiements et un formalisme strict indépendamment de la teneur des travaux de rénovation, suscite bien des interrogations. Ainsi, on peut imaginer qu’en réalité, l’objectif du législateur, sous-tendu par un souci de protection des intérêts de l’accédant, était d’inciter le vendeur à exécuter les travaux de faible envergure sur l’immeuble, avant sa vente413. En effet,

comment admettre que le législateur puisse réclamer des garanties identiques à deux vendeurs, l’un s’engageant à remplacer une fenêtre et l’autre se chargeant de la reconstruction totale de l’existant ? Il s’agit là d’une situation dont la cohérence n’est pas évidente. Ceci d’autant plus que l’octroi d’une garantie extrinsèque d’achèvement par les organismes agréés est soumis à des conditions de solvabilité et d’historicité auxquelles

413 J.-Ph. TRICOIRE et V. ZALEWSKI-SICARD, « Le cadre contractuel des travaux sur existants », op. cit., LPA 2016, n° 206, p. 11 ; V. ZALEWSKI-SICARD, « Pour l’instauration d’un contrat de rénovation

en secteur protégé », RDI 2014, p. 442. En effet, au regard de la faible importance des travaux, certains vendeurs peu scrupuleux, promettaient à leur acquéreur, des travaux de rénovation dans l’immeuble qui n’arrivaient jamais, in Ph. PELLETIER, « Le trop plein de lois », RDI 2009, p. 265.

113 ne peuvent satisfaire de nombreux vendeurs-rénovateurs414. On imagine assez bien une

volonté du législateur d’assainir le marché en incitant certains opérateurs à réaliser les travaux avant de vendre l’immeuble et en excluant de fait, ceux qui ne présenteraient pas les critères de sérieux et/ou de compétence requis. Simplement, il ne faut pas minimiser le fait que les nouvelles contraintes légales et règlementaires peuvent inciter un certain nombre d’opérateurs à recourir à des manœuvres frauduleuses415. Si la nouvelle

règlementation soumet ces derniers à un risque de requalification, à des conséquences civiles lourdes et à des sanctions pénales violentes, il n’en demeure pas moins que l’idée de repenser la structure de ce contrat se pose. Il serait par exemple intéressant de fixer un seuil dont l’atteinte ou le dépassement rendrait la fourniture d’une garantie financière obligatoire. On peut tout à fait imaginer que ledit seuil serait établi sur la base du coût et de l’amplitude des travaux de rénovation.

414 Cet argument rejoint notamment celui de Monsieur le Professeur Jean-Louis BERGEL qui fait part de

ses appréhensions quant à la difficulté pour les « petits-opérateurs » de fournir une garantie extrinsèque d’achèvement, in la vente d’immeuble à rénover, op. cit., p. 104.

415 Par exemple, les vendeurs-rénovateurs qui, faute d’avoir pu obtenir l’aval d’un établissement de crédit,

114