À l’origine de la Congrégation de la Purification se trouve une femme singulière,
réputée en son temps pour sa dévotion et son charisme : la Mère Marguerite de Senaux. Les quelques paragraphes suivants sont consacrés à la biographie de cette femme encore
peu connue du grand public et dont la mémoire n’est pérenne que dans l’esprit de ses
héritières.
A- La fondatrice : Marguerite de Senaux, dame de Garibal
La création de la Congrégation des Dames de la Purification revient à une noble dame, Marguerite de Senaux, en religion Marguerite de Jésus. Toulousaine, celle que ses contemporains surnomment « la Mère Marguerite » n’est pas une inconnue à son époque. Au XVIIesiècle, le manuscrit des Dames de la Purification atteste de l’importance de son
rôle dans l’éducation des jeunes filles pauvres et de la venue de la Mère Marguerite de sa
province natale pour établir à Paris la maison des Filles de Saint-Thomas à la demande
d’Anne de Caumont, duchesse de Fronsac, de même que le couvent des Filles de la Croix2. Loret cite la Mère Marguerite dans sa Muze historique3 et Tallemant des Réaux
2 AD Isère, 26 H 222, fo3vo-5vo.
3La Muze historique du 9 juin 1657 contient ces quelques vers :
La Mort, cette Déïté maigre,/Et qui n’en est que plus allaigre,/Qui par-tout vient, qui par-tout va,/Jeudi dernier nous enleva/La Sainte Mère Marguerite,/Dame de singulier mérite,/Dont le beau vizage jadis,/Des yeux étoit le Paradis ; /Et depuis, dans le Monastère,/Par ses vertus et vie
austère,/A charmé les plus beaux esprits,/Et les plus pieux de Paris (…)/Son
Ame étoit bele et brillante,/Sa douceur candide et charmante,/Jusques-là, que
ses qualitez/D’avoir une parfaite estime/Pour cette Ame haute et sublime.
La Mère Marguerite était en grande réputation à Paris comme en province. Loret avait
déjà évoqué cette noble dame lorsqu’en septembre 1655, l’abbé de Roquette avait
prêché au couvent en présence de la reine. Sur ce point, La Muze historique ou recueil
des lettres en vers contenant les nouvelles du temps écrites à son altesse Mademoiselle de Longueville, depuis duchesse de Nemours (1650-1665), par Jean Loret, nouvelle édition revue sur les manuscrits et les éditions originales et augmentée d’une introduction, de notes et d’une table générale des matières par MM. J. Ravenel, V. de la
Pelouze (t. 1) et Ch-. L. Livet (t. 2), Paris, P. Jannet/P. Daffis, 1857-1877. Ici, pour La Muze historique de 1655 et celle de l’année 1657, se reporter au t. 2, Livre VI, Lettre XXXVII, p. 99 et Livre VIII, lettre XXII, p. 344.
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l’évoque dans son historiette sur Mme Roger4. Quant à Piganiol de La Force, il note que la Mère Marguerite prit part à la conversion de Cyrano de Bergerac et qu’ils se fréquentaient régulièrement5. Ainsi que le souligne Madeleine Alcover, « la Mère
Marguerite […] était une personne de grande réputation, comme on aurait dû s’en douter
par la manière dont Lebret en parle : s’il cite son nom sans contexte, c’est que son
identification allait de soi à cette époque »6. Au cours du XVIIIesiècle, quelques auteurs reprendront ces faits7. Edmond Rostand cite la Mère Marguerite de Jésus dans sa pièce culte Cyrano de Bergerac (acte V, scène 1) et celle-ci a, de nos jours8, laissé une trace,
4 Tallemant des Réaux, Les Historiettes de Tallemant des Réaux. Mémoires pour servir
à l’Histoire du XVIIe siècle publiés sur le Manuscrit autographe de l’Auteur, seconde édition, précédée d’une Notice sur l’Auteur, augmentée de passages inédits, et accompagnée de Notes et d’Éclaircissements, par Louis-Jean-Nicolas Monmerqué, Paris, Garnier Frères, 1840, t. VIII, chap. CCLXII, p. 77.
5 Description de Paris, de Versailles, de Marly, de Meudon, de S. Cloud, de Fontainebleau, et de toutes les autres belles Maisons & Châteaux des Environs de Paris par M. Piganiol de la Force. Tome second contenant les Quartiers de Saint Jacques de la Boucherie, de Sainte Opportune, du Louvre, du Palais Royal & de Montmartre, Paris, Charles-Nicolas Poirion, 1742, pp. 573-574.
6 Madeleine Alcover, Cyrano relu et corrigé (Lettres, Estats du Soleil, Fragment de
Physique), Genève, Droz, 1990, p. 36.
7 Au début du siècle, Henri Sauval rédige une notice sur le Mère Marguerite dans son
Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris, t. I, Paris, Charles Moette et Jacques Chardon, 1724, p. 680 puis à la fin du siècle, Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut
dans son Dictionnaire historique de la Ville de Paris et de ses environs, dans lequel on
trouve la Description de tous les Monumens & Curiosités ; l’Etablissement des Maisons Religieuses, des Communautés d’Artistes & d’Artisans, etc… dédié à M. Le Maréchal
Duc de Brissac, Paris, Moutard, 1779, t. IV, pp. 577-578. Au XIXe siècle également, une
notice un peu plus étoffée est rédigée par les R. P. Richard et Giraud, Bibliothèque
sacrée, ou dictionnaire universel historique, dogmatique, canonique, géographique et chronologique des sciences ecclésiastiques, t. XXVIII, Paris, Boiste Fils Ainé, 1825, p. 193.
8 Henri Hauser a également écrit un article où il cite Cyrano et la Mère Marguerite :
Mme de Garibal - Marguerite de Senaux – « se frottoit le visage avec les linges
les plus sales qu’elle trouvoit ». Son mari, conseiller au Parlement de
Toulouse, s’illustra dans les circonstances suivantes : Pompeio Usiglio, alias
Vanini, allait être sauvé grâce à « la criante injustice d’un non lieu » ; mais
M. de Garibal veillait. « Aidé de sa femme, il gagne deux serviteurs » du
malheureux - deux bons témoins qu’on fera ensuite fuir en Espagne - et il eut
la joie de voir l’athée « condamné à avoir la langue coupée et à être brûlé vif ». Ah ! la bonne odeur de chair roussie ! A ces signes se reconnaît la vraie
sainteté, au dire de M. Lorber qui célèbre en Mme de Garibal, devenue
Marguerite de Jésus, la fondatrice des Filles de la Croix. Car les deux époux,
donnant l’exemple au duc et à la duchesse de Ventadour, se séparèrent en
1618, et la nouvelle dominicaine, après avoir administré le couvent toulousain,
vint s’installer dans cette maison de Charonne où l’on vit parfois le nez de Cyrano. Ce qui nous vaut, en guise de références historiques, d’abondantes
citations de Rostand. A part ce poète, la principale source est l’Année
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puisqu’une impasse de Toulouse porte son nom. La ferveur que lui portent ses héritières,
les religieuses du monastère de la Croix et de la Miséricorde d’Évry, prouve que la Mère
Marguerite n’a jamais été oubliée. C’est en grande partie grâce à leurs manuscrits que nous avons pu compléter le long panégyrique de Marguerite de Senaux effectué par les Dames de la Purification grenobloise et notamment le poème intitulé Vol d’esprit dont
les Dames n’avaient recopié que la première strophe9.
Marguerite de Senaux naît à Toulouse le 21 novembre 1589. Elle a pour père Jean de Senaux et pour mère Anne de Portail, de la famille d’Olive. Elle appartient donc à une
famille de magistrats. Neuvième enfant de la fratrie, elle n’a que neuf ans lorsqu’elle vient avec sa mère à Paris où elle apprend les rudiments de la foi en priant Dieu dans son cabinet10. Dans sa prime jeunesse, elle expérimente l’oraison et passe sa journée entre les
mains de différents maîtres qui lui donnent une éducation mondaine conforme à son rang. Marguerite de Senaux relate cet épisode de sa vie enfantine :
[…] en ce voyage, continue-t-elle, que ma mère fut obligée de faire, elle fut deux ans
ou plus absente de la maison, elle eut un soin tout particulier, m’ayant toujours auprès d’elle, de me faire instruire et apprendre ce que l’humaine civilité peut désirer ; ainsi
j’avais tout à la fois je ne sais combien de maîtres pour des choses très différentes qu’en même temps on m’enseignait11.
Marguerite apprend ainsi de nombreuses langues, à écrire, compter, danser, chanter
et jouer de divers instruments de musique, mais n’en oublie pas pour autant ses devoirs
de fille en consolant sa mère lors des grandes épreuves de sa vie. Elle est présente lors de
manuscrits appartenant au monastère. Après la mort de Marguerite, M. Lorber
situe l’histoire de la maison à travers les âges. On apprend de lui qu’en 1676,
« sans les lourdes fautes de ses administrateurs, l’empire ottoman aurait peut -être saisi Venise, Vienne, Varsovie, Moscou ».
Extrait de Henri Hauser, « Bulletin Historique - Histoire de France (époque
moderne 1498-1660) », dans Revue Historique, sous la direction de Charles Bémont et
Louis Eisenmann, 53e année, t. 159, septembre-octobre 1928, Paris, Félix Alcan, 1928,
pp. 132-133. Pour l’auteur, Marguerite de Senaux et son époux ont donc servi de modèle
au fondateur de la Compagnie du Saint-Sacrement.
9 Nous invitons le lecteur à se reporter à l’annexe no1 pour une lecture intégrale du
poème.
10 MCM Évry : Manuscrit de la Vie de la vénérable Mère de Senaux appelée en religion
Marguerite de Jésus fondatrice des monastères de St Thomas et de la Croix de l’Ordre
de Saint Dominique de Paris, 590 folios. Nous remercions les sœurs archivistes du Monastère de la Croix et de la Miséricorde d’Évry de nous avoir permis de consulter leur
manuscrit. Hormis pour le poème de Marguerite de Senaux, nous nous référons au
tapuscrit de la Vie de Marguerite de Senaux effectué par Denise Portal, archiviste du
monastère de la Croix d’Évry, p. 22.
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la mort de son père et a conscience de la charge qui pèse sur sa mère étant désormais veuve avec six enfants :
Ma mère, dit-elle, eut la plus grande affliction de la mort de mon père qui la laissa
assez jeune chargée de six enfants, quatre fils et deux filles desquelles j’étais l’aînée,
avec de grands charges et affaires […] Elle a toujours demeuré veuve, et très véritablement telle selon les termes de l’apôtre12.
Marguerite connaît les devoirs qui incombent aux veuves et se forme auprès de sa mère aux choses de la vie. Aux environs de 1600, elle rentre à Toulouse et se rend dans diverses maisons religieuses, en particulier aux feuillantines13. Sa mère entretient une grande amitié avec la marquise de Belle-Isle, fille de Léonard, duc de Longueville et de Marie de Bourbon, duchesse de Bouteville14. Marguerite est souvent présente auprès de ces deux dames et sait se faire discrète. Sa mère songe un temps à se retirer au couvent des feuillantines, mais ne veut pas laisser sa fille encore jeune sans destinée. Elle décide donc de la marier en choisissant M. de Garibal parmi une « foule d’amants qui venaient
de toutes parts lui étaler leur passion »15. Le portrait de M. de Garibal esquissé dans sa Vie est des plus louangeur : « Ce magistrat était riche, bien fait, parfaitement honnête
homme, et d’une illustre famille qui avait déjà donné à la robe, et qui lui avait donné
depuis plusieurs autres magistrats d’une grande distinction. Madame de Senaux aurait cru
faire un tort irréparable à sa fille de refuser un si avantageux parti, et mademoiselle de Senaux était trop soumise à sa mère pour lui faire la moindre résistance »16. Marguerite
consent donc à épouser Jean de Garibal sur l’avis de sa mère et de ses directeurs de
conscience : elle a 14 ans. La Vie les décrit alors comme deux êtres absolument complémentaires : « Ils connurent bientôt qu’ils se convenaient parfaitement : mêmes humeurs, mêmes sentiments, mêmes inclinations, même esprit de piété, même amour de la vertu ; et ce fut ce qui les détermina plutôt que l’égalité des conditions et des
fortunes »17. Marguerite relate son engagement en ces termes :
12Ibid., p. 24.
13 Le couvent des feuillantines de Toulouse attirait de nombreuses femmes, notamment
Antoinette d’Orléans-Longueville, belle-sœur de Hippolyte de Gondi de Retz, 20esœur
de la Purification. Benoist Pierre revient sur les obstacles rencontrés par cette femme
pour faire partie des religieuses. Sur ce point, Benoist Pierre, La Bure et le Sceptre. La
Congrégation des Feuillants dans l’affirmation des États et des pouvoirs princiers
(vers 1560-vers 1660), Paris, Publications de la Sorbonne, 2006, pp. 210-211.
14 MCM Évry : Vie de Marguerite de Senaux, op.cit., p. 26.
15Ibid., p. 27.
16Ibid., p. 28.
45 Je fus donc mariée à treize ou quatorze ans à une personne qui valait incomparablement mieux que moi : c’est dire peu, mais je parle selon l’estime que le
monde, qui est un assez mauvais estimateur, avait de moi, qui par un certain et tout à fait extraordinaire orgueil ai méprisé les choses que le beau monde estimait le plus en lui et en moi-même ; j’avais été assez longtemps recherchée de cette personne : on ne
peut dire l’estime et l’affection qu’il avait pour moi ; et sans renchérir ni user
d’hyperbole, malaisément le pourrait exprimer une plume ni un cœur plus capable que
le mien, eut-il mes propres expériences. Le temps qu’il avait fallu pour attendre que je fusse en âge de m’établir, avait si fort redoublé ses ardeurs et sa tendresse, que
jamais on ne s’était trouvé si heureux ni si content qu’il le croyait être de me posséder ;
je l’affectionnais chèrement et tendrement et même solidement, mais la condition du
mariage semblait une dure croix aux désirs de mon âme, et nommément les actions qui marquent davantage cette sainte servitude : je l’appelle sainte parce qu’un sacrement l’ordonne…18
Le respect, l’amour et l’affection qu’elle témoigne pour son époux sont inconditionnels. Mme de Garibal vit donc aux côtés de son mari dans une sainte union où
les mœurs réglées constituent autant de principes de vie. Leur domesticité était à leur
image : pieuse et sage19. Marguerite de Senaux ne déroge pas pour autant aux voies de Dieu : elle continue de recevoir le Saint-Sacrement assez régulièrement, assiste tous les
jours à la messe et ne converse qu’avec des personnes dignes de l’édifier20. Elle prend également soin de faire éduquer ses domestiques dans la foi catholique et de leur enseigner le catéchisme. Aux dires de sa Vie, Marguerite était une maîtresse modèle, car modérée : « elle n’était ni difficile ni hautaine ni fâcheuse, ni piquante dans ses paroles :
ferme sans trop de rigueur, douce sans trop d’indulgence, elle savait se faire craindre,
aimer et respecter tout ensemble »21. Les domestiques pouvaient donc s’appuyer sur des
maîtres bienveillants. La maisonnée était réglée et les deux époux n’étaient qu’un cœur et qu’une âme. Il manquait à ce bonheur conjugal la présence d’enfants. Selon le
témoignage des Dames de la Purification de Grenoble relayé dans sa Vie, aucun enfant n’avait survécu22. Tous les enfants étaient mort-nés, ce qui poussa Marguerite de Senaux à envisager un autre état : celui de religieuse.
ces dames disoient quelle ne fut pas encore contante d’avoir faict ce sainct Establissement de la congrega[ti]on, et qu’elle desirer s’unir absolument a l’object
sacré de son amour par la separation entiere de toute sorte de creatures sans en excepter son mari envers lequel elle se servit du malheur dont Ils estoient accueillis par la perte
de tous leurs enfans (dont pas un de quatre qu’ilz en avoient eus, n’avoit peu recevoir le baptesme ce qui les affligeoit mortellement a cause qu’ilz estoient fort pieux) pour
le porter a garder continence avec elle non seulem[en]t comme st Elzear et ste 18Ibid., p. 29. 19Ibid., p. 30. 20Ibid. 21Ibid. 22Ibid., p. 33-36.
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Delphine sa femme sans se separer de lict mais comme sainct Jullien et ste basilisse entrant le checun en religion23
Selon les Dames de la Congrégation de la Purification grenobloise, la perte de tous leurs enfants motive donc le choix de Marguerite de Senaux. Elle a 21 ans quand elle
envisage de se retirer du monde pour le cloître. Elle l’annonce à son époux qui en tombe
malade24. Marguerite est là pour le soigner et M. de Garibal finit par guérir quand
Marguerite tombe malade à son tour. Durant la maladie de l’un et de l’autre, ils se promettent mutuellement d’entrer en religion. Quand Marguerite tombe enceinte pour la
neuvième fois dont le fruit sera un nouvel enfant mort-né (les Dames parlent, elles, de quatre enfants), la perte de ce petit être est vécue comme un signe divin. En effet, malgré
toute l’attention qu’elle a portée à sa grossesse (elle restait alitée continuellement), rien
n’y fait25. Marguerite de Senaux se résout dès lors à entrer en religion. Son confesseur à cet instant-là est le Père Dupuy, ermite de saint Augustin et professeur de théologie à
l’université de Toulouse. Ce dernier lui voue une profonde admiration26. Les deux époux
qui s’étaient promis main dans la main de vivre désormais comme frère et sœur
renouvelèrent leur vœu d’entrer en religion entre les mains de Philippe Cospéan, évêque d’Aire-sur-l’Adour27. Marguerite pense d’abord entrer chez les feuillantines, mais la marquise de Belle-Isle étant désormais à l’abbaye de Fontevrault selon le souhait du pape Paul V, elle choisit de se tourner vers les Dominicaines. En ce sens, Marguerite de Senaux
suit à la lettre la recommandation de Philippe Cospéan qui l’avait adressée à Mère Marie
de Jésus, elle-même anciennement mariée à Monsieur Bourret28. Marie de Jésus, dans le monde Marie de Costa, était la dirigée du P. Michaëlis29. Elle participa à l’édification d’une Congrégation du Tiers Ordre de saint Dominique sous le nom de sainte Catherine de Sienne. M. Bourret, quant à lui, se fit jésuite et déploya son zèle pour l’instruction et l’éducation des pauvres filles de Toulouse et des provinces circonvoisines30. Marie de
Jésus obtint du cardinal de Joyeuse les permissions nécessaires à l’édification du couvent et de l’église et fixa leur entrée au 21 novembre 1606, jour de la Présentation de la sainte Vierge31. C’est dans ce nouvel institut que Marguerite de Senaux entra à son tour, le 4
23 AD Isère, 26 H 222, fo5vo.
24 MCM Évry : Vie de Marguerite de Senaux, op.cit., p. 35.
25Ibid., p. 36. 26Ibid., p. 38. 27Ibid. 28Ibid., p. 39. 29Ibid. 30Ibid., p. 40. 31Ibid., p. 41.
47 octobre 1618. Son époux, lui, se fit chartreux. Entre-temps, Marguerite de Senaux subit de nombreux tourments, car le monde ne tolérait pas son comportement singulier. Un extrait de sa Vie permet d’en prendre la mesure :
[…] au lieu des applaudissements qu’on lui avait donné jusqu’alors, on en fit le sujet
des railleries les plus piquantes, dont on égayait les conversations dans les compagnies : sa conduite ne passa pas seulement pour extraordinaire, comme elle
l’était effectivement, mais on la qualifiait d’impudence, de bizarrerie, d’esprit de critique, de singularité, d’entêtement, de folie, car le monde ne connaît de sagesse que celle qui a du rapport à ses maximes ; et toute la ville enfin se déchaîna contre elle
avec tant de fureur et d’emportement, qu’il est difficile en pareil cas d’essuyer une
plus rude persécution. On donnait un tour ridicule et malin à tout ce qu’elle faisait de
plus saint et de plus édifiant ; on tournait en dérision tout ce que sa piété avait de plus
solide et de plus exemplaire, sans épargner ni son assiduité à la prière qu’on traitait de fainéantise et d’oisiveté, ni son commerce de miséricorde et de charité, qu’on disait
tout haut lui être très utile pour mieux venir à ses fins, ni ses communions fréquentes
dont on disait qu’elle couvrait adroitement un grand fond d’hypocrisie, ni ses confessions qu’on taxait d’amusement, de perte de temps, de faiblesse ou de légèreté