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UN CORPS DE FEMMES

5. L’Ordre du Verbe Incarné

Claude de Chissé et ses deux filles ont avec Jeanne Chézard de Matel des rapports étroits. Il est effectivement intéressant de constater que Claude de Chissé, 17esœur, avec

l’aide du comte d’Eveine obtient auprès de l’archevêque de Lyon une audience à Jeanne Chézard de Matel537. Sa Vie autographe mentionne :

Le jour que Monseigneur arriva fut le même de notre arrivée. Nous attendîmes de lui parler le mardi de Pentecôte, lequel jour il avait donné à Madame de Chevrière pour nous voir. Ma dite dame pria Monsieur le Comte d’Eveine de me vouloir présenter, lui disant qu’elle, Madame de Beauregard, Madame de Chanron, sa sœur, seraient de

535 AD Isère, 3 E 7795, fo281ro-282vo : 03 septembre 1655.

536 AD Isère, 3 E 7796 : 22 janvier 1658.

537La Vie de la vénérable Mere Jeanne-Marie Chezard de Matel, fondatrice et institutrice de la congregation des religieuses du Verbe incarné et du Saint-Sacrement. Par un P. *** de la Compagnie de Jésus, Avignon, Franç. Girard & Dom. Seguin, 1743, p. 66.

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la compagnie. Monsieur le comte d’Eveine eut appréhension que Monseigneur Miron n’en fit rien538.

Claude de Chissé sert donc d’intermédiaire à Jeanne Chézard de Matel. Sa fille, Mme de Revel, 6e sœur, est aussi très proche de la future religieuse. Pour prendre conscience du rôle joué par Mmede Revel auprès d’elle, il faut consulter en plus de l’ouvrage du XVIIIesiècle sur la Vie de Jeanne Chézard de Matel précédemment cité539, les archives notariées. On se rend alors vite à l’évidence de la place centrale que Mme de Revel occupe dans l’œuvre, car la presque totalité des actes passés au profit du Verbe Incarné porte sa signature alors qu’elle n’est ni expressément citée comme témoin ni

personnellement concernée540. Mmede Revel a à cœur d’implanter une filiale de l’Ordre à Grenoble et d’aider Jeanne Chézard de Matel à accomplir son dessein, nous le verrons par la suite. Les liens personnels des dévotes grenobloises avec les milieux dévots

lyonnais mériteraient d’être approfondis. Nous n’avons pas pu le faire pour des raisons

de temps.

Après avoir brièvement évoqué la présence des femmes de la famille de La Croix de Chevrières auprès de Jeanne Chézard de Matel, il importe désormais de se concentrer

sur la proximité qu’entretient le réseau dévot grenoblois avec les milieux dévots parisiens.

6. Les milieux dévots parisiens

Les liens entretenus par les dévotes grenobloises avec les milieux dévots parisiens

sont multiples et doivent être enrichis par ceux, nous l’avons vu, du réseau de la

Compagnie de la Propagation de la Foi reconstituée par Catherine Martin541, mais aussi par ceux de la Compagnie du Saint-Sacrement.

Nous connaissons en partie les correspondants à Paris de la comtesse de Rochefort

et de sa sœur, Mme de Revel, et les personnalités qu’elles côtoient. Outre Catherine de

538Vie autographe de Jeanne Chézard de Matel. Fondatrice de l’Ordre du Verbe Incarné

et du Très Saint-Sacrement (Roanne 1596 – Paris 1670) : Brouillon autographe fait en

1642 et trouvé dans les Archives jésuites de Toulouse en 1986, Rome, 1993, 347 p. Ici, pp. 126-128.

539La Vie de la vénérable Mere Jeanne-Marie Chezard de Matel…, op.cit., pp. 245-246.

540 Mme de Revel est effectivement présente lors des contrats de réception des

religieuses. Sur ce point, AD Isère, 3 E 7788, fo228ro-230vo : 20 octobre 1644 et fo333ro

-335vo : 16 décembre 1644.

541 Catherine Martin, Les Compagnies de la Propagation de la Foi (1632-1685)…, op.cit.,

p. 225 : L’organigramme du réseau des Compagnies est tout à fait éclairant et montre à

185 Bar, en religion Mère Mectilde du Saint-Sacrement, la comtesse de Rochefort écrit et reçoit des lettres de Jean de Bernières-Louvigny542. Celui-ci dirigeait la conscience de Mère Mectilde du Saint-Sacrement ce qui explique que cette dernière serve parfois

d’intermédiaire entre son directeur et la comtesse de Rochefort543. Mère Mectilde

conseille d’ailleurs à la comtesse d’avoir « une singulière dévotion à Monsieur de Bernières » parce qu’« il obtient beaucoup de grâces à ceux qui le prient ». La comtesse de Rochefort est censée recevoir davantage de grâces « car il [l’] aimait »544. Mère Mectilde insiste beaucoup sur ce point lorsqu’elle informe la comtesse de la mort de Jean

de Bernières :

Je pensais vous écrire, mais le travail que j’ai, joint à une toux très fréquente, m’a ravi cette consolation et ne me donne que le moment de vous dire une nouvelle qui vous surprendra beaucoup et qui vous touchera aussi bien que moi. C’est, ma très chère

Sœur, que notre très cher Monsieur de Bernières nous a quitté et a pris son vol dans le cœur de Dieu, où nous croyons qu’il repose pour l’éternité […] À Dieu, priez ce cher Monsieur pour moi : j’ai confiance en lui et je crois qu’il se souviendra de nous. Il nous aimait545.

Ces quelques lignes permettent au lecteur de constater que la comtesse de Rochefort connaissait bien le trésorier général des finances. À Paris, cette dernière le rencontrait et certainement aussi le disciple et ami de ce dernier, Jacques Bertot, qui devint ensuite le directeur de conscience de Mère Mectilde et de Madame Guyon546. Une autre figure incontournable de la spiritualité du Grand Siècle en lien étroit avec les deux précédents est celle de Jean-Jacques Olier de Verneuil. Jean-Jacques Olier est, en outre, le directeur de conscience de la supérieure de la Visitation de Grenoble, Marie-Constance de Bressand547, auquel il fait part de sa satisfaction à l’égard de l’avancement spirituel de la comtesse de Rochefort et des œuvres charitables de Mme de Revel :

542 MBIC Rouen, P. 110, p. 68 : « quand vous voudrez écrire à Monsieur de Bernières, il

vous répondra avec onction et avec lumière ».

543Ibid., p. 362 : « voici une lettre que Monsieur de Bernières vous écrit ».

544Ibid., p. 201.

545Ibid., p. 108. Nous reproduisons ici la lettre 44 contenue dans le manuscrit P. 104 bis qui est plus détaillée.

546 Jacques Bertot, Le Directeur Mistique ou les Œuvres spirituelles de Monsr. Bertot,

Ami intime de feu Mr de Bernieres, & Directeur de Made. Guion avec un receuil de Lettres spirituelles tant de plusieurs auteurs anonimes, que du R. P. Maur de l’Enfant Jesus, Religieux Carme & de Madame Guion qui n’avoient point encore vu le jour divisé en

quatre volumes, Cologne, Jean de la Pierre, 1726.

547 Lettres de M. Olier (1608-1657). Nouvelle éd. revue sur les autographes,

considérablement augmentée, accompagnée de notes biographiques et précédée d’un

abrégé de la Vie de M. Olier, Paris, Victor Lecoffre, 1885, 2 tomes. Voir en particulier le t. 1, lettre XXII, p. 110 ; lettre XXIII, p. 114 ; lettre XXV-XXVII, pp. 117-121 ; lettre

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Nous avons ici Mme la marquise de Rochefort, qui est fort assidue à Saint-Sulpice, qui

a déjà heureusement travaillé pour Dieu avec sa sœur, Mme de Revel, en votre ville. J’espère en voir un jour quelque fruit pour la gloire de Jésus-Christ. Cette bonne dame prend soin particulier de s’avancer en Dieu, et me témoigne tous les jours, par sa confiance toute particulière, de vouloir faire entièrement les choses que Notre-Seigneur lui demande pour sa plus grande gloire ; j’en ai une satisfaction toute particulière548

Jean-Jacques Olier loue le zèle et la piété des deux sœurs, mais est particulièrement attentif à la progression de la comtesse de Rochefort549qu’il rencontre chaque jour à Saint-Sulpice. Dans une lettre qu’il adresse à Jacques Sumian, curé du diocèse de Viviers,

probablement datée de 1651, Jean-Jacques Olier lui propose de venir au séminaire de Saint-Sulpice répondant ainsi favorablement à la requête de Louis de Suze, son évêque.

Selon le vœu émis par la comtesse de Rochefort, Jean-Jacques Olier le prie de prendre à Vienne le fils de celle-ci, Armand-Anne-Tristan de La Baume de Suze, également neveu de Louis de Suze :

J’espère que vous aurez bien la bonté de vouloir accompagner ici M. de Rochefort, son neveu, qu’il destine à l’Église et qu’il désire, si la commodité le permet, de le faire élever au séminaire, pour lui donner à la bonne heure les premières semences de l’esprit ecclésiastique. Mme de Rochefort, la mère du petit, m’a fait arrêter de vous écrire pour attendre réponse du pays, afin de prendre ses mesures pour lui faire venir au premier ordinaire. Elle vous écrira pour cela afin de le prendre à Vienne où il étudie et le conduire avec vous550.

C’est également auprès de Marie-Thérèse Baudet de Beauregard, supérieure des bernardines réformées de Grenoble où les Dames de la Purification effectuaient temporairement leurs dévotions, qu’il trouve une écoute attentive551. Le fondateur de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice connaît donc plusieurs personnalités éminentes du milieu dévot grenoblois552. Il correspond également avec des personnalités proches de

XXXIII, pp. 129-134 ; lettre XXXV, p. 138 ; lettre XL, p. 148 ; lettre XLIII, p. 162 ; lettre XLV, p. 168 ; lettre XLVI, p. 170 ; lettre LI, p. 181 ; lettre LIII, p. 187 ; lettre LVI, p. 195 ; lettre LVII, p. 197 ; lettre LXII, p. 211 ; lettre LXIII, p. 213 ; lettre LXV, p. 217 ; lettre LXVI, p. 220 ; lettre LXVIII, p. 223 ; lettre LXXI, p. 229 et lettre CLXVII, p. 509.

548Ibid., lettre CLXVII, t. 1, pp. 511-512.

549Remarquons qu’il évoque la comtesse de Rochefort sous le titre de marquise de

Rochefort.

550Lettres de M. Olier (1608-1657), op.cit., t. I, lettre CLXXXI, pp. 542-543.

551Ibid.,, la Mère Baudet de Beauregard, supérieure des bernardines, t.II, p. 49.

552 Quelques lettres sont directement adressées aux dévotes grenobloises ou les

mentionnent : ibid., Marie de Valence, t.I, pp. 428-429 et t. II, p.65 ; Marie de Valernod,

187 la comtesse de Rochefort : Charles Picoté553 qui n’est autre que son directeur de

conscience, mais aussi Marie Rousseau554.

Parmi les prêtres de Saint-Sulpice, un ecclésiastique attire donc également notre attention : Charles Picoté555 qui fut non seulement le premier compagnon et le confesseur de Jean-Jacques Olier, mais aussi une personne de confiance de la reine mère, Anne

d’Autriche556. La comtesse de Rochefort se confesse à lui à diverses reprises et en informe Mère Mectilde. Celle-ci lui répond : « la leçon que M. Picoté vous a fait est très bonne, mais il faut que vous sachiez la manière de la pratiquer pour ne point troubler votre état présent »557. En directrice avertie, Mère Mectilde commente et met à la portée de sa dirigée les leçons prodiguées par son confesseur. Monsieur Picoté est aussi très intéressé par l’établissement des bénédictines de l’Adoration perpétuelle du Saint

-Sacrement. Il répand la rumeur dans Paris que l’affaire est conclue ; or il n’en est rien.

Mère Mectilde écrit à la comtesse : « Ma très chère Sœur, notre affaire n’est pas si avancée que Monsieur Picoté le fait croire partout où il en parle ; il espère beaucoup, mais rien n’est encore conclu »558. Dans une autre lettre, Mère Mectilde insiste à nouveau sur

553Ibid., t. I, lettre XCII, p. 281 ; lettre XIX, p. 387 ; lettre CXLVI, p. 454 et lettre LCXCIII, p. 564.

554Ibid., t. I, lettre LVII, p. 222 ; lettre LXXXIX, p. 276 ; lettre CXII, p. 368 et lettre CXVI, p. 376.

555 Charles Picoté, né à Orléans, est ordonné prêtre à Paris le 6 juin 1626. Il est surtout

connu des historiens pour avoir refusé l’absolution au duc de Liancourt au motif qu’il

hébergeait deux « jansénistes ». Les Mémoires de René Rapin, membre de la

Compagnie de Jésus, mentionnent cette affaire qui fit grand bruit et qui précéda La

Seconde Lettre d’un duc et paird’Arnauld qui fit entrer Pascal dans la lutte acharnée que se livraient adversaires et partisans de Port-Royal. Charles Picoté est reconnu comme

un ecclésiastique capable de diriger les âmes, mais ce refus d’absolution lui attire la

haine des Port-Royalistes. Il est aussi sollicité par Anne d’Autriche pour faire vœu de

réparation au Saint-Sacrement. Sur ce point, Mémoires du Père René Rapin de la

Compagnie de Jésus sur l’Eglise et la société, la Cour, la ville et le jansénisme (1644-1669), publié par Léon Aubineau, t. II, Paris, Gaume Frères, 1865, note 1 p. 237 et Olivier

Jouslin, « Rien ne nous plaît que le combat ». La campagne des Provinciales de Pascal.

Étude d’un dialogue polémique, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, t. I, 2007, p. 49.

556 MBIC Rouen, P. 101, Vie de Mère Mectilde du Saint Sacrement, pp. 525-526 : Mère

Mectilde écrit à la comtesse :

Je vis hier Monsieur Picoté. Nous demeurâmes assez bien sur toutes

choses. La lettre du roi est scellée. Il faut maintenant agir au Parlement. L’on

dit qu’il faudra aller voir la Reine pour la remercier, mais je ne puis y aller de

mon chef ; je crois qu’il est de la bienséance qu’on me présente à sa Majesté.

Si Monsieur Picoté en veut prendre la peine je m’y soumets.

557Ibid., p. 11.

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son zèle : « Le bon Monsieur Picoté est si zélé pour notre établissement qu’il voudrait que nous fussions déjà établies et comme toutes puissantes ; il faut laisser faire nos Dames sur le choix de la maison ! »559. Le rôle de Monsieur Picoté est notoire ce qui explique que le Père Hélyot reprenne ces faits dans sa notice consacrée aux bénédictines de

l’Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement de Paris560.

La comtesse de Rochefort se confie également à Marie Rousseau (vers 1596-1680), mère comme elle de plusieurs enfants, mais issue d’un milieu modeste. Née aux environs

de 1596, Marie est la fille de Guillaume Gournay, marchand mercier à Paris et marguillier de la paroisse des Saints-Innocents, et de Marie Lebret. Elle épouse en 1612 un marchand de vin nommé David Rousseau et travaille pendant vingt ans au sein d’un cabaret situé

près de la porte de Buci, à la rue des Canettes561. Jean-Jacques Olier lui doit sa conversion à une vie pieuse éloignée des mondanités après qu’elle l’ait apostrophé dans la rue. Il la

tient en très haute estime. Dans ses Mémoires, il dit d’elle : « Quoique cette femme soit

d’une basse naissance et d’une condition qu’on a presque honte de nommer, elle est

toutefois le conseil et la lumière des personnes de Paris les plus illustres par leur extraction et des âmes les plus élevées en vertu et en grâce »562. Il n’est pas invraisemblable que la comtesse de Rochefort soit parmi ces personnes de « haute extraction » où l’on recense la princesse de Condé, la duchesse d’Aiguillon et la duchesse d’Elbeuf563. La « veuve Rousseau »564 côtoie aussi Charles Picoté qui est son confesseur occasionnel lorsque M. Olier est en voyage565. Celui-ci est tellement déstabilisé par les élans intérieurs de sa

pénitente qu’il demande conseil à M. Olier sur les langueurs qu’elle ressent et qui ne sont,

selon lui, que le fruit de l’amour de Dieu :

559 MBIC P. 101 : Vie de Mère Mectilde du Saint Sacrement, pp. 661-662. L’institut de

l’Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement voit le jour peu après.

560 R. P. Hélyot, Histoire complète et costumes des ordres monastiques, religieux et

militaires, et des Congrégations séculières des deux sexes, Guingamp, B. Jollivet, 1840, t. V, pp. 248-269. Ici., pp. 259-260.

561 Jean-Pierre Schaller, Le courage d’être heureux, Paris, Beauchesne, 2005, pp.

48-49.

562 Jean-jacques Olier, Mémoires cité dans Berthelot du Chesnay, DS, op.cit., t. II, col.

1132, entrée « Direction »,

563 Bernard Plongeron, Luce Pietri, dir., Le Diocèse de Paris, Paris, Beauchesne, 1987,

p. 301.

564Ibid., p. 299.

565 Dans une lettre datée du 20 septembre 1647, M. Olier écrivait à Marie Rousseau :

« confessez-vous à M. Picoté devant qu’il parte, afin que vous ne soyez pas en peine de

confesseur ». Lettre 143, I, p. 139 citée par Gilles Chaillot, Discerner l’Esprit :

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[…] non seulement Il s’unit à elle dans la sainte communion et à l’oraison, en l’attirant à lui, mais qu’Il la presse comme pour la faire entrer en lui, afin qu’étant toute abîmée

et devenue comme une même chose avec lui elle ne se trouve plus elle-même, mais

qu’il n’y ait plus que Jésus-Christ en elle. C’est pourquoi elle agit si purement, parce qu’elle agit en la vertu, en la lumière, en l’amour, en un mot en la personne de Jésus -Christ même566.

Encore aujourd’hui, les « écrits » de Marie Rousseau restent difficiles d’accès. Les

10 096 feuillets qui composent son journal (que Philippe Lejeune qualifie à juste titre de « monstrueux »567) sont écrits à la demande du Père Bataille et témoignent de sa sociabilité, mais surtout de ses élans mystiques. Sur les treize volumes, seule l’année 1645

a été retranscrite dans le cadre d’une thèse de doctorat568. Le journal reste donc en grande partie inédit. L’abbé Bremond évoquait Marie Rousseau dans son Histoire littéraire du

sentiment religieux en France, mais de manière ponctuelle569. Il n’a d’ailleurs jamais

étudié le manuscrit de la mystique570même s’il a voulu lui consacrer un chapitre. Le rapprochement établi par Bremond entre le couple Jean-Jacques Olier et Marie Rousseau avec le couple MmeGuyon et Fénelon n’étant pas du goût du sulpicien Letourneau, le chapitre en avait été supprimé571.

566 Gilles Chaillot, Discerner l’Esprit…, op.cit., p. 59.

567 Philippe Lejeune, « Les journaux spirituels en France du XVIe au XVIIIe siècle », Les

Problématiques de l’autobiographie,[en ligne], no33, Littérales (Université Paris X-Nanterre), 2004, pp.63-85, [consulté le 17 mars 2007]. Disponible sur <http : //www.autopacte.org/Journaux_spirituels.html>. Nous reprenons ici la pagination du site.

568 Thierry Bourgeois, Approches de la mentalité spirituelle d’une dévote parisienne aux

temps de la Réforme catholique (à travers le journal de Marie Rousseau), thèse de 3ème

cycle, Paris, Université Paris IV, 1983, 2 vol.

569 Henri Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, op.cit., t. III, p. 4 ;

t. III, note 4, p. 458 et t. IX, note 3, p. 210.

570 Dinah Ribard, « L’anachronique ou l’éternel L’abbé Bremond et l’histoire littéraire »,

Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques [En ligne], 28-29 | 2002, mis en ligne le 25 avril 2009, consulté le 09 février 2015. URL : http://ccrh.revues.org/852 ; DOI : 10.4000/ccrh.852. En particulier, le § 10.

571 Dans sa correspondance avec le sulpicien Letourneau, Henri Bremond écrivait :

Je réponds que Marie Rousseau est elle-même un des personnages dont je

dois m’occuper, parce que représentatif, et que l’historien de Fénelon pêcherait gravement s’il escamotait MmeGuyon […] tout le monde reconnaîtra qu’il y a vraiment des ressemblances très nettes entre les deux groupes : M. Olier et Marie Rousseau ; Fénelon et Mme Guyon. Tout le monde - parmi

mes lecteurs - sait combien j’admire Fénelon. La comparaison faite par moi,

n’a donc rien d’offensant pour M.Olier. L’un et l’autre ont eu trop d’admiration

pour une mystique authentique, mais pas toujours sûre. C’est là un fait qui

montre simplement que les plus grands sont faillibles.

Citation extraite de l’article d’Émile Goichot, « Une très haute, très séduisante, une fatale

figure. Bremond et madame Guyon », dans Madame Guyon, Grenoble, Jérôme Millon,

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Après son veuvage, en 1630, à l’âge de 34 ans, Marie Rousseau se consacre exclusivement aux œuvres religieuses et encourage Jean-Jacques Olier à fonder un séminaire. Selon le témoignage de ce dernier :

Elle croit que Dieu veut se servir de moi pour renouveler son Église, en formant

nombre de prêtres à l’esprit ecclésiastique, qui après s’en iront rendre service à Dieu

où il lui plaira les appeler ; & qu’outre le renouvellement de l’Église en ces quartiers,

on fera l’établissement d’une nouvelle Église en Canada; qu’en troisième lieu on ira encore plus avant prêcher l’Évangile572.

M. Olier fait d’elle l’instigatrice de tous ses projets pieux, notamment ceux relatifs

au Canada. C’est d’ailleurs elle qui encourage Jeanne Mance à partir pour la Nouvelle-France573. Marie Rousseau est une personne fort active dans le quartier de Saint-Sulpice où elle fréquente les hommes les plus spirituels tel le Père Charles de Condren qu’elle

considère comme « le plus admirable intérieur qu’elle eût jamais vu sur terre »574. Elle y

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