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4)  A new concept should suggest the possibility of a fruitfull research program It should have the potential to be extended, to open up new areas of inquiry »

3.3.2.  La conception, structure élémentaire du savoir 

o Définition 

A  partir  de  leur  introduction  dans  sa  thèse  en  1976  (Giordan,  1978),  la  nature  des  « conceptions »  (Giordan, 1978), pierres angulaires du modèle, et leurs implications ont été continuellement précisées  par Giordan. Une dizaine d’années plus tard, on pouvait notamment lire : « La conception n’est pas le 

produit de la pensée, elle est le processus même de l’activité mentale. Elle devient une stratégie, à la fois  comportementale et mentale, que gère l’apprenant pour réguler son environnement » (Giordan, 1996b). 

destinées  à  rendre  compte  de  toutes  les  caractéristiques  utiles  à  la  compréhension  de  ces  éléments  fondamentaux de la pensée. En 2003, la plus complète mêlait la métaphore de l’iceberg (Giordan & De  Vecchi,  1987)  à  la  description  articulée  de  leurs  soubassements,  comme  le  rappelle  la  figure 14  (Giordan  &  Pellaud,  2004).  Une  représentation  qui  constituera  le  point  de  départ  de  notre  formalisation du modèle allostérique.        Figure 14 : La métaphore de l’iceberg pour représenter les conceptions (2003, publié en 2004).    L’encadré qui suit reprend les termes par lesquels nous faisions le point sur cette notion deux années  plus tard (Eastes & Pellaud, 2005).   

Pourquoi  est‐il  si  difficile  d’apprendre  certaines  choses  et  pourquoi  certains  apprentissages  sont‐ils  réversibles ? Pourquoi au contraire suffit‐il d’entendre une seule fois un mot ou une explication pour  les  conserver  à  jamais ?  Tout  cela  dépend  avant  tout  de  nos  « conceptions ».  Ces  dernières  à  la  fois  constituent les briques élémentaires du savoir et construisent les fondements de la pensée, c’est‐à‐dire  l’ensemble des mécanismes qui nous permettent de produire du sens pour mieux appréhender notre  environnement et agir sur lui. 

Bien  plus  que  de  simples  représentations  ou  images  mentales,  elles  font  donc  appel  à  des  modes  de  raisonnement,  à  des  réseaux  de  références  et  des  signifiants  variés.  L’ensemble  de  ces  éléments  est  directement  issu  du  vécu  de  chacun,  influencé  par  les  multiples  environnements  dans  lesquels  nous  baignons  quotidiennement  et  dont  les  aspects  affectifs  vont  souvent  jouer  un  rôle  déterminant  (figure [14]). 

Ces  conceptions  ne  sont  jamais  évidentes  et  rarement  exprimées  de  manière  explicite.  Tel  l’iceberg  repéré par la petite fraction qui affleure au‐dessus de l’eau, elles ne sont révélées que par des gestes,  des  attitudes,  l’expression  de  valeurs,  de  croyances  ou  de  connaissances,  qui  peuvent  apparaître  de  manière tout à fait anodine au cours d’une discussion, d’une réponse à une question, d’un dessin.  Ces  informations  – qui  proviennent  de  nos  environnements  non  seulement  culturels  et  historiques  propres, mais également géographiques, religieux, socio‐économiques, politiques et surtout affectifs –  influencent  nos  modes  de  raisonnements  explicites  (connaissances  logicomathématiques)  ou  implicites  (paradigmes  sociaux,  modèles,  etc.),  nos  signifiants  (linguistiques,  iconiques,  symboliques,  etc.)  et  notre  réseau  de  références  (notions,  concepts,  valeurs,  etc.),  définissant  ainsi  un  réseau  sémantique,  base  de  toute  production  de  sens.  Les  conceptions,  résultat  de  l’ensemble  de  ces  interactions, sont donc à la fois savoir en place et filtre pour les informations nouvelles. 

Dans la vie de tous les jours, dans nos relations interindividuelles, nous avons habituellement accès à  cette  partie  émergée,  ainsi  qu’à  quelques  éléments  des  multiples  environnements  de  nos  interlocuteurs.  Mais  si  cette  connaissance  est  généralement  suffisante  pour  gérer  nos  relations  sociales,  elle  devient  très  vite  limitée  pour  le  médiateur  qui  doit  intervenir  directement  sur  l’acte  d’apprendre. Pourquoi ? Parce que les conceptions de ses élèves sont à la base même de leur manière  de  penser,  de  comprendre  et  donc  d’apprendre.  Les  conceptions  permettent  donc  l’identification  de  situations et l’activation de savoirs acquis lors d’expériences antérieures. En ce sens, elles sont un outil  indispensable à toute nouvelle acquisition de savoir. 

En conséquence, parce que leurs conceptions sont influencées par leurs environnements respectifs, les  élèves d’une même classe ne percevront pas tous de la même façon les propos de leurs professeurs.  Lorsqu’il  sera  question  d’énergie  par  exemple,  nul  doute  que  ce  terme  évoquera  des  choses  très  différentes chez le fils du physicien nucléaire, la fille d’un agriculteur biodynamicien, d’un installateur  de  cellules  photovoltaïques  ou  d’un  prince  du  pétrole,  le  fils  d’un  professeur  de  yoga  ou  d’un  animateur d’une célèbre station de radio française. 

 

o Exemples 

Sur  ces  bases,  il  est  possible  d’interpréter,  voir  de  prévoir,  beaucoup  d’observations  en  classe.  C’est  ainsi  que  nous  rencontrâmes  personnellement  dans  des  copies  d’élèves  un  schéma  de  montage  expérimental représentant un ballon de baudruche rempli d’acide sulfurique et placé au‐dessus de la  flamme d’un bec Bunzen, alors que le protocole parlait simplement de « ballon » (de chimiste) ; ou que  nous rencontrions l’incompréhension d’une élève de lycée incapable de concevoir comment on pouvait  « bombarder »  un  atome  avec  des  neutrons,  trop  attachée  à  sa  conception  du  bombardier.  Nous  relevions encore, en réponse à la question « Que signifie "L’atome a une structure lacunaire ?" », cette  phrase  très  symptomatique  du  blocage  que  peut  entraîner  le  recours  à  l’abstraction  des  sciences  physiques : « L’atome est vide à l’intérieur ; il est rempli d’oxygène »20. Considérons par suite l’image de 

la figure 15, certes humoristique mais analogue à ces cas que n’importe quel enseignant est amené à  rencontrer dans sa carrière. 

Il  y  est  suggéré  qu’un  discours  frontal  clair  et  structuré  est  parfois  incapable  de  modifier  une  pré‐ conception,  amont  au  sujet  traité  par  l’enseignant  et  sur  laquelle  l’élève  s’appuie  pour  interpréter  le  discours qui lui est proposé : « Les poissons ont besoin d’eau pour respirer ». 

 

o Diversité des conceptions 

Une  question  préoccupante  et  souvent  posée  consiste  à  se  demander  si  tous  les  élèves  interprètent  leur  discours  avec  chacun  leur  propre  conception.  Le  cas  échéant,  le  travail  de  l’enseignant  serait  titanesque.  Or  plusieurs  études  montrent  que  le  nombre  de  conceptions  sur  un  sujet  donné  est 

souvent restreint. Dans notre recherche expérimentale sur l’expérience contre‐intuitive par exemple  (Eastes & Pellaud, 2004b), nous obtenions invariablement deux réponses à la question « De la boule de 

laine et de la boule d’aluminium disposées devant toi, laquelle a la température la plus élevée ? » :  1. La laine, parce qu’on porte des pulls en laine en hiver. 

2. L’aluminium,  parce  qu’on  couvre  les  grands  brûlés  avec  des  couvertures  de  survie  en  aluminium  pour les protéger du froid.        Figure 15 : Illustration humoristique du décalage entre les contenus d’un enseignement frontal et les images  mentales susceptibles d’être produites par une conception  tenace.   

Dans  une  recherche  menée  au  LDES  sur  les  conceptions  relatives  à  la  digestion21,  par  ailleurs,  à 

l’instruction « En te servant d’un dessin, essaie d’expliquer où vont et que deviennent un pomme et un jus 

d’orange  quand  ils  sont  entrés  dans  ton  corps »,  trois  conceptions  différentes,  représentées  sur  la 

figure 16, revenaient systématiquement : 

1. Les aliments s’arrêtent à l’estomac, la digestion étant réduite à sa seule activité. 

2. La  digestion  correspond  à  un  simple  trajet  à  travers  les  organes,  via  un  tuyau  qui  amène  les  aliments vers la sortie.  3. Le tuyau se sépare en deux : l’un pour les liquides qui deviendront urine, l’autre pour les solides qui  deviendront excréments.    Ces conceptions ne se limitent pas aux enfants, comme le prouvent les schémas de la figure 17.   

Au  nombre  des  conceptions,  et  pour  finir  sur  un  exemple  particulièrement  parlant  issu  d’une  autre  discipline, mentionnons encore le faux amis en langue qui, de par la similitude des sons entraîne une  erreur de sens. Ainsi la phrase « I will eventually tell you the truth; but actually, you already know it » ne  se traduit pas par « Je te dirai éventuellement la vérité ; mais à l’heure qu’il est, tu la connais déjà » mais  par « Je finirai par te dire la vérité ; mais en fait, tu la connais déjà ».    21  Enquête relatée par Giordan & de Vecchi (1987) et réalisée sur plusieurs centaines d’élèves de niveaux divers, ainsi que  sur des adultes ayant suivi des cursus scientifiques et de futurs enseignants. 

    Figure 16 : Différentes conceptions de la digestion chez les enfants et jeunes adultes.              Figure 17 : Différentes conceptions de la digestion chez les adultes.    o Conséquences 

Il  en  résulte  une  première  question  d’ordre  pédagogique :  comment  se  fait‐il  que  les  conceptions  initiales des enfants résistent à des années d’enseignement d’un sujet pourtant classique ? Force est de  constater  leur  stabilité,  dont  l’interprétation  est  un  des  points  fondamentaux  sur  lesquels  nous  reviendrons  et  que  Giordan  représente  humoristiquement  à  l’aide  des  images  de  la  figure 18.  La  seconde  question,  sur  laquelle  nous  reviendrons  également,  porte  sur  les  mécanismes  et  moyens  de  leur transformation. 

        Figure 18 : Représentation humoristique de la résistance des conceptions à un enseignement trop frontal.    La troisième question, enfin, porte sur l’impact de nos conceptions sur notre vision du monde. Nous  avons évoqué plus haut le rôle qu’avait pu avoir une vision occidentale du monde (au sens propre) sur  la  perception  du  risque  de  bombardement  lors  de  la  Guerre  froide,  et  les  choix  erronés  auxquels  il  avait  pu  conduire  en  matière  de  construction  des  abris  atomiques  suisses.  Il  en  va  de  même  des  conceptions sur la digestion, qui peuvent avoir des répercussions plus lointaines que prévues. En effet,  considérer  que  les  « liquides »  subissent  un  traitement  similaire  aux  solides,  dont  on  sait  depuis  l’enfances qu’ils sont « sales » peut conduire à penser que l’urine est aussi « sale » que les excréments ;  c’est  d’ailleurs  ce  que  répètent  invariablement  les  parents  à  leurs  enfants,  oubliant  qu’en  tant  que  filtrat sanguin, l’urine est stérile. Les conséquences comportementales portent alors aussi bien sur la  fréquence de lavage des mains des enfants que sur les pratiques sexuelles des adultes.    3.3.3. Le cœur du modèle allostérique : la transformation des conceptions    déconstruction- reconstruction PAR INTERVENTIONS DIDACTIQUES TRANSFORMATION

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Transformation des structures de pensée! !