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Observation 6  : Le questionnement préalable est insuffisant pour permettre à l'apprenant de dépasser ses conceptions et de donner une interprétation correcte du phénomène (préd 6)

6.  P ARTIE THEORIQUE : FORMALISATION DU MODELE ALLOSTERIQUE (H1) 

6.3.  Représentation des processus cognitifs 

6.4.3.  Fonctions d’optimisation et d’apprentissage 

Dans  la  sous‐partie  6.3. Représentation  des  processus  cognitifs,  travaillant  dans  l’hypothèse  de  processus cognitifs ne faisant intervenir la transformation du savoir que dans de rares cas, et toujours  de manière légère, nous nous sommes essentiellement intéressés à la fonction Φaffin(ĩ), caractéristique 

de l’interaction entre une information et un espace de conceptions donné. Pourtant, c’est la fonction  Ψcog(ĩ) = Φaffin(ĩ) + Φréorg qui régit les processus cognitifs, et non pas seulement la fonction Φaffin(ĩ) : en 

cas d’apprentissage, selon la nature perturbatrice ou non de ĩ, la minimisation de Ψcog(ĩ) peut passer 

par l’optimisation de Φréorg, c’est‐à‐dire par la réorganisation du savoir et de ses règles d’utilisation. 

 

6.4.3.1. Caractéristiques et représentation de la fonction Φréorg 

La  fonction  Φréorg(α1,  α2,  …,  αp)  caractérise,  rappelons‐le,  le  coût  énergétique  de  la  réorganisation  de 

l’espace des conceptions, et donc la stabilité des conceptions elles‐mêmes, quelle que soit l’information  qui leur est présentée, cette stabilité se répercutant ensuite sur Ψcog(ĩ). Sa représentation dans l’espace 

multidimensionnel des αi ne doit pas être confondue avec celle de Φaffin(ĩ) dans l’espace des xi : les xi 

sont les degrés de liberté d’une information se déplaçant dans un espace de conceptions donnés, alors  que les αi sont ceux de l’évolution de la structure du savoir. Cette fonction Φréorg(α1, α2, …, αp) est donc 

plus abstraite que la fonction Φaffin(ĩ) car le déplacement d’un point sur sa représentation graphique ne 

représente plus le déplacement spatial d’une entité réelle (l’information) mais les déformations d’un  ensemble d’entités (les conceptions). L’espace des (α1, α2, …, αp) est ce que les physiciens nomment un 

« espace des phases ». 

Comme  chaque  point  (α10,  α20,  …,  αp0)  de  la  fonction  Φréorg  correspond  à  un  état  du  savoir,  il  est 

possible d’y faire circuler une information et de construire l’ensemble de la fonction Φaffin(ĩ, x1, x2, …, xn, 

α10,  α20,  …,  αp0).  Si  les  αi  sont  les  p  degrés  de  liberté  de  l’organisation  du  savoir  (incluant  les 

conceptions, les heuristiques et les métaconceptions), alors il est possible de représenter Φréorg(α1, α2, 

…, αp) dans un espace de dimension p+1 (p dimensions correspondant aux p degrés de liberté, plus 1 

dimension pour Φréorg). Or en un point donné (α10, α20, …, αp0), Φréorg(α10, α20, …, αp0) ne peut prendre 

qu’une seule valeur : celle de l’énergie de l’espace des conceptions. Cette fonction constitue donc, elle‐ aussi,  une  hypersurface  de  dimension  p,  et  toute  transformation  du  système  qu’elle  décrit  peut  être  représentée par le déplacement d’un point représentatif de ce dernier sur l’hypersurface. Dès lors, lors  d’une transformation entre deux états de savoir, et comme nous l’avons fait avec la fonction Φaffin, il est 

possible d’effectuer une coupe verticale de cette hypersurface le long du trajet de ce point, puis de la  déplier et de la projeter sur une surface à deux dimensions : l’énergie en ordonnées et la « coordonnée  d’apprentissage » en abscisses, comme dans le paragraphe 6.3.3.1. Fonction d’affinité Φaffin(ĩ). 

Pour être plus abstraite que Φaffin (qui était très analogue au déplacement d’une bille sur une surface 

bosselée), Φréorg n’en correspond pas moins à une autre fonction connue : celle qui décrit l’énergie d’un 

système  moléculaire  en  transformation.  En  plus  de  constituer  une  confortation  de  l’analogie  allostérique, c’est une opportunité que nous saisissons pour détourner les représentations graphiques  des chimistes à des fins de représentation de la transformation des conceptions.  Les figures 61a et 61b montrent justement comment, à partir du trajet d’un point représentatif d’un  système donné sur une hypersurface, il est possible d’obtenir une représentation en deux dimensions.  Le système considéré est ici le plus simple qui soit et consiste en une molécule de dihydrogène H2 et  un atome H en interaction linéaire :    Ha‐Hb + Hc  Ha + Hb‐Hc   

L’angle Ha‐ ‐Hb‐ ‐Hc étant contraint, il ne reste que deux degrés de liberté, dHaHb et dHbHc, ce qui permet 

de  représenter  l’ensemble  dans  un  « s »  de  dimension  3,  c’est‐à‐dire  un  espace  euclidien  dont  on  a  l’habitude.  On  retrouve  le  type  de  courbes  utilisées  dans  la  sous‐partie  6.3. Représentation  des 

processus cognitifs pour décrire Φaffin. 

             Figure 61 : Représentations tridimensionnelle de la surface d’énergie et des lignes de niveau  correspondant au système Ha‐Hb + Hc  Ha + Hb‐Hc.    On notera que dans le coin supérieur droit, les atomes sont éloignés à l’infini (et donc libres). Dans le  coin inférieur gauche, les atomes sont superposés. Ces deux situations sont énergétiquement instables  (et la seconde encore plus que la première) : entre les deux, le long de la diagonale, il existe un point  d’énergie minimale, représenté par la croix rouge. La figure 62 montre cet effet à un autre endroit de la  surface d’énergie.    Figure 62 : a/ Coupe transversale illustrant la largeur de b/ la vallée  empruntée par le système.     

Cette  croix  rouge  représente  également  le  maximum  d’énergie  de  la  trajectoire  la  plus  basse  du  système. Avec les notations de la figure 63, elle correspond à l’état A ‐ ‐ B ‐ ‐ C ; on le nomme état de 

transition.  La  surface  d’énergie  possède,  à  cet  endroit  précis,  la  forme  d’une  selle  de  cheval :  elle  est 

convexe dans la dimensions transverse, et concave dans la direction de la cordonnée de réaction.   

      Figure 63 : a/ Coupe verticale dans la surface d’énergie et b/ déploiement en deux dimensions  de la coordonnée de réaction (dans notre cas, coordonnée d’apprentissage).    6.4.3.2. Stabilité des schèmes de pensée et fonction θ d’apprentissage 

La signification de Φréorg(α1, α2, …, αp) a été précisée : elle décrit la « stabilité du savoir », c’est‐à‐dire de 

l’ensemble des conceptions. En ce sens, elle est peu opératoire car les processus d’apprentissage, tels  que  nous  allons  les  aborder,  concernent  en  général  une  ou  quelques  conceptions  et  non  l’ensemble  d’entre  elles  (à  cela,  une  raison  pratique  sur  laquelle  nous  reviendrons :  la  barrière  d’activation  est  d’autant plus grande que le nombre de réorganisations élémentaires est grand). 

Quel est le lien entre Φréorg et les stabilités des N conceptions individuelles ? Si l’on nomme (αi1, αi2, …, 

αin(i)) les n(i) degrés de liberté liés aux modifications de la conception i (où Σ(1≤i≤N) n(i) = p), et si l’on 

construit pour chaque conception sa fonction énergie potentielle φi(αi1, αi2, …, αin(i)), alors :   

Φréorg(α11, …, αij, …, αNn(N)) = Σ(1≤i≤N) φi(αi1, αi2, …, αin(i)) + Σ(1≤i≤N et 1≤k≤N et i<k) ξik 

 

où ξik est l’énergie potentielle d’interaction entre les conceptions i et k.   

Lors de la description des processus d’apprentissage, pour simplifier et intégrer ce second terme dans le  premier,  nous  considérerons  non  pas  les  N  conceptions  individuelles  isolées  mais  les  groupes  de  conceptions interdépendantes modifiées lors d’un processus donné. En d’autres termes, pour chacun de  ces schèmes de pensée constitués de π conceptions, nous définirons θschème(α11, …, αij, …, απn(π)) telle que :   

θschème(α11, …, αij, …, α πn(π)) = Σ(1≤i≤π) φi(αi1, αi2, …, αin(i)) + Σ(1≤i≤π) et 1≤k≤π et i<k) ξik 

 

Dans  toute  la  suite  et  pour  s’affranchir  de  ces  indices  (dont  nous  conserverons  toutefois  à  l’esprit  la  signification),  nous  nommerons  θschème(α1,  α2,  …,  αn)  la  fonction  énergie  potentielle  d’un  schème  de 

pensée donné (avec Σ(1≤i≤π) n(i) = n), où les (α1, α2, …, αn) seront ses n degrés de liberté. La représentation 

de θschème(α1, α2, …, αn) dans l’espace de dimension n+1 permettra ainsi de visualiser chaque processus 

d’apprentissage  individuellement.  Lorsque  ce  dernier  ne  concernera  qu’un  seul  site  actif,  qu’une  seule  heuristique  ou  qu’une  seule  conception,  on  utilisera  respectivement  les  notations  θsite(α1,  α2,  …,  αn), 

θheur(α1, α2, …, αn), θconc(α1, α2, …, αn). Dans cette perspective, une nouvelle manière d’écrire la fonction 

Φréorg(α1, α2, …, αp) initiale, qui d’écrivait l’énergie totale de réorganisation du savoir, est θsav(α1, α2, …, αp). 

Dans  la  mesure  où  les  variations  de  θ  correspondront  toujours  à  une  transformation  d’une  partie  du  savoir, on la désignera désormais par le nom de fonction d’apprentissage. 

Lorsque  nous  considérerons  cette  fonction  d’apprentissage,  nous  garderons  bien  sûr  à  l’esprit  qu’un  apprentissage  ne  se  produisant  jamais  seul,  ab  initio,  c’est  toujours  la  fonction  générale  de  traitement  cognitif  Ψcog(ĩ)  qui  détermine  l’évolution  de  la  pensée.  Mais  nous  avons  montré  plus  haut  qu’il  était 

possible  de  s’affranchir  du  rôle  conjoncturel  de  l’information  dans  deux  cas  distincts :  1/  lorsque  l’information est présentée d’une manière irrévocable qui empêche sa déformation (elle prend alors  un simple rôle de perturbation de Φréorg et 2/ sur la durée, lorsqu’un faisceau d’informations converge 

pour  « forcer »  Φréorg  à  évoluer  en  finissant  par  rendre  les  schèmes  concernés  manifestement  non 

opératoires.  Sauf  mention  contraire,  c’est  dans  le  cadre  de  ces  deux  cas  que  nous  considérerons  les  études ultérieures de θ. 

 

6.4.4. Correspondances… 

L’intérêt  de  ces  représentations  et  de  la  fonction  θ  pour  les  processus  d’apprentissage  apparaît  évident.  En  effet,  nous  avons  vu  dans  la  section  6.4.2. Des  processus  élémentaires  « activés »  que  tout  processus d’apprentissage pouvait être considéré comme le passage d’un état de savoir à un autre, à  travers le franchissement d’une barrière d’activation plus ou moins haute. Par ailleurs, rappelons que  nous  avons  assimilé  la  structure  du  savoir  à  un  ensemble  de  protéines,  liées  entre  elles  par  des  interactions  similaires  aux  forces  qui  régissent  les  structures  moléculaires.  Dès  lors,  toute  transformation  du  savoir,  dans  le  cadre  de  cette  analogie,  peut  faire  l’objet  d’une  tentative  de  transposition  des  caractéristiques  des  transformations  de  la  matière  qui  apparaissent  sur  ces  représentations graphiques. 

Dans la suite, pour se conformer à l’usage du modèle allostérique et parce que nous aurons besoin d’un  terme générique plus commode que celui de « structures de pensée », nous continuerons à utiliser la  plupart  du  temps  le  terme  de  « conception »  pour  décrire  de  manière  générale  l’ensemble  des  structures  et  métastructures  de  pensée  (sites  actifs,  heuristiques,  conceptions,  métaconceptions,  schèmes de pensée) que nous avons définies comme constitutives de l’organisation du savoir. 

 

6.4.4.1. Enthalpie et entropie d’apprentissage 

En  particulier,  la  forme  et  la  profondeur  d’une  vallée  représentatitves  d’un  savoir  donné  sont  directement liées à la stabilité de l’édifice. Nous reviendrons sur les paramètres réels régissant cette  stabilité, mais il est d’ores et déjà possible de prévoir qu’elle puisse être considérée comme la somme  d’une composante enthalpique et d’une composante entropique : 

- La composante enthalpique caractérise la solidité des liens ; elle dépend de la force des liaisons  et sa dimension est celle d’une énergie (on confondra d’ailleurs les deux notions dans la suite,  par  souci  de  simplification  mais  en  utilisant  souvent  le  terme  enthalpie  qui  est  celui  qu’emploient  les  chimistes).  La  variation  de  l’enthalpie  lors  de  la  transformation  est  par  suite  directement liée à la nature et au nombre de liens qu’il est nécessaire de casser et de recréer lors  du processus ; en d’autres termes, au degré de réorganisation du système. En ce sens, l’enthalpie  de  transformation  est  directement  visualisable  comme  la  valeur  absolue  de  la  fonction  d’apprentissage lors du déplacement d’un point sur l’hypersurface Φréorg (ou plutôt, désormais, 

θschème). C’est elle qui définit la hauteur de la barrière d’activation, vue comme la différence entre 

l’enthalpie de l’état de transition et celle de l’état initial. 

- La composante entropique caractérise quant à elle la souplesse de l’édifice ; elle dépend certes de  la nature des liens, mais surtout de la géométrie de la structure. La variation de l’entropie lors de  la  transformation  dépend  bien  entendu  elle  aussi  de  la  réorganisation  du  savoir,  mais  elle  est  visualisable  dans  la  dimension  transverse  du  chemin  parcouru  par  le  point  représentatif  du  système en évolution. Comme dans le cas de la fonction Φaffin, elle correspond en tout point à la 

courbure transverse de la vallée d’énergie (d’enthalpie) de θschème : plus le système est rigide et 

 

Ce  nouveau  paramètre  fournit  un  élément  particulièrement  intéressant  pour  la  transformation  du  savoir :  si  celle‐ci  est  rendue  plus  difficile  lorsque  la  barrière  d’activation  croît,  elle  est  facilitée  par  toute transformation qui soulage la rigidité du système. En d’autres termes, si l’entropie d’activation,  définie  comme  la  différence  entre  les  courbures  transversales  de  l’hypersurface  d’énergie  à  l’état  de  transition  et  à  l’état  initial  (figure 64),  est  négative,  alors  la  transformation  est  facilitée,  comme  si  l’apprentissage permettait alors de relâcher des « tensions cognitives ». 

 

Coordonnée d apprentissage!

Entropie d activation = différence de courbures entre EI et ET!

! " schème !     Figure 64 : Lien entre l’entropie d’activation et les courbures de l’hypersurface à différents moments de la  transformation du savoir.   

Un  phénomène  qu’il  est  facile  de  représenter  graphiquement,  comme  on  l’a  fait  sur  la  figure 65 :  en  imaginant  une  bille  lancée  sur  la  surface  dans  la  direction  du  « col »,  on  conçoit  aisément  qu’il  y  ait  bien plus de risques que la bille fasse demi‐tour si la vallée se resserre en montant que si au contraire  elle s’élargit. Nous indiquerons plus loin la signification de cette notion de « souplesse du savoir ».        Figure 65 : Trajectoire conduisant à un non apprentissage, en dépit d’une impulsion initiale suffisante, l’approche  des réactifs ayant eu lieu de manière inappropriée. Avec une vallée plus large, la trajectoire aurait pu être passante. 

6.4.4.2. Franchissement de la barrière d’activation 

Une  autre  correspondance  à  définir  est  celle  de  la  température,  seule  considérée  comme  capable  de  permettre aux réactifs de franchir la barrière d’activation dans les modélisations les plus simples des  transformations  de  la  matière.  Dans  la  théorie  cinétique  des  gaz,  où  les  réactions  sont  considérées  comme  s’effectuant  lorsque  les  réactifs  se  rencontrent  avec  suffisamment  d’énergie,  la  vitesse  de  réaction  est  en  effet  décrite  comme  proportionnelle  à  l’exponentielle  e‐Ea/RT,  où  Ea  est  l’énergie 

d’activation et R la constante des gaz parfaits. Mais si la température apparaît dans cette relation, c’est  davantage en raison de ce qu’elle permet lorsqu’elle augmente, à savoir l’exploration de davantage de  configurations et la réalisation de davantage de rencontres entre molécules. 

En  l’occurrence,  comme  nous  l’avons  déjà  évoqué  pour  les  cas  de  traitement  de  l’information  nécessitant  également  le  franchissement  d’une  barrière  d’activation  (paragraphe  6.3.4.6. Contrôle 

cinétique  et  contrôle  thermodynamique),  la  seule  grandeur  assimilable  à  la  température  semble  être 

l’agitation donnée à ses conceptions pour leur permettre de se transformer. Pour la stimuler, plusieurs  paramètres  sont  susceptibles  d’intervenir :  en  premier  lieu  la  volonté  d’apprendre,  qu’on  appellera  également  motivation ;  en  second  lieu,  les  sollicitations  qui  seront  faites  par  l’environnement  de  l’apprenant  pour  qu’il  mobilise  son  savoir,  l’explore  et  le  pousse  dans  ses  retranchements ;  en  troisième  lieu,  la  confiance  (en  soi,  en  la  situation  pédagogique,  en  le  formateur,  en  le  regard  des  autres…), car déstabiliser son savoir inquiète et est psychologiquement coûteux. 

Motivation, prédisposition à l’effort et confiance sont donc les paramètres qui se dissimulent derrière  l’équivalent de la température qui permet de franchir la barrière d’activation de l’apprentissage. Pour  les  rassembler  en  un  seul,  nous  utiliserons  un  terme  équestre  caractérisant  l’état  d'esprit  du  cheval  consistant  en  un  désir  mental  et  physique  de  se  porter  en  avant,  de  se  mettre  naturellement  en  mouvement  avec  énergie,  constance  et  plaisir :  l’impulsion.  La  vitesse  du  cheval  n'est  pas  un  critère  d'impulsion, qui se manifeste beaucoup plus dans la manière dont il se livre et travaille dans toutes les  allures. Elle se traduit par le désir de répondre avec promptitude à toutes les sollicitations du cavalier  et à continuer le mouvement avec entrain. En remplaçant le cheval par l’apprenant et le cavalier par  l’enseignant, on conçoit que l’idée d’impulsion puisse être étendue à la capacité à franchir une barrière  d’activation lors d’un apprentissage. Remarque amusante : les cavaliers de saut d’obstacle savent bien  que  la  principale  préoccupation  qu’ils  doivent  avoir  pour  franchir  les…  barrières  disposées  sur  le  parcours est justement de préserver l’impulsion de leur monture.    Barrière d'activation Etat initial! Etat final! Etat de transition! Coordonnée d'apprentissage! ! !schème " EF! EI! ET!     Figure 66 : Apprentissage conduisant à un état final de moindre stabilité que l’état initial. 

Ces  grandeurs  ne  sont  pas  quantifiables  et  nous  ne  nous  risquerons  pas  à  les  faire  figurer  dans  une  fonction  exponentielle.  Mais  on  conçoit  assez  bien  qu’en  l’absence  de  l’un  de  ces  ingrédients  seulement,  l’apprenant  risque  de  rester  du  côté  de  la  barrière  ne  correspondant  pas  à  ce  que  son  enseignant attend de lui. 

A  ce  stade,  mentionnons  encore  que  si  la  motivation,  les  ressources  cognitives  et  la  confiance  de  l’apprenant  sont  suffisantes  pour  franchir  la  barrière  dans  un  sens,  et  qu’il  arrive  dans  un  état  de  savoir d’énergie plus élevée (figure 66), il pourra d’autant mieux repasser la barrière dans l’autre sens  et  revenir  à  son  état  initial.  D’où  l’importance  pour  l’enseignant  et  l’apprenant  de  travailler  à  la  stabilisation des nouvelles conceptions, ce qui fera l’objet de la sous‐partie 6.5. Stabilisation du savoir.   

6.4.4.3. Enthalpie libre et enthalpie libre d’activation 

Est‐il  possible  de  combiner  les  trois  paramètres  que  sont  l’enthalpie  d’activation  (Ha),  l’entropie 

d’activation  (Sa)  et  la  température  (T)  lorsqu’il  s’agit  de  décrire  les  processus  d’apprentissage ?  Les 

chimistes le font en définissant une fonction dite « enthalpie libre » (G) qui en dépend de la manière  suivante : 

 

G = H – T.S   

ou, lors d’un processus activé, si Xa = XEtat de transition – XEtat initial quelle que soit la grandeur Xa : 

  Ga = Ha – T.Sa    Combinant la nécessité d’agir à la fois sur la solidité et la souplesse des édifices, qui sont d’autant plus  stables que la grandeur G est faible, ils montrent que la fonction Ga doit également être minimisée dans  les transformations de la matière.    Cette grandeur a‐t‐elle un sens pour décrire les processus d’apprentissage ? Comme nous l’avons vu, la  barrière d’activation est d’autant plus facile à franchir que la réorganisation ne nécessite pas trop de  réarrangements (minimisation de Ha), que la motivation, la prédisposition à l’effort et la confiance en 

la  situation  pédagogique  sont  plus  grandes  (maximisation  de  T)  et  que  la  vallée  d’enthalpie  ne  se  resserre pas trop (minimisation de Sa). Or ce que dit cette relation, c’est que si l’entropie d’activation  est négative (c’est‐à‐dire si la vallée se resserre, ce qui est nécessairement le cas la plupart du temps),  plus la température sera élevée, plus la barrière d’enthalpie libre sera difficile à passer ; autrement dit,  que si tous les paramètres sont réunis pour faciliter « l’agitation des conceptions » de l’apprenant, la  capacité d’apprentissage sera réduite par une plus grande rigidification de l’état de transition.  Il peut sembler surprenant que ces paramètres, qui favorisent bien évidemment le franchissement de  la  barrière  d’activation  d’un  point  de  vue  enthalpique,  le  défavorisent  simultanément  dans  certains  cas. Deux interprétations peuvent être données de ce résultat : 

- Les  effets  entropiques  sont  probablement  toujours  relativement  faibles  par  rapport  aux  effets  enthalpiques,  la  souplesse  du  savoir  jouant  un  moindre  rôle  que  la  rupture  de  ses  liens ;  il  est  donc possible que cet effet soit systématiquement du second ordre. 

- Lorsque l’état de transition nécessite une configuration particulière, ce qui peut s’interpréter par  la  nécessité  d’adopter  un  raisonnement  précis  et  d’envisager  un  problème  d’une  manière  bien  définie  pour  parvenir  à  le  surmonter,  il  est  probablement  inutile  d’être  trop  prompt  à  saisir  toute  nouvelle  information,  à  avancer  de  manière  désordonnée ;  en  d’autres  termes,  il  est  nécessaire de se concentrer sur un point bien précis. 

Mais  dans  tous  les  cas,  ces  considérations  incitent  à  réduire  la  rigidité  de  l’état  de  transition.  Que  signifie un état de transition souple ? Comme nous verrons plus loin avec la stabilité des schèmes de  pensée, il correspond à une configuration temporaire des structures de pensée en transformation qui  reste  lâche,  dont  les  interactions  peuvent  se  faire  et  se  défaire  dans  un  ordre  peu  déterminant,  qui  laisse  explorer  diverses  configurations  avant  de  s’engager  dans  la  vallée  adéquate.  Notons  d’ailleurs  que  si  plusieurs  vallées,  menant  vers  des  conceptions  différentes,  s’ouvrent  à  l’issue  de  l’état  de  transition,  il  est  préférable  qu’il  soit  souple  pour  permettre  à  l’apprenant  de  choisir  la  bonne  plutôt  que d’être canalisé dans la plus contrainte, qui n’est pas nécessairement la plus opportune. 

 

6.4.4.4. Zone proximale de développement 

Ces  considérations  permettent  à  présent  de  donner  une  signification  à  ce  concept  généralement  un  peu flou proposé par Vygotsky et souvent évoqué en sciences de l’éducation : nous proposons en effet  de  caractériser  la  « zone  proximale  de  développement »  comme  l’ensemble  des  vallées  d’énergie  potentielle  situées  juste  derrière  les  barrières  d’activation  franchissables  correspondant  aux  apprentissages  possibles  et  immédiats  d’un  individu.  En  devenant  visualisable  dans  l’« espace »  des  phases de la fonction d’apprentissage, la notion de « zone » devient alors particulièrement pertinente.