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Chapitre II : Les cellules endothéliales

2.3. La cellule endothéliale

Tel qu’il a été décrit dans la section précédente, les CE recouvrent les parois internes de tous les vaisseaux sanguins et lymphatiques des vertébrés. In vitro, les CE humaines présentent une morphologie en pavé (en anglais « cobblestone »). In vivo, leur taille et leur morphologie varient en fonction du vaisseau sanguin. Par exemple, la largeur des cellules de l'artère iliaque est, approximativement, de 13,2 ± 4,1 μm et leur longueur de 25,8 ± 8,5 μm, tandis que la largeur des cellules de l'artère hépatique est de 4,9 ± 1,5 μm et leur longueur de 21,9 ± 6,6 μm (Garipcan et al., 2011).

Tableau 7. Différences structurelles entre les types des vaisseaux sanguins. Traduit de Kerr 2010. Vaisseau sanguin Diamètre Epaisseur de la paroi du

vaisseau Aorte 2,5 cm 2 mm Artères élastiques 1 cm 1 mm Artères musculaires 0,5-10 mm 0,5 mm Artérioles 30-200 μm 10-20 μm Capillaires <10 μm <1 μm Veinules >500 μm 2-5 μm Veines 1-10 mm 0,5 mm Veine cave 3 cm 1,5 mm

Au niveau moléculaire, malgré la grande hétérogénéité de ce lignage cellulaire, les CE peuvent être identifiées par l'expression d'un panel de protéines spécifiques principalement membranaires mais également cytoplasmiques (Marcu et al., 2018). L’un des marqueurs le plus utilisé pour identifier les CE est la cadhérine endothéliale vasculaire (VE-cadhérine, de l’anglais « vascular

endothelium-cadhérine »), aussi dite cluster de différenciation 144 (CD144), codée par le gène

humain CDH5. La VE-cadhérine est une glycoprotéine transmembranaire impliquée dans l'adhésion cellulaire par la formation de liaisons homophiliques et est donc essentielle au maintien de la

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barrière vasculaire (Corada et al., 1999; Gory et al., 1999). Sa phosphorylation induite, entre autres, par le facteur de croissance endothéliale vasculaire (VEGF, de l’anglais « vascular endothelial growth

factor ») ou le facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-α, de l’anglais « tumor necrosis factor »),

entraîne une perte de l’adhérence entre les CE provoquant ainsi l’augmentation de la perméabilité vasculaire (Abedi and Zachary, 1997; Angelini et al., 2006). Dans les interactions intercellulaires, il se trouve également la molécule d'adhésion endothéliale et des plaquettes 1 (PECAM-1 de l’anglais « platelet endothelial cell adhesion molecule » ou CD31) (Newman et al., 1990). Cette glycoprotéine transmembranaire contribue à la formation de la barrière endothéliale et à la diapédèse ou migration extravasculaire des leucocytes au cours du processus inflammatoire (Newman et al., 1990). Dans ce processus, la présence de molécules pro-inflammatoires, telles que le TNF-α, régule aussi dans les CE l'expression de deux glycoprotéines appartenant à la sous-famille des immunoglobulines, la molécule d'adhésion intracellulaire 1 (ICAM-1 de l’anglais « intercellular adhesion molecule 1 » ou CD54) et la molécule d'adhésion cellulaire vasculaire 1 (VCAM-1 de l’anglais « vascular cell adhesion

protein 1 » ou CD106) qui se lient aux intégrines présentes dans les membranes des leucocytes et des

lymphocytes (Kanda et al., 1998) (voir 2.5.4. L’endothélium et l’inflammation). Enfin, le récepteur 2 du VEGF (VEGFR-2 de l’anglais « vascular endothelial growth factor receptor » ou KDR de l’anglais « kinase insert domain receptor ») appelé aussi CD309 est, sans aucun doute, l'un des récepteurs des CE le plus caractéristique en raison de son implication dans le développement embryonnaire (voir

2.4.1. La vasculogenèse) et dans la formation des nouveaux vaisseaux sanguins (voir 2.4.2. L’angiogenèse). Il participe aussi à des processus tels que la migration et la prolifération de ce lignage

cellulaire (Shalaby et al., 1995). La voie de signalisation médiée par les angiopoïétines 1 et 2 (Ang-1 et Ang-2) joue également un rôle important dans la différenciation et la stabilité endothéliale (ou quiescence des CE matures). Leur récepteur commun appelé TIE-2 (de l’anglais « tyrosine kinase with

immunoglobulin and EGF homology domains »), codé par le gène TEK (tyrosine kinase endothélial, de

l’anglais « TEK tyrosine kinase, endothelial »), est principalement exprimé à la membrane des CE et par conséquent, utilisé pour leur identification (Suri et al., 1996). De même, la protéine CD34, associée principalement au phénotype hématopoïétique, a été aussi identifiée dans les CE de la plupart des vaisseaux sanguins, à l'exception des gros vaisseaux sanguins et des capillaires sinusoïdaux du placenta (Fina et al., 1990). Néanmoins, différentes études sur les CE humaines provenant de la veine du cordon ombilical (HUVEC de l'anglais "human umbilical vein endothelial

cells"), de la moelle osseuse et du SCO, décrivent l’expression du CD34 pendant les premières

semaines de culture in vitro et sa diminution au fil des passages et suggèrent que le CD34 ne pourrait identifier qu’une sous-population de progéniteurs endothéliaux (Asahara et al., 1997; Ingram et al., 2004; Yoder, 2009).

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Des protéines spécifiques aux CE ont aussi été décrites à l’intérieur de leur cytoplasme. Le facteur de von Wildebrand (vWF) est une glycoprotéine stockée dans des granules de stockage appelés corps de Weibel-Palade. Elle est sécrétée dans la circulation sanguine, notamment par les CE, et participe à l'hémostase en recrutant les plaquettes et en transportant le facteur de coagulation VIII dans le sang (Wagner and Marder, 1984). De même, l’enzyme du type oxyde nitrique synthase (eNOS de l'anglais "endothelial nitric oxide synthase" ou NOS-3) spécifique aux CE, qui, comme son nom l'indique, synthétise l'oxyde nitrique (NO) à partir de la L-arginine et de l'oxygène, participant ainsi à la régulation du tonus vasculaire (Heiss et al., 2015) (voir 2.5. Rôles de l’endothélium dans

l’organisme).

Dans l’endothélium lymphatique, les CE expriment, en plus, le récepteur 3 du VEGF (VEGFR-3), le récepteur 1 de l'hyaluronane endothélial du vaisseau lymphatique (LYVE-1, de l’anglais « lymphatic

vessel endothelial hyaluronan receptor 1 »), la podoplanine et le facteur de transcription PROX-1 (de

l’anglais « prospero homeobox protein 1 ») (Hantusch, 2019).

Finalement, il convient de noter qu’un bon nombre des marqueurs endothéliaux mentionnés ci-dessus sont exprimés aussi par d'autres types cellulaires. C’est le cas du CD31 ou du vWF exprimé par les plaquettes et certaines cellules hématopoïétiques. C’est pourquoi, l'identification des CE nécessite l’observation, à la fois, de plusieurs marqueurs endothéliaux et l'absence de marqueurs hématopoïétiques tels que CD45 ou CD43 (leucosialine), ainsi que la constatation de la fonctionnalité propre à l’endothélium (voir 2.5. Rôles de l’endothélium dans l’organisme).

2.3.1. Les progéniteurs endothéliaux

En 1997, Asahara et al. ont isolé et caractérisé in vitro une population de CE humaines jusqu'alors inconnues, les progéniteurs endothéliaux circulants (PEC) (Asahara et al., 1997). Cette population CD34+CD309+, présente dans la fraction de cellules mononuclées du sang périphérique des individus adultes, cultivée sur une matrice de collagène, donne lieu à des CE ayant des caractéristiques progénitrices (Asahara et al., 1997). Notamment, en plus d'exprimer les marqueurs endothéliaux CD31, E-selectin, eNOS et d’endocyter les lipoprotéines de basse densité (LDL de l’anglais « low density lipoprotein »), les PEC ont une forte capacité de prolifération et participent à la formation de nouveaux vaisseaux sanguins dans des modèles d'ischémie des membres inférieurs chez la souris et le lapin (Asahara et al., 1997; Kalka et al., 2000). Cette étude a été également cruciale pour révéler la capacité à former un réseau sanguin de novo chez les mammifères adultes, un phénomène qui était considéré limité aux premiers stades du développement embryonnaire. Des études ultérieures ont identifié la moelle osseuse comme le principal réservoir des PEC, qui sont mobilisés via le sang en réponse aux lésions vasculaires signalées par des cytokines, telles que le

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facteur de stimulation des colonies de granulocytes et de monocytes (GM-CSF de l’anglais « granulocyte-macrophage colony–stimulating factor ») (Takahashi et al., 1999). De même, les PEC ont été isolées à partir de la moelle osseuse humaine et du SCO (Bompais et al., 2004; Ingram et al., 2004). Cette dernière source s'est révélé abondante en PEC avec des caractéristiques clonogéniques et angiogéniques in vitro et in vivo plus importantes que celles des PEC provenant du sang périphérique adulte (Au et al., 2008; Ferratge et al., 2017a).

Depuis la publication de Asahara et al., différents protocoles d'isolement des PEC ont été publiés par différents équipes (Bompais et al., 2004; Hill et al., 2003; Ponio et al., 2014; Urbich et al., 2003). L'absence de marqueurs spécifiques de cette population rend leur identification et leur comparaison entre laboratoires difficiles (Medina et al., 2017). En effet, l'une des populations identifiées comme PEC correspond aux cellules hématopoïétiques myéloïdes qui favorisent l'angiogenèse de manière paracrine (appelées cellules progénitrices endothéliales précoces ou cellules angiogéniques myéloïdes circulantes) (Urbich et al., 2003) contrairement aux PEC d'origine endothéliale (appelées cellules progénitrices tardives ou CE formant des colonies, ECFC de l’anglais « endothelial colony

forming cell ») qui participent activement à la formation des vaisseaux sanguins et sont incorporées

dans la tunique interne des vaisseaux sanguins (Critser and Yoder, 2010). Récemment, les marqueurs de cellules souches, tels que l'activité de l'aldéhyde déshydrogénase (Nagano et al., 2007) ou le phénotype SP (de l’anglais « side population ») identifié par l’efflux de colorants (e.g. hoechst) médié par les pompes ABC (Iba et al., 2019; Wakabayashi et al., 2018), ont été identifiés dans les PEC et les CE recouvrant les parois des vaisseaux sanguins. Ces études suggèrent que les PEC ayant une activité aldéhyde déshydrogénase plus faible contribueraient davantage à la formation de nouveaux vaisseaux sanguins que les PEC ayant une activité enzymatique plus élevée (Nagano et al., 2007). De plus, ces techniques ont également permis d'identifier la présence de progéniteurs dans les parois des vaisseaux sanguins (Iba et al., 2019), ouvrant le débat sur l’origine des PEC qui seraient exclusivement dérivés de la moelle osseuse (comme les progéniteurs hématopoïétiques) ou qui résideraient dans les parois des vaisseaux sanguins et migreraient lors d’une lésion vasculaire. Si cette dernière hypothèse est vraie, elle soulèverait de nouvelles questions : existe-t-il des zones de vasculogenèse contenant une concentration plus élevée de progéniteurs endothéliaux ? Toutes les CE ont-elles la capacité de devenir des PEC ou cette population est-elle déterminée dès le développement embryonnaire et maintenue tout au long de la vie adulte par une niche, comme c'est le cas des CSH ? Les PEC circulants ont t’ils les mêmes propriétés progénitrices et angiogéniques que les progéniteurs résidants ?

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