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Chapitre III : Les cellules hématopoïétiques

3.4. Développement embryonnaire des cellules hématopoïétiques

3.4.3. L'hématopoïèse chez l'homme

3.4.3.1. L’hématopoïèse in vitro à partir de CSPh

Contrairement aux modèles animaux utilisés pour étudier le développement embryonnaire, l'accès aux embryons humains dans les premiers stades du développement est difficile pour des raisons éthiques et techniques. Ainsi, dans l'étude de l'hématopoïèse humaine, la différenciation des CSPh, CSEh et CSPih, a permis de compléter les informations provenant des embryons humains et de contraster les événements embryonnaires observés chez d'autres embryons animaux. La différenciation hématopoïétique spontanée des CSH récapitule les différentes vagues de l'hématopoïèse observées chez les embryons humains et murins (Figure 20). En absence de facteurs de croissance, les EB issus de CSEh génèrent des progéniteurs érythro-myéloïdes entre le 7ème et le 12ème jour de différenciation et leurs descendances présentent des caractéristiques propres aux cellules primitives (macrophages et érythroblastes primitifs) (Zambidis et al., 2005). Notamment, les érythrocytes issus de ces progéniteurs expriment des hémoglobines embryonnaires (ε2ζ2) et fœtales (HbF, α2γ2) mais pas des hémoglobines adultes (HbA, α2β2). Dès le jour 12, les EB génèrent des CFU-GEMM, CFU-GM et BFU-E. Ces dernières expriment, en plus des hémoglobines embryonnaires et fœtales, des hémoglobines adultes. La présence de monocytes suggère également que les progéniteurs présents dans les EB à partir du jour 12 de différenciation donnent lieu à des lignées définitives. (Zambidis et al., 2005). Kennedy et al. ont démontré que les CSPh pouvaient se différencier en lignages lymphoïdes (lymphocytes T) à partir d'une population aux caractéristiques propres de l'endothélium hémogénique. Ce lignage apparait quelques jours après les progéniteurs primitifs. Dans cette étude, des cocktails de cytokines ont été employés pour guider la différenciation hématopoïétique dans les EB tels que le TPO, FLT3-L, SCF, IL-3, IL-6, IGF-1, BMP-4 ou VEGF (Kennedy et al., 2012).

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La différenciation hématopoïétique des CSPh a permis d'étudier en profondeur les différences entre la vague primitive et définitive de l’hématopoïèse et d'identifier la séquence des événements qui conduisent au développement de ce lignage. Deux méthodes principales de différenciation des CSPh ont été utilisées pour étudier l'hématopoïèse embryonnaire : la formation des EB et la différenciation sur des cellules stromales tel que la lignée OP9. Grâce à ces méthodes, il a été possible de déterminer que la divergence de ces deux types d'hématopoïèse semble se produire lors de la spécification du mésoderme. En effet, la présence de BMP-4, de VEGF et de fortes doses d'activine ainsi que de faibles doses de WNT favorisent la différenciation d'une population mésodermique doublement positive pour le récepteur de l'apeline (APLNR) et pour le PDGFRα (Kennedy et al., 2012, Figure 20 et Figure 21). La population mésodermique APLNR+PDGFRα+ génère des progéniteurs hématopoïétiques primitifs par un intermédiaire endothélial (Lancrin et al., 2009a; Rafii et al., 2013). Ces progéniteurs sont caractérisés par l'expression du VEGFR2, de l’ACE et de la glycophorine A (CD235a) (Choi et al., 2012; Sturgeon et al., 2014; Zambidis et al., 2008, Figure 21). D'autre part, de faibles doses d'activine Figure 20. Différenciation hématopoïétique des CSPh. A. La différenciation hématopoïétique des CSPh récapitule in vitro les vagues de l’hématopoïèse, décrite chez les embryons humains et murins, via la différenciation spontanée des corps embryoïdes (EB). Traduit et adapté de Zambidis et al. 2005. B. Ces vagues hématopoïétiques ont différents besoins des voies de signalisation Nodal/Activine et WNT-caténine β et peuvent être identifiées par l’expression du CD235a chez les précurseurs primitifs et par l’absence de ce marqueur chez les précurseurs définitifs. Traduit et adapté de Ditadi et al. 2017.

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additionnées à de fortes doses de WNT, favorisent la différenciation des CSPh vers l’hématopoïèse définitive (Gertow et al., 2013; Kennedy et al., 2012; Ng et al., 2016; Sturgeon et al., 2014). Dans ce cas, c’est le mésoderme APLNR+PDGFRα- qui est à l’origine d’un endothélium hémogénique caractérisé par l'expression du CD144 et du c-KIT et par l'absence du CD235a, de l’ecto-5′-nucléotidase (CD73), du CD43 et du CD45 (Choi et al., 2012; Uenishi et al., 2018). Le mésoderme APLNR+PDGFRα- génère également deux autres types d’endothélium : la population CD144+CD235a+CD43Low, progénitrice des lignages érythro-myéloïdes et l’endothélium non hémogénique CD144+CD73+CD235a- (Choi et al., 2012). L'expression ou l'absence de CD73 permet de distinguer l'endothélium hémogénique (CD73-) du non hémogénique (CD73+) (Choi et al., 2012, Figure 21).

La participation de la voie WNT dans l'hématopoïèse définitive à partir des CSPh est, cependant, contraire à celle observée dans les embryons murins où la voie WNT est nécessairement exclusive à l'hématopoïèse primitive (Frame et al., 2016; Nostro et al., 2008, Figure 20). Cette observation peut refléter les différences dans le développement hématopoïétique entre les espèces de mammifères ou être produite par les conditions de la différenciation in vitro. Toutefois, d’autres voies de signalisation décrites chez la souris jouent un rôle similaire dans la différenciation hématopoïétique des CSPh. Notamment, l’AR endogène (dans les EB) et exogène participe à la différenciation hémato-vasculaire du mésoderme et à la spécification ultérieure des progéniteurs hématopoïétiques (Yu et al., 2010). La voie Notch a été aussi décrite dans la spécification de l'endothélium hémogénique à partir des CSPh et dans la TEH (Ayllón et al., 2015; Uenishi et al., 2018). Ces études ont aussi permis l'identification d'un progéniteur CD144+Notch1+CD73-CD43-DLL4- qui, lorsque la voie Notch est activée par son ligand DLL4, génère l'endothélium hémogénique CD144+Notch1HighCD73-CD43-DLL4+ (Ayllón et al., 2015; Uenishi et al., 2018). Les facteurs de transcription SCL (Real et al., 2012), GATA2 (Castaño et al., 2019; Kang et al., 2018), RUNX1 (Choi et al., 2012; Kennedy et al., 2012; Ng et al., 2016), SOX17 (Nakajima-Takagi et al., 2013) ou HOXB4 (Jackson et al., 2016; Wang et al., 2005) ont été également identifiés au cours de la différenciation hématopoïétique des CSPh avec des fonctions équivalentes à celles décrites dans les embryons de souris et les CSPm. Quant aux isoformes de RUNX1, certaines équipes rapportent l’expression des isoformes a et b, sans distinction, dans les précurseurs endothéliaux de l’hématopoïèse primitive et définitive, tandis que l’isoforme c serait restreinte aux progéniteurs hématopoïétiques CD45+ comme chez la souris(Ditadi et al., 2015; Ng et al., 2016). Cependant, une équipe américaine a démontré que la surexpression de RUNX1a pendant la différenciation de la CSPh augmente le nombre de progéniteurs hématopoïétiques définitifs CD31+CD34+CD45et permet la production de cellules CD34+CD45+ ayant un potentiel de reconstitution hématopoïétique chez les souris immunodéprimées (Ran et al., 2013).

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Également pour l’isoforme c, les études de Navarro-Montero et al. suggèrent que cette isoforme est produite par l'endothélium hémogénique (Navarro-Montero et al., 2017). Ainsi, des études supplémentaires sont nécessaires pour élucider le rôle des isoformes RUNX1 dans l'hématopoïèse humaine.

Enfin, l'utilisation de lignées de CSPh génétiquement modifiées avec des protéines rapporteuses liées aux facteurs de transcription hématopoïétiques, a permis l'isolement de plusieurs populations Figure 21. Populations décrites au cours de la différenciation hématopoïétique des CSPh. Hiérarchie des précurseurs hématopoïétiques et endothéliaux décrits au cours de la différenciation des CSP vers ces lignages. L’expression de CD73 et CD235 permet d’identifier l’endothélium hémogénique vs l’endothélium vasculaire et les précurseurs hématopoïétiques primitifs vs les précurseurs définitifs. A droite, les cytokines les plus utilisées pour la différenciation hémato-endothéliale sont indiquées, ainsi que la concentration d’oxygène qui favorise les différentes étapes de la différenciation. Traduit et adapté de Uenishi et al. 2014.

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intermédiaires pendant la spécification de l’endothélium hémogénique. Leurs analyses au niveau transcriptomique se sont révélées utiles pour améliorer la compréhension du mécanisme de spécification de cette population endothéliale en révélant, par exemple, l'importance des facteurs de transcription HOXA (Ng et al., 2016) ou des signaux pro-inflammatoires dans l'hématopoïèse humaine définitive (Navarro-Montero et al., 2017).