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Chapitre I : Les cellules souches

1.3. Les cellules souches pluripotentes

1.3.3. Les cellules souches pluripotentes induites

1.3.3.1. Etapes de la reprogrammation

Bien que les premières études sur la CSPih aient montré une grande similitude entre ces cellules et celles dérivées de la MCI, certaines équipes ont signalé des différences significatives entre ces deux types de CSPh, notamment en ce qui concerne le transcriptome (Chin et al., 2009), la méthylation de l'ADN (Deng et al., 2009) et la capacité de différenciation (Kim et al., 2011; Takahashi and Yamanaka, 2016). Cependant, d'autres études portant sur un nombre plus important de CSPih (>50) ont confirmé que les cellules reprogrammées sont très difficilement distinguables des CSEh (Bock et al., 2011; Guenther et al., 2010; Yamanaka, 2012).

La reprogrammation des cellules somatiques est, un général, un processus très inefficace où seulement environ 1% des cellules initiales deviennent des CSPih (Singh et al., 2015; Takahashi and Yamanaka, 2016). Malgré les connaissances limitées sur les mécanismes qui régissent la reprogrammation cellulaire, aujourd'hui il est admis que cette inefficacité est due au fait que la principale étape de ce processus est stochastique (Hanna et al., 2009b). Ainsi, la reprogrammation des cellules somatiques commence par la surexpression de facteurs exogènes conduisant à des événements aléatoires tels que, l'inhibition de l’histone méthyltransférase de la lysine DOTL1 (de l’anglais « disruptor of telomeric silencing 1-like ») (Mikkelsen et al., 2008; Onder et al., 2012), la répression des gènes spécifiques du lignage, la transition mésenchymateuse-épithéliale (Li et al., 2010) et l'activation du métabolisme basé sur la glycolyse au détriment de la phosphorylation

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Tableau 2. Exemples des facteurs et molécules chimiques capables de remplacer les facteurs originaux utilisés par l’équipe de Yamanaka pour reprogrammer les cellules somatiques en CSPih. Traduit et complété de Singh et al., 2015.

Facteur/petite molécule

Fonction Facteur qui remplace Ref.

NANOG Facteur de transcription spécifique des ESC Avec LIN28, il remplace K et M

Yu et al., 2007

LIN28 Protéine de liaison à l'ARN Avec NANOG, il

remplace K et M

Yu et al., 2007

L-MYC or N-MYC

Proto-oncogènes. Facteurs de transcription liées à la prolifération cellulaire

M Nakagawa et al.,

2010

SV40 LT (T) Antigène large T du virus simien 40 (SV40) K ; M*, LIN28, NANOG Mali et al., 2008 Medvedev et al.,

2010

BIX-01294 Petite molécule. Inhibiteur de l’histone méthyltransférase G9a

S, M Shi et al., 2008

Medvedev et al., 2010

VPA Petite molécule. Inhibiteur de l’histone désacétylase

K, M Huangfu et al.,

2008

YAP Activation de la voie de signalisation Hippo-Yap

K, M Zhao et al., 2017

TCL-1A La protéine 1A de la leucémie/lymphome à cellules T. Promu la prolifération cellulaire

O, K Picanço-Castro et

al., 2010

GLIS1 Facteur de transcription enrichi en ovocytes fécondés et non fécondés

M Maekawa et al.,

2011

CHIR99021 Petite molécule. Inhibiteur de la glycogène synthase kinase 3

Avec Parnate, il remplace S et M

Li et al., 2009

Parnate Petite molécule. Inhibiteur de la déméthylase spécifique de la lysine 1

Avec CHIR99021, il remplace S et M

Li et al., 2009

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oxydative des cellules somatiques (Folmes et al., 2011). Au cours de cette étape, l'expression des gènes induits par le stress augmente également et par conséquent, la sénescence et l'apoptose des cellules, bloquent la reprogrammation (Banito et al., 2009). À la fin de cette étape, seules les cellules ayant acquis toutes les transformations mentionnées ci-dessus et ayant échappé à la mort cellulaire poursuivront le processus de reprogrammation (Takahashi and Yamanaka, 2016). La deuxième étape considérée comme déterministe commence une fois que les gènes endogènes associés à la pluripotence (e.g. SOX2, ESRRB, NANOG, OCT3/4, etc.) sont exprimés (≈10 jours après la transduction des cellules) (Stadtfeld et al., 2008a). Les événements qui se produisent à ce stade sont liés à la maturation de l'état pluripotent, tels que l'élongation des télomères chromosomiques (Maherali et al., 2008; Takahashi et al., 2007), la déméthylation des histones (Wang et al., 2011) et de l'ADN. Dans le cas des CSPi de souris ou des CSPih générées dans des conditions naïves, la réactivation du chromosome X constitue également un phénotype clé de la pluripotence (Barakat et al., 2015; Maherali et al., 2007). Bien qu'à la fin de la première étape, on puisse distinguer des colonies de CSPih similaires aux CSEh, une interruption de la reprogrammation à ce stade peut générer des CSPih partiellement programmées aussi dites pré-CSPih (Desprat et al., 2014; Tanabe et al., 2013).

Afin d’améliorer la reprogrammation des cellules somatiques en CSPi, plusieurs facteurs moléculaires et chimiques ont été combinés avec les facteurs utilisés par Yamanaka ou en remplacement d’un ou de plusieurs d’entre eux (Ebrahimi, 2015). Il s’agit, entre autres, des inhibiteurs d'histones méthyltransférases (Medvedev et al., 2010; Shi et al., 2008) ou des histones désacétylases (Huangfu et al., 2008) et des inducteurs des histones démethylases (e.g. Vitamine C) (Wang et al., 2011) (Tableau 2).

Grâce aux études préliminaires de reprogrammation des fibroblastes chez la souris et à leur facile isolement et culture in vitro, les premières cellules somatiques humaines utilisées pour la reprogrammation ont été des fibroblastes (Takahashi et al., 2007; Yu et al., 2007). Cependant, dans les années qui ont suivi les publications des équipes de Yamanaka et Thomson, une grande diversité de types cellulaires ont été reprogrammées en CSPih, telles que les kératinocytes (Aasen et al., 2008), les cellules endothéliales (CE) (Féraud et al., 2016a; Haase et al., 2009), les cellules souches CD34+ du sang de cordon ombilical (SCO) (Loh et al., 2009; Ye et al., 2009), les cellules souches neurales (Kim et al., 2009a), les mélanocytes (Utikal et al., 2009), les cellules épithéliales amniotiques (Féraud et al., 2016a; Zhao et al., 2017), les cellules du sang périphérique (Féraud et al., 2016a; Loh et al., 2009; Seki et al., 2010), les hépatocytes (Liu et al., 2010), les cellules mésenchymateuses (Sugii et al., 2010), les cellules épithéliales rénales prélevées dans l'urine (Zhou et al., 2012) et les astrocytes (Ruiz et al., 2010), entre autres (Tableau 3). Bien que dans tous ces cas, les CSPih obtenues répondent aux critères des CSP, certaines études ont suggéré que le potentiel de différenciation de ces cellules

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pouvait être lié à leur origine somatique (Kim et al., 2010, 2011). Les CSPih pourraient se différencier préférentiellement vers la lignée somatique de départ et être moins efficace dans la différenciation vers d'autres lignages à cause des empreintes épigénétiques qui persistent même après la reprogrammation. D’autres auteurs ont attribué ces différences à la variabilité entre donneurs plutôt qu'aux types de cellules somatiques d’origine (Kajiwara et al., 2012). D’ailleurs, la reprogrammation des CSPih a été aussi démontré être indépendante de l'âge et du sexe du donneur. Ainsi, Takahashi et al. 2007 ont réussi à générer des lignées des CSPih à partir d'un donneur féminin de 36 ans et d'un donneur masculin de 69 ans (Takahashi et al., 2007). De même, Lapasset et al. ont réussi à reprogrammer des cellules sénescentes et des cellules de centenaires (Lapasset et al., 2011). Dans tous les cas, les lignées des CSPih ont montré des télomères d’une taille similaire à celle des CSEh, suggèrant la suppression des marqueurs épigénétiques du vieillissement. Aujourd’hui la question reste ouverte. Néanmoins, la reprogrammation des cellules somatiques par transfert de noyaux d'ovocytes et la dérivation des CSPih naïves pourraient permettre une étude plus approfondie sur l'existence ou non d'une mémoire épigénétique dans les CSPih.

Par ailleurs, l’origine des cellules somatiques avant leur reprogrammation en CSPi est un point important à considérer en thérapie cellulaire. En effet la source idéale de cellules somatiques doit être accessible par des méthodes non invasives. Elle doit être facile à cultiver et amplifiable in vitro, pour obtenir un nombre suffisant de cellules à reprogrammer dans les plus courts délais. Bien entendu, leur reprogrammation doit être efficace (Raab et al., 2014) (Tableau 4). Selon ces critères, des lignées de CSPih ont été dérivées à partir de kératinocytes extraits des follicules pileux (Aasen and Belmonte, 2010) ou à partir d’une goutte de sang (10 µl) prélevée par une piqûre au bout du doigt (Tan et al., 2014).