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La biologie de l’expérience émotionnelle

Dans le document L'horreur comparée: jeu vidéo et cinéma (Page 46-49)

CHAPITRE 2 CADRE THÉORIQUE

2.2.1 La biologie de l’expérience émotionnelle

Avoir le sang qui bout d’impatience dans les veines ou être si stressé que l’on a des nœuds dans l’estomac ou, au contraire, si amoureux que l’on a des papillons dans le ventre; la langue française regorge d’une myriade d’expressions associant une manifestation de réaction biologique à une émotion. Que se passe-t-il vraiment dans le corps d’une personne lors d’une activation émotionnelle? La production d'une émotion est une activité extrêmement complexe où les étapes sont nombreuses entre un stimulus, par exemple la découverte d’une mouche dans son bol à soupe à la fin d’un repas, et la réponse émotionnelle qui lui est associée, comme, disons, le dégoût!

Premier détail important : ce ne sont pas tous les stimuli qui mènent à une réaction émotionnelle. Le cerveau, plus particulièrement le système limbique, effectue constamment un tri parmi tous les stimuli, toute l’information contenue dans l’environnement. Il en va ainsi des stimulations répétitives qui mèneraient vers l’habituation. L'individu — et son système limbique — doit considérer la pertinence de la situation à laquelle il fait face par rapport à l’atteinte de ses buts, de ses objectifs. Advenant qu’un stimulus revête une signification particulière, il devrait amener une réponse émotionnelle.

Il existerait trois sortes de réponse émotionnelle différentes : la réponse comportementale, automatique et hormonale (Carlson 2000, p. 430). La réponse comportementale provoque un mouvement musculaire approprié au stimulus, tel que courir pour fuir un chien enragé. La réponse automatique se traduit par un changement dans le système nerveux autonome afin de faciliter les actions et de mobiliser de l'énergie rapidement. Par exemple, si un individu se fait poursuivre par un chien enragé et qu’il a peur, sa digestion sera interrompue pour diriger son sang et de l’énergie

supplémentaire à ses muscles « de la fuite », comme les muscles de ses jambes pour s’enfuir afin d’échapper à la bête féroce. Finalement, la réponse hormonale apporte son soutien au système nerveux autonome : elle se traduit par la sécrétion d’hormones servant à renforcer les réponses automatiques. Par exemple, les glandes surrénales sécrèteraient de l'adrénaline, une hormone répondant à un besoin d'énergie immédiat et participant à l'accélération du rythme cardiaque, à l'augmentation du flux sanguin vers les muscles et à l'augmentation du taux de glucose dans le sang (Carlson 2000, p. 430). En résumé, les émotions servent à une chose : à faire agir!

2.2.1.1 Le système nerveux autonome

Le système nerveux autonome (SNA) cause les réactions physiologiques associées aux émotions. Il prépare le corps à opérer une activité physique ou intellectuelle (Dubuc 2002). Les réactions du SNA sont normalement involontaires, automatiques. Divisé en deux ramifications : la ramification sympathique et la ramification parasympathique, également appelées le système neveux sympathique et le système nerveux parasympathique, ce système opère en partenariat avec les hormones.

La ramification sympathique prépare le corps à l'action. Il le prépare à combattre ou à fuir, le fight or flight mentionné précédemment. L'éveil, l'intérêt, l'attention ou une activation émotionnelle peut stimuler le système nerveux sympathique (Coon 1994, p. 312, Huffman, Vernoy et Vernoy 2000, p. 359). La plupart des réactions sympathiques augmentent les chances de survie d'une personne ou d'un animal (Coon 1994, p. 310).

D’un autre côté, la ramification parasympathique renverse habituellement l'éveil physiologique produit par le système sympathique et agit de manière à calmer et détendre le corps ou, autrement dit, il aide l’individu à « reprendre ses esprits » afin que l’équilibre de l’organisme soit rétabli. Le système nerveux parasympathique se charge des fonctions digestives et de l'appétit sexuel (Dubuc 2002).

2.2.1.2 Le système nerveux central : la réponse cérébrale

Au sein du système nerveux central, qui est constitué de la partie encéphale du cerveau et de la moelle épinière, et dans le système nerveux périphérique, constitué d’un réseau de nerfs, l’information circule entre les neurones par courants électriques. Les neurones sont les cellules du

système nerveux. Étant transmis par courants électriques, les messages entre les neurones voyagent rapidement, à raison de 100 mètres par seconde (Campbell 1995, p. 982-983).

De la même manière qu’il est possible de mesurer la différence de potentiel dans un circuit électrique, il est possible de mesurer la tension du cerveau humain. Les rythmes du cerveau sont enregistrés grâce à l’électroencéphalographie (EEG). Cette méthode mesure l’activité électrique générée par les millions de neurones contenus dans le cerveau grâce à des électrodes placées à des endroits spécifiques sur le cuir chevelu d’une personne. Habituellement, un gel électrolytique, comme un gel salin, est utilisé comme une colonne conductrice d’électricité entre la peau du crâne et l’électrode.

Les signaux recueillis par l’enregistrement EEG présentent à chaque instant un mélange fluctuant de fréquences et d’amplitudes variées chargées à l’évidence d’informations importantes. L’aspect de ce mélange dépend de la région du cerveau sur laquelle les signaux sont recueillis, de l’âge du sujet, du niveau de conscience ou d’éveil, du contenu du milieu sanguin et d’autres variables métaboliques (Rémond et Rémond 1994, p. 107-108).

Plusieurs facteurs nuisent à la prise exacte de mesure. La vitesse de transmission de l’information entre les neurones étant très élevée, le cerveau relativement petit et la forme de la tête de tout un chacun variant fortement, la finesse de précision des mesures peut facilement être compromise. Qui plus est, l’activité musculaire du visage influe sur l’activité électrique mesurée par les électrodes de l’EEG. Le clignement des yeux produit une variation importante dans l’EEG. De plus, le courant électrique mesuré grâce aux électrodes placées à proximité de la bouche fluctue à cause des mouvements musculaires de la mâchoire : bien que l’EEG vise à mesurer l’activité électrique du cerveau, le signal peut être contaminé par les serrements de mâchoire ou, plutôt, le courant électrique qui active les muscles. Ces quelques raisons expliquent une certaine difficulté à interpréter les tracés électroencéphalographiques, surtout s’ils proviennent d’un sujet qui a la bougeotte ou qui parle abondamment.

L’avantage direct de l’EEG est qu’il peut nous donner une indication précieuse sur « l’état d’esprit » d’un sujet ou, autrement dit, sur son éveil. En effet, la vitesse de transmission de l’information dans le cerveau et l’état mental d’une personne sont liés. La fréquence des ondes cérébrales nous donne une indication sur l’état d’éveil d’une personne. Toute une nomenclature

grecque a été développée autour des différentes fréquences d’ondes. Il y a, entre autres, les ondes dites delta (δ), thêta (θ), alpha (α), bêta (β) et gamma (γ).

Le cerveau qui produit des ondes delta (δ), c’est-à-dire comprises entre 0,5 et 3,5 Hz, appartient à une personne normale dormant d’un sommeil profond (Andreassi 2000, p. 27). Les fréquences thêta (θ) sont celles qui séparent le monde réel du monde des rêves. Comprises entre 4 Hz et 7 Hz, elles surviennent habituellement avant l’endormissement (Rémond et Rémond 1994, p. 109). Certains associent les ondes thêta au stade 1 du sommeil (Huffman, Vernoy et Vernoy 2000, p. 187). Les états d’éveil simple ou d’attention non focalisée, comme les appelle Anna et Antoine Rémond (1994, p. 108) sont associées aux ondes alpha (α) dont la fourchette de fréquences se situe entre 8 et 13 Hz. Les ondes alphas sont associées à la relaxation, à l’absence de pensées (Andreassi 2000, p. 26). Cet état est dit hypnagogique (Huffman, Vernoy et Vernoy 2000, p. 187). La bande de fréquences suivante, appelée bêta (β), correspondant aux ondes de 14 Hz à 28 Hz et est « (…) habituellement associé[e] avec une attention active, souvent focalisée sur le monde extérieur mais comprenant aussi la pensée ou la réflexion. Par exemple, au cours de la lecture d’un livre ou le suivi d’un match à la télévision, l’activité des régions occipitales contient une prédominance d’activité bêta. » (Rémond 1994, p. 124). Finalement, les ondes dont la fréquence dépasse les 30 Hz portent le nom d’ondes gamma (γ) et sont associées à une activité physique plus intense ou une activité mentale supérieure. En somme, plus la fréquence est élevée, plus une personne est éveillée et lorsque la fréquence est nulle, c’est la mort cérébrale.

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