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Chapitre 3 le centre spirituel découvert dans l’oeuvre romanesque de Raymond Queneau

3.2 L’union spirituelle réalisée par des moyens différents

3.2.2 L’union comme l’androgyne : Zazie dans le métro

Certains critiques prennent Gabriel pour un homosexuel (Anne Clancier, 26 ; OCII, 1713), ils prennent le problème au sérieux mais sans beaucoup réfléchir. On doit traiter

ce problème d’un autre point de vue. Tout d’abord, son prénom Gabriel évoque un ange, mais les anges ont un sexe ambigu, et ensuite il a l’habitude de changer de vêtements. Il est donc bisexuel. Or, nous voudrions dire que Gabriel ou Gabriella est tout à fait l’Androgyne au sens guénonien de ce mot. Il nous suffit de lire un passage chez lui, quand il traite du yin et du yang : « ces deux termes yang et yin, lorsqu’ils sont unis, sont représentés par le symbole qui est appelé pour cette raison yin-yang, et que nous avons déjà étudié ailleurs au point de vue où il représente plus particulièrement le ‘cercle de la destinée individuelle. Conformément au symbolisme de la lumière et de l’ombre, la partie claire de la figure est yang, et sa partie obscure est yin ; et les points centraux, obscur dans la partie claire, et claire dans la partie obscure, rappellent que, en réalité, le yang et le yin ne sont jamais l’un sans l’autre. En tant que le yang et le yin sont déjà distingués tout en étant unis, c’est le symbole de l’Androgyne primordial, puisque ses éléments sont les deux principes masculin et féminin ; c’est aussi, suivant un autre symbolisme traditionnel plus général encore, l’Œuf du Monde, dont les deux moitiés, lorsqu’elles se sépareront, seront respectivement le Ciel et la Terre. D’un autre côté, la même figure, considérée comme formant un tout indivisible, ce qui correspond au point de vue principiel, devient le symbole de Tai-ki, qui apparaît ainsi comme la synthèse du yin et du yang, mais à la condition de bien préciser que cette synthèse, étant l’Unité première, est antérieure à la différenciation de ses éléments, donc absolument indépendante de ceux-ci » (GT, 44). Et plus loin dans le même livre, René Guénon ajoute que « les dix mille êtres sont produits par Tai-i, modifiés par yin-yang, car tous les êtres proviennent de l’unité principielle » (GT, 45), et dans la note de la même page, on lit « Tai-i est le Tao ‘avec un nom’, qui est la mère des dix mille êtres. [---]. Le Tao ‘sans nom’ est le Non-Être, et le Tao ‘avec un nom’ est l’Être » (GT, 45), tout cela révèle le caractère principiel de l’androgynie. Ailleurs, Pierre Feuga fait aussi la liaison entre la Croix comme le Principe et l’Homme Universel comme androgyne : « la Croix à branches égales affirme l’union des complémentaires, l’équilibre, l’épanouissement dans le double sens de l’amplitude et de l’exaltation, selon la terminologie guénonienne reprise de la tradition soufie. C’est une image de l’Homme Universel dans lequel coïncident le Ciel et la Terre. La Croix symbolise le développement du point originel dans les quatre directions cardinales de l’espace, en même temps que la réalisation du multiplicité à l’Un » (Feuga, 210), « l’Homme Universel, parfait,

androgyne (puisque en lui s’additionnent et s’accordent le 2 féminin et le 3 masculin) » (ibid.). Donc, Gabriel, ni masculin ni féminin, mais masculin et féminin, c’est tout à fait androgyne, comme on le démontre dans ce qui suit.

Gabriel

Et maintenant revenons au roman. On sait que d’abord Gabriel nous montre être un homme parce qu’il est le tonton de Zazie ; il travaille comme gardien de nuit ou veilleur de nuit, d’après ce qu’il dit à Zazie. Or, après que le type (Trouscaillou pris pour un flic) lui pose la même question en ce qui concerne son identité, il répond comme « danseuse de charme » et il se prend pour un artiste. Avec le déroulement de la narration, on constate qu’il danse en tutu dans une boîte de nuit pour les tantes ou homos : « je fais mon numéro habillé en femme dans une boîte de tantes ».

Pourtant, on rappelle que Gabriel, comme un ange35 ou un chérubin est proche du Dieu, qui symbolise, dans un sens, le centre du monde, donc unisexe ou plutôt sans sexe ou, précisément, c’est difficile de le dire : masculin ou féminin. Il est Gabriel et Gabriela, masculin et féminin, tout en un : androgyne. Un ‘androgyne’, qui, comme nous l’avons lu plus haut, représente l’indifférenciation principielle, aussi le centre dont ‘les dix mille êtres sont produits’, ou en un autre terme, le principe indivisible. Il est inutile de dire qu’il est masculin ou féminin, il est ‘androgyne’ : masculin et féminin ensemble, yin et yang ensemble selon René Guénon. Comme le principe indivisible, il lui arrive qu’il ne distingue pas le Panthéon des Invalides, les Invalides du Sacré-Coeur, la Sainte-Chapelle du Tribunal de Commerce, parce que chez lui, il n’y a pas de distinction.

Et en tant que principe indivisible, il se présente ou se prend pour un Archiguide, qui amène les gens comme des agneaux et des brebis vers le principe, c’est pour cela qu’il appelle les voyageurs ‘mes agneaux et vous mes brebis mesdames’, il clame qu’il les a en mains. C’est comme un héraut de dieu qui guide les gens vers la délivrance.

Gabriel, comme représentant de Dieu, nous témoigne de sa nature pneumatique (l’esprit, désignant la manifestation informelle) : « et, se levant d’un bond avec une

35 On cite René Guénon: « l’invocation des anges, à la condition de les regarder uniquement comme des ‘intermédiaires célestes’, c’est-à-dire en définitif, suivant ce que nous avons déjà exposé, comme représentant ou exprimant tels ou tels aspects divins dans l’ordre de la manifestation informelle, est parfaitement légitime et normale au regard du plan strict monothéisme »(M, 28)

souplesse aussi singulière qu’inattendue, le colosse fit quelques entrechats en agitant ses mains derrière ses omoplates pour simuler le vol du papillon » (OCIII, 663). Ce métier de danseuse de charme convient tout à fait à sa nature pneumatique.

Gabriel est doué aussi du talent des langues. En fait, dans le roman, ce qui apparaît comme étant le plus urgent pour Zazie c’est de connaître la réponse à ces deux questions concernant Gabriel : est-ce que Gabriel est homosexuel, et comment Gabriel peut-il parler une langue étrangère. Zazie est surprise de constater que Gabriel, ‘sait parler les langues étrangères’(OCIII, 620). Or, pour Gabriel, c’est tout à fait inné, et inexprimable : « je peux pas t’expliquer, c’est des choses qu’arrivent on sait pas comment. Le coup de génie, quoi » (OCIII, 643), « où l’avait-il donc apprise ? Mais nulle part : il n’en savait pas mot » (OCIII, 1713). Cependant, René Guénon nous rappelle dans le Don des

Langues que « c’est la conséquence nécessaire d’une connaissance qui est supérieure à

toutes les formes, mais qui ne peut se communiquer qu’à travers des formes, [---]. On peut, pour le comprendre, comparer ce dont il s’agit à la traduction d’une même pensée en des langues diverses : c’est bien toujours la même pensée, qui, en elle-même, est indépendante de toute expression ; mais, chaque fois qu’elle est exprimée en une autre langue, elle devient accessible à des hommes qui, sans cela, n’auraient pu la connaître ; et cette comparaison est d’ailleurs rigoureusement conforme au symbolisme même du ‘don des langues’ » (AI, 237), « c’est ainsi que, pour reprendre toujours le même symbolisme, n’étant plus astreints à parler une langue déterminée, ils peuvent les parler toutes, parce qu’ils ont pris connaissance du principe même dont toutes les langues dérivent par adaptation ; ce que nous appelons ici les langues, ce sont toutes les formes traditionnelles, religieuses ou autres, qui ne sont en effet que des adaptations de la grande Tradition primordiale et universelle, des vêtements divers de l’unique vérité » (AI, 238). On comprend certainement que, Gabriel, en tant qu’envoyé spécial de Dieu, est sûrement doué pour les langues. Mais, en ce qui concerne le personnage du même nom dans le roman, dans l’idée originelle de Raymond Queneau, il désigne affirmativement celui qui atteint le point central de l’esprit, conformément à son identité d’androgyne, en représentant ici le principe indivisible.

En passant, il faut remarquer que le couple Gabriel habite le deuxième étage et que l’escalier se présente en spires (OCIII, 655). Le symbolisme des spires désigne l’échelle.

Chez René Guénon « un escalier en spirale, il s’agit d’une ascension moins directe. Elle s’accomplit suivant les détours de l’hélice qui s’enroule autour de cet axe, [---], mais, en principe, le résultat final doit pourtant être le même, car il s’agit toujours d’une montée à travers la hiérarchie des états de l’être, les spires successives de l’hélice étant encore une représentation exacte des degrés de l’Existence universelle » (SFSS, 339), et de plus on sait que « l’escalier en spires » est une variété du symbole de « l’Axe de l’Univers », ou simplement de « l’Arbre du Monde », ou une échelle sur laquelle s’effectue un perpétuel mouvement ascendant et descendant » (SFSS, 337). Cela nous rappelle aussi que les gens, et surtout Gabriel et Marceline, descendent et montent, ainsi de suite sans cesse, l’échelle éternellement. Cela ne nous évoque -t-il pas quelque chose ?

Qui plus est, René Guénon nous montre qu’il y a trois mondes ou dans un autre sens trois degrés dans la hiérarchie du monde principiel : Le monde des grossiers, le monde des subtils, et le monde des informels, au-delà, c’est l’Âtmâ du non-manifesté. Et le couple Gabriel habite le deuxième étage, c’est-à-dire le troisième degré, qui correspond au monde des informels. Rappelons que les anges sont les intermédiaires ou représentants du monde informel. Cela nous révèle de la part de Raymond Queneau que le couple Gabriel se situe dans ce degré de l’Existence universelle. Il y a donc une forte correspondance entre René Guénon et Raymond Queneau sur ce thème.

Revenons à Gabriel. Il y a une autre chose qui retient notre attention : Gabriel ne boit que de la grenadine, laquelle est fabriquée à base de grenade. Sous la peau de la grenade on peut trouver de petits morceaux ressemblant à des pierres polyèdres36et brillantes. Par ailleurs, le liquide de la grenadine est de la couleur rouge, n’aurait-il pas quelque chose à voir avec le breuvage d’immortalité ? Michel Tardieu dans son étude montre que « la grenade contient un vin particulièrement indiqué pour les plaisirs de l’amour. Ainsi, ce fruit est-il par excellence le symbole d’Aphrodite. [---]. Et Aphrodite est l’aspect unique androgyne de l’Eros » (Michel Tardieu, 172). D’ailleurs dans le Roi du Monde, René Guénon montre que le Soma des Hindous ou le Haoma des Perses, « le breuvage d’immortalité, qui, précisément, a un rapport fort direct avec le Graal, puisque celui-ci est, dit-on, le vase sacré qui contient le sang du Christ, lequel est aussi le breuvage d’immortalité » (RM, 40). Or, le Soma est extrait de l’Arbre du Monde, dans la liqueur

« se trouve concentrée la sève qui est en quelque sorte l’ ‘essence’ même du végétal » (SFSS, 332). Naturellement, on sait que la grenadine est extraite des grenades, c’est-à-dire du végétal, elle est donc le soma du végétal, mais si le soma a quelque chose à voir avec le sang du Christ, la grenadine sous-entend sans doute le sang du Christ, ou plutôt, le ‘breuvage d’immortalité’37. Gabriel ne boit que de la grenadine, et il nous semble qu’elle lui est réservée. René Guénon explique que le soma sous forme de vin n’est réservé qu’à l’élite (RM, 47), en l’occurrence à Gabriel et Marcelin dans le roman de Raymond Queneau.

On ne tarde donc pas à déclarer que Gabriel est un androgyne au sens métaphysique. Or, le rôle que Gabriel joue n’est pas seulement celui-là ; il est aussi le maître ou le guru, peut-on dire, qui montre aux gens le chemin vers la réalisation. Dans ce sens-là, il est appelé l’archiguide (OCIII, 623). C’est lui qui conduit les voyageurs à la Sainte Chapelle, joyau de l’art gothique, et également au Mont-de-Piété, une boîte de tantes où tous les gens d’un sexe se transforment en ceux de l’autre sexe : par exemple Turandot (masculin) devient féminin, et vice versa, ce qui symbolise aussi le passage d’un état d’être à l’autre. Et le dernier épisode aux Nyctalopes montre leur réalisation totale chacun de son côté. Le métier

Le métier de danseuse de charme lui plaît beaucoup. Il y a des gens qui le trouve un peu ignoble, mais d’après Gabriel, ce n’est que pour la rigolade, et l’important, c’est aussi l’art qui entraîne les talents: « ce n’est pas du simple slip-tize que je vous présenterai, mais de l’art ! de l’art avec un grand A, faites bien gaffe » (OCIII, 663). Donc, pour lui, le métier ne renferme aucun sens vulgaire, comme le dit Pierrot : « y a pas de sot métier, dit Pierrot » (OCII, 1203). Cette idée de métier est partagée aussi par Gridoux, le cordonnier. Pour lui, « ça ne prouve rien, continuait Gridoux, sinon que ça amuse les gogos. Un colosse habillé en torero ça fait sourire, mais un colosse habillé en Sévillane, c’est ça alors qui fait marrer les gens. D’ailleurs c’est pas tout, il danse aussi la Mort du Cygne comme à l’Opéra. En tutu. Là alors, les gens ils sont pliés en deux. Vous allez me parler de la bêtise humaine,

37 On ne néglige pas qu’un grenadier tout vert avec ses fruits tout rouges ressemble à l’Arbre du Monde, et cet arbre porte alors douze fruits qui sont les douze ‘soleils’.

dakor, mais c’est un métier comme un autre après tout, pas vrai ? » (OCIII, 612). On revient à Gabriel à ce sujet. Gabriel ne méprise pas du tout son métier, parce que premièrement c’est un métier pour gagner sa croûte, et ensuite un vrai métier, et deuxièmement, c’est aussi quelque chose qui l’ amène à la réalisation ‘édénique et adamiaque’. Selon René Guénon : « la distinction entre les arts et les métiers, ou entre ‘artiste’ et ‘artisan’, est, elle aussi, spécifiquement moderne, [---]. L’artifex, pour les anciens, c’est, indifféremment, l’homme qui exerce un art ou un métier ; mais ce n’est, à vrai dire, ni l’artiste ni l’artisan au sens que ses mots ont aujourd’hui ; c’est quelque chose de plus que l’un et que l’autre, parce que, originalement tout au moins, son activité est rattachée à des principes d’un ordre beaucoup plus profond. Dans toute civilisation traditionnelle, en effet, toute activité de l’homme, quelle qu’elle soit, est toujours considérée comme dérivant essentiellement des principes ; par là, elle est comme transformée, [---], et au lieu d’être réduite à ce qu’elle est en tant que simple manifestation extérieure (ce qui est en somme le point de vue profane), elle est intégrée à la tradition et constitue, pour celui qui l’accomplit, un moyen de participer effectivement à celle-ci » (M, 71-72). Plus loin on lit « si la connaissance initiatique est, pour lui, née du métier, celui-ci, à son tour, deviendra le champ d’application de cette connaissance, dont il ne pourra plus être séparé » (M, 75). D’après René Guénon, les initiations de métier appartiennent à l’ordre des ‘petits mystères’, qui, en revanche, conduisent à la restauration de ce que les doctrines traditionnelles désignent comme l’ état primordial’ (M, 76), « cela implique une transmission remontant par une ‘chaîne’ ininterrompue, jusqu’à l’état qu’il s’agit de restaurer, et ainsi, de proche en proche, jusqu’à l’ ‘état primordial’ lui-même » (M, 77). Trouscaillou

Remarquons que lorsque Zazie arrive à Paris, elle ne désire que deux choses : elle a envie de prendre le métro et d’avoir une paire de bloudjinnzes (ou blue-jeans). Nous savons que les bloudjinnzes se portent non seulement pour le sexe masculin, mais aussi pour le sexe féminin. Il est plutôt unisexe, avec le masculin et le féminin en un. Il est donc unisexe et également androgyne. Il a pareillement un sens métaphysique. Mais pourquoi Zazie a-t-elle tellement besoin d’une paire de bloudjinnzes, et empoigne -t-elle celui qui

appartient à Trouscaillou? On va traiter cette question plus loin, pour l’instant, abordons le personnage de Trouscaillou.

Le type se présente comme un acteur d’après Zazie : « il était affublé de grosses bacchantes noires, d’un melon, d’un pébroque et de larges tatanes. C’est pas possib, se disant Zazie avec sa petite voix intérieure, c’est pas possib, c’est un acteur en vadrouille, un de l’ancien temps » (OCIII, 587). On ne sait pas si c’est un acteur ou non, et un acteur de l’ancien temps, mais précisément de quel temps ? Aucune idée. Le type se nomme Pédro-surplus, c’est-à-dire aussi pierre surplus, quelque chose de transcendant. On ne sait pour quelle raison, mais il se dit comme « un pauvre marchand forain » (OCIII, 597). Toutefois, Gabriel le suspecte d’être un flic38, ce qui fait peur dans le voisinage. La deuxième fois qu’il apparaît, le type a la forme d’un flic, qui fait son service en délivrant le kidnappé, c’est-à-dire, Gabriel. Le flic, cette fois-ci s’appelle Trouscaillou, mais c’est le même type que Pédro-surplus. Trouscaillou amène la veuve Mouaque et Zazie au Mont-de-Piété. La troisième fois qu’il surgit chez Marceline, il s’appelle Bertin Poirée, il veut faire des choses avec Marceline, femme de Gabriel, mais elle s’échappe. Après cela, il retourne ensuite au Mont-de-Piété cette fois-ci en tant que Trouscaillou. A notre surprise, il est arrêté par les flics, et transféré dans un panier à salade. Nous n’avons donc aucune idée précise quant à son identité. Toutefois, la dernière fois qu’il se montre, il s’appelle Aroun Arachide. Il se déclare « je suis je, celui que vous avez connu et parfois mal reconnu. Prince de ce monde et de plusieurs territoires connexes, il me plaît de parcourir mon domaine sous des aspects variés en prenant les apparences de l’incertitude et de l’erreur qui, d’ailleurs, me sont propres » (OCIII, 687). Mais qui est-il ? Il se déclare comme « police primaire et défalqué, voyou noctinaute, indécis pour chasseur de veuves et d’orphelines, ces fuyantes images me permettent d’endosser sans crainte les risques mineurs du ridicule, de la calembredaine et de l’effusion sentimentale » (OCIII, 687). On ne sait pas qui il est, il a plusieurs noms.

Or, René Guénon nous montre que « les Rose-Croix devaient adopter le costume et les habitudes des pays où ils se trouvaient, et certains ajoutent même qu’ils devaient prendre un nouveau nom chaque fois qu’ils changeaient de pays, comme s’ils revêtaient alors une individualité nouvelle » (AI, 237).

Le changement de nom, c’est afin de s’adapter à la situation dans laquelle il se trouve. Ainsi, à la foire aux puces, il se déguise en un marchand qui emmène Zazie comme guide au marché aux puces, mais chez Gabriel, il parle comme un flic, ce qui a pour effet de rendre Gabriel prudent. En fait, dans le manuscrit de Raymond Queneau, Trouscaillou se rend chez Gabriel comme flic parce qu’il s’agit d’une enquête sur Marcelin (ou Marceline), un officier allemand déserteur. Dans la rue où Trouscaillou rencontre Mme Mouaque, il s’habille comme un agent qui fait son service à la circulation des voitures. Et à la dernière séquence, il se présente comme chef de la police, qui s’attaque aux délinquants de la nuit. Dans le roman, on sait que seuls Gabriel et Marceline réussissent