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L’organisation du système de soins de santé et la couverture des tests

Chapitre 3 : Cadre conceptuel 2 : La description des contextes culturels et religieux :

1.1. Contexte Québécois

1.1.2. Facteurs d’ordre juridique et institutionnel

1.1.2.1. L’organisation du système de soins de santé et la couverture des tests

Lorsque nous abordons la question du choix reproductif et de l’autonomie reproductive, il faut aussi considérer l’organisation des services de santé et l’offre de soins notamment en ce qui a trait à l’offre des tests prénataux afin d’explorer si le problème d’accessibilité se pose par exemple, pour certaines classes de la société tels les personnes dont les revenus sont plutôt faibles et qui ne peuvent se permettre de payer un test prénatal.

Avant de s’attarder au système de soins de santé québécois, il apparaît important de noter que « la structure du système de soins de santé du Canada est largement déterminée par la Constitution canadienne, qui prévoit un partage des rôles et des responsabilités entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux » (Gouvernement du Canada, 2012). De ce fait, le rôle du gouvernement fédéral consiste à établir et à appliquer les cinq principes nationaux de la Loi Canadienne sur la santé constituant la pierre angulaire du système de soins Canadien et qui est fondé sur l’universalité, l’accessibilité, l’intégralité, la transférabilité et la gestion

publique ("Loi canadienne sur la santé," 1985). La définition de chacun de ces principes, selon la Loi est présentée ci-dessous ("Loi canadienne sur la santé," 1985):

1. Gestion publique : Les régimes provinciaux et territoriaux doivent être sans but lucratif et être gérés et exploités par un organisme public;

2. Intégralité : Les régimes provinciaux et territoriaux doivent assurer tous les services médicalement nécessaires offerts par les hôpitaux, les praticiens et les dentistes qui exercent en milieu hospitalier;

3. Universalité : Les régimes provinciaux et territoriaux doivent protéger toutes les personnes assurées inscrites au régime d'assurance-maladie selon des modalités uniformes;

4. Accessibilité : Les régimes provinciaux et territoriaux doivent fournir à toutes les personnes assurées un accès raisonnable aux services hospitaliers et médicaux médicalement nécessaires sans frais ni autres mesures restrictives;

5. Transférabilité : Les régimes provinciaux et territoriaux doivent protéger toutes les personnes assurées lorsqu'elles déménagent dans une autre province ou dans un autre territoire au Canada et lorsqu'elles voyagent à l'étranger. Les provinces et les territoires limitent la couverture offerte dans le cas de services offerts à l'étranger. Ils peuvent exiger l'approbation préalable de services non-urgents offerts à l'extérieur de la province ou du territoire concerné.

La Loi Canadienne sur la santé établit donc les conditions d’octroi et de versement que les provinces et les territoires doivent respecter afin de recevoir les transferts de fonds pour la santé à travers le Transfert Canadien en matière de santé (TCS) (Gouvernement du Canada, 2012). Les autres rôles du gouvernement fédéral incluent, entre autres, le devoir de fournir un soutien financier aux provinces et territoires ainsi que la prestation de services primaires additionnels à des groupes particuliers de personnes tels les Inuits et les militaires des forces canadiennes en service (Gouvernement du Canada, 2012).

En outre, selon la Constitution canadienne, la prestation des services de santé soulève de la responsabilité des gouvernements provinciaux et territoriaux. Quant au Québec, le système de santé et de services sociaux public du Québec a été institué par la Loi sur la santé et les services sociaux adoptée en décembre 1971 par l’Assemblée Nationale du Québec (Desrosiers et Gaumer, 2004). Visant à maintenir, à améliorer et à restaurer la santé et le bien-être de la population en leur offrant un ensemble de services de santé et de services sociaux (MSSS, 2015), le système sociosanitaire québécois est un système public dans la mesure où l’État agit comme

des services de santé et des services sociaux, il est basé essentiellement sur la fiscalité générale et provient entre autres, de l’impôt sur le revenu et les biens des individus et des entreprises, des taxes à la consommation, des cotisations au Fonds des services de santé ainsi que de transferts fédéraux (MSSS, 2015). Par ailleurs, deux régimes universels, le régime d’assurance maladie et le régime d’assurance hospitalisation, pris en charge par l’État, offrent à l’ensemble de la population les services hospitaliers et médicaux. En outre, le régime général d’assurance médicaments, qui repose sur un partenariat entre l’État et les assureurs privés, complète la couverture publique des soins de santé pour la population québécoise (MSSS, 2015).

En ce qui a trait aux tests prénataux, le système public de soins couvre, de façon générale au Québec, divers tests prénataux de dépistage - tels le test de dépistage du sérum maternel - et de diagnostic - l’amniocentèse et la biopsie choriale -. D’ailleurs, le Programme Québécois de Dépistage Prénatal de la Trisomie 21 (PQDPT21) offre aux femmes enceintes et aux couples qui le souhaitent, le choix d’accès au test de dépistage prénatal de la trisomie 21 (Ministère de la santé et des services sociaux). En outre, si le résultat du test de dépistage de la femme enceinte indique un risque élevé - qui est supérieur ou égal à 1 sur 300 - d’avoir un enfant atteint de la trisomie 21, un test de diagnostique lui est alors offert pour confirmer le résultat. La figure 5 ci- dessous – à la fin de la présente section - illustre les différentes étapes du PQDPT21.

Il est vrai que, d’une part, ce financement public favorise l’autonomie reproductive des femmes et des couples en leur offrant la possibilité et le choix de recourir ou de ne pas recourir aux tests prénataux ; d’autre part, une telle politique de santé soulève, par le biais de cette gratuité, des enjeux éthiques et sociaux divers tant au niveau du choix individuel de la femme enceinte ou du couple qu’au niveau sociétal, notamment en ce qui a trait à la santé publique. En effet, l’implantation du PQDPT21 a induit des réactions sociales diverses élucidant ainsi la tension entre la perception de ce programme de dépistage - et donc l’offre des tests prénataux - comme un choix individuel ou comme un programme de santé publique visant l’élimination et la réduction des naissances d’enfants handicapés (Ringuet, 2008).

De ce fait, au niveau individuel, même si un tel financement offre une accessibilité et un choix aux femmes enceintes et aux couples afin qu’ils prennent une décision quant à la gestion

de la grossesse il exerce, cependant, par le biais de cette couverture publique, une pression sur les femmes ou les couples en lançant indirectement le message d’une société qui préconise l’utilisation des tests génétiques. Ainsi, dans une perspective de santé publique, l’offre de ces tests peut être perçue comme encourageant un dépistage suivi d’une interruption de grossesse « affectée » visant ainsi à diminuer le nombre des naissances d’enfants ayant des besoins particuliers (Rapp, 2000). Cette tendance présente ainsi des conséquences à la fois collectives et individuelles interreliées. Par exemple, le choix individuel de la femme ou du couple de poursuivre une grossesse « affectée » peut être influencé par la diminution, au niveau collectif, du nombre d’enfants handicapés. Dans ce cas, en tenant compte de la réduction des nombres d’enfants handicapés dans la société et donc des systèmes de soutien qui leur sont consacrés ainsi que de la stigmatisation que pourraient affronter les personnes souffrant d’un certain handicap et leur famille (Kaplan, 1994), la femme ou le couple choisirait ainsi d’interrompre la grossesse (Brookes, 2001). Néanmoins, dans une société où les systèmes de soutien nécessaires pour mettre au monde un enfant handicapé sont bien établis, la femme ou le couple aura moins de pression quant à la prise d’une décision d’accepter ou de refuser un test prénatal et donc de poursuivre une grossesse « affectée ».

En outre, il est utile de mentionner que l’aspect économique constitue un élément principal dans l’implantation et la couverture des tests prénataux. Dans ce sens, certains auteurs soulignent que le dépistage prénatal représente une solution moins coûteuse que le support et le soutien financier apportés aux personnes ayant des besoins particuliers et à leur famille ainsi qu’à la recherche des traitements pour les conditions visées. Hurlimann affirme ainsi (Hurlimann, 2008):

« Les exemples d’études analysant « l’efficacité » et la « performance » de programmes de dépistage de la trisomie 21 instaurés dans certains pays ne manquent pas non plus pour illustrer la teneur du message transmis par ces programmes. Certaines études sur le rapport coût-efficacité du dépistage tentent de démontrer qu’un dépistage de masse de la trisomie 21, ainsi que les amniocentèses et les avortements qui s’ensuivent coûtent moins cher à notre société que les soins et services nécessaires aux personnes présentant une trisomie 21. Ces personnes sont donc très souvent explicitement identifiées comme un fardeau

Qu’en est-il par rapport au TPNI au Québec? Présentement, le TPNI n’est pas encore couvert par le système de soins de santé québécois. Au moment où j’effectuais mon travail empirique, le coût s’élevait à 800 CAD. Cependant, depuis deux ans, le prix du test a considérablement diminué et se situe actuellement en-dessous de 500 CAD et est toujours à la charge des patientes ou de certaines assurances privées (Alexander et al., 2016). En outre, un comité d’experts a été formé par le ministère de la Santé et des Services Sociaux afin de situer la place à prévoir du TPNI au sein du PQDPT21 – est-ce un test de dépistage de premier palier qui devrait être offert à toutes les femmes enceintes - first tier screening test - ou de second palier - second tier screening test - offert donc aux femmes présentant un haut risque - et des réflexions sont entamées pour envisager la couverture des cas présentant une grossesse à haut risque d’anomalies fœtales (Kutlu, 2016).

Figure 5. Différentes étapes du PQDPT21 Source : Site du ministère de la Santé et des Services sociaux