• Aucun résultat trouvé

L’organisation et les compétences des services extérieurs du ministre des Affaires étrangères

L’aménagement structurel des missions diplomatiques et postes consulaires était déjà encadré par le décret n° 13 du 14 juillet 2009, concernant les corps diplomatique et consulaire. Il semble nécessaire de rappeler que par « services extérieurs » il faut entendre tout d’abord, l’ambassade avec à sa tête l’ambassadeur extraordinaire, puis la mission permanente sous la conduite de l’ambassadeur extraordinaire- représentant permanent. Ensuite se trouvent les bureaux représentatifs conduits par les chefs de ces bureaux ou des représentants permanents, et enfin les consulats sous la direction du consul. Les services extérieurs du ministère des Affaires étrangères du Qatar, sont donc ces missions diplomatiques et postes consulaires.

En fonction des conjonctures politiques et/ou économiques, une ambassade et un consulat peuvent être réunis en une seule structure de petite taille, qui sera dirigée par un chargé d’affaires, lui-même rattaché hiérarchiquement à une juridiction plus grande111. L’ambassade de l’Etat du Qatar aux Etats-Unis est l’une des missions diplomatiques les plus importantes de toutes les missions diplomatiques qataries. Viennent ensuite les ambassades du Qatar en Grandes

111 Obidan Y., La représentation diplomatique et consulaire entre la théorie et la pratique, Beyrouth, Dar

84 Bretagne et en France112. La mission permanente du Qatar auprès de l’Organisation des Nations Unies à New York, et celle auprès de la même organisation à Genève ont également une importance substantielle. Ceci dit, les services extérieurs seront plus ou moins pourvus en personnel selon le niveau d’intérêt de l’Etat ou de l’organisation internationale accréditaires.

Le personnel des missions diplomatiques et des postes consulaires qataris n’est pas exclusivement composé d’agents du ministère des Affaires étrangères113. En effet, des fonctionnaires ou des agents contractuels de l’Etat sont détachés des autres administrations nationales pour compléter les effectifs des ambassades et des consulats. Dès lors, ils exercent leurs fonctions au seul nom du ministère des Affaires étrangères, dont ils dépendent désormais entièrement. Par ailleurs, il y a dans les missions diplomatiques qataries des agents des ministères techniques, tels que le ministère de l’économie et des finances, le ministère de l’intérieur, le ministère du travail, etc. Ils exercent leurs activités dans le cadre des objectifs politique assignés à leur administration. Mais le chef de la mission diplomatique demeure le seul responsable de l’ensemble du personnel114. Par exemple, à l’Ambassade de l’Etat du Qatar à Paris, il existe un bureau militaire dirigé par un attaché de défense (Général de Brigade)115. La mission permanente de l’Etat du Qatar auprès de l’organisation des Nations Unies à Genève, contient parmi son personnel des agents du ministère du travail ainsi du ministère de l’économie116.

Quant aux compétences des services extérieurs, il faut y distinguer deux champs : d’une part, les relations diplomatiques classiques, c’est-à-dire interétatiques, auquel on peut associer les relations consulaires. Et d’autre part, les relations diplomatiques des organisations internationales, c’est-à-dire des relations

112 Selon les classements intérieurs du ministère des Affaires étrangères de l’Etat du Qatar, les ambassades

du Qatar dans les pays suivants : la France, la Grandes Bretagne et les Etats-Unis d’Amériques sont des ambassades basées dans des pays importants.

113 Al Thani A., La diplomatie : Science, Art et Droit, Doha, Al Sharq, 2005, p. 127.

114 Obidan Y., La représentation diplomatique et consulaire entre la théorie et la pratique, Beyrouth, Dar

Al Qoumati, 1994, p. 99.

115 M. Ibrahim A. Al Subaie.

116 Ces agents sont spécialisés dans des domaines spécifiques auprès des Organisations internationales

85 de l’Etat avec des organisations internationales. Du point de vue du droit international et diplomatique, les relations diplomatiques et les relations consulaires sont régies respectivement par les conventions de Vienne du 18 avril 1961et du 24 avril 1963, tandis que les relations des représentations des Etats auprès des organisations internationales sont régies par la convention de Vienne du 14 mars 1975.

Et les missions spéciales, qui ne constitue pas à proprement parler des services extérieurs en raisons de leur caractère « expéditionnaire », sont quant à elles régies par la convention de New York du 8 décembre 1969.

Il est certain que l’essor des processus d’intégration régionale, le succès réel ou supposé des organisations internationales spécialisées ou non, la place de l’organisation des Nations Unies dans l’imaginaire de la société internationale, ont contribué à massifier le phénomène de la diplomatie multilatérale. C’est-à-dire en l’occurrence de la représentation de l’Etat auprès d’une organisation internationale. Ce qui accentue sinon la similitude, du moins la convergence entre les deux composantes des services extérieurs : l’ambassade/consulat d’un côté et la représentations permanente de l’autre.

Il paraît alors pertinent d’étudier ce sujet plus précisément, en commençant par le cas de l’ambassade/consulat, ou le champs diplomatique classique. Il a semblé opportun d’y inclure délibérément les relations consulaires du fait de l’insignifiance numérique des consulats généraux du Qatar à l’étranger117. Il est d’usage dans la littérature internationaliste d’aujourd’hui de brocarder la mission diplomatique et son utilité. « Soit dit en passant, il est assez piquant de constater qu’il n’y a jamais eu autant d’ambassadeurs que depuis qu’on a plus besoin d’eux », se prononçait plutôt hyperboliquement Jean DUTOURS118. Dans le même esprit, Meredith KINGSTON De LEUSSE écrit que « la multiplicité des

117 Le Qatar a six consulats généraux à l’étranger : à Houston aux Etats-Unis, à Dubaï aux Émirats Arabes

Unis, à Bombai en Inde, Karachi au Pakistan, Jeddah en Arabie Saoudite et Istanbul en Turquie. En revanche, il a 60 ambassades.

118 Cité par Emile CASIMAJOU, « L’activité diplomatique », [in] Aspect récent du droit des relations

86 intervenants sur la scène internationale et l’implication croissante des autres ministères (quand ce n’est pas la Présidence de la république) dans la préparation des négociations diplomatiques entraînent une surreprésentations de l’action extérieure de l’Etat au détriment de tout monopole des ambassadeurs.

Ce partage forcé est encore plus prononcé dans le domaine des négociations économiques, devenues primordiales en diplomatie. […] Ainsi les ambassadeurs gèrent un domaine d’intervention de plus en plus diversifié mais font également face à une concurrence accentuée, qui invite à s’interroger sur la légitimité du rôle diplomatique »119.

Autant il paraît pertinent de partager la fin de la centralité et surtout du monopole de la mission diplomatique, autant il semble excessif de prononcer la fin de sa raison d’être, c’est-à-dire sa légitimité. En réalité, il s’agit d’une évolution, sans aucun doute importante, des conditions d’exercice et du champ d’application des fonctions des missions diplomatiques. L’Etat lui-même a connu la même histoire, les mêmes mutations dans l’élaboration et l’exécution de ses différentes missions. Les fonctions traditionnelles de la mission diplomatique, telles que comprises par toutes les diplomaties du monde, restent sensiblement les mêmes. Il s’agit de représenter, de protéger, de négocier, d’observer et d’informer120.

La notion de représentation dans son acception première signifie « être au nom de ». La mission diplomatique est alors la figure de l’Etat à l’étranger, auprès d’un autre Etat ou d’une organisation internationale. Les locaux occupés par les services d’une mission diplomatique de l’Etat du Qatar à l’étranger sont assimilables au territoire qatari, l’un des éléments de la fiction juridique qu’est l’Etat. En son essence, la mission diplomatique conjure le sort de l’éloignement géographique et accède symboliquement au désir de l’ubiquité de l’Etat souverain.

119 Meredith KINGSTON De LEUSSE, Diplomate. Une sociologie des ambassadeurs, Paris, L’Harmattan,

1998, p.p. 11-12.

120 Obidan Y., La représentation diplomatique et consulaire entre la théorie et la pratique, Beyrouth, Dar

87 Mais la fonction de représentation doit être entendue désormais de façon plus large et plus dynamique. Et ceci vaut particulièrement pour le chef de mission. Allier sens de la mesure et exigence de valorisation de son pays, tel est l’axe d’action de l’ambassadeur.

L’image qu’il aura à donner de son pays n’est pas acquise une fois pour toutes, il faut la construire sans cesse, la consolider sans relâche : c’est une preuve à fournir, à démonter régulièrement. Désormais, les contacts à établir vont très au- delà des sphères dirigeantes, des milieux politiques, de la haute administration. Il faut aller vers d’autres forces sociales telles que les associations, les entreprises, les médias, les syndicats, ou encore les universités. La mission diplomatique ne saurait ignorer que dans le monde actuel, le jugement de l’opinion publique n’est plus un résidu de l’opinion officielle.

Il est vrai que s’agissant des relations avec une organisation internationale, la signification de l’accréditation n’est pas rigoureusement la même (le débat existe dans la littérature du droit international et diplomatique121), dans la mesure où une organisation internationale n’est pas un Etat caractérisé par la plénitude de son pouvoir. Les relations diplomatiques entre un Etat et l’organisation internationale ne devraient excéder la spécialité et les fonctions de l’organisation. Toutefois, par le biais de ce que l’on appelle « la représentations mixte », un Etat peut être accrédité à la fois auprès d’une organisation internationale et auprès d’un ou plusieurs autres Etats. C’est le cas de la représentation permanente de l’Etat du Qatar auprès de l’Union Européenne. Et il y en a d’autres. En fait, l’usage veut qu’une mission permanente représente son Etat auprès de l’organisation internationale. Soit dit en passant, il y a une terminologie variable en la matière : représentation permanente ou mission permanente, ou délégation permanente désigne en fait la même réalité. On peut utiliser indifféremment toutes ces expressions, mais pour les besoins de clarté au cours de l’exposé, on retiendra celles de représentations.

88 La fonction de protection des intérêts et des ressortissants de l’Etat accréditant s’exerce dans des conditions demeurées inchangées depuis plusieurs siècles et telles qu’énoncées par les conventions successives de Vienne122.

Il faut cependant noter qu’après l’inflexion stratégique internationale née des attentats terroristes du 11 septembre 2001 à New York et à Washington, les services consulaires observent un meilleur suivi démographique et cartographique de leurs ressortissants à l’étranger123. Il serait souhaitable qu’un ficher informatique, qui relierait l’ensemble des services extérieurs du Qatar et les administrations centrales intéressées, soit mis en place dans ce sens.

Pour une représentation permanente, la fonction de la protection se limite à la question de la responsabilité de l’autorité administrative par rapport aux personnes et aux biens appartenant à la représentation. De la sorte, chacun des membres de la représentation permanente est « sous la protection du consulat » dont il est le plus proche administrativement.

La fonction de négociation, quant à elle, a très substantiellement évolué avec la massification de la diplomatie multilatérale. Les traités contemporains les plus importants sont multilatéraux. Il demeure des accords, certes très nombreux mais de portée relativement limitée. Et le caractère généralement technique de ces accords fait que les négociations sont laissées aux spécialistes des administrations centrales concernées124. En ce sens, le ministère des Affaires étrangères est une administration centrale comme une autre.

122

Article 5 de la Convention de Vienne du 24 avril 1963 : « Les fonctions consulaires consistent à

[…] ; e) Prêter secours et assistance aux ressortissants, personnes physiques et morales, de l’Etat d’envoi ; […] ».

123

CARLSNAES Walter, Foreign Policy, In CARLSNAES W., RISSE T. et SIMMONS B., Handbook of

International Relations. London, Sage Publ., 2002, p. 343.

124

Hudson Valerie M., Culture and Foreign Policy, Boulder-Colorado, Lynne Rienner Publishers, 1997, p. 171.

89 Point de préséance absolue en matière de négociations internationales pour la mission diplomatique. Toutefois, celle-ci est invitée à signer solennellement l’accord préparé par d’autres instances administratives, ce qui est une consécration de sa fonction de représentation.

Mais ici encore, il faut élargir la définition de la fonction « négociation ». Dans un monde de la complexité, de l’urgence et de la multitude, la négociation se comprendra comme le dialogue continu entre la mission diplomatique et l’Etat accréditaire. Et ce aux fins de traiter toutes les questions importantes intéressants les deux pays, et qui n’exigent pas nécessairement la conclusion d’un accord au sens juridique du terme. Ainsi entendue, la négociation constitue une tâche essentielle de la mission diplomatique, un axe majeur de l’activité diplomatique. Il est vrai qu’il faut comprendre la négociation comme une exigence, telle que le bon voisinage, où la communication, l’échange, la conversation sapent les barrières de la méconnaissance et de l’incompréhension, pour ériger les figures du respect, de la compréhension et de la solidarité pour les deux pays et pour le monde. Ecartée de l’extérieur par les autres administrations, doublée de l’intérieur par l’activité croissante du ministre des Affaires étrangères et le Chef de l’Etat (l’Emir), court- circuitée de part par la révolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication, la mission diplomatique doit puiser dans ce qu’elle a d’unique. C’est-à-dire dans sa présence physique permanente dans le pays hôte, dans sa connexion vivante continue avec l’Etat accréditaire, afin de revigorer sa fonction de négociation telle qu’elle a été élargie.

En revanche, pour la représentation permanente auprès d’une organisation internationale, la négociation reste l’ouvrage caractéristique. Elle est au fondement même de l’organisation internationale, c’est son essence primordiale. Cette négociation se fait sur deux tableaux principaux sur le plan bilatéral d’une part, qui concerne la mission permanente et l’organisation, et sur le plan multilatéral d’autre part, qui est celui de la discussion entre tous les Etats membres qui composent l’organisation, et précisément entre les différentes représentations permanentes.

90 C’est ce qu’on appelle la diplomatie multilatérale,125 c’est-à-dire, les rapports bilatéraux menés dans un cadre multilatéral ou fonctionnellement associés à des rapports multilatéraux.

Le résultat des négociations est supposé être le point d’équilibre atteint entre les vues des Etats en cause (dont la place peut varier suivant le statut : membre ou observateur de l’organisation) et le cas échéant (nature des sujets, conjoncture diplomatique, genre de l’organisation, etc.), les vues de l’organisation. Il est claire qu’en l’occurrence, les pays les plus puissants (en prenant en compte toutes les variables de la puissance) imposent leur vues aux pays de faible importance, ou les persuadent par une sorte de marchandage d’aide au développement ou de soutien politique ou militaire. D’ailleurs, les petits pays s’y prêtent bien souvent volontiers126.

Pour ce qui est du Qatar, ses objectifs sont devenues assez connues pour l’ensemble de la communauté internationale : renforcer la paix et la sécurité internationales, favoriser la résolution des conflits internationaux par des moyen pacifiques, soutenir le droit des peuples à l’autodétermination, et la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, et coopérer avec les nations aimant la paix127.

Enfin, la fonction d’observation et d’information: est sans doute celle qui a le plus pris de l’ampleur parmi les fonctions traditionnelles. Son objet est d’aller au- devant de la meilleure et de la plus complète information possible au sein du pays hôte, et qui peut intéresser l’autorité accréditante dans le processus décisionnel en matière diplomatique mais aussi en matière de politique intérieure. Voilà pourquoi l’observation concernera des domaines et des acteurs aussi nombreux que variés.

L’enjeu de la collecte des informations est toujours celui de leur analyse et de leur tri. Le diplomate se double avantageusement du stratège. L’essor de la

125 Victor-Yves GHEBALI, « L’activité diplomatique », p.p 173-178 [in] aspects récents du droit des

relations diplomatiques, colloque de Tours, Edition A. Pedone, Paris, 1989, 301 p.

126 GROOM A. J. R., LIGHT Margot (dirs.), Contemporary International Relations : A Guide to Theory,

London, Pinter, 1994, p. 96.

91 diplomatie dite des « contacts » et des « sommets » a paradoxalement renforcé la fonction d’observation et d’information de la mission diplomatique, qui doit être l’auxiliaire nécessaire du regard et de l’ouie du Ministre des Affaires étrangères ou du Chef de l’Etat128. Un ancien ambassadeur des Etats-Unis à Londres, cité par Emile CAZIMAJOU,129 observait à ce sujet que ce n’est pas « en dépit mais à cause » des relations instantanées qui peuvent s’établir par-dessus la tête de la mission diplomatique que le rôle de celle-ci est devenu encore plus important que dans le passé.

La fonction d’observation et d’information est un axe de travail de premier plan pour une représentation permanente auprès d’une organisation internationale. Elle est même sans doute plus importante qu’au niveau d’une mission diplomatique classique, en raison de l’effet multiplicateur de la diplomatie multilatérale. Cette fonction s’exerce essentiellement sur trois plans d’égale importance. Il s’agit d’abord de suivre avec la plus grande minutie les différentes activités de l’organisation internationale. Eu égard au foisonnement habituel de ces activités, ainsi qu’à leur caractère technique et spécialisé, une exigence particulière est requise de la mission permanente afin de fournir aux différentes instances intéressées des informations justes et précises. Car les décisions nécessaires en aval en dépendent largement. Ensuite il s’agit de pouvoir informer, avec le plus grand soin, tous ses interlocuteurs (l’organisation internationale et les autres missions permanentes) sur la politique de son pays.

Enfin, il faut observer d’une part, la politique des autres Etats envers l’organisation internationale et, d’autre part, la politique des Etats entres eux. Exercice stratégico-diplomatique déterminant dans la lecture des jeux d’alliances et d’opportunités diverses.

128 NEACK Laura, HEY Jeanne A.K. et HANEY Patrick J, Foreign Policy Analysis : Continuity and

Change in Its Second Generation, New Jersey, Prentice Hall, 1995, p. 209.

129 Emile CAZIMAJOU, « le rôle des missions permanentes auprès des organisations internationales

universelles », p.p 173-178 et « missions permanentes auprès des organisations universelles », p.p 173- 178[in] aspects récents du droit des relations diplomatiques, op. cit.

92 En somme, la mission diplomatique se doit de promouvoir des relations amicales et développer les relations économiques, culturelles et scientifique entre l’Etat accréditant et l’Etat accréditaire, ainsi que le stipule la Convention de Vienne (évoquée auparavant) sur les relations diplomatiques. Mais cela est tout à fait extensible aux relations consulaires comme aux représentations permanentes auprès des organisations internationales, même au-delà de la sphère diplomatique traditionnelle et canonique.

Chapitre II