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Il s’agit tout d’abord, de présenter les principaux artisans de l’élaboration de la décision dans leurs valeurs intrinsèques, ainsi que dans leurs rapports fonctionnels. On distingue principalement l’administration, plus ou moins délimitée, et le corps des experts, davantage extensible.

Ensuite, on peut signaler que s’il est insensé de concevoir toute décision de politique étrangère comme un simple dictat des forces étrangères ou comme une agrégation mécanique des diverses influences, il est aussi illusoire de penser que le chef de l’Etat et/ou le ministre des Affaires étrangères soient les décideurs autarciques et autoréférentiels de la décision. Certes, ils remplissent une fonction délibérative, mais pour l’essentiel ils ne s’écartent guère des conclusions qui leur sont présentées par leurs entourages constitués d’administrateurs, de politiciens, de conseillers et d’experts. C’est en quoi la proposition vaut la décision, ou du moins la préfigure-t-elle. Pour ce faire, il faut distinguer deux niveaux de ce périmètre de la décision : d’une part, toute l’éminence grise en général, véritable cellule de la décision, déployée en fonction des domaines, qui travaille à la décision et à la signature du ministre des Affaires étrangères et, le cas échéant, d’un autre ministre compétent. Et d’autre part, l’influence singulière et décisive le chef de l’Etat (l’Emir), à partir de son palais princier Diwan Amiri.

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Paragraphe I : l’administration et les experts

L’administration c’est la grande machine de préparation de la décision. Aujourd’hui, la plupart des départements ministériels ont un service, voire une direction (avec plusieurs services spécialisés) des relations internationales. C’est la conséquence de la globalisation et du caractère définitivement transversal et transnational des problèmes et de leurs solutions.

Pour ce qui est du ministère des Affaires étrangères, c’est à peu près l’ensemble des services centraux, en fonction des domaines, qui travaillent à la production de la décision politique152. Il est vrai que les services extérieurs (missions diplomatiques et postes consulaires) peuvent faire des suggestions, et il est même souhaitable qu’ils en fassent davantage, mais pour l’essentiel ils se limitent à un rôle de transmission des rapports et autres notes politiques. En pourvoyant les services extérieurs des spécialistes d’un certain nombre de domaines qui seraient définis en fonction des intérêts pressentis dans les pays accréditaires, on lui donnerait une plus grande aptitude à proposer et à contribuer à la prise de décision. Cela dit, l’administration du ministère des Affaires étrangères, composée de divers techniciens, est la cheville ouvrière de la politique étrangère. Au Qatar, malgré la préséance protocolaire de l’Emir, le travail d’élaboration incombe généralement aux techniciens du ministère des Affaires étrangères. Les services du

Diwan Amiris se contentent la plupart du temps d’entériner et de présenter les

dossiers ficelés au chef de l’Etat.

Il est important de préciser qu’en vertu de l’implication substantielle de l’administration dans l’élaboration de la décision, celle-ci est nécessairement affectée par la vision du monde, de la perception, de la sensibilité des techniciens

152 Al THANI (A), La politique étrangère qatarie (1995-2005), 1ère édition, Doha (Qatar), Al Sharaq, 2005,

118 qui y ont travaillé. Mais l’élaboration administrative, fût-elle technique, est complétée par un second niveau de technicité qui est celui de l’expertise. Formellement, l’échelon des experts se situe entre la structure administrative et la sphère ministérielle et politique. Selon la nature des questions abordées, il peut s’agir de militaires, de stratèges, de financiers, de diplomates, de communicants, etc. Leurs propositions pointilleuses s’imposent souvent aussi bien aux administrateurs qu’aux politiciens : c’est ce qu’on appelle la technocratie153.

En général ces technocrates, sortes de gourous de l’Etat, sont des proches collaborateurs du ministre ou de l’Emir, même s’ils ont été choisis par ailleurs sur des bases autrement plus affinitaires : ce sont des conseillers personnels, des conseillers techniques, des conseillers spéciaux, des chargés d’études, etc.

Certains d’entre eux sont des étrangers, mais la plupart sont d’origine arabe : Syrienne, Palestinienne, Egyptienne, etc. Le temps, le moyen et l’enthousiasme qu’ils consentent au traitement des dossiers qui leur sont confiés leur confèrent une présomption de connaissance facilement convertible en posture d’autorité.

Dans les pays nantis, l’Etat a également recours à l’expertise des structures extérieures : les centres de recherche, les universités, les entreprises, et autres cabinets. Dans le cas du Qatar, l’expertise sollicitée demeure encore essentiellement institutionnelle. La diplomatie qatarie gagnerait à s’ouvrir aux autres lieux du savoir, notamment les universités au sein de la cité de l’éducation, où les instituts et les centres de recherches sont présents. Au sein de l’université américaine de Georgetown au Qatar par exemple, existe le Center for International

and Regional Studies (CIRS). Il y a également Al Jazeera Center for Studies, qui

fait partie du réseau d’Al Jazeera. Sans oublier les centres de recherches privés ou les think tanks, et le Brookings Doha Center, centre de recherches américain qui a ouvert une branche à Doha en février 2008. Tous ces centres de recherches offrent

153 La technocratie désigne un système politique où prédominent les techniciens, les spécialistes et les

experts dans la prise de décision. "Technocratie" s'applique aussi bien au gouvernement d'un Etat qu'à la direction d'une entreprise.

119 un vivier cognitif et un horizon intellectuel pour les acteurs classiques ou de souveraineté de la diplomatie qatarie. Cela étant, malgré tout le déploiement administratif et technocratique dont peut se prévaloir le ministère des Affaires étrangères, le processus décisionnel intègre d’autres interlocuteurs, d’autres acteurs, non moins déterminants.

Paragraphe II : les entourages ministériels ou la première cellule de