• Aucun résultat trouvé

L’open innovation et les R&D industrielles

3. Les sources du crowdsourcing

3.3. L’open innovation et les R&D industrielles

3.3.1. Le paradigme de l’open innovation

Du côté industriel, les entreprises ont fait une entrée tardive dans cet espace du net, espace dominé par des modèles économiques non marchands. Dans un contexte de conception innovante, l’usager occupe aussi de plus en plus un rôle actif, dès la conception. « Les diagnostics convergent aujourd’hui autour du constat d’un contexte économique et industriel régenté par une compétition axée sur les capacités organisationnelles à soutenir un flux d’innovation intensif. Les sources de l’innovation se diversifient, (…) son rythme d’apparition est très rapide, (…) l’identité des produits devient instable sous l’impact d’usages, de valeurs sociales et de technologies en constant renouvellement. Seule la répétition de l’innovation est garante pour l’entreprise d’une croissance durable » (A. Hatchuel et B. Weil, 2003). Un tel contexte est propice à une ouverture des R&D à des technologies ou champs de connaissances qui ne sont pas traditionnellement les leurs, d’où le modèle managérial de l’open innovation.

Le modèle de l’open innovation développé par les travaux de H. Chesbrough (H. Chesbrough, 2006 ; H. Chesbrough et M. Appleyard, 2007) recouvre un ensemble de nouvelles pratiques de management de l’innovation. L’open innovation (innovation ouverte) est définie comme un nouveau paradigme où l’entreprise mobilise en amont des connaissances externes pour innover et valorise en aval celles qui n’entrent pas

dans son business model50 traditionnel plutôt que de les perdre (H. Chesbrough,

2008)51. De manières imagées, l’open innovation chez H. Chesbrough joue le rôle de filtre du processus d’innovation. En amont, l’entreprise mobilise des idées, des concepts ou des technologies développées à l’extérieur, par les usagers ou communautés, ce qui diminue ses coûts en R&D ; en aval, ce qui ne rentre pas dans le cœur de métier est valorisé sous d’autres formes : licences, création de startup, etc. (P. Trompette, C. Pélissier, 2008).

Les pratiques de l’open innovation sont assez diverses et vont de l’intégration par le service Recherche & Développement des entreprises de connaissances externes, puisées auprès d’usagers (experts, lead-users, etc.) à la prise en charge totale d’un processus d’innovation par une communauté. Le modèle de l’open innovation est donc bien plus qu’une simple externalisation de ressources à d’autres entreprises spécialisées, il suggère le recours à une foule d’anonyme, source de compétence et de talents. La valeur, dans ce business model, c’est l’usager ou la communauté. Comme le montre H. Chesbrough, ce paradigme pose de nouveaux problèmes stratégiques, notamment en terme de capture de valeur. Dès le commencement, la création de valeur se joue en dehors de l’entreprise, qui plus est reposant sur le bénévolat des contributeurs et sur la gratuité des produits développés (V. Chanal, M-L. Caron, 2008). L’open innovation ouvre son processus d’innovation à d’autres acteurs extérieurs, d’autres partenaires. Ils peuvent prendre la forme de co-concepteurs dans la définition des fonctionnalités et la création de la valeur ou encore comme figure test dans la mise

50 Modèle d’activité de l’entreprise dans lequel elle établie ses stratégies, son organisation, etc.

51 « Open innovation is the use of purposive inflows and outflows of knowledge to

accelerate internal innovation, and expand the markets for external use of innovation, respectively. [This paradigm] assumes that firms can and should use external ideas as well as internal ideas, and internal and external paths to market, as they look to advance their

à l’épreuve du potentiel d’appropriation des nouveaux produits. Cette nouvelle compréhension de l’innovation de la part des entreprises demande de mobiliser et manager l’usager ou le consommateur dans un processus de co-création.

3.3.2. Le management des communautés

Une des modalités de l’open innovation est de proposer des outils aux usagers permettant une meilleure coopération dans cette organisation de l’innovation. Les communautés d’internautes utilisent des boîtes à outils (désigné par toolkits par E. Von Hippel) fabriquées par des entreprises afin de capter la valeur de leurs innovations. Toutefois, pour permettre cette création de valeur, les entreprises doivent comprendre les structures de la motivation des collectifs présents (J. West et S. Gallagher, 2006). Le management de ces communautés est crucial. L’originalité (et peut-être son plus grand obstacle) réside dans le fait qu’à la différence de l’open source, l’entreprise propose des outils, mais ne considère pas que les utilisateurs vont innover par eux-mêmes. Les usagers, clients, sont des ressources stratégiques pour les entreprises qui sont intégrés dans le réseau de création de valeur mais étroitement contrôlés (F-T. Piller et D. Walcher, 2006).

Le modèle d’organisation plus ouvert de l’open innovation entraîne l’apparition de nouveaux intermédiaires. « L’innovation devient un processus plus ouvert, des marchés intermédiaires ont surgi dans lesquels les parties peuvent transiger à des stades qui, auparavant, ont été mené au sein de l’entreprise. » (H. Chesbrough, 2006). L’émergence de ces nouveaux courtiers de l’innovation dont le crowdsourcing n’est qu’une fraction, fait appel à de nouveaux modes de coordination. Ils doivent combiner et faire cohabiter plusieurs mouvements, celui des communautés libres et du monde marchand. L’intérêt pour les entreprises reste que cette innovation est une innovation à bas coût, lorsque le besoin et la solution sont ancrés dans l’expérience de l’utilisateur, celui-ci peut créer une niche d’innovation à bas coût (« user’s low-cost innovation », E. Von Hippel, 2006). Néanmoins, ce process se confronte à deux trajectoires de

l’innovation différentes : « alors que l’innovation industrielle essaye de produire une solution générique à partir des compétences spécifiques et des procédés de fabrication qu’elle maîtrise en visant une figure moyenne et standard du besoin, les innovations par l’usage produisent en revanche des innovations en faisant converger les spécificités des solutions des utilisateurs. » (D. Cardon, 2006). Cette hybridité fragile génère à la fois dynamisme et tension.