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CHAPITRE 2 OBJETS D’ASPIRATIONS ET SUJETS DÉSIREUX

2.3 L’observation des lieux

Les territoires définis plus haut servent à une approche qualitative dans laquelle intervient la méthode de l’observation des lieux. Notre observation ne se focalise pas sur des humains ou sur des constructions servant à l’occupation humaine, mais plutôt sur la nature responsable de cette occupation et de son développement. Une dimension paysagère s’en dégage et exige une observation des particularités naturelles pour en soutirer des similitudes.

Avant d’aller plus loin, une définition du paysage s’impose. Ce concept se rapproche de celui de territoire comme milieu de vie et espace de sensibilité : « Il est synonyme de rebranchement, d’un investissement de valeurs (identitaires et emblématiques) envers le territoire.

Le paysage est donc en nous » (Poullaouec-Gonidec, Paquette et Domon, 2003 : 8). Le sens donné à un espace naturel dépend de sa représentation. Le paysage est un construit social :

[…] [Il] est ce qui est vu, mais il n’est pas que ce qui est vu et tout ce qui est vu n’est pas nécessairement et automatiquement paysage d’intérêt, significatif. […] Le paysage est tout à la fois le principe et le résultat de la perception visuelle subjective et sélective d’un agencement donné de composantes géographiques d’origine naturelle et anthropique (Beaudet et Domon, 2003 : 66).

Bien que lié au territoire, le paysage va plus loin. Il suscite la sensibilité. Le romantisme du XIXe siècle peut d’ailleurs prétendre avoir joué un rôle en ce sens. En tant que construit, le

paysage prend forme à travers une perception et un message humain communiqué, c’est-à-dire par des descriptions de voyages, des croquis, des peintures, des poèmes, des romans, etc. qui captent l’imaginaire et transforment des bouts de territoire en des icônes dits emblématiques (monuments naturels reconnus, valorisés et protégés) et identitaires (cadres bâtis d’intérêt patrimonial) (Beaudet et Domon, 2003 : 70-71)24. Les techniques citées se combinent pour créer un processus d’artialisation qui modifie l’élément naturel en une réalité paysagère (Beaudet et Domon, 2003 : 77). Le paysage n’existe donc que par nous.

Le meilleur moyen de saisir les paysages se veut l’observation. Historiquement, cette méthode a été développée en anthropologie afin d’étudier les communautés et les sociétés (Laperrière, 2009 : 311). Puis, les sciences sociales ont transformé quelque peu la méthode pour y ajouter une dimension participative (observation dite participante). L’observation s’avère très utile pour étudier l’humain, mais aussi l’environnement dans lequel il évolue. Anne Laperrière (2009 : 316) emprunte les paroles de John Lofland25 pour définir simplement cette méthode, soit : «être là pour fins d’analyse ». Ainsi, l’observation de la nature et des paysages revient à la nécessité de s’y retrouver pour collecter des données utiles à une recherche. Stéphane Beaud et Florence Weber (1998 : 169) précisent néanmoins la nécessité de considérer le lieu et ses caractéristiques selon deux approches : 1) l’existence d’un espace comme résultat d’interactions humaines; et 2) l’espace comme lieu créateur de ces interactions. Dans les deux cas, le lieu porte la marque des événements passés fournissant alors des éléments probants pour mieux

24 Pour illustrer la distinction entre un paysage emblématique et celui identitaire, disons que le Cap Diamant de Québec représente un bon exemple de paysage emblématique, compte tenu des représentations passées et de la popularité de cet escarpement naturel qualifié de Gibraltar d’Amérique (Kedl et Mathieu, 1993 : 17), alors que les remparts ceinturant le Vieux-Québec de la Haute-Ville traduisent un paysage identitaire propre aux constructions passées destinées à défendre la ville et rappelant les guerres entre Français et Anglais.

25 Plus exactement, Lofland a dit ceci : « [...] being in or around an ongoing social setting for the purpose of making a qualitative analysis of that setting » (cité dans Laperrière, 2009 : 316).

comprendre son développement. Cela revient à accorder une importance à la perception, aux représentations et aux discours véhiculés sur les lieux étudiés. Étant donné le volet historique rattaché à notre sujet de recherche, la prise de vue contemporaine doit être remplacée par celle du passé. L’observation effectuée est corroborée avec des représentations historiques afin de démontrer la valorisation des territoires à partir de leur caractère paysager exprimé en images et par des mots.

L’observation des territoires devient tangible par la photographie (réalisée entre l’été 2011 et le printemps 2013) des paysages choisis. L’interfluve des chutes Chaudière-Rideau au cœur de la capitale nationale canadienne se compare à un autre interfluve, celui des chutes Chaudière-Montmorency de Québec. Nous procédons alors à un élargissement du territoire du Vieux-Québec. Il est vrai que lesdites chutes se trouvent plus éloignées du territoire ciblé et que celles de la Chaudière à Lévis n’offrent pas une frontière aussi apparente que les chutes du même nom faisant partie intégrante de la rivière des Outaouais. Par contre, rare se présente l’occasion de rencontrer deux chutes d’une même appellation pour deux territoires distincts utiles à un même travail de recherche. Qui plus est, la chute Montmorency (en lien avec celles de la rivière Rideau de la vallée outaouaise) devient logiquement l’autre limite fixée et entre parmi les objets naturels à comparer. Cette situation explique notre décision d’élargir le territoire d’étude se rapportant à Québec. Cela dit, à partir des paysages offerts par les deux villes, notre analyse porte sur les critères suivants :

Tableau 2.1 Critères de mesure pour la méthode de l’observation des lieux.

Rivière des Outaouais Fleuve Saint-Laurent À partir de la terre ferme, en trouvant une position

Caps rocheux Colline du Parlement Cap Diamant Prise de vue de face via le fleuve ou la rivière ou la berge. similaires pour une meilleure comparaison. À cet égard, l’axe central de l’observation se porte au niveau des promontoires photographiés, mais aussi utilisés comme estrade photographique (hormis certains cas, notamment les chutes exigeant un positionnement différent).