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Les gouttelettes submicroniques produites au niveau de la flamme de diffusion peuvent grossir par coalescence [Karasev et al., 2006]. Plus la concentration de ces fumées est importante, plus elles tendent à s’agglutiner pour former des gouttes de l’ordre de quelques micromètres. La taille initiale de la goutte d’aluminium joue un rôle important : plus celle-ci est importante, plus la quantité de nano-gouttes générées est importante ce qui favorise leur coalescence [Glotov et al., 2007]. Ces nouvelles gouttes associées aux résidus d’alumine provenant des lobes constituent donc la distribution en taille des particules obtenue en fin de combustion.

Après combustion, la température du résidu s’élève pour atteindre celle du gaz beaucoup plus chaud, de l’ordre de 3400K par exemple dans le cas du P230. Les particules restent liquides lors

Figure 2.7 – Illustration de la coalescence de gouttes d’alumine dans le moteur P230 par simulations numériques [Doisneau, 2013]

de leur séjour dans la chambre du moteur. Le résidu d’alumine tend aussi à se mettre en équilibre dynamique avec le gaz qui accélère progressivement au sein du moteur. Selon leur taille, les gouttes ne suivent pas instantanément les fluctuations de vitesse de l’écoulement. Les plus petites sont peu inertielles et sont considérées comme des traceurs dans l’écoulement. Dans cette catégorie, on retrouve les fumées d’alumine et les plus petits résidus qui peuvent se disperser dans l’ensemble du moteur. Les gouttes de taille plus importante ont ainsi un comportement différent puisqu’elles ont des trajectoires préférentielles. Ainsi pour certains moteurs, par exemple ceux qui ont une tuyère intégrée, elles alimentent la flaque d’alumine du fond arrière du moteur [Godfroy and Guéry, 1997; Dupays et al., 2000]. Les résidus inertiels connaissent également des phénomènes de collision et de coalescence [Doisneau, 2013] comme illustré par des simulations numériques récentes dont un exemple de résultats est donné en Fig.(2.7). Enfin, leur passage dans la tuyère, où elles tendent à se fragmenter, modifie significativement la granulométrie [Hermsen, 1981b; Kovalev, 2002b].

Figure 2.8 – Exemple d’une distribution en taille bimodale pour des résidus d’alumine collectés sur le montage "Quench Bomb" [Gallier et al., 2013]

Ces interactions gouttes-gouttes modifient alors la granulométrie des résidus de fin de combustion. Il n’est donc pas évident de connaître la distribution de taille en fin de combustion à partir d’une information obtenue en sortie du moteur d’où l’importance des montages expérimentaux dédiés à la caractérisation de la phase condensée après combustion. Des travaux de ce type ont été effectués sur le montage "Quench Bomb" [Salita, 1994] avec notamment le propergol de la navette spatiale. Ils ont également été entrepris par SNPE pour plusieurs compositions de Butalane type Ariane 5 [Ruiz and Kratz, 1996] présentant différentes granulométries de particules d’aluminium sur un montage similaire appelé piège rotatif. La Fig.(2.8) illustre parfaitement la distribution en volume bimodale obtenue après combustion d’une composition Butalane. Ce résultat est issu de mesures [Gallier et al., 2013] réalisées sur un propergol contenant des particules d’aluminium de 40µm de diamètre.

L’évolution entre la granulométrie initiale des particules d’aluminium introduites dans le propergol et celle des résidus en sortie moteur ainsi que les modifications de la composition des gouttes peuvent être résumées en dressant le tableau récapitulatif fourni en Tab.(2.1).

Table 2.1 – Résumé de l’évolution de la composition et de la granulométrie des gouttes au sein d’un MPS

Mécanisme physique Composition goutte Evolution granulométrie (P230) Oxydation/Fabrication Source mineure d’Al2O3 Monomodale

Agglomération à la surface Aucune source mais Important -> Bimodale évolue par fusion

Oxydation hétérogène en surface Source majeure d’Al2O3 Reste Bimodale

Evaporation Perte majeure d’Al Déplacement des modes Combustion en phase gazeuse

Rétrodiffusion possible d’oxydes Source d’Al2O3 Déplacement des modes d’aluminium Non confirmée

Coalescence des résidus Aucun changement Important -> Multi-modale

Fragmentation dans la tuyère Aucun changement Important -> Multi-modale

2.1.5 Position des travaux de thèse par rapport à la vie des gouttes

d’Al/Al

2

O

3

La Fig.(2.9) retrace la vie d’une goutte d’aluminium au sein du moteur et les différentes phéno-mènes rencontrés. Les points faisant l’objet de modélisations et d’études au cours de cette thèse sont mis en lumière :

– L’agglomération des particules, l’oxydation hétérogène en surface et l’allumage sont des données d’entrée -> La distribution en taille des gouttes juste avant combustion est supposée connue. – La combustion en phase gazeuse décrite par une flamme de diffusion est l’objet d’un effort de

modélisation -> Développement de modèles de combustion spécifiques décrivant des gouttes bi-composants.

– La distribution en taille de la granulométrie initiale et celle des résidus est prise en compte et les interactions avec l’écoulement et entre gouttes sont étudiées -> Développement de méthodes numériques pour la simulation des écoulements diphasiques réactifs polydisperses.

Chaque étape correspond à un changement d’état thermodynamique et de composition pour le gaz. Ces grandeurs caractéristiques sont pour la plupart difficiles à estimer car délicates à observer en conditions de fonctionnement. La zone proche de la surface du propergol où se positionne la flamme de diffusion du PA et au niveau de laquelle la majeure partie des agglomérats se sont formés n’est pas étudiée dans cette thèse. Son étendue est supposée suffisamment faible pour ne pas être prise en compte en première approche dans un calcul de balistique interne. Il est néanmoins crucial de connaître avec un maximum de précisions la distribution en taille des gouttes d’Al/Al2O3, la température et la composition du gaz avant la combustion des gouttes. Il s’agit donc d’un travail sur les données d’entrée qui recoupe des observations expérimentales et des hypothèses sur la physique des particules d’aluminium en ambiance moteur. Le travail de modélisation de cette thèse se focalise sur la représentativité de la combustion des gouttes bicomposants et son impact sur l’hydrodynamique et l’acoustique. Une attention particulière est également portée sur les résidus d’alumine et les possibles interactions gouttes-gouttes telles que la coalescence et la fragmentation.

Figure 2.9 – Vie d’une particule d’aluminium c ONERA DEFA/Dupays

Il est important de noter qu’au cours de la combustion nous excluons toutes possibilités d’interac-tions entre gouttes ce qui permet de se focaliser uniquement sur la physique d’une goutte isolée. Cette hypothèse n’est pas absurde puisque très peu de collisions sont observées dans la zone de combustion. En effet, entraînées par le gaz, les gouttes se croisent rarement et le dégagement de masse dû à la combustion tend à maintenir les autres gouttes à distance ; la combustion dite de groupe n’est absolument pas considérée ici.

Avant d’aborder des aspects de modélisation, il est nécessaire d’illustrer l’importance de la prise en compte de la combustion des gouttes et plus globalement d’un brouillard de gouttes sur l’écoulement interne d’un MPS. Nous relevons ainsi dans la partie suivante plusieurs configurations où l’enjeu de l’étude d’un spray réactif est avéré. Les grandeurs caractéristiques clés sont aussi soulignées.

2.2 Rôle de la combustion distribuée sur les instabilités et

enjeu d’un modèle de combustion représentatif

Contrairement à la combustion des grains de PA et du liant qui a lieu en surface immédiate du propergol, celle des gouttes d’aluminium se répartit dans un volume de la chambre relativement localisé, caractérisée par une épaisseur de combustion. On parle alors de combustion distribuée des particules d’aluminium [Beckstead, 1987; Beckstead and Brooks, 1993]. En 1969, Summerfield et Krier [Summerfield and Krier, 1969] prônait le rôle atténuateur des particules d’aluminium sur les instabilités moteurs. Un potentiel bénéfique que Price [Price, 1971] a par la suite tempéré après analyse d’un grand nombre d’essais réalisés dans les années 60.

Bien qu’à ce jour, l’influence de la combustion distribuée n’ait pas été directement observée dans les conditions de tir, plusieurs études numériques ont cependant mis en évidence que, sous certaines conditions, les transferts de masse et d’énergie pouvaient impacter les niveaux d’instabilités des MPS. Deux phénomènes ont été identifiés :

– Une modification des structures hydrodynamiques et donc de la dynamique du couplage aéroa-coustique.

– Un couplage de nature thermoacoustique, appelé ITHAC, conduisant à une instabilité de fonc-tionnement.

Le premier phénomène ne met pas en évidence la combustion des particules en tant que source des instabilités mais plutôt comme un mécanisme amplificateur ou atténuateur d’instabilités existantes d’origine aéroacoustique alors que, dans le second cas, la contribution des gouttes est directement à l’origine d’une instabilité ITHAC.

La mise en évidence de la contribution de la combustion des gouttes d’aluminium sur les insta-bilités doit être faite idéalement en écartant l’impact des résidus sur l’écoulement. Pour certaines configurations moteurs, différentes concentrations et distributions en taille de particules inertes ont montré un effet amplificateur des ODP alors que pour d’autres l’effet inverse était observé. Ce point est développé dans §2.2.1.1.

Les résultats et les observations présentés dans les paragraphes suivants sont issus de montages expérimentaux, de développements analytiques et de simulations numériques. Pour ces dernières, il n’est pas donné, dans cette partie, de précisions sur les méthodes de résolution ou les modèles employés. L’objectif est de mettre en valeur l’apport de l’approche numérique en complément des expériences et faire ressortir les paramètres influents liés à la présence de gouttes d’Al/Al2O3 en combustion sur l’écoulement interne d’un MPS.

2.2.1 Effets des résidus et de la combustion distribuée sur