• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1 – LE TOURNANT GESTIONNAIRE DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ

2. L’INTRODUCTION DES OUTILS GESTIONNAIRES DANS LA SANTE

Dans le champ de la santé, les deux principaux outils qui reflètent cette logique sont d’une part le PMSI qui a conduit à la tarification à l’activité (T2A), d’autre part la démarche qualité d’accréditation / certification. Ces deux outils véhiculent en eux-mêmes toute la philosophie gestionnaire du nouveau management public. Ils ont conduit à transformer en profondeur – quoi que de manière encore relative (MOISDON, 2010) – l’énorme machine hospitalière considérée encore il y a peu comme une « boîte noire » d’une opacité quasi- totale. Ils s’inscrivent dans un processus qui conduit à multiplier les outils de gestion et à développer toujours plus les systèmes d’information, dans un univers où dominait l’information orale entre les soignants et où l’indépendance des médecins dans l’exercice de leur pratique professionnelle est garantie par la loi. Avant de tenter d’identifier la manière dont ces outils ont véhiculé la logique gestionnaire dans les organisations de santé, nous présenterons sommairement le fonctionnement du PMSI et de la T2A.

2.1. Quelques repères sur le PMSI et la T2A

Le PMSI est un système d’information rapprochant des éléments de diagnostic médical à la consommation de ressources que leur prise en charge nécessite. A partir de catégories majeures de diagnostic, chaque patient hospitalisé est affecté à un « groupe homogène de

malades » (GHM) semblables à la fois par le type de pathologie, par leurs caractéristiques

susceptibles d’affecter les soins requis (par exemple les autres diagnostics éventuellement associés, l’âge, le type d’intervention chirurgicale réalisée, etc.) et surtout par leur coût moyen. La caractéristique des catégories ainsi constituées est donc qu’elles sont à la fois aussi cohérentes que possibles d’un point de vue médical mais aussi « iso-ressources » (DE KERVASDOUÉ, 2007, p. 26). Il s’agit toutefois d’une classification extrêmement simplifiée en regard des 12 000 pathologies répertoriées par l’OMS, même si elle a été enrichie au fur et à mesure, passant d’environ 500 GHM au départ à 2 300 en 2009. Chaque GHM est ensuite associé à un « groupe homogène de séjours » (GHS), susceptible de prendre en compte également d’éventuelles conditions spécifiques de séjour, comme par exemple lorsque le patient est pris en charge dans une unité de soins palliatifs où le personnel est renforcé. Chaque séjour d’un patient dans un établissement de santé est donc affecté, sur la base des données saisies dans le système d’information (dans un document appelé le « résumé

standardisé de sortie », RSS) à un et un seul GHS, pour lequel on est en mesure d’évaluer

le coût moyen. C’est sur ces éléments que se fonde la tarification à l’activité.

Schéma 1 : Le mode de fonctionnement du PMSI

Notons que l’ensemble de l’activité des établissements de santé ne pouvant être déterminée sur la base des GHM, le système de tarification prévoit également, outre les paiements au séjour pour les GHS, le paiement en sus de certains médicaments ou dispositifs médicaux particulièrement onéreux, l’attributions de forfaits annuels pour les urgences, les prélèvements d’organes ou les greffes, ainsi qu’une enveloppe pour les missions d’intérêt général, les missions d’enseignement et de recherche et pour d’autres financements regroupés sous l’appellation générique d’aide à la contractualisation.12

L’intérêt de cette classification est notamment qu’elle est commune aussi bien au secteur public qu’au secteur privé. En revanche, le mode de calcul des tarifs des GHS diffère, notamment parce que le salaire des médecins y est inclus dans le public tandis qu’il ne l’est pas dans le privé lucratif, où les praticiens sont libéraux et donc rémunérés par des honoraires en sus. Par ailleurs la base du calcul n’est pas la même : alors qu’il est possible à partir de l’activité réellement facturée à l’assurance maladie pour les cliniques privées, le tarif pour les hôpitaux est estimé à l’aide de l’étude nationale de coûts sur la base d’un échantillon d’établissements. On ne peut donc comparer les tarifs du privé et du public. L’avancée est néanmoins importante : depuis l’introduction de la T2A en 2004, il n’y a plus qu’une seule modalité de financement qui s’applique à la fois aux établissements privés et publics, jusqu’alors soumis à des régimes différents. Auparavant, tandis que les hôpitaux et les établissements privés participant au service public hospitalier (PSPH) étaient financés sur le mode de la dotation globale, les cliniques privées facturaient les actes et des forfaits de prestations directement à l’assurance maladie, encadrés par l’« objectif

quantifié national » (OQN). Désormais tous les établissements de court séjour sont soumis

à la T2A. Pour les cliniques privées, le principal changement repose sur le fait que les tarifs ne sont désormais plus négociables, ils sont les mêmes sur tout le territoire français et fixés par le gouvernement. Pour l’instant, la T2A ne concerne pas encore le secteur SSR.

2.2. Les outils comme mode d’apprentissage de la logique gestionnaire

L’introduction de la T2A n’est cependant pas à comprendre comme une simple mécanique de calcul de remboursements. Pour les hôpitaux et les établissements PSPH, c’est toute la logique du financement qui s’en trouve bouleversée. Alors que les ressources de l’année n+1 étaient jusque là liées aux dépenses de l’année n-1, indépendamment de ce qui était ensuite réalisé sur cette base, les moyens sont désormais directement fonction de l’activité

12

La présentation qui est faite ici du système de tarification à l’activité est bien sûr extrêmement simplifiée et ne mentionne pas les nombreuses règles et exceptions caractéristiques du fonctionnement de ce système pour le moins complexe et perpétuellement changeant.

produite. Il ne s’agit plus de produire en fonction des dépenses mais de dépenser en fonction de ce qu’on produit. On passe d’une logique de moyens à une logique de résultats.

Schéma 2 : Le mécanisme de la tarification à l’activité

Source : ANDREOLETTI, 2007

Pour les hôpitaux, un tel système signifie de plus qu’au lieu de mesurer l’activité une fois par an en vue du budget de l’année suivante, six mois après la fin de l’année écoulée, chaque établissement s’est trouvé tenu de produire au fur et à mesure des données sur son activité, à communiquer à la tutelle chaque trimestre d’abord, puis de manière mensuelle. Le PMSI et la T2A ont été dès l’origine très critiqués, notamment par les médecins13, entre autres parce que cette méthode ne mesure pas la qualité du service rendu. Il existe aussi des risques de sélection des patients en fonction de leur « rentabilité T2A » et d’inflation des actes indépendamment de leur nécessité en vue de dégager plus de revenus. Au-delà de l’effet attendu de la T2A sur la réduction des durées de séjour et sur le développement de l’ambulatoire et des prises en charge à domicile, certains craignent que la recherche du codage le plus favorable financièrement ne conduise à renvoyer trop tôt des patients ou à en hospitaliser d’autres qui ne nécessiteraient que des soins externes, voire à scinder des séjours en deux pour être mieux rémunérés14. Sur le long terme, certains auteurs ont pointé également le risque de faire d’une productivité moyenne une norme vers laquelle tous doivent tendre, ce qui ne peut que développer la standardisation, voire la médiocrité, au détriment de la performance et de l’innovation (LLEWELLYN et NORTHCOTT, 2005). Dans sa thèse, I. GEORGESCU a démontré l’effet des pressions financières15 sur le comportement des médecins, notamment lié au mode de contrôle utilisé, et le surcodage qui peut en résulter (2010). Les directions des hôpitaux, qui ont parfois à peine une

13

Un éditorial de la revue Médecine titrait ainsi « L’arnaque de la T2A ! » (GRIMALDI, 2008).

14

Pour une revue de littérature internationale très complète sur les effets de la T2A, voir le rapport de J-C. MOISDON et M. PEPIN (2010, p. 107-121).

15

Bien avant l’introduction de la T2A, les médecins étaient déjà l’objet de pressions financières de la part des directions préoccupées par les dépenses de certains services menaçant l’équilibre budgétaire (cf. les courriers à des praticiens en annexe de LENAY et MOISDON, 2000).

comptabilité analytique opérationnelle et ne disposent souvent que de peu de marges de manœuvre pour agir sur la productivité, tendent en effet à multiplier les messages d’incitation en direction des médecins à « coder vite et bien » (MOISDON et PEPIN, 2010), au risque d’un amalgame entre contrôle externe et contrôle de gestion (HALGAND, 2009). Il semblerait cependant que les problèmes de codage repérés soient plutôt aléatoires et souvent défavorables aux établissements ; ils résulteraient plus de la difficulté technique de l’exercice. L’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) observe que depuis l’application de la T2A à 100 %, l’exhaustivité du codage s’améliore et juge qu’il n’y aurait globalement pas de comportements significatifs de surcodage16.

Le PMSI s’est révélé un langage en mesure de rapprocher des données médicales et des données économiques. La tutelle semblait s’en saisir pour la régulation à doses « homéopathiques » (MOISDON, 2000, p. 41), mais les effets d’apprentissages sont bien là et structurent désormais les comportements, ne serait-ce qu’en générant de nouveaux savoirs permettant plus de gestion aux différents acteurs. Articulé avec la tarification à l’activité, le PMSI est devenu un outil de régulation permettant à un système de rémunération jusque-là « aveugle » (MINVIELLE, 2009, p. 36) de se connecter à l’activité et à la performance. Il peut alors jouer le rôle d’incitation visant à stimuler la recherche d’une plus grande productivité par les acteurs eux-mêmes, bouleversant profondément les jeux de pouvoirs en place. C’est pourquoi, alors qu’il était qualifié au départ par ses détracteurs de « petit machin

sans importance » (LENAY et MOSIDON, 2003, p. 133), il a été décrit par J-C. MOISDON

comme « sans doute le dispositif le plus innovant de la batterie de réformes qui se sont

abattues sur le paysage hospitalier » (2000, p. 36).

2.3. La démarche qualité comme espace de discussion sur l’organisation

Tout établissement sanitaire, public ou privé, a par ailleurs l’obligation légale de s’inscrire dans une démarche de certification par la Haute Autorité de Santé (HAS)17, visant à concourir à l’amélioration de la prise en charge des patients. Cette démarche n’est pas une simple procédure de contrôle externe (HALGAND, 2003) ; elle doit traduire une volonté d’amélioration pérenne de la qualité et de la sécurité de soins dispensés et met l’accent sur la participation de l’ensemble des professionnels de l’établissement. Elle implique de développer un certain nombre d’indicateurs, de critères et de référentiels

16

Voir les rapports d’évaluation du codage publiés sur le site de l’ATIH : www.atih.sante.fr

17

Auparavant appelé accréditation, du temps de l’Agence nationale pour l’accréditation et l’évaluation en santé (ANAES).

portant sur les procédures, les bonnes pratiques et les résultats dans tous les services et activités de l’établissement.

La procédure de certification est très lourde pour les établissements. Renouvelée tous les cinq ans sur la base de critères toujours plus nombreux, elle implique une large mobilisation de nombreux groupes de travail pendant de longs mois18. Elle est sanctionnée par une visite d’experts qui accordent ou non la certification, assortie d’un certain nombre de recommandations qui devront être mises en œuvre.

La préoccupation de la qualité dans le champ de la santé n’est pas nouvelle. La notion d’évaluation des pratiques a fait son chemin dans les textes depuis le début des années 1980, jusqu’à être rendue obligatoire par la réforme hospitalière de 1991. Ce sera la réforme dite « Juppé » de 1996 qui imposera l’accréditation de tous les établissements pour garantir que les mesures suffisantes sont prises afin d’assurer la sécurité et la qualité des soins, dans un contexte de tensions budgétaires croissantes.

Alors même que bien des acteurs continuaient de considérer la qualité comme incommensurable, la nécessité d’une information des patients sur le niveau de qualité des établissements est également apparue par l’intermédiaire des médias qui se sont saisis des principaux indices disponibles19 pour dresser des palmarès des hôpitaux et des cliniques. On est passé progressivement d’une notion de la qualité médico-administrative et organisationnelle centrée sur la gestion interne des établissements, à des mesures de la qualité destinées à évaluer et à piloter la performance, jusqu’à tendre vers une logique de régulation du système de santé dans son ensemble sur la base d’exigences en termes de niveau de sécurité et de qualité des équipements (MINVIELLE, 2003).

Médecins et soignants sont familiers de la rédaction de protocoles, mais ceux-ci ont plutôt pour effet de figer les modes opératoires que d’engager une réflexion pour les transformer (FRAISSE et al., 2003). « Il y a plus d’engouement chez les médecins à rédiger des procédures

de soin qu’à discuter collectivement des problèmes d’organisation », constatent T. REVERDY

et D. VINCK (2003, p. 11). La qualité telle qu’ils la définissent se limite à la dimension médicale ou relationnelle, occultant les processus organisationnels nécessaires à la prise en charge des patients (PASCAL, 2003, p. 194). On est bien loin de celle prônée par les « militants-croyants-prosélytes » des démarches qualité que sont souvent les directeurs et responsables qualité (HERREROS et MILLY, 2006, p. 18).

18

En revanche, l’accréditation semble avoir des effets somme toute assez relatifs sur l’amélioration des conditions de travail du personnel (RAYMOND, 2008).

19

Comme l’indice composite des activités de lutte contre les infections nosocomiales (ICALIN) ou l’indice de consommation des solutions hydro-alcooliques (ICSHA), désormais consultables par le grand public.

Lorsque les professionnels de santé remettent en cause les démarches qualité, ce n’est pas tant la nécessité de la norme elle-même, mais bien plus souvent la manière dont elle est mise en œuvre dans les lourdes démarches de l’accréditation (HERREROS et MILLY, 2006) et le fait qu’elles semblent souvent une « mascarade » (DOUGUET et MUÑOZ, 2005, p. 131) plus propre au « faire croire, laisser paraître » (HERREROS et MILLY, 2006, p. 22) qu’à une réelle volonté d’amélioration de la qualité.

La démarche qualité est censée être d’abord un espace de discussion du travail et de ses exigences en vue de travailler collectivement à son amélioration. Elle s’est cependant accompagnée d’une batterie d’indicateurs, croissant à mesure que se multipliaient les normes sanitaires, d’hygiène et de protection des risques imposées par la loi. Le manuel de la V2010 comporte ainsi près de cent pages de critères à analyser (cf. p. 43).

Les établissements hospitaliers, en ce qu’ils sont des bureaucraties professionnelles (MINTZBERG, 1982), ont ceci de spécifique que les normes ne peuvent être définies de manière exogène sans quoi elles ne sont pas appliquées par les professionnels, mais doivent être le produit d’un consensus, d’une réflexion collective, qui ne peut déterminer que des processus majeurs critiques encadrant l’autonomie des acteurs mais en aucun cas tout standardiser (PASCAL, 2003, p. 197-199).

Nombre d’observateurs s’accordent à dire qu’un des mérites principaux de la certification, par les outils d’analyse de l’activité qu’elle met en place, est justement de « faire exister la

question de l’organisation » (REVERDY et VINCK, 2003, p. 2), de « mettre au jour et de mettre à jour l’organisation » (JOLIVET, 2011, p. 6). C’est un espace où se révèle la

complexité de l’organisation, où sont exprimées les pratiques collectives, éventuellement formalisées dans des procédures mais qui, plutôt que des prescriptions, resteront utilisées comme des références pouvant à tout moment être réinterprétées si la situation le nécessite. G. HERREROS et B. MILLY la décrivent également comme une des « scènes de

controverses » (…) essentielle pour entretenir la tension entre procédures et coopération

(2006, p. 39). La démarche qualité dans les établissements de santé est ainsi une « rationalisation négociée de l’organisation » (MINVIELLE, 2000 ; REVERDY et VINCK, 2003). En ce sens, on peut considérer que, de la même manière que le PMSI et la T2A ont fait pénétrer la logique gestionnaire au sein des établissements hospitaliers, suscitant des effets d’apprentissage, la démarche qualité imposée par la certification favorise des processus de prise de conscience de la dimension organisationnelle et de sa nécessaire prise en compte par tous les professionnels pour assurer la qualité et la sécurité des soins. C’est pourquoi, au-delà du substrat technique lui-même, ces outils sont bien le reflet

d’une philosophie gestionnaire et d’une vision de l’organisation (HATCHUEL et WEIL, 1992), caractéristique du tournant gestionnaire des établissements de santé.

2.4. Le tournant gestionnaire dans les établissements privés

L’importation des outils gestionnaires du privé dans le champ de la gestion publique est l’objet même du nouveau management public. Il n’est donc pas étonnant qu’on y observe la pénétration d’un langage, de préoccupations et d’instruments jusque-là étrangers à ce secteur, jusqu’à constater avec J-P. DUMOND que l’hôpital s’est « gestionnarisé » (2005, p. 457). Peut-on en revanche en dire de même pour les établissements privés ?

Le champ de la santé n’est pas un secteur comme les autres. Les professionnels de santé, qu’ils opèrent dans des établissements publics ou privés, se refusent à considérer que leur travail puisse être une activité économique, une activité de service comme une autre. Lorsque le vocabulaire de l’usine ou de la production est mobilisé, c’est toujours pour exprimer de leur part le malaise ou la révolte face à ce qu’ils vivent comme un contresens. La culture du dévouement y est forte, notamment dans les établissements à but non lucratif. Ceux-ci voient arriver les outils du tournant gestionnaire comme une exigence à laquelle ils sont plus ou moins préparés techniquement20, selon leur histoire, leur taille et leurs ressources. Mais la dépendance totale envers la tutelle en matière de revenus a conduit depuis longtemps les dirigeants des établissements de santé à but non lucratif à développer de véritables préoccupations gestionnaires. Plusieurs recherches ont décrit l’émergence d’un modèle d’« association gestionnaire » (ROBELET et al., 2010) non réductible à une forme de managérialisme (DE GAULEJAC, 2005), et que ces établissements savaient inventer des modalités de gestion sociale qui leur sont propres, compatibles avec leurs valeurs, mais intégrant l’exigence d’efficience et de performance de la gestion (LAVILLE, 2009).

Du fait de sa mission d’intérêt général, l’ensemble du secteur de l’hospitalisation privée est depuis longtemps fortement régulé par les pouvoirs publics. J-P. CLAVERANNE et D. PIOVESAN (2003) qualifient les cliniques privées d’« objet de gestion non identifié », au sens où elles diffèrent des organisations d’autres secteurs en ce qu’elles sont des entreprise de main-d’œuvre (le personnel représente 50 % des charges d’exploitations), à haute technologie, non mobiles et qui ne peuvent définir leurs prix de vente. Elles sont généralement structurées en forme de réseau, tel « un jeu de Lego », imbrication de multiples sociétés aux intérêts souvent divergents que D. PIOVESAN n’hésite pas à comparer aux districts industriels italiens (2003, p. 317-318).

20

60 % d’entre eux ont rencontré des difficultés techniques los de la mise en place de la T2A (CORDIER, 2008).

L’auteur (PIOVESAN, 2003) trace dans sa thèse une analyse très intéressante de l’évolution des cliniques privées et propose, pour en caractériser les étapes, des configurations idéales- typiques. Initiées le plus souvent sur le mode de la « clinique villa » où un médecin ou chirurgien étend son cabinet dans un hôtel particulier avec un mini plateau-technique et quelques chambres d’hospitalisation à proximité, nombre d’entres elles se sont ensuite développées. On a alors, principalement dans les années 1960-70, des petits établissements sur le mode de la « clinique éponyme », caractérisées par un petit noyau de fondateurs qui gardent un fonctionnement basé sur des relations intuitu-personae. Lorsque ceux-ci passent la main à la génération suivante, l’organisation débouche bien souvent sur une forme de « clinique anonyme ». Ces « cliniques de groupe » datent globalement des années 1980-90, avec la constitution de grands groupes hospitaliers privés et l’apparition de « chaînes de

cliniques ». Tandis que jusque là, la clinique restait fondamentalement l’outil de travail du

ou des médecins qui la possédaient, « l’offensive des cliniques de groupe » marque définitivement « l’entrée dans la gestion » des cliniques (PIOVESAN, 2003), la « naissance

d’un capitalisme sanitaire » (TANTI-HARDOUIN, 2005, p. 62).

Une telle évolution est bien le signe d’un tournant gestionnaire qui, de différentes manières, a transformé de l’intérieur les établissements de santé, qu’ils soient publics ou privés, lucratifs ou non. L’impact d’une telle transformation se fait sentir fortement sur le travail des différents acteurs : la charge de travail augmente, les contraintes se cumulent, les marges de manœuvre diminuent, la pression de l’évaluation se fait omniprésente.