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1. Théories de l’internationalisation :

1.4. L’internationalisation par les réseaux

La théorie des réseaux trouve ses fondements dans la théorie de la dépendance par les ressources. L’idée part de l’hypothèse de base suivante: Les acteurs des réseaux ont des entreprises dépendantes en ressources par d’autres acteurs qui les contrôlent dans un même réseau. Pour accéder à des ressources concurrentielles, les entreprises doivent construire des relations d’affaires, la position dans un réseau est assimilée à un actif. Ce réseau sera étendu en dehors du marché national pour devenir international ; les relations domestiques restent, toutefois, plus étendues que les relations internationales9. L’existence de liens forts et proches psychiquement, 10dans un cadre géographique élargi est-elle envisageable ?

La compréhension exhaustive de l'internationalisation de la firme implique donc de cerner le contexte de son développement. Autrement dit, il s’agit des relations qu'elle entretient avec son environnement et les autres entreprises constituant des éléments importants de ce contexte

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(Madsen et Servais, 1997). Ce qui conduit à considérer aussi les réseaux socio-professionnels (syndicats professionnels, etc .) autres que les entreprises.

L'approche de l’internationalisation par les réseaux met l’accent sur l'importance des variables externes et met en avant l'influence de l’environnement sur l’entreprise qui s’internationalise. Pour Johanson et Mattson (1988), le système industriel est composé d’entreprises impliquées dans la production, la distribution et l’utilisation de biens et services. Ce système crée un réseau de relations entre des organisations. Au sein de ce réseau, les entreprises sont dépendantes les unes des autres et leurs activités ont donc besoin d’être coordonnées (Johanson et Mattson, 1988).

La décision d’internationalisation implique essentiellement deux dimensions majeures: la première concerne la sélection d’un pays (ou marché) cible, où les transactions vont avoir lieu. La seconde concerne les modalités de l’échange international ou les choix des modes d’entrée. Le mode d’entrée correspond à un arrangement institutionnel de l’organisation et de la conduite des transactions internationales. Le choix de la structure de gouvernance des activités sur le marché constitue une étape importante dans le processus de prise de décision puisqu'il concrétise les orientations stratégiques d'une entreprise. La qualité de ce choix dépend du niveau de confiance établi entre les différents acteurs impliqués dans ces échanges internationaux. Une connaissance réciproque des langues et des cultures permet aux acteurs de se découvrir les uns les autres, de se « reconnaître », afin de tisser des liens forts au sein d’un réseau professionnel souvent particulier.

L’idée de l’approche par les réseaux résulte du fait que les firmes sont liées entre elles par des relations d’échanges durables (Johanson et Mattson, 1988). Ces auteurs décrivent l’internationalisation comme un processus cumulatif au cours duquel les relations sont établies, développées, maintenues et dissoutes afin d’atteindre les objectifs de chaque entreprise impliquée. Il s’agit bien là d’un développement de réseaux de relations d’affaires

qui englobe d’autres pays par l’extension, la pénétration et l’intégration (Johanson et Mattson 1988) ou tout autre mode d’entrée.

Initialement, l’entreprise entame son internationalisation dans un seul pays plutôt que dans beaucoup de pays, d’une manière simultanée. Il s’agit, dans la plupart des cas, d’un pays voisin. Un effet de « consanguinité » des marchés explique le fait que l’entreprise se dirige tout naturellement, au début de son expérience internationale, vers les marchés étrangers qui lui sont proches.

La distance psychique évoquée plus haut, entre les acteurs des marchés agit comme un facteur inhibiteur sur les flux d’informations réciproques. L’information reçue et donnée, la connaissance des cultures hors des frontières, l’apprentissage des langues et des coutumes d’affaires sont à la base du processus. Ces échanges « humains » précèdent les échanges de produits et de services. Ces différents liens, plus ou moins forts, tissent des « toiles », des réseaux où la confiance croît pour consolider les affaires (Johanson et Vahlne, 2009).

Le choix des marchés psychiquement plus proches n’est plus impératif au fur et à mesure que l’organisation accumule ou acquiert, à travers les réseaux, une expérience (de connaissances, de relations) sur les marchés extérieurs, réduisant ainsi le niveau d’incertitude aussi en interne.

L’expérience acquise par le traitement et l’interprétation de l’information internationale favorisent le développement international. Au fur et à mesure que l’entreprise s’internationalise, l’objet de l’échange et l’offre de biens ou de services tendent à s’approfondir et à se diversifier

En interne, la capacité organisationnelle s’adapte. L’internationalisation s’accompagne d' une variété de changements internes à l’entreprise qui constituent des manifestations de l’internationalisation. Les ressources humaines et la structure organisationnelle subissent, en

particulier, des évolutions importantes et nécessitent une ré-allocation des ressources, y compris financières, en interne.

Depuis bientôt deux décennies donc, les théories de l’école scandinave sont critiquées, notamment face au phénomène des Born Global (Rennie, 1993) (Knight et Cavusgil, 2004). Johanson et Vahlne (2009), eux-mêmes, ont revisité leur modèle et proposent aujourd’hui une nouvelle approche par les réseaux.

Bien que la structure de base du modèle de 1977 soit conservée, Johanson et Vahlne ont ajouté quelques notions telles que : la « reconnaissance d'opportunités » ou la « connaissance de l’international". Les opportunités d’affaires, mêmes sporadiques, initiales, constituent un sous-ensemble de connaissances et accélèrent le processus incrémental. En ajoutant cette variable, les auteurs ont l'intention d'indiquer que les opportunités représentent un élément important du processus d’acquisition de connaissance qui n’est plus uniquement incrémental. Il est désormais clair que ces opportunités sont d’autant plus développées de nos jours qu’elles soient relayées par les réseaux sociaux ayant pour outils, les TIC (Johanson et Vahlne, 2009 et Boutary, 2007). Ces réseaux sociaux constituent une composante moderne importante pour l’acquisition de connaissances.

La nouvelle variante du modèle Uppsala correspond à la prise en compte des réseaux, à savoir la densité des liens existants ou susceptibles d’être développés entre les acteurs. Cette dimension nouvelle a été identifiée à partir du modèle original au niveau de l’engagement sur le marché. En supposant que le processus d'internationalisation est réalisé à travers un (ou des) réseau(x), les relations, les liens y sont caractérisés par un niveau spécifique de connaissance, la confiance et l'engagement entre les acteurs du réseau (Johanson et Vahlne, 2009).

Quant aux variables d’engagement les auteurs ont remplacé le terme originel « activités courantes » par « trust-building ». En fait, l’évolution du modèle tient véritablement à

l’impact de l’internet et des réseaux sociaux sur les flux d’échanges et d’investissements qui induisent une connaissance plus rapide des autres économies. Le processus n’est donc plus lié uniquement à l’expérience, mais aux informations, voire aux opportunités d’affaires auxquelles chaque acteur peut avoir accès en temps réel pourvu qu’il soit intégré dans un réseau approprié. L’apprentissage de l’internationalisation se fait à travers ces mêmes réseaux et le facteur confiance en est le moteur.

La vitesse, l'intensité et l'efficacité des processus d’internationalisation, la création ou l’intégration d’un réseau et la construction de la confiance (trust-building) dépendent de l'engagement des partenaires entre eux. Cet engagement est mesurable par le nombre d’opportunités acquises par les acteurs du réseau (Johanson et Vahlne, 2009).

Figure 7: Le nouveau schéma de l’internationalisation de Johanson et Vahlne 2009 intégrant les réseaux

Cette revisite par Johanson et Vahlne eux-mêmes de la théorie des phases met en relief le jeu des relations humaines et l’importance de l’apprentissage et du management de la connaissance à l’international à travers les réseaux. Par ailleurs, si la notion d’apprentissage organisationnel est prise en compte, la notion d’apprentissage en double boucle (Agerys, 2001) mérite également d’être prise en compte. Lorsque le manager est embarrassé par la

distance psychique dans une perspective d’internationalisation, il y a tout naturellement le déclenchement d'un processus d'apprentissage. Le recours au réseau peut désormais plus facilement intervenir, introduisant une dimension humaine dans les organisations et au cœur de leurs représentations. Ce processus d’apprentissage de l’internationalisation par la connaissance des marchés étrangers et la construction de réseaux sera étudié dans la section du chapitre consacrée à l’aspect comportemental au sein des PE.