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L’intégration scolaire et le service de psychiatrie de l'enfant

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 45-48)

La pédopsychiatrie a-t-elle un avenir ? L'intégration scolaire …

1.2. Une histoire mouvementée des relations entre les familles, l’école et l’hôpital

1.2.5. L’intégration scolaire et le service de psychiatrie de l'enfant

C'est dans ce climat et le contexte institutionnel de l'époque, que le service de psychiatrie infanto-juvénile dans lequel nous exerçons comme psychologue clinicien s'est

46 Ibid.

engagé dans le développement d'un dispositif d'intégration scolaire conçu comme une alternative à l'hospitalisation de jour. Dès 1990, ce service tout juste naissant47 engage un partenariat avec l'éducation nationale et les collectivités locales pour scolariser, dans un groupe scolaire de proximité, des enfants présentant des troubles graves de la personnalité et du comportement sans altération profonde des capacités opératoires.

La mise en place et le développement de ce dispositif d'intégration scolaire, assorti d'un accompagnement thérapeutique réalisé par un service de pédopsychiatrie, seront rapidement confirmés et confortés par une série de textes et de documents administratifs qui viendront, au début des années 1990, encourager ces formes de partenariat :

• Du côté de l’école : La circulaire du 18 novembre 1991 relative à la scolarisation des enfants handicapés à l’école primaire institue les Classes d’Intégration Scolaire (CLIS) qui se substituent aux classes de perfectionnement. Ces classes accueillent de façon différenciée dans les écoles élémentaires, des élèves handicapés physiques ou handicapés sensoriels ou handicapés mentaux qui peuvent tirer profit, en milieu scolaire ordinaire, d’une scolarité adaptée à leur âge et à leurs capacités, à la nature et à l’importance de leur handicap.

• Du côté des affaires sociales : La réforme des annexes XXIV souligne l’importance de l’action éducative auprès des élèves handicapés accueillis dans les établissements spécialisés, ainsi que celles des pratiques visant à leur intégration scolaire. Elle préconise la création de Services d’Education Spéciale et de Suivi de l’Intégration Scolaire, fonctionnant comme des unités sectorisées travaillant au plus près des établissements scolaires.

• Du côté du service de psychiatrie infanto-juvénile : La circulaire du 11 décembre 1992 relative aux orientations de la politique de santé mentale en faveur des enfants et adolescents apporte des appuis précieux en rappelant l’importance d’une identification des besoins dans le domaine de l’éducation et la nécessité de coopérer avec l’école.

L’attention est attirée sur l’avènement de dispositifs comme les Centres d’Action Thérapeutique à Temps Partiel (CATTP) qui permettent de mener des actions multipolaires en liaison avec les intervenants du champ scolaire. Le partenariat avec l’école fait l’objet d’une attention particulière puisque l’on peut lire : "des actions particulières se révèlent indispensables afin de poursuivre l’insertion scolaire ou de la réaliser dans des conditions satisfaisantes, en lien étroit avec les familles. Ces actions conjointes thérapeutiques et pédagogiques appellent une collaboration entre école et équipe de santé mentale48".

Une fois de plus tout le monde est d'accord mais c'est sans compter avec les résistances sur le terrain. Nous l'avons dit, l'intégration reste une entreprise difficile qui se résume, la plupart du temps, à une vague insertion scolaire dans un contexte animé par quelques professionnels convaincus. L'examen des aspects historiques nous permet maintenant de comprendre les enjeux, d'identifier les obstacles, et de rester lucide quant aux chances de réussite d'une telle entreprise.

47 Le service I03 de psychiatrie infanto-juvénile est crée le 2 janvier 1985, il couvre l'extrême sud du département de l'Isère.

48 Circulaire du 11 décembre 1992 relative aux orientations de la Politique de Santé Mentale en faveur des enfants et des adolescents.

Doit-on pour autant renoncer à cette belle aventure ? Manquer ce rendez-vous essentiel avec un vingt et unième siècle définitivement installé sur les rails de l’intégration par la loi du 12 février 2005 ? Non, bien entendu. La caractéristique essentielle des représentations sociales est l’existence du lien les unissant aux pratiques qui leur correspondent. Une autre caractéristique des représentations sociales souligne le rôle prépondérant des pratiques sociales dans le déclenchement de transformations profondes des représentations. En d’autres termes, si l’intégration scolaire est asymptotique, jamais réalisable d’emblée, toute pratique s’inscrivant dans cet objectif participe à la transformation des représentations sociales et à une modification substantielle des fins de l’école. Même si la mise en œuvre de ces pratiques suppose des étapes, des paliers, qui ne seront franchis que dans le cadre de dispositifs souples, évoluant progressivement des pratiques d’insertion vers des pratiques d’intégration.

Compte tenu de ce que nous avons évoqué, il semble maintenant que deux éléments décisifs interviennent dans la façon de penser un dispositif d'intégration scolaire rassemblant un service de psychiatrie et un établissement de l'éducation nationale. Deux contraintes à respecter pour une modification en profondeur des organisations, pour tendre de l'insertion vers l'intégration et assurer au projet une réelle pérennité capable de dépasser la simple motivation passagère, seulement liée au caractère novateur d'une expérience ponctuelle :

Du point de vue du cadre, placer l’école au centre du dispositif. Contrairement aux classes externalisées des hôpitaux de jour, il s'agit ici de déplacer une grande partie du travail des soignants au sein même de l'école pour assurer véritablement l'accompagnement de l'enfant tout au long de son parcours d'intégration. Ce sont les soins qui se développent autour de la scolarité de l'enfant et non l'inverse.

Du point de vue du contenu, placer les troubles des apprentissages au centre du dispositif, comme préoccupation commune entre l’école, les familles et les professionnels de la pédopsychiatrie. Il s'agit de situer les troubles cognitifs et les difficultés rencontrées par l'enfant dans le cadre de ses acquisitions scolaires comme le centre d'intérêt partagé entre les différents partenaires. Nous verrons plus loin que cela suppose de la part des soignants de ne pas réserver leurs interventions aux seuls aspects dynamiques, mais d'élargir le cadre de leurs références théorico-cliniques pour s'intéresser aux questions scolaires, aux aspects cognitifs et parfois même neuropsychologiques impliqués dans les troubles de l’organisation de la pensée de l'enfant.

Bien entendu, le dispositif que nous avons mis en place dans le service n'est pas indépendant des enjeux historiques qui ont été évoqués au sein de ce chapitre. Les initiatives et les actions créatrices des acteurs professionnels s'inscrivent toujours dans la continuité d'une histoire institutionnelle qui le plus souvent les dépasse. Le débat entre curabilité et incurabilité des troubles mentaux chez l'enfant est actuellement réactualisé à travers une opposition qui mobilise les tenants d'une psychologie du déficit face aux tenants d'une psychologie du sens. La pédopsychiatrie n'échappe pas aux enjeux d'un tel débat et sa démarche est aujourd'hui remise en question par le retour des modèles médicaux classiques.

Les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH), instituées par la loi du 11 février 2005, se situent maintenant au cœur du champ de l'enfance inadaptée. Elles réunissent sous un même vocable des pathologies fortement hétérogènes, allant des troubles de la personnalité et du comportement, aux handicaps moteurs ou sensoriels, en passant par les retards mentaux et les pathologies neuro-développementales … etc. A partir du modèle de

la compensation, les approches orthopédiques et rééducatives sont replacées sur le devant de la scène, en même temps que l'intégration / inclusion est annoncée comme la promesse de l'aube.

Nous allons voir que le dispositif mis en place dans notre service se situe dans un entre-deux institutionnel ainsi qu'à la croisée des différents modèles théoriques, mais situant toujours l'enfant, et les enjeux de son développement, au centre des actions engagées par les acteurs. Pris dans les étapes d'un constructivisme historique, le caractère novateur de ce dispositif réside dans le "déplacement" de la psychiatrie dans l'école, pour autant il s'appuie sur des classes spécialisées à partir desquelles, entre insertion et intégration, se met en scène un lien complexe avec les classes ordinaires des établissements scolaires.

1.3. L'intégration scolaire en psychiatrie de l'enfant : contexte

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 45-48)