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Première partie : La protection de l’environnement dans la PSM : les défis de l’aménagement intégré

Section 1 L’intégration environnementale dans les cadres normatifs et institutionnels sectoriels

La protection de l’environnement est infusée dans toutes les politiques sectorielles relatives au milieu marin ; transport, pêche, tourisme, aquaculture, extraction de granulats, etc. Elle recouvre diverses formes de règlementations à l’instar de la lutte contre les pollutions sous ses différentes sources (atmosphérique, tellurique, ou par immersion), les règlementations sur les déchets provenant des navires, les règlementations anti salissures, les règlementations sur la qualité des eaux, les règlementations sur les quotas de captures et des engins de pêche, ou encore les règles de préservation des espèces et des espaces. Les objectifs environnementaux sont ainsi pluriels et revêtent les expressions règlementaires traditionnelles. Le principe d’intégration constitue le vecteur d’incorporation des objectifs environnementaux, dans les domaines sectoriels. Ce principe d’intégration environnementale, paradigme phare de la Déclaration de Rio de 1992, constitue le fil d’Ariane de l’environnement dans les instruments sectoriels.

Pour une partie de la doctrine, l’exigence d’intégration associée au concept de développement durable, est souvent présentée comme un leurre, voire, un faux « prétexte » de protection de l’environnement, qui se révèle au contraire comme un vecteur de baisse de vigilance sur la conservation de la biodiversité575. Ce postulat fustige la dilatation de son contenu conceptuel avec diverses considérations n’induisant pas automatiquement un prima du pilier écologique. Il faut dire que cette interprétation découle de la logique même de la cohérence juridique. Le cadre sectoriel n’appréhende en effet pas la protection de l’environnement de manière désintéressée. La considération écologique est nécessairement prise en compte avec le souci de préserver le domaine auquel se consacre la règlementation. En matière de transport par

575 CANS Chantal, « Le développement durable en droit interne : apparence du droit et droits des apparences »,

124 exemple, la prise en compte de l’environnement à travers les efforts de limitation des taux d’émission de CO2 se souciera toujours si ce n’est nécessairement, de la préservation de l’activité commerciale de transport. Tout comme la conservation des stocks halieutiques ne pourrait entraver complètement l’activité économique de pêche. La tentation à privilégier les logiques sectorielles non directement consacrées à l’environnement justifierait par conséquent ces critiques.

Par ailleurs cette logique à notre sens relève de l’exégèse juridique. Elle tendrait à reconnaître la juridicité du concept par l’existence d’outils qui lui sont propres. A notre sens, il faut au contraire analyser l’exigence d’intégration plus comme un principe véhiculant une technique juridique. L’intégration environnementale vise à adapter l’objectif environnemental à chaque secteur d’activité et à chaque échelle géographique. Son application passe par l’entremise d’autres principes et instruments du droit de l’environnement576

.

La variabilité des contextes induit un caractère subjectif de la prise en compte de l’exigence d’intégration environnementale. Les réalités locales d’un pays à un autre, la spécificité des domaines sectoriels sont de toute évidence des considérations non équivalentes. Les modalités d’articulation de l’intégration environnementale tant au regard du droit international que des droits régionaux et nationaux supposent ne serait-ce que par leur spécificité des approches différenciées. L’analyse de la validité juridique de la prise en compte de l’intégration environnementale repose ainsi, sur les mécanismes juridiques utilisés pour opérer le transfert d’échelle tant au regard du champ spatial qu’au regard des règles matérielles. Il s’agit de vérifier l’application des mesures juridiques nécessaires à l’intégration, telles, les règles de participation et d’information, l’évaluation environnementale préalable, ou encore les règles d’application de l’obligation différenciée de protection de l’environnement dans les domaines sectoriels. C’est en raison de cette différenciation qu’on peut relever que bien qu’ayant tous reconnu le principe d’intégration par leur adhésion à la Déclaration de Rio, l’UE, le Sénégal, le Cap-Vert et le Brésil, prévoient dans leur politique maritime, sa mise en œuvre en lien avec les préoccupations qu’ils jugent comme étant les plus prégnantes à leur échelle.

La Stratégie africaine intégrée pour les mers et les océans. A titre d’illustration, la Stratégie

africaine intégrée pour les mers et les océans, Horizon 2050 en Afrique, considère l’exigence de mettre en œuvre une politique intégrée pour le milieu marin avec une emphase sur les questions de développement. Ce document accorde une place privilégiée aux questions de sécurité maritime et alimentaire577, d’amélioration du commerce et de la compétitivité maritime578

. Ces

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MALJEAN-DUBOIS Sandrine, L’émergence du développement durable comme paradigme et sa traduction

juridique sur la scène internationale, in Bruno Villalba (Dir), Appropriation du développement durable. Emergences, diffusions, traductions, Villeneuve d'Ascq, Presse Universitaire du Septentrion, 2009, 338 p., p. 75.

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125 questions constituent les priorités actuelles pour cette région. La protection de l’environnement doit s’articuler avec le développement. Un droit au developpement qui est la caractéristique première du droit africain de l’environnement.

Au Brésil. Les ambitions politiques de croissance économique liées à son statut de pays

émergents, ont induit une orientation économique et néolibérale pendant plusieurs décennies. La politique maritime nationale publiée par le Décret de 1994579, a pour finalité de soutenir le développement des activités maritimes du pays de manière intégrée et harmonieuse580. Quatorze objectifs sont poursuivis par cette politique581 avec une insistance sur les aspects économiques devant permettre de garantir la sécurité alimentaire et l’indépendance énergétique et technologique du Pays. Le Décret prévoit ainsi, le soutien de la recherche pour l’exploration et de l’exploitation rationnelle des ressources marine tout en ouvrant la perspective des privatisations des activités maritimes à l’exception de celles qui concernent la défense nationale582. Le secteur pétrolier par exemple est l’un des domaines sur lequel le Gouvernement a accordé une place importante dans ses dernières stratégies maritimes583.

Dans le cadre européen. La politique maritime intégrée témoigne des ambitions de croissance

durable notamment dans le domaine économique. Le livre vert de la Commission européenne cite comme domaine d’action prioritaire de la PMI, la création des conditions optimales pour l’exploitation durable des mers et des océans584

. Un objectif de croissance qui doit passer par l’innovation technologique, à travers les « nouveaux produits maritimes » à mettre sur le marché dans le secteur des technologies marines585.

C’est par conséquent au travers de ces visions stratégiques que doit se modeler l’application du principe d’intégration environnementale.

Le contexte et les articulations du principe d’intégration ainsi révélés, permettent de délimiter le cadre théorique de la réflexion. Sans être exhaustif, nous évoquerons dans chaque cas d’étude, l’intégration environnementale dans les approches sectorielles à travers trois exemples : le secteur de la pêche, des transports et de l’énergie (Paragraphe 1). A ces secteurs s’associent des institutions spécifiques (Paragraphe 2). Cette présentation constitue un préalable

578

Voir les propos introductifs de la Stratégie africaine intégrée pour les mers et les océans-horizon 2050, op.cit, p.8.

579 Decreto n°1.265 de 11 de Outubro de 1994, Aprova a Politica Maritima Nacional (PMN), DOU de 13. 10. 1994.

580

Voir Paragraphe introductif du Décret n°1.265 du 11 octobre, op.cit.

581

Voir chapitre 2 du Décret n° 1. 265 du 11 octobre, op.cit.

582 Objectif 10 du Décret n° 1. 265 du 11 octobre, op.cit.

583

DO BARROS Jorge Gomes et al., « Amazonie bleue et projection brésilienne sur l’avenir », Outre-Terre, 2015, n°42, vol.1, p. 206, pp.204-212.

584 Titre 4 du Livre vert, Domaines d’action pour une politique maritime intégrée de l’Union européenne, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Une politique maritime intégrée pour l’Union européenne, COM (2007) 575 final, Bruxelles 10. 10. 2007.

585

126 nécessaire pour déterminer les voies d’incorporation tendant à construire un cadre global de protection de l’environnement.