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L’identification des problèmes

3.3 Les motifs de l’engagement, l’identification des problèmes, les solutions et les stratégies

3.3.2 L’identification des problèmes

En guise de rappel, nous associons la découverte des acteurs et l’importance de leurs récits, histoires, contextes, perceptions, régimes de sens,… ; à la formulation et à la construction qu’ils font de leurs « problèmes », condition « sine qua non », des raisons et des formes de leur engagement.

En ce qui concerne l’approche microsociologique ou ethnographique des problèmes identifiés par nos acteurs belgo-tunisiens, les éléments que nous avons récoltés sur le sujet viennent de leurs formulations mêmes via nos entretiens ou via leurs documents, sites internet, pages Facebook,… ; et couvrent une période qui va du début de la révolution à la réalisation de cette étude. De manière plus précise, certaines des thématiques expliquées ci-dessous n’ont, bien entendu, pas directement été formulées comme telles par les acteurs. Mais notre interprétation, que nos entretiens illustrent et confirment, s’inscrit dans l’ensemble de notre réflexion présentée dans ce mémoire et s’articule autour des hypothèses que nous proposons. En voici la synthèse :

L’insuffisance des évènements de rassemblement, de débat et de sensibilisation proposés à la communauté belgo-tunisienne.

Le manque de participation de la communauté belgo-tunisienne aux changements sociopolitiques en cours en Tunisie.

Comme rappelé précédemment, au-delà des frustrations relatives ressenties par rapport à l’impossibilité d’une participation (politique) des acteurs à la vie sociale (belgo)tunisienne avant la révolution, on observe également un sentiment de légitimité et de compétence de la part des acteurs interviewés ainsi qu’une volonté de se porter garant du bon déroulement de la transition démocratique. En effet, nombreux et nombreuses sont ceux et celles qui s’expriment sur la récupération politique de la transition démocratique ou sur la peur d’un retour ou de la persistance du régime (de ses pratiques et des mécanismes : autoritarisme, corruption,…).

L’insuffisance de la connaissance et de la promotion de la langue, de la culture et du patrimoine d’origine.

Ce problème prend principalement place dans la vie des Tunisien(ne)s de Belgique dans la société belge, notamment en ce qui concerne le manque de visibilité de la richesse du patrimoine tunisien au sein de la société belge, mais également le manque de connaissance ou d’intérêt de la deuxième génération et des enfants belgo-tunisiens nés en Belgique, notamment en ce qui concerne la culture, le folklore ou encore la maitrise de l’arabe classique.

L’intégration et la sociabilité en Belgique (voir Annexe Sara, enregistrement du 22 avril 2016).

La dégradation du tourisme, de l’économie, et de l’emploi en Tunisie. Comme nous l’avons également déjà évoqué, l’identification de ce problème se réfère tant aux défis en terme d’emploi,

de chômage et de performance économique (investissements étrangers, diversification de l’économie,…) auxquels fait face la Tunisie qu’à la catastrophe économique causée par l’effondrement de l’industrie touristique, principalement depuis les différents attentats de ces deux dernières années.

Les problèmes liés à l’éducation en Tunisie, en particulier dans les régions rurales (voir Annexe 3.10 Majid, enregistrement du 5 février 2016 ; 3.16 Nadia, enregistrement du 17 mars 2016).

Les problèmes liés à la pauvreté et à certaines situations humanitaires en Tunisie (populations rurales et urbaines pauvres, gestion des réfugiés.

Des éléments macro et structurels

Des auteurs comme Guy Bajoit (Bajoit, 2003) et Alain Touraine (Touraine, 1965), mais encore Cefaï (Cefaï, 2001) nous confortent dans notre démarche en nous parlant de « problèmes de la vie collective » et de « la construction des problèmes au sein des arènes publiques ».

Ainsi, selon la répartition qu’en fait Bajoit (Ibidem), voici l’une des synthèses possibles concernant l’expression des problèmes et l’articulation de la « vie sociale » des acteurs décrits dans ce mémoire :

La volonté de participation à la gestion de l’ordre politique interne (les interactions entre des individus citoyens qui interagissent avec les élites politiques, judiciaires, institutionnelles, répressives…).

La volonté de participation à l’élaboration du « contrat social » (le dispositif institué qui permet l’articulation des multiples groupes d’intérêt qui coexistent ensemble et pacifiquement selon certains dispositifs).

 L’expression de types particuliers de demandes (de reconnaissance de l’identité, d’intégration, de reconnaissance des plusieurs composantes des mouvements sociaux ou dynamiques associatives, etc.) ;

Une volonté accrue d’intégration et de socialisation dans la société (le passage d’un modèle d’intégration et de socialisation basé sur le devoir à celui basé sur le droit. L’action des individus n’est plus axée sur les devoirs que l’on attend d’eux mais sur les droits à l’autoréalisation personnelle qu’ils revendiquent et qu’ils cherchent à assurer ou à (re)conquérir). Cette formulation renvoie également à l’adaptation dans le milieu dans lequel la communauté vit et à la continuité de la transmission de l’identité, de la culture, de l’engagement,… ; de génération en génération.

La volonté de prendre place dans l’évolution des échanges inter-sociaux (la croyance en la version figée de « la nation » est en recul, les échanges se mondialisent et évoluent vers des formes transnationales, ce que la nature et l’identité multiple de nos acteurs prouvent tout particulièrement).

A ce stade du mémoire, l’expression et l’identification de ces problèmes, non seulement nous servent de transition vers l’analyse des solutions, des formes d’engagement et des pratiques qui ont été mises en place en réponse, mais également et surtout, ouvrent la porte à l’analyse et à l’interprétation des enjeux et des clivages qui gravitent autour de la participation des membres des associations tunisiennes de Belgique aux changements sociopolitiques et à la transition démocratique toujours en cours en Tunisie.

Conclusion

Dans cette première partie de notre « schéma méthodologique » et d’analyse, nous avons donc découvert des acteurs se mobilisant à travers l’articulation entre des motivations personnelles (un sentiment d’affection fort et de redevance envers la Tunisie, le partage et la diffusion de valeurs fédératrices, la volonté de sensibiliser et de responsabiliser l’opinion publique et les dirigeants des deux pays,…) ; et des motivations structurelles (principalement caractérisées par la compréhension de l’engagement associatif comme un outil d’ascension sociopolitique et symbolique ainsi que comme conquête de l’espace public suite à la révolution).

Des acteurs qui ont enclenché et enclenchent donc leur mobilisation et leur engagement associatif face à et en raison de problématiques aussi diverses que la volonté de débattre, sensibiliser, participer,… ; ou encore faire face aux problèmes de leur pays d’origine (en termes de chômage, de pauvreté, d’éducation, de santé, économique, politique,…) et à ceux qui conditionnent leur vie en Belgique (contexte et amélioration de l’intégration23

, promotion et transmission de la culture, etc.).

Nous découvrirons plus tard que l’identification des problèmes des acteurs que nous avons présentée est intimement liée à la superposition des clivages et tensions qui cimentent les associations belgo-tunisiennes, tant au niveau individuel (à l’échelle des décisions et des libertés personnelles), qu’au niveau collectif (les distances qu’il peut y avoir au sein des associations et entre les associations).

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Ce mémoire n’a pas l’ambition ou la taille pour aborder cette thématique en profondeur mais nous reviendrons de manière plus importante et analytique dans notre partie finale d’analyse sur ce que nous percevons de « l’intégration » des acteurs associatifs belgo-tunisiens, qui comme nous l’avons déjà laissé apercevoir, est relativement élevée et marque également et surtout l’expression d’une grande pluralité et diversité d’approche et de perception des acteurs eux-mêmes.

Ainsi, voici le schéma de compréhension et d’analyse que nous avons mis en place :

Acteurs : Perceptions, régimes de sens et motivations personnelles ou structurelles de l’engagement Identification des problèmes

Stratégies, solutions mises en place, activités et pratiques transnationales ou associatives

Les espaces d’interaction, l’expression des conflits et la superposition des clivages

3.4

La pluralité des formes d’engagement et des pratiques transnationales des