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Les formes de matérialisation et d’explication sociopolitiques de la publicisation du discours des

3.5 La révolution de 2011 : Mutation et publicisation du discours caché et des formes

3.5.1 Les formes de matérialisation et d’explication sociopolitiques de la publicisation du discours des

Comme nous nous en rappellerons aisément, dans le cadre conceptuel d’Antonio Gramsci présenté précédemment, ce dernier a créé une analyse de l’Etat en le divisant en société civile (syndicats, écoles, aujourd’hui OSC, asbl,…), animée par la sphère de l’hégémonie culturelle, et société politique (Etat, institutions, police, armée,…), animée par la sphère de la coercition.

Dans le contexte de la Tunisie et plus spécifiquement dans celui des acteurs associatifs belgo-tunisiens, le fond de l’hypothèse que nous proposons dans ce mémoire, consiste en l’idée que la modification du curseur d’intensité de la sphère coercitive de l’Etat tunisien a impliqué et implique toujours un changement d’orientation des discours et des positions dans la sphère de l’hégémonie culturelle et de la société civile (belgo-tunisienne). D’une part, l’augmentation et la floraison des pratiques associatives et transnationales, en particulier les pratiques socio-culturelles et politiques. C’est ce phénomène et ce processus que nous allons détailler dans ce chapitre.

D’une autre part, la modification du rapport (politique, juridique,…) entre cette société civile et l’Etat tunisien, ainsi que la modification du fonctionnement, des rôles, de l’accès à la participation et finalement, des acteurs clés de l’arène citoyenne et associative dans laquelle les Tunisiens de Belgique prennent place. Ces éléments seront abordés et détaillés, dans la limite des pages imposées, dans la prochaine et dernière partie de ce mémoire.

Il est utile de se rappeler que, sauf erreur de notre part, la méfiance envers les associations fut constante tant de la période qui va de la loi le Chapelier (1791) aux lois du début du 20eme siècle

concernant le tiers secteur dans nos régions, que dans celle qui couvre le régime de Ben Ali (de 1987 à 2011), en Tunisie. Une méfiance principalement due à « la proximité sociale et la sociabilité construites dans la vie quotidienne par les membres des associations, qui apparaissaient et apparaissent parfois encore comme dangereuses et mettant en péril l’ordre de la puissance publique » (Eme, 2010, p. 33). Une méfiance, souvent accompagnée d’une répression avant 2011 en Tunisie, car les associations représentent au final la possibilité d’un espace public qui ne se voit pas enfermé dans le système représentatif mais également, comme nous l’avons à plusieurs fois présenté dans ce mémoire, la division démocratique entre l’Etat et la société, tout en y introduisant une tension critique et délibérative.

Les faits et les sources que nous avons présenté en introduction de ce mémoire, l’étude de Gsir et Mescoli (Gsir, Mescoli ; pp. 6-50) ainsi que les nombreux témoignages recueillis pour la bonne réalisation ce mémoire, renseignent qu’avant 2011, une société civile active existait en Tunisie et en Belgique, et donc également des associations. Toutefois, ces associations (en Belgique, principalement sous forme d’amicales du parti «RCD» ou d’associations de loisir) devaient se soumettre aux règles du régime de Ben Ali et dans le cas contraire, leurs membres pouvaient être sévèrement réprimés (voir Annexes 3.2 Abdelkader, enregistrement du 19 juin 2016 ; 3.3 Samira, enregistrement du 19 juin 2016 ; 3.4 Bilal, enregistrement du 19 juin 2016 ; 3.5 Majid, enregistrement du 5 février 2016). A titre d’exemple, certaines associations acceptaient de faire allégeance au régime pour pouvoir « survivre » sans ennui. Depuis 2011 et la révolution, comme nous l’avons démontré dans ce mémoire, on observe un foisonnement associatif assez spectaculaire, en Tunisie, mais également en Belgique et l’engagement des belgo-tunisiens s’exprime donc majoritairement à travers le monde associatif. Ce serait donc la fin du régime autoritaire et la perception d’une liberté d’expression retrouvée qui aurait déclenché un dynamisme dans la société civile tunisienne en Tunisie et en Belgique. Ces observations sont en cohérence avec la description d’une culture civique démocratique (optimale) que fait Inglehart (Inglehart, Welzel, 2005). Dans la synthèse de son œuvre et dans son modèle d’analyse, la centralité des valeurs d’expression de soi et les aspirations à la liberté (d’expression) est la variable la plus élevée. Elle surplombe (en ordre croissant) des « valeurs » civiques comme la confiance en les institutions (l’approche de la légitimité : Easton,…), l’obéissance à la norme, la confiance interpersonnelle et l’engagement associatif (l’approche communautaire de Putnam), ou encore les préférences de la démocratie par rapport à l’autoritarisme, la tolérance des minorités, et la critique du pouvoir… ; les premières variables fondatrices de sa propre « approche du développement humain » (voir tableau en annexe 2.).

Néanmoins, les spécialistes de la Tunisie et les acteurs belgo-tunisiens eux-mêmes nous en voudraient, à raison, de résumer, stricto sensu, la situation actuelle des associations des Tunisiens de Belgique

comme une situation tombée du ciel instantanément après décembre 2010 et résultant uniquement et naturellement du simple fait du statut socioéconomique élevé d’une part importante des (belgo)tunisiens et de la présence des valeurs post-matérialistes détaillées ci-dessus dans la société tunisienne (urbaine) et belge.

Il s’agit bel et bien d’un processus politique, émancipateur et contestataire qui renseigne que la « société civile (belgo) tunisienne » n’est pas arrivée de nulle part et était aussi présente pendant la dictature même si ses actions étaient contrôlées, réprimées et souvent « inefficaces ». D’autant plus que, d’après Gsir et Mescoli (Gsir, Mescoli, 2015 ; p. 32) ainsi que selon certains interviewés, sous le régime de Ben Ali, l’opposition ne pouvait être exercée qu’à l’étranger et dans le cadre d’associations (qu’elles aient été subordonnées au régime ou que les membres tunisiens aient choisi d’œuvrer dans d’autres associations non tunisiennes) et non de partis. C’est le cas d’anciens militants rencontrés (devenus leaders au sein de leur association ou personnalité dans le monde associatif belgo-tunisien aujourd’hui) qui se sont engagés toute leur vie dans des syndicats belges, dans des ONG ou institutions internationales du type d’Amnesty International ou de la Ligue des droits de l’homme, dans des réseaux d’associations belges ou belgo-marocaines, etc. Tant la diversité des parcours migratoires que les motivations à l’engagement des Tunisiens de Belgique que nous avons présentés tout au long de ce mémoire montrent l’importante de la présence des motivations d’ordre politique. Des étudiants tunisiens migraient souvent en raison de leurs activités politiques (au sein par exemple du mouvement d’extrême gauche « Perspectives Tunisiennes Amel Tounsi »25, dans des partis d’opposition au régime tels qu’ « Ennahdha » ou des mouvances d’extrême gauche ou marxistes, de leurs activités syndicales, etc. Certains membres d’associations militaient aussi dans des partis politiques, tels que le Parti des travailleurs, « Ennahdha » ou le parti communiste des ouvriers de Tunisie, « opposants » du régime autoritaire.

Après plus d’un an et demi de réflexion et d’observation sur le sujet, nous formulons l’idée que c’est précisément l’ensemble de ces initiatives et dynamiques « clandestines » ou cachées, qui représentent les pièces du rouage qui ont accéléré et contribué à lancer le changement sociopolitique de régime et l’actuelle mise en place d’un nouveau modèle de société et d’interaction sociopolitique et personnelle avec la Tunisie pour les Tunisien(ne)s de Belgique rencontré(e)s. Ce processus valait aussi bien pour la simple discussion et contestation informelle dans un café ou au sein de la famille, que pour les passés contestataires et d’opposition de certains militants (belgo) tunisiens,

Des auteurs comme Bennani-Chraïbi, Fillieule (Bennani-Chraïbi, Fillieule, 2012), Ben Nefissa (Ben Nefissa, 2011 ; pp. 5-24) ou encore Ben Lamine (Ben Lamine, 2013) nous confirme qu’il y avait des

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Du nom de la revue publiée en France et diffusée clandestinement en Tunisie par un groupe d’étudiants (Gsir, Mescoli, 2015 ; p.12)

associations en Tunisie avant janvier 2011, mais pas de société civile, c’est-à-dire un véritable espace public où les citoyens pouvaient s’associer ou s’exprimer librement. Les éléments empiriques présentés et le présent mémoire en général ont confirmé qu’on observait une situation similaire en ce qui concerne les Tunisiens de Belgique. En effet, durant l’ère Ben Ali, les associations étaient utilisées par le régime comme un instrument de clientélisme et de contrôle social. De ce fait, la relative importance accordée au secteur associatif permettait aussi bien de jouir d’une bonne image sur la scène internationale que, via certains des mécanismes que nous avons décrits, de contrôler les citoyens à l’intérieur du pays et des pays d’accueil de la diaspora.

Selon le rapport du PNUD sur la société civile tunisienne datant de 201426, l’ancien régime a favorisé l’activité de quelques 9700 associations, essentiellement artistiques, culturelles et sportives. Cependant, « il est important de souligner qu’un très grand nombre d’entre elles n’étaient que des coquilles vides au service de l’image du régime. Inféodées au pouvoir, la majorité de ces associations se contentaient de jouer le rôle qui leur était assigné, profitant des largesses du parti dirigeant, elles mobilisaient, en guise de contrepartie, leurs adhérents aux grandes manifestations du régime ». Au lendemain de la révolution, tant en Tunisie qu’en Belgique, le tissu associatif s’est vu investi d’une conscience collective nouvelle et a connu une véritable mutation, en créant notamment des dizaines de comités et d’associations.

Selon nous, mais aussi selon un grand nombre d’intervenants rencontrés, si l’on est convaincu que le monde associatif belgo-tunisien représente et peut représenter à l’avenir, une force de contre-pouvoir importante, l’idée de « société civile » ne peut évoquer une possible démocratisation que si l’espace public est lui-même libéré, c’est-à-dire si les associations de services et de loisirs y ont accès librement, et s’il existe, en plus de ces dernières, des organisations de plaidoyer actives et réellement influentes.

Nous avons tenté de démontrer qu’avec la révolution et les changements sociopolitiques qui ont suivi, les Tunisiens de Belgique sont à présent convaincus qu’ils peuvent influer sur les affaires publiques et politiques qui les concernent et qui concernent la Tunisie. Comme nous l’avons également démontré, cet engagement à distance est d’autant plus fort maintenant que pour certains, il était impossible de s’engager librement et publiquement plus tôt.

La singularité et la pluralité des pratiques citoyennes transnationales et des formes d’engagement associatives des Tunisien(ne)s de Belgique sont donc à mettre en lien avec les changements inclus par la révolution tunisienne et la rupture avec des années de politiques fortement répressives à l’égard des citoyens et de leurs libertés.

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METOUI Mokhtar, MAINSI Ahmed, GAFSI Henda, MALENA Carmen, 2014, « La société civile dans une Tunisie en pleine mutation », rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement, pp. 4-48.

L’ensemble des analyses et du raisonnement que nous avons présentés est à mettre en relation avec les théories de James Scott (Scott, 1992). Selon cet auteur et sa théorie des discours, une période et une relation donnée d’hégémonie cachent toujours des formes de résistance cachées ou « privées » en situation de subalternité.

Les dominants, par l’intermédiaire de leurs jeux entre véracité de leur discours public (« les images flatteuses que les élites produisent d’elles-mêmes » ; p. 32) et réalité cachée et subtile de leurs intérêts et discours cachés, exercent une domination de type sémantique, de contrôle et répressive, s’appuyant sur du néo-corporatisme ou en étant au sommet d’une pyramide de redistribution de biens et de privilèges. Les dominés, en retour, répondent, approuvent, ou subissent toute une série de mesures par l’intermédiaire de leur discours public (« public transcript ») et, selon leurs contextes et caractéristiques propres, établissent des stratégies de résistance (du plus infime des gestes et de la plus insignifiante des discussions à l’association clandestine ou interdite), par l’intermédiaire d’un discours caché (« hidden transcript »). Ces théories relativisent quelque peu la théorie classique de l’hégémonie gramscienne (ou encore bourdieusienne). Ces prises de position sont notamment basées sur le postulat que la population dominée intègre les normes dominantes des acteurs hégémoniques, notamment par l’intermédiaire de la société civile. Or, on peut se demander dans quelle mesure ce n’est pas l’ensemble de ce discours et de ces stratégies cachées qui alimente la résistance locale et contextualisée et qui émerge un jour comme une dynamique émancipatrice ou contestataire. Et Scott de confirmer « lorsque le « cordon sanitaire » entre les différents « textes » s’érode ou se rompt, la situation se fait explosive parce que l’arbitraire de la domination apparaît au grand jour et que la subordination des dominés se montre telle qu’elle est : une feinte » (p.240). Cette dimension, à notre sens, comme nous l’avons précédemment mentionné, est trop peu prise en compte par certains analystes ou acteurs de la « société civile ». Scott nous confirme d’ailleurs que la plus grande partie de la vie politique active des groupes dominés a souvent été ignorée parce qu’elle a lieu à un niveau qui est rarement reconnu comme politique » (Scott, 1192 ; p. 214). Paolo Freire, un autre auteur qui conforte notre réflexion, dans la « pédagogie des opprimés » (Freire, 1982), nous explique comment et combien un opprimé ou un individu subissant l’hégémonie, peut faire surgir un savoir et des compétences utiles à son émancipation. Une approche «qui fait de l’oppression et de ses causes un objet de réflexion des opprimés d’où résultera nécessairement leur engagement dans une lutte pour leur libération, à travers laquelle cette pédagogie s’exercera et se renouvellera.» (Ibidem ; p. 22). Le contexte et l’histoire de certains des acteurs associatifs présentés dans ce mémoire montrent bien que la floraison associative ainsi que la dynamique participative au processus de transition démocratique sont la conséquence du passage de l’insubordination voilée à une forme de révolte ouverte. Tout ce qui est compris par résistance infra-politique et ce qui à l’abri du regard des puissants, consistait auparavant en des propos, des gestes et des pratiques qui confirmaient, contredisaient ou infléchissaient, hors de l’arène publique et souvent en anonymat ou comité réduit, ce qui

transparaissait dans le texte public des anciens « dominés ». La « fausse complicité » ou l’adaptation aux normes du pouvoir, faute de pouvoir agir à l’encontre des dominants auxquelles fait référence Scott dans son œuvre, dans le cas de nos acteurs, pouvaient se manifester parmi certains comportements que nous avons décrit dans ce mémoire : couper tout contact avec la sphère citoyenne tunisienne officielle mais accumuler de la frustration ou de l’opposition cachée pendant des années, faire partie des amicales du parti tout en « rongeant son frein », s’engager dans d’autres associations internationales ou belges, etc. Les comportements d’aujourd’hui et certaines des pratiques que nous avons présentés dans cette étude seraient donc l’expression du discours dissident, subversif, anti-hégémonique et d'opposition, d’avant 2011.

3.6 Les facteurs de réussite ou d’entrave, les enjeux et les clivages qui conditionnent

la participation des associations des Belgo-Tunisien(ne)s au processus

démocratique en Tunisie

Comme nous l’avons introduit précédemment, les changements sociopolitiques décrits dans ce mémoire et les processus qui gravitent autour ont entraîné la modification du rapport (politique, juridique,…) entre le monde associatif et la communauté des Tunisiens de Belgique et les institutions de l’Etat tunisien, mais aussi la modification du fonctionnement, des rôles, de l’accès à la participation et finalement, des acteurs clés de l’arène citoyenne et associative dans laquelle les Tunisiens de Belgique prennent place. Ces deux postulats représentent les deux dernières parties de nos hypothèses et la partie finale de ce mémoire.

Comme nous le renseigne Eme (Eme, 2010 ; p. 29), le rapport socio-politique d’engagement que nous avons décrit précédemment est lui-même en contradiction avec des formes de sociabilité distinctes, qui se traduisent dans les formes d’engagement et pratiques associatives diverses des Belgo-Tunisiens que nous analysons dans cette partie. Des formes de sociabilité qui oscillent, notamment, entre socialisation de réciprocité entre les membres (rapports sociaux fondés sur l’échange, le don, la solidarité,…) et une socialisation qui implique des rapports sociaux de pouvoir fondés sur la contrainte et la conquête de la visibilité.

L’objectif est ici d’être fidèle à nos hypothèses et aux éléments empiriques qui se dégagent, tout en introduisant l’idée d’une « sociologie de la polarité des phénomènes associatifs » (Ibidem ; p. 30), qui éclaire les ambivalences constitutives des associations des Tunisiens de Belgique. En effet, les associations belgo-tunisiennes, mais les associations en général, sont animées par des tensions dynamiques qui leur sont propres et qui nous renseignent quelques fois sur l’occasionnelle fragilité de leur fonctionnement. Si notre deuxième hypothèse s’avère juste (« les contraintes des rapports de force, de pouvoir, et de domination, ainsi que les différences socio-économiques entre les individus influencent la typologie et les modalités d’engagement »), elle nous renseigne que le phénomène

associatif et les associations des Tunisiens de Belgique, avec leurs contextes et spécificités propres, semblent cristalliser les contradictions et les contraintes mêmes de notre vie sociale. De plus, via la révolution tunisienne, ces mêmes contradictions ouvriraient la porte à une polarité des espaces publics et l’émergence d’une discursivité publicisée. Certains des clivages et des enjeux qui conditionnent la participation des Tunisiens et Tunisiennes de Belgique à l’émergence de leur nouvelle citoyenneté à distance et à la transition démocratique en Tunisie que nous développons dans cette partie, sont issus de nos propres déductions et analyses mais sont fortement corrélés avec les témoignages et les propos de certains individus ainsi qu’avec les faits observés dans certaines des associations elles-mêmes. Ce sont d’ailleurs l’ensemble de ces phénomènes qui ont façonné nos hypothèses et l’analyse que nous tentons de proposer dans ce mémoire. Des clivages et des enjeux qui, comme nous nous en rappellerons, font écho aux problèmes directement identifiés par les acteurs, tant ceux ressortant directement des éléments empiriques et de nos propres interprétations que ceux que nous avons tirés d’éléments structurels et macro sociologiques d’analyse (Bajoit, Touraine, Cefaï,…).

3.6.1 Le « Bloc MAT » : Entre statut socio-économique, transmission intergénérationnelle et forte identité tunisienne

A notre sens, l’une des facettes (plus subtiles) du raisonnement de Scott, en accord avec les analyses de notre terrain d’étude, est qu’il peut ouvrir la porte à une part de réversibilité et de reproduction en ce qui concerne la publicisation du discours « privé » ou « caché » dans le contexte précis de l’influence des changements socio-politiques en Tunisie sur l’environnement de la participation

des associations des Tunisiens de Belgique. La question est ici d’analyser dans quelle mesure, dans le chef des associations et acteurs observé(e)s et dans le cadre de la redistribution de l’échiquier du pouvoir, des nouvelles publicités de l’action et des nouvelles interactions entre associations et membres de la société civile, on ne constaterait pas la présence des conditions de la survie ou de la reproduction de certaines des logiques inhérentes et caractéristiques de l’ancienne « société tunisienne » ou même de notre propre société. Ce raisonnement est confirmé par les témoignages des deux membres d’associations suivants : « Vous savez, on n’efface pas trente ans de dictature, dans les associations, comme ça, en un coup de baguette magique » ou encore «de plus, ce qui peut faire reculer certains et notamment les jeunes, c’est qu’il y a parfois un manque de libertés dans les associations. Il y a comme une transmission inconsciente du virus de la dictature et de la domination » (voir Annexe 3.22 Hossein, enregistrement du 20 avril 2016).

Comme nous l’avons présenté dans la première partie de ce mémoire, Hegel et Habermas à sa suite, posaient déjà la question de la légitimité des espaces publics, de leur représentation, ou de leur accaparement par un groupe plus ou moins restreint. Eme confirme notre intuition que « c’est à un conflit de légitimité dans la représentation civique des intérêts » (Eme, 2010 ; p. 34) que renvoient ainsi les associations des Tunisiens de Belgique et les associations en général. Un conflit de légitimité,

clair et affirmé, envers et contre le monopole de représentation des intérêts par le monde politique et