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CHAPITRE 4 : ANALYSE DES RÉSULTATS

4.3 L’IDENTIFICATION

4.3.2 L’identification par opposition

Une grande industrie de produits de mode vestimentaire entoure la pratique des sports extrêmes. Ces produits sont disponibles en boutiques spécialisées telles Empire Sports et accessibles à la population en général. Cela veut aussi dire que quelqu’un n’est pas nécessairement obligé de pratiquer la planche à roulettes ou à neige pour en arborer le style. Cependant, un dicton populaire stipule la pensée suivante : « l’habit ne fait pas le moine ». C’est en lien avec cette dite pensée que seront construits les paragraphes suivants.

Comme nous venons tout juste de le constater, les skaters et les riders accordent une importance particulière au style vestimentaire. Leur propre style est important en ce sens où il leur permet de s’auto-identifier en tant que skaters/riders. Les skaters et riders interviewés attribuent aussi une importance particulière au style des autres. Par exemple, lorsque certaines personnes ne correspondent pas aux deux critères énoncés plus haut (style vestimentaire et pratique du sport), il arrive qu’elles soient qualifiées de posers, ou de wannabes par les pratiquants de ces sports. Cette classification passe beaucoup par l’apparence car c’est ce qui est visible en premier, mais cela va beaucoup plus loin.

Si l’on reprend les termes en français, le sens premier qu’on y dénote est celui de la non-pratique. Les posers sont des gens qui prennent la pose, qui affichent un style particulier pour faire comme s’ils étaient des skaters ou des riders. Wannabe est, en fait, un synonyme. Ce sont des gens qui, dans leur apparence, veulent êtres identifiés aux skaters ou aux riders, mais à qui il manque un élément crucial, la pratique.

Ce que je trouve intéressant ici est que lorsque j’ai demandé à mes interviewés de me définir les critères nécessaires à l’identification d’un skater/rider, certains d’entre eux l’ont fait par opposition à un autre genre de personnes, soit les posers et wannabes. Voici quelques unes des définitions de ces termes que les participants à ma recherche m’ont proposées : « un terme qu’on entend parler depuis le début des temps c’est un poser tu sais, quelqu’un qui a tout le côté esthétique de la chose, mais le côté pratique il ne l’a pas pantoute » (V1 - 94-96);

« le poser, dans le temps, c’était le gars qui voulait s’identifier en tant que skater ou que snowboarder ou que personne qui fait du sport extrême, mais qui n’en fait pas. Fait que c’est le gars qui veut faire partie du mouvement mais qui n’embarque pas nécessairement au complet tu sais » (V7 - 282-285);

« quelqu’un dans le fond qui porterait du linge relié au skate, mais que dans le fond, tu sais… il n’en fait pas » (V10 - 258-260),

Le point central liant ces trois citations est l’idée du paraître jumelée à la non- pratique. De par leurs connaissances, les interviewés se sentent outillés pour définir ce qu’est un poser ou un wannabe, et surtout de ne pas s’identifier en tant que l’un d’eux : « Bien c’est sur qu’en pratiquant ce sport là régulièrement, c’est sûr que moi j’peux m’associer en tant que personne comme un skater ou un snowboarder » (V8 - 142-143). Cette personne s’identifie, par opposition, à une certaine catégorie de gens à laquelle elle ne veut pas être associée, les posers.

Attribuer le titre de poser à un individu peut certainement sembler péjoratif, mais est aussi une bonne façon d’affirmer sa place au sein d’une communauté de pratique. Répondant elle-même aux critères de pratique et de style, une personne sera non seulement en mesure de s’identifier comme membre d’une communauté, mais aussi d’identifier d’autres personnes comme des participants légitimes ou périphériques à la communauté. Dans ce cas, qualifier quelqu’un de poser est un moyen d’affirmer un statut situé pour soi et son entourage. La clé, ici, c’est la pratique et si quelqu’un ne possède pas cette partie de l’équation, même si elle s’auto identifie comme participant légitime, cette personne sera toujours en périphérie de la communauté car sa participation ne sera pas légitimée par les

membres actuels. La pratique prévaut toujours sur les autres facteurs car elle est le fondement même de la communauté.

On attribue le qualificatif de poser ou wannabe à un individu dans un but précis. Cela permet l’identification de quelqu’un à un style en particulier par opposition à ce dont on s’identifie personnellement. Les posers et wannabes sont caractérisés par leur apparence de skater/rider, mais aussi par leur manque de pratique des sports extrêmes. Les interviewés ont clairement stipulés qu’une telle personne préconise davantage le paraître que le développement de ses habiletés techniques en sports extrêmes. Comme il s’agit ici de communautés qui, par définition, sont formées par des gens ayant en commun la pratique d’une activité, un poser ne pourra accéder à cette communauté. En respect du concept de participation périphérique légitime de Lave et Wenger (1991), les posers sont condamnés à la périphérie. Comme un statut de participant légitime s’acquiert par une implication pratique et comme il est authentifié, en partie, par les membres déjà légitimés de la communauté, un individu arborant un style spécifique, mais omettant de présenter le critère principal d’admission dans la communauté n’y aura jamais sa place.