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Chapitre I : Synthèse bibliographique

VI. L’hydroxyapatite silicatée

Le terme « hydroxyapatite silicatée » signifie que le silicium est incorporé dans la structure de l’hydroxyapatite. Le silicium Si représente 0,05 % de la masse corporelle. C’est un élément essentiel à la solidité des tissus durs de l’organisme. Grâce à sa bioactivité [130,131], son implication lors du processus de minéralisation [132] et son habilité à favoriser la prolifération et la différenciation des cellules ostéoblastiques [133,134], le silicium a suscité beaucoup d’intérêt dans le domaine de la recherche en chirurgie réparatrice.

Ils existent plusieurs travaux qui ont traité le dopage des phosphates de calcium avec l’élément silicium afin d’améliorer davantage leurs propriétés biologiques.

La substitution des ions phosphates PO43- par les ions silicates SiO44-, dans la structure de l’hydroxyapatite, engendre un déséquilibre de charge, causé par la différence de valence entre ces deux groupements. Afin de conserver la neutralité de la structure cristalline, ce déséquilibre est compensé par la création de défauts ioniques. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour décrire cette substitution. Cependant, le modèle retenu par la plupart des auteurs est celui qui a été proposé par I.R. Gibson [135]:

Ca10(PO4)6-x(SiO4)x(OH)2-x □x avec 0 ≤ x ≤ 2

Ce modèle prévoit la conservation de l’électroneutralité de la structure apatitique par la création de lacunes, notées (□), sur les sites hydroxydes OH-. Selon ce modèle, le nombre théorique de silicate pouvant être introduit dans la maille est de deux; ce qui correspond à un taux massique de silicium de 5,82%. Le composé qui en résulte est appelé silicocarnotite: Ca10(PO4)4(SiO4)2.

VI.1. Conception des biocéramiques d’hydroxyapatite silicatée

L’élaboration d’une céramique passe par trois étapes principales : la synthèse de poudre, la mise en forme et la consolidation par frittage.

VI.1.1. Synthèse des poudres

Plusieurs approches expérimentales ont été adoptées pour synthétiser l’hydroxyapatite silicatée, à savoir, le procédé sol-gel, la synthèse par réaction à l’état solide, la synthèse par

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précipitation aqueuse et la synthèse hydrothermale. Selon la méthode utilisée, on obtient des apatites de morphologies, de stœchiométries et de degrés de cristallinité variés.

La synthèse de l’hydroxyapatite silicatée par sol-gel consiste en la réalisation d’une hydrolyse du tétraéthylorthosilicate TEOS en présence d’une suspension alcoolique d’hydroxyapatite stœchiométrique, pour former un oligomère qui va subir une maturation pour se transformer en sol polymérique. Ce dernier subit un traitement thermique à faible température (300- 400°C) pour donner lieu à la formation d’un gel amorphe, puis une apatite bien cristallisée [136]. Le produit de cette réaction nécessite une calcination afin d’éliminer les composés organiques volatils. La synthèse de l’hydroxyapatite silicatée par sol-gel, dépend fortement de la durée de maturation et de la température de calcination. Cette méthode ne permet pas l’obtention d’apatites monophasées, puisque, à côté de l’hydroxyapatite silicatée, des phosphates tricalciques béta et alpha (Ca3(PO4)2) sont aussi observés sur les spectres de diffraction des rayons X. L’hydroxyapatite silicatée synthétisée par sol-gel possède un degré de cristallinité élevé et une grande homogénéité. Cependant, cette technique reste couteuse et nécessite de longues durées de maturation.

La synthèse d’apatites silicatées par réaction solide – solide, est réalisée par le moyen d’un traitement thermique à haute température, d’un mélange homogène de pyrophosphate de calcium Ca2P2O7 et de carbonate de calcium CaCO3 avec la silice SiO2 [137,138]. Le mélange de réactifs est calciné sous air à 900°C pendant 2 heures, suivi d’un traitement thermique à 1100°C pendant 72 heures. Cette méthode permet l’élaboration de l’oxy-hydroxyapatite silicatée monophasée contenant 0,9% massique de silicium (x = 0,33 mol), avec absence de toutes phases secondaires. Cette technique reste aussi couteûse.

La synthèse par précipitation constitue la méthode la plus simple et la plus utilisée pour l’élaboration de grandes quantités d’hydroxyapatite silicatée. Cette technique se base sur la précipitation de l’hydroxyapatite silicatée sous des conditions opératoires de température (T=25-100°C) et de pH bien contrôlés. La précipitation est réalisée par ajout d’une solution de précurseur de phosphate / silicate dans une solution aqueuse contenant un précurseur de calcium.

La durée de la réaction varie de quelques minutes à plusieurs heures. Les principaux précurseurs de silicium utilisés dans cette voie de synthèse sont le tétraacétate de silicium Si(OCOCH3)4 ou le tétraéthylorthosilicate Si(OC2H5)4. L’hydroxyapatite silicatée précipitée par cette méthode ne présente qu’une phase cristalline de structure apatitique mal cristallisée,

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le plus souvent non-stœchiométrique (déficitaire en calcium), de taille et de morphologie de particules non homogène.

La synthèse hydrothermale de l’hydroxyapatite silicatée consiste en la précipitation d’un phosphate de calcium en présence de tétraéthylorthosilicate (TEOS), sous des conditions de température (90 à 200 °C) et de pression élevées (>1atm). Elle est réalisée en milieu basique, dans un système fermé, tel qu’un autoclave. Le mélange est maintenu à une température constante pendant plusieurs heures.

A faible concentration en silicium, cette méthode permet l’obtention de poudres d’hydroxyapatite silicatée monophasée, fines, homogènes et bien cristallisées, avec un rapport Ca/P+Si très bien contrôlé. Les dimensions des grains ainsi que le degré de cristallinité de l’hydroxyapatite silicatée dépendent de la température et de la durée de chauffage.

VI.1.2. Consolidation et frittage de l’hydroxyapatite silicatée

Afin d’être utilisée sous forme d’une pièce céramique, les poudres d’hydroxyapatite silicatée nécessitent une étape de consolidation. La consolidation de poudre sous forme d’une pièce céramique passe par deux étapes : la mise en forme de la poudre sous forme d’un matériau monolithique, suivie d’une densification pour obtenir un matériau dense (porosité <5%). La mise en forme est réalisée par compactage dans un moule, sous l’effet d’une pression, et la densification est réalisée par frittage à des températures élevées, inférieures aux températures de fusion des substances à fritter. Le principal but du frittage est d’atteindre les meilleures propriétés mécaniques par élimination des pores. Chaque pore constitue une source d’initiation, pour la formation et la propagation d’une fissure, conduisant à la rupture totale du matériau céramique. Lors du frittage, l’apport d’énergie thermique externe déclenche un phénomène de glissement et de réorganisation des grains, ce qui conduit à la fermeture des pores ouverts, la réduction de la porosité fermée, l’accroissement des liaisons entre les grains et la formation de joints de grains.

Le frittage est réalisé à une vitesse de chauffage (égale à la vitesse de refroidissement) de l’ordre de 100°C/heure, avec un maintien de la température à une valeur constante, pendant quelques heures. La qualité du produit fritté dépend de sa stabilité thermique, de sa surface spécifique, de la finesse et de l’homogénéité de la poudre, de la morphologie des grains et de leur distribution de taille, de la vitesse de chauffage ainsi que de la température et de l’atmosphère de frittage [69,139-141]. Pour obtenir une structure finale entièrement frittée, il est nécessaire que les changements de phase ne se produisent pas pendant le chauffage [139].

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Les effets du silicium sur la densification et la microdureté des apatites silicatées ont été déjà étudiés [93, 142].

Selon certains auteurs, le silicium inhibe la densification de l’hydroxyapatite. En effet, l’hydroxyapatite silicatée commence à se décomposer en phosphate tricalcique alpha et en silicocarnotite, avant sa densification totale [143-146]:

(Le détail de ces changements de phase sera discuté dans le troisième chapitre)

Ca10(PO4)6-x(SiO4)x(OH)2-x 1100 ºC (1-x/2) Ca10(PO4)6(OH)2 + x Ca3(PO4)2+ x Ca2SiO4 Le taux de conversion augmente en fonction de la teneur en silicium. La densification de poudres dont la teneur est élevée en silicium (environ 3,76% massique de silicium, x = 1,3 mol) est limitée à 80% de la densité théorique de l’hydroxyapatite. Étant donné que les propriétés mécaniques de l’hydroxyapatite frittée dépendent essentiellement de son taux de densification, l’introduction du silicium aura une influence significative sur la détérioration de ses résistances mécaniques. Un frittage SPS (Spark Plasma Sintering) a été aussi appliqué pour la densification des poudres d’hydroxyapatite silicatée [147]. Ce dernier a permis d’atteindre des taux de densification de l’ordre de 94 - 96% de la densité théorique de l’hydroxyapatite pour des pourcentages massiques en silicium compris entre 1 et 5%. La consolidation de l’hydroxyapatite silicatée est aussi possible par pressage à haute température ou bien par pressage isostatique à haute température. Ces deux types de procédé permettent une bonne densification à des températures plus faibles (inférieures à 900°C) et cela tout en évitant la formation de phases secondaires tel que β-TCP ou bien la TTCP. Cependant ces deux techniques restent très coûteuses et ne permettent pas la préparation de produits de grandes dimensions.

VI.2. Renforcement de l’hydroxyapatite et de l’hydroxyapatite silicatée

Les travaux de recherches ont permis de discuter le mécanisme de la formation de l’hydrxyapatite, de l’hydroxyapatite silicatée et de comprendre leurs propriétés physico- chimiques, mécaniques et biologiques, ainsi que leurs comportements thermiques. Il est clair que le problème majeur qui s’oppose aux applications biomédicales de l’hydrxyapatite et de l’hydroxyapatite silicatée, réside essentiellement au niveau de leurs faibles résistances à la flexion et de leurs faibles ténacités.

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La solution la plus adéquate pour la résolution de ce problème est l’usage d’agent de renfort. Ce dernier aura comme fonction d’inhiber le mécanisme de propagation de fissures à travers la pièce céramique.

La propagation des fissures au niveau des céramiques, se manifeste à travers les joints de grains et le long des plans cristallographiques. La qualité du renforcement dépend énormément des propriétés mécaniques du matériau de renfort, de ces capacités à former des ponts entre les grains, de son aptitude à dévier la trajectoire de la fissure, de ses pouvoirs à absorber le maximum d’énergie pendant la contrainte mécanique et de son habilité à redistribuer la tension mécanique sur la totalité de la matrice [148].

Beaucoup de travaux de recherches ont étudié le renfort de l’hydroxyapatite par plusieurs matériaux appartenant à différentes familles et sous différentes formes (particules ou bien fibres).

Parmi les matériaux qui ont été étudiés pour le renfort de l’hydroxyapatite, on trouve: l’acier inox 316L [149], l’argent Ag [150], l’aluminure de nickel Ni3Al [151], la zircone ZrO2 [152,153], l’alumine Al2O3 [154-156], l'oxyde de titane TiO2 [157], les polymères (polyéthylène) [158,159] et les bio-verres [160].

Il ressort de ces travaux le constat que l’introduction d’un agent de renfort au niveau de l’hydroxyapatite n’a pas été sans conséquences. Une dégradation de l’hydroxyapatite par réaction avec l’agent de renfort et une apparition de phases secondaire (TCP), ont été observées. L’introduction d’un agent de renfort a conduit aussi à une faible densification (parfois 56% de la densité théorique de l’hydroxyapatite) ainsi qu’à la présence de microfissures sur les céramiques frittées, dues à la différence entre les coefficients de dilatation thermique [161-164].

L’obtention d’améliorations significatives des résistances mécaniques de l’hydroxyapatite a nécessité l’usage de fortes teneurs d’agent de renfort. Cependant, un usage de grandes teneurs de matériau de renfort, a entrainé aussi une perte des avantages de biocompatibilité de la matrice apatitique, ce qui pourrait modifier la réponse biologique du composite de manière significative par rapport à celle de l’hydroxyapatite.

Un matériau de renfort idéal est celui qui possède la capacité d’améliorer les propriétés mécaniques de l’hydroxyapatite, tout en conservant son intégrité structurale et ses propriétés biologiques. Les nanotubes de carbone possèdent une rigidité et une résistance mécanique très

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élevées [165]. L’association de ces propriétés exceptionnelles à leur faible taille, suggère que les nanotubes de carbone possèdent un grand potentiel pour le renforcement des céramiques à base d’hydroxyapatite et d’hydroxyapatite silicatée, sans diminuer leur biocompatibilité.