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Les liens entre les revendications trans’ et les revendications homosexuelles ont aussi à voir avec le féminisme, qui constitue de plus en plus, dans les discours militants trans’, un héritage affirmé sous forme de réappropriation. Pour les trans’, il s’agit de trouver des concepts et des appuis théoriques qui leur permettent de constituer et d’asseoir leur discours politique, mais aussi s’inscrire dans une histoire qui contribue à donner de la légitimité à leur lutte.

S’inscrire dans la « controverse des sexes »

Geneviève Fraisse nomme « controverse des sexes »116 le débat sur l’égalité entre les sexes : un débat qui oppose arguments naturalistes et arguments constructivistes, qui se poursuit dans le temps et s’incarne dans des étapes concrètes de l’évolution des rapports entre les hommes et les femmes et de la place de ces dernières dans la société. Juliette Rennes reprend à son compte cette notion de controverse : dans Le Mérite et la nature117, elle en analyse un moment, celui de l’accès des femmes aux professions à diplômes (le barreau, la médecine, la magistrature) entre 1880 et 1940. En étudiant cette période historique, elle met en lumière l’homogénéité des répertoires argumentatifs, mais surtout, leur non- renouvellement : elle montre que les catégories cognitives évoluent peu, et qu’à chaque nouvelle étape de la controverse des sexes, les mêmes discours et les mêmes représentations sont mobilisés pour contrer l’accès des femmes aux privilèges masculins – bien que le vocabulaire se modifie, et que certaines conceptualisations soient abandonnées ou remplacées par d’autres. Ainsi, le registre de « l’éternel féminin », dans lequel Juliette Rennes voit « une façon de

préserver une vision traditionnelle de l’ordre des sexes »118

fait partie des arguments mobilisés au début du XXème siècle dans le débat sur l’accès des femmes à la médecine et au barreau. Francine Muel-Dreyfus montre que ce même

116 La Controverse des sexes, Paris, PUF, 2001.

117 Juliette Rennes, Le Mérite et la nature. Une controverse républicaine, l’accès des femmes aux

professions de prestige, 1880-1940, Paris, Fayard, « L’espace du politique », 2007.

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166 registre fut mobilisé à nouveau sous le régime du Maréchal Pétain pour encourager les femmes à rester au foyer119.

Quel rapport entre une telle controverse, représentant la lutte féministe pour l’égalité, et la question des droits des trans’ ? Maud-Yeuse Thomas, militante trans’ (co-fondatrice de l’association « Sans Contrefaçon » de Marseille) reprend le terme de controverse pour qualifier le débat sur la psychiatrisation des trans’120

. Elle revendique ainsi explicitement non seulement un héritage féministe (« La

lecture conjointe du féminisme et du queer constitue aujourd’hui une révolution brisant le mythe du réel binaire naturaliste et universaliste »121), mais aussi une inscription de la lutte pour les droits des trans’ dans la controverse des sexes, c'est-à-dire dans le mouvement féministe pour l’égalité. Ce qui est une manière d’affirmer que la question des trans’ n’est pas un phénomène à part, marginal. Il concerne directement le féminisme et la société puisqu’il représente un moment de l’évolution des rapports entre les sexes et de la déconstruction de l’essentialisme. Les répertoires argumentatifs mobilisés dans le débat sur la psychiatrisation – qui oppose d’un côté les associations trans’ et certains collectifs et associations LGBT* (comme Act Up, Les Panthères Roses, Le Mag pour ne citer que des associations parisiennes), et de l’autre les psychiatres, largement relayés par les media (presse écrite, télévision, radio) et certains essayistes – ont effectivement à voir avec ceux en présence dans d’autres polémiques passées telles que l’accès des femmes aux professions à diplôme, mais aussi le droit à l’avortement, le droit au mariage des couples de même sexe, par exemple. A chaque fois, s’opposent un discours naturaliste ou essentialiste et un discours constructiviste, et l’on retrouve la notion d’interdiscursivité utilisée par Juliette Rennes et définie comme « une « propriété constitutive de tout discours » qui

consiste à porter les traces multiformes d’autres discours »122

. Autrement dit, tout discours est porteur du discours opposé et ne peut être compris pour lui-même. Le discours essentialiste des psychiatres est une réaction à la demande de modifications corporelles des trans’, et le discours des militants trans’, une

119 Francine Muel-Dreyfus, Vichy et l’éternel féminin. Contribution à une sociologie politique de

l’ordre des corps, Paris, Seuil, 2006.

120

Maud-Yeuse Thomas, « La Controverse trans », Mouvements, 2005. [En ligne] :

http://www.mouvements.info/spip.php?article174.

121 Ibid.

122 Juliette Rennes, op. cit., p.17. L’auteure utilise la notion d’interdiscursivité telle que définie par

167 réaction au discours des psychiatres. Maud-Yeuse Thomas, tout comme Tom Reucher123, déconstruisent les arguments ces derniers.

On peut trouver d’autres signes de l’inscription volontaire des revendications trans’ dans un héritage et une continuité du mouvement féministe. Outre la notion de controverse124 utilisée par Maud-Yeuse Thomas, et les liens qu’elle tisse dans son article entre le débat concernant les trans et les questions de genre et questions féministes (citant Beauvoir, par exemple), le registre de l’expertise et de la performativité politique est prégnant dans le discours des militants trans’. Ce registre, qu’on pourrait résumer par la formule « mon corps m’appartient, ma parole m’appartient », a constitué une dimension fondamentale du féminisme des années 1970. On le trouve dans l’article de Tom Reucher sur l’expertise trans’ : « C’est nous les experts de ce que nous sommes. Qui peut mieux que nous dire ce

que nous vivons ? En quoi peuvent-ils [les psychiatres] dire mieux que nous ce qui est bien pour nous ? »125. Ce registre rejoint celui du « selhelp », la volonté de s’émanciper du pouvoir médical, ce qui constitua également un enjeu pour les féministes. Le film « A notre santé » de Dominique Barbier, Josiane Joüet et Louise Vandelac (1977) prend pour thème central les Rencontres internationales des Centres de santé pour femmes, qui rassemblèrent quelques centaines de femmes à Rome en juin 1977. L’objectif de ces rencontres était l’apprentissage collectif de pratiques d’ « auto-santé », la réappropriation du contrôle sur le corps, la sexualité, la maternité. Un autre exemple est la rédaction en 2007 d’un manifeste trans’, intitulé « Manifeste Trans : notre corps nous appartient », sur le modèle du manifeste des 343 de 1971126. Le dernier paragraphe explicite clairement le lien avec les revendications féministes : « Nous, féministes,

signataires du Manifeste des 343, universitaires, militant-es associatifs et politiques, personnalités publiques, soutenons sans réserve les revendications des personnes trans parce que, comme les femmes il y a quelques années, nous ne pouvons plus cautionner cette mainmise de l'État sur leurs corps. » L’article en

ligne sur Internet comporte un lien direct au manifeste des 343.

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Tom Reucher, « Quand les trans’ deviennent experts. Le devenir trans’ de l’expertise »,

Multitudes, n°20, printemps 2005, p. 159-164. [en ligne] : http://multitudes.samizdat.net/spip.php?article1921.

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Il convient de préciser que cette notion de controverse n’est pas l’apanage du féminisme. C’est une notion pratique de l’approche pragmatique, notamment mise en avant par Luc Boltanski (De la

justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991 ; avec Laurent Thévenot).

125 Ibid. 126

168 Cette inscription dans une continuité des luttes féministes a deux intérêts pour le jeune mouvement trans’ : tout d’abord, le mouvement féministe constitue un répertoire de concepts et de pratiques qu’il est possible de se réapproprier. La rédaction d’un manifeste trans’ en témoigne. Les personnes militantes ayant participé à l’enquête, on l’a vu, se disent féministes, et s’appuient sur la lecture d’ouvrages féministes pour construire leur réflexion politique : Elena Gianini Beloti, Audre Lorde, Judith Butler, etc. Lors d’une conférence à la maison populaire de Montreuil regroupant des militants trans’ (à la tribune comme dans la salle), Monique Wittig fut plusieurs fois citée en tant référence conceptuelle127. Mais au-delà de la nécessité de mobiliser des outils de réflexion et d’action, l’idée de la lutte des trans’ pour leurs droits (et notamment leur droit de n’être plus psychiatrisés) comme constituant une étape supplémentaire de la « controverse des sexes », revêt un intérêt de légitimation. Il s’agit pour les trans’, tout en revendiquant la spécificité de leurs revendications, de ne pas s’isoler politiquement. L’égalité entre les sexes est aujourd’hui un sujet largement débattu et valorisé dans le discours politique et l’opinion commune ; si le terme « féministe », quant à lui, n’a pas bonne presse, il est de moins en moins toléré dans nos sociétés de tenir un discours anti-égalitaire. Lorsqu’on lit les ouvrages de Colette Chiland, on comprend l’enjeu d’une telle inscription dans le féminisme. Elle-même s’en revendique, mais affirme que les trans’, par définition, nuisent à la lutte contre le sexisme : « Il n’est pas question qu’un transsexuel mâle soit féministe, il ne peut que se conformer d’une manière caricaturale aux stéréotypes sociaux » [Chiland, 1997 ; 66]. Aussi, placer les revendications trans’ dans une étape supplémentaire de la controverse sur cette égalité entre les sexes recouvre l’enjeu de faire advenir la question trans’ comme sujet de débat public légitime, et plus encore, de faire reconnaître les discriminations dont sont victimes les trans’. Dans une société qui prône l’égalité entre tous, une société du « sans distinction

de », pour reprendre l’expression de Juliette Rennes128, l’objectif de la lutte

sociale trans’ est de souligner le fait que la psychiatrisation des trans’ représente une contradiction avec cette dimension égalitaire. C'est-à-dire faire valoir que ni le

127 Conférence du 5 décembre 2007, « Monde médical et construction des normes », dans le cadre

du séminaire Genre : normes et transgression organisé par la maison populaire de Montreuil ; en présence de Vincent He-Say (co-fondateur du GAT et de la radio Bistouri-oui-oui), Andrea Linhares (psychanalyste), Valérie Marange (philosophe) et Tom Reucher (psychologue clinicien). Voir le site : http://www.maisonpop.fr.

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169 genre, ni le sexe, ni la manière dont un individu articule sexe et genre, ne peuvent constituer des motifs de discrimination.

Féminisme et théories queer

Cependant, si le mouvement féministe, ses concepts et ses pratiques constituent des outils pour les militants trans’, ils peuvent aussi représenter dans une certaine mesure un obstacle. Le lien entre la controverse des sexes et la controverse trans’, ou entre le féminisme et l’activisme trans’, n’est en réalité pas si simple. D’abord parce que les trans’ ont à faire valoir leur légitimité au sein de la controverse des sexes auprès des féministes elles-mêmes. On a vu dans les entretiens que les exclusions de groupes féministes au moment de la transition n’étaient pas rares. Le principe de non-mixité sur lequel est basé une grande partie du mouvement féministe, et dont se réclament encore aujourd’hui un certains nombre de groupes féministes (lesbiennes ou non) confronte les féministes aux limites de leurs conceptions politiques : lorsqu’arrivent des personnes trans’ (FtM ou MtF), la question se pose de savoir comment il faut définir la non-mixité ? Sur quel fondement, du sexe ou du genre ? Faut-il accepter les FtM en vertu de leur sexe (féminin) ou les MtF en vertu de leur genre (femme) ? Ce sont les trans’ qui peu à peu obligent les féministes à s’interroger sur ce sujet : les exclusions de personnes trans’ à l’entrée de plusieurs lieux non-mixtes ont suscité la polémique et contraints les associations de femmes à prendre des décisions. L’association « Cineffable », organisatrice du Festival de films lesbiens et féministes de Paris, en donne un bon exemple : après discussions et débat, les organisatrices décident de fonder la non-mixité sur le genre en affirmant que « le genre peut s’envisager

comme un acte déclaratif. Toute personne désirant venir au festival et se considérant femme y a accès ». Les transsexuelles (MtF) sont donc acceptées,

« quel que soit (leur] degré de passage »129.

Dans les textes et théories féministes, on ne trouve nul évocation des trans’, jusque récemment et surtout grâce aux traductions d’ouvrages américains (Judith Butler, Teresa De Lauretis, Pat Califia). Il n’est donc pas toujours aisé pour les trans’ d’établir des liens entre les revendications féministes et les leurs. Pierre,

129 « La position de Cineffable sur le transsexualisme », texte paru dans le catalogue du 14ème

170 engagé dans une action et une réflexion féministe plusieurs années avant sa transition, évoque le fait que les concepts féministes lui ont permis de conceptualiser cette transition (notamment à travers la notion de réappropriation du corps) ; mais paradoxalement, une fois cette transition entamée, il s’estime « désemparé » car ces mêmes concepts et théories ne suffisent plus.

« Si t’es une fille féministe, t’as des outils aussi pour construire ta réflexion, pour construire des choses de solidarité, disons t’as des outils, t’as des livres, t’as des groupes…disons, y’a de la matière, quoi. Quand t’es un garçon trans’, tous ces trucs-là tu les as pas en fait. C’est un moment…c’est comme l’impression de…disons, qu’à un moment, il faut tout réinventer en fait. Tout réfléchir, tout…ouais. En même temps, voilà, c’est à un moment, d’être théoriquement et pratiquement très entouré de choses féministes et de se retrouver à un moment dans un néant parce que…parce que ton identité elle a changé…ton identité elle a changé, même si les réflexions, elles restent là, mais dans la pratique et dans la théorie, j’ai l’impression que c’est à nous…enfin, « nous »…disons, oui, c’est à nous, personnes tran’s qui sont issues de scènes féministes, on est quelques uns quand même, à un moment, d’essayer de trouver les outils, trouver de la réflexion, construire de la théorie…et heu…c’est vrai que c’est un peu…c’est un peu désemparant, c’est un peu…ouais, c’est…à un moment, on peut pas s’appuyer sur des acquis en fait. »

On retrouve ici la dimension d’invention (ou de ré-invention), d’improvisation que l’on a pu analyser en ce qui concerne la construction de l’identité. Le fait que Pierre se sente ainsi « désemparé » est un des éléments de la critique butlérienne du féminisme. En s’appuyant sur une identité collective de genre et de sexe (femme), c'est-à-dire en ne remettant pas en question l’amalgame sexe/genre, le féminisme reproduit et entretient la binarité homme/femme, masculin/féminin, ainsi qu’une « présomption d’homosexualité ». Ce qui revient à exclure tous les individus dont l’identité échappe à l’amalgame sexe/genre, ainsi que ceux dont la sexualité n’est pas hétérosexuelle. « La construction de la catégorie « femme »

comme un sujet cohérent et stable n’est-elle pas, à son insu, une régulation et une réification des rapports de genre ? Or une telle réification n’est-elle pas précisément contraire aux desseins féministes ? », interroge Butler [2005 ; 66].

En ce sens les trans’ militants qui se réapproprient les concepts féministes mettent en critique le féminisme, en soulignant ses apories et ses contradictions. Si le féminisme se donne pour objectif la dé-naturalisation des rapports de genre,

171 et la déconstruction du lien entre sexe et genre, il lui faut aussi s’interroger sur les implications des identités trans’.

Toutefois, on le voit dans le discours des trans’, il ne s’agit pas de dépasser le féminisme, encore moins d’y renoncer. Il est souvent question d’une distinction voire d’un conflit entre féminisme et théories queer, les secondes étant supposées se présenter comme un dépassement radical du premier. D’un autre côté certaines féministes reprochent au queer de nuire à la lutte pour l’égalité entre les sexes et contre la domination masculine. Les FtM en particulier, on l’a déjà évoqué, sont accusés de trahir la cause des femmes en accédant aux privilèges masculins. Pour Sheila Jeffreys, professeure de sciences politiques à l’université de Melbourne et auteure d’un ouvrage critique des théories queer130

, les pratiques et comportements masculins des personnes nées de sexe féminin, soutenus et théorisés par le queer, encouragent « le culte de la virilité et l’abandon de la lutte

féministe contre les rapports hiérarchiques de genre »131. Selon Jeffreys, « le

courant queer n’a jamais remis en question le système patriarcal »132

et il est pour cette raison fondamentalement « incompatible » avec le féminisme. Pourtant, les auteurs qui se revendiquent du queer, comme Judith Butler et Teresa de Lauretis, ne reconcent pas pour autant au féminisme ; le terme de féminisme est d’ailleurs présent dès le titre du premier ouvrage de Butler, qui ne veut pas choisir entre

queer et féminisme : Gender Trouble : Feminism and the subversion of identity.

Butler, parce qu’elle critique certains aspects du féminisme, s’est vu accusée de vouloir le déconstruire : pourtant, elle s’en revendique, et le « critique de

l’intérieur » [Fassin, in Butler, 2005 ; 8]. Le but de son ouvrage est non pas de

rejeter les théories et objectifs féministes, mais de tenter de « penser ensemble le

« féminisme » et la « subversion de l’identité » » [Fassin, in Butler, 2005 ; 8].

Une telle conception de l’incompatibilité entre féminisme et théories queer peut être analysée comme le maintient de représentations naturalistes, mais aussi comme la manifestation de la mise en danger de soi que provoquent les transitions, et dont on a déjà parlé : une mise en danger des catégories de sexe, de genre et de sexualité qui fondent la pensée, et qui, dans une certaine mesure, fondent aussi la pensée féministe. Or, une telle dichotomie entre féminisme et

130 Sheila Jeffreys, Unpacking Queer Politics, Cambridge UK, Polity Press, 2003.

131 Elaine Audet, « "Débander la théorie queer", un livre de Sheila Jeffreys », Sysiphe, 26 avril

2004. [en ligne] : http://sisyphe.org/spip.php?article1050.

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queer est discutable. Christelle Taraud remet en cause la distinction « entre un ‘bon’ et un ‘mauvais’ féminisme et entre des féministes défendant une certaine orthodoxie ‘pro-femme mais universaliste, franco-centrée, laïcarde et abolitionniste’ (…) et des ‘hétérodoxes’ de tous poils, ‘communautaristes’, ‘transgenres’, ‘pro-sexe’ »133

. Selon elle, la « subversion de l’identité » dont parle Butler traverse les courants et théories féministes, elle n’est pas neuve : le féminisme s’est construit sur les tensions et contradictions que produisent la nécessité de valoriser le sujet-femme et la volonté de déconstruire les rôles de sexe et l’amalgame sexe/genre. C’est le féminisme qui a conceptualisé la distinction entre sexe et genre, et la construction du sexe lui-même134. Le militantisme trans’ représenterait bien alors une nouvelle étape de ce mouvement théorique et politique.