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L’exigence de préavis limitée aux contrats à durée indéterminée

L’inadaptation du droit commun des contrats

Section 1 : Les insuffisances du droit commun des contrats

A. L’exigence de préavis limitée aux contrats à durée indéterminée

220. L’exigence d’un préavis de cessation n’est prévue en droit positif que pour les contrats de distribution à durée indéterminée (1). Il est écarté lorsque les parties ont stipulé un terme qui marque la fin du contrat (2).

1. L’obligation d’un préavis dans les contrats à durée indéterminée

221. Dans les contrats à durée indéterminée, chacune des parties dispose d’un droit de résiliation unilatérale qui ne peut produire ses effets immédiatement après son exercice. Un temps est en effet nécessaire entre l’annonce de la mise en œuvre de la résiliation et l’extinction du contrat. Le Code civil et le Code de commerce ne consacrent l’exigence de préavis de rupture que pour certains contrats472. Toutefois, la jurisprudence a soutenu pendant un temps, et de manière générale pour les contrats à durée indéterminée, que le droit de résiliation unilatérale ne pouvait être exercé que moyennant un préavis raisonnable. En particulier, dans un arrêt du 28 mars 1955, la Cour de cassation colombienne a affirmé que « lorsqu’il s’agit de contrats dans lesquels aucun terme n’a été stipulé, une partie ne peut mettre fin au contrat que moyennant un préavis donné à l’autre partie avec une anticipation raisonnable »473. Plus récemment, la Cour a affirmé qu’en l’absence d’obligation légale ou contractuelle de donner un préavis, cette exigence émane des devoirs de bonne foi, de loyauté et d’interdiction d’abus474.

222. Si le devoir de loyauté se révèle être un fondement adapté pour exiger un préavis dans les contrats à durée indéterminée, il nous semble que dans le domaine de la distribution, l’article 977 C. com. col. relatif au contrat de fourniture pourrait être appliqué par analogie aux contrats de distribution innommés. Cette dispose indique en effet que « Si la durée de la fourniture n’a

pas été stipulée, l’une ou l’autre partie peut mettre fin au contrat en donnant un préavis selon le délai convenu ou selon celui fixé par l’usage ou, à défaut, dans un délai en accord avec la nature de la fourniture ». La Cour suprême colombienne semble avoir effectué un premier pas

en ce sens dans un arrêt du 13 mai 2014475. En l’espèce, après avoir reconnu l’existence d’un contrat innommé476 en vue de la distribution de biens, la Cour a affirmé que compte tenu du

472 Par ex., pour le bail d’habitation (loi 820 de 2003, art. 5 et 6), contrat de transport (art. 1002 C. com.

col.), contrat de crédit (art. 1406 C. civ. col.), contrat de dépôt commercial (art. 1174 C. com. col.), contrat de fourniture (art. 977 C. com. col.), contrat d’hébergement (art. 1197, al. 4, C. civ. col.).

473 CSJ, chambre civile, 28 mars 1955, M.R. Alberto Zuleta Angel. G.J., LXXIX, n° 2150, p. 814 et s. 474 CSJ, chambre civile, 30 août 2011, M.R. William Nemen, nᵒ 11001-3103-012-1999-01957-0. 475 CSJ, chambre civile, 13 mai 2014, M.R. Margarita Cabello Blanco, n° SC5851-2014.

476 Le contrat de fourniture a été repris du Code civil italien. Il réglemente les relations entre un fournisseur

et un acquéreur de produits ou de services, par exemple le fabricant qui achète de la matière première à une autre entreprise. Cependant, le Code de commerce colombien n’a pas repris cette approche si restreinte et ne distingue pas la finalité de la fourniture. Il peut s’agir d’une fourniture de prestations ou de services entre entreprises situées au même ou à différents niveaux de la chaîne économique. On peut reprocher que la Cour fasse référence à un contrat innommé de fourniture en vue de la distribution lorsqu’en réalité, la loi ne fait aucune distinction à cet égard. La Cour a dû appliquer directement l’article 977 du C. com. col.,

fait qu’il n’existe pas de régime applicable à ce contrat et que le plus semblable est celui du contrat de fourniture (art. 968 C. com. col.), le tribunal d’instance aurait dû exiger un préavis raisonnable de cessation en appliquant par analogie la règle de l’article 977 C. com. col.

223. Cette règle pourrait donc être appliquée par analogie notamment aux contrats de concession et de franchise. Il en va ainsi parce que le préavis est exigé pour le contrat de fourniture en raison de sa nature de contrat à exécution successive dans lequel chacune des parties requiert un temps raisonnable pour trouver un autre partenaire qui supplée à la fonction exercée par son cocontractant. Ce sont des contrats de situation en ce sens qu’ils sont déterminants pour la vie d’une entreprise ou son niveau d’activité477. Le contractant exclu doit donc préparer la réorganisation de son activité pour mitiger autant que possible les conséquences négatives de la décision de son partenaire sur son entreprise. Cette caractéristique commune permet de donner une assise à l’application de cette disposition, par analogie, aux contrats de distribution478. En revanche, l’exigence de préavis est écartée lorsque les parties ont convenu un terme de durée du contrat.

2. L’exclusion discutable du préavis dans les contrats à durée déterminée

224. Selon la règle traditionnellement admise, le préavis est exclu des contrats à durée déterminée479. La Cour de cassation colombienne a affirmé en ce sens qu’à l’arrivée du terme, légal ou conventionnel, le contrat prend fin automatiquement480. Cela s’explique par le fait que

car les parties ont entendu conclure un contrat de fourniture. V. J. Arrubla Paucar, Contratos mercantiles, contratos típicos, 8e éd., Legis, Bogotá, 2012, p. 1 et s.

477 M. Cabrillac, « Remarques sur la théorie générale du contrat et les créations récentes de la pratique

commerciale », in Mélanges Gabriel Marty, Université des sciences sociales de Toulouse, 1978, p. 235 et s.

478 Rappr. R. Baldi et A. Venezia, Il contratto di agenzia : la concessione di vendita, il franchising, 8e éd.,

Giuffrè, 2008, nᵒ 7.2.2, p. 183, qui proposent l’application de l’article 1563 du Code civil italien, consacrant l’exigence d’un préavis de cessation adéquat dans le contrat de fourniture, aux autres contrats de distribution, dans le but d’établir une durée minimale du contrat qui permette au distributeur l’amortissement des investissements réalisés.

479 La pratique démontre que dans ces contrats, les parties ne se conforment pas toujours à la stipulation

d’un terme, mais que le préavis est d’utilisation commune pour empêcher le jeu des clauses de renouvellement ou de prorogation automatiques. L’étude du contentieux en droit colombien montre qu’une clause de style dans les contrats de distribution est celle selon laquelle les parties entendent proroger ou renouveler le contrat à la fin de la durée convenue, sauf si l’une des parties donne un préavis à l’autre partie de sa volonté de ne pas continuer l’exécution du contrat.

480 CSJ, chambre civile, 30 août 2011, M.R. William Nemen, nᵒ 11001-3103-012-1999-01957-0. V. aussi,

dans ce cas, les parties connaissent l’échéance du contrat qui « expire de plein droit sans qu’il soit nécessaire pour l’une ou l’autre des parties de confirmer à l’avance ce point »481. Cet évènement n’a rien de surprenant puisqu’il a été prévu dès l’origine482. En l’absence d’exigence de renouvellement du contrat de distribution, l’autre partie ne peut ni compter sur la continuation du contrat ni sur un préavis de cessation. La stipulation d’un terme indique la décision des parties d’exécuter le contrat jusqu’à cette date, sauf clause de renouvellement ou de prorogation automatiques483.

225. Il n’est pas certain qu’une telle solution soit adaptée aux contrats de distribution. En effet, ces contrats ont la particularité de pouvoir s’étendre indéfiniment dans le temps : pourvu qu’il existe un marché, les contractants peuvent continuer l’exécution de l’opération. De ce fait, les parties ne se trouvent généralement pas dans une position différente lorsqu’elles concluent un contrat à durée déterminée ou un contrat à durée indéterminée, sauf si le producteur n’envisage l’activité du distributeur que comme un moyen de conquête d’un marché pour assumer ensuite directement la distribution de ses produits, les deux parties aspirent à la continuation des relations contractuelles. Comme on l’a relevé, elles partent du principe que « la coopération est établie sur une base durable et que le contrat sera renouvelé »484.

226. Des comportements du producteur peuvent également démontrer son intention de poursuivre l’exécution du contrat. Il en est ainsi lorsque le producteur a remis au distributeur une estimation de commandes pour l’année suivante485, lui a demandé de réaliser des investissements importants ou lorsque le contrat a été renouvelé à plusieurs reprises. Dans ces cas, l’attente du distributeur est cependant frustrée si le producteur décide de ne pas renouveler le contrat. Le producteur pourrait en effet exciper de l’échéance du terme pour repousser toute demande de continuation du contrat de la part du distributeur. Alors, le distributeur pourrait invoquer des mécanismes de droit commun, tels que le devoir de loyauté ou l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, afin d’obtenir une réparation du préjudice subi ; cependant,

481 A. Sonet, Le préavis en droit privé, op. cit., nᵒ 147, p. 85.

482 A. De Brosses, « La rupture fautive de relations commerciales établies », Dr. et Patr., juin 2003, p. 116. 483 V. CA Paris, 12 janv. 2005, 5e Chambre, Section A, SARL Soixante c/ SA Ada, qui écarte l’application

de l’art. L. 442-6-I-5 ° C. com. fr. au motif que le contrat avait été conclu pour une durée déterminée, sa cessation par l’arrivée du terme correspondant dès lors nécessairement à la volonté des parties.

ces remèdes ne sont pas toujours efficaces. Par ailleurs, l’intangibilité du préavis convenu par les parties peut se révéler parfois inappropriée.

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