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L’exception : la résolution unilatérale pour inexécution dans les contrats d’agence commerciale

L’inadaptation du droit commun des contrats

Section 2 : Le rôle discutable du juge en droit commun des contrats

A. Le principe de la résolution du contrat pour inexécution 273 Le droit commun des contrats en Colombie établit le principe de la résolution judiciaire

2. L’exception : la résolution unilatérale pour inexécution dans les contrats d’agence commerciale

et de fourniture

281. Le législateur a prévu des règles spéciales à l’égard des contrats de fourniture et d’agence commerciale qui permettent la résolution extrajudiciaire du contrat par l’une des parties sous certaines conditions (a). Ces règles spéciales constituent une dérogation au droit commun des contrats et représentent une autre manifestation de la différence de régimes concernant la cessation des contrats de distribution en droit colombien (b).

a. Une rupture sans nécessité de recourir au juge

282. Deux règles suscitent l’intérêt en droit colombien concernant les contrats d’agence commerciale et le contrat de fourniture. Celles-ci consacrent le droit des parties de mettre fin au contrat sans nécessité d’avoir recours au juge590. Précisément, l’article 1325 C. com. col. prévoit explicitement l’attribution d’un pouvoir de rupture unilatérale aux parties d’un contrat d’agence commerciale : « Sont justes causes pour mettre fin unilatéralement au contrat

d’agence commercial (…) ». La lettre de ce texte suffit à affirmer la possibilité de rompre le

contrat par la seule volonté de la victime de l’inexécution du contrat d’agence commerciale591. Pour sa part, l’article 973 C. com. col. relatif au contrat de fourniture a suscité des hésitations quant à son interprétation. Il dispose que l’inexécution d’une prestation « confère le droit à

l’autre de mettre fin au contrat »592. Certains défendent l’idée que la rupture du contrat de

590 F. Hinestrosa, Tratado de las obligaciones II. De las fuentes de las obligaciones : El negocio jurídico

II, Universidad Externado de Colombia, Bogotá, 2015, n° 1257, p. 965. R. Molina, « La terminación unilateral del contrato por incumplimiento », Revista de Derecho Privado, Universidad Externado de Colombia, n° 17, 2009, p. 83. J. García-Muñoz, Derecho económico de los contratos, Ediciones Librería del Profesional, Bogotá, 2001, p. 303. A. Camacho et F. Ternera, « La terminación unilateral extraordinaria del contrato: muertes especiales de los contratos », Revista de Derecho, Universidad del Norte, n° 40, juill.-déc. 2013, p. 42. F. Mantilla et F. Ternera, « Las normas jurídicas de resolución de los contratos en el ordenamiento colombiano », Revista Foro Derecho Mercantil, n° 8, jull-sept, 2005, note de bas de page n° 85. Contra : Bonivento Fernández, Los principales contratos civiles y mercantiles, T. II, 8e éd., Bogotá, Librería del Profesional, 2009, p. 172.

591 V. R. Molina, « La terminación unilateral del contrato por incumplimiento », Revista de derecho

privado, Universidad Externado de Colombia, 2009, p. 82. J. Arrubla Paucar, Contratos mercantiles, contratos típicos, 14e éd. Legis, Bogotá, 2015, p. 27. F. Hinestrosa, Tratado de las obligaciones II. De las

fuentes de las obligaciones : El negocio jurídico II, Universidad Externado de Colombia, Bogotá, 2015, n° 1257, p. 965. E. Rengifo, Las facultades unilaterales en la contratación moderna, Legis, Bogotá, 2014, p. 111.

592 Bien que le Code de commerce ait pris comme modèle pour le contrat de fourniture les dispositions du

Code civil italien de 1942, dans cet article le code colombien s’écarte amplement du code italien. En effet, aux termes de l’article 1565 C. civ. it.: « In caso d'inadempimento di una delle parti relativo a singole

fourniture envisagée par cet article est nécessairement judiciaire au motif que dans l’organisation du droit privé colombien, le mécanisme de l’anéantissement du contrat repose fondamentalement sur le concours d’une juridiction. L’intervention du juge serait en quelque sorte un pivot du droit des contrats593. Pourtant, cette analyse ne semble pas pouvoir être suivie puisqu’elle ignore la lettre de l’article 973 C. com. col. En effet, non seulement la clarté de la lettre du texte permet d’affirmer l’attribution de ce droit de résolution unilatérale594, mais encore une interprétation cohérente des autres alinéas de cet article permet de parvenir à la même conclusion. En effet, son alinéa 3e prévoit : « Ce qui est disposé dans cet article ne prive

pas le contractant lésé pour l’inexécution de son droit à l’indemnisation de préjudices à une juste mesure ». Cette disposition indique que le contractant déçu qui met fin unilatéralement au

contrat ne perd pas son droit de demander devant le juge la réparation du préjudice subi du fait de l’inexécution. Il ne peut donc pas s’agir d’une réitération du principe de la résolution judiciaire étant donné que dans un tel cas, aucun besoin n’existerait de redire la possibilité de demander des dommages-intérêts puisqu’elle est déjà consacrée par les articles 1546 C. civ. col. et 870 C. com. col. qui prévoient la résolution judiciaire pour inexécution.

283. Il reste que l’autorisation de la résolution extrajudiciaire du contrat peut étonner tant elle marque une différence importante par rapport à l’approche protectrice du Code de commerce en faveur de l’agent commercial595. En effet, la protection de la stabilité du contrat au profit de l’agent commercial impliquerait, bien au contraire, le maintien du principe de l’intervention du juge afin d’éviter toute cessation illégitime de la part du fournisseur. Cela étant dit, une autre lecture peut être réalisée en considérant ce choix du législateur de 1971 comme étant la reconnaissance de l’inadaptation du principe de résolution judiciaire aux contrats d’agence commerciale et de fourniture en cas de manquement grave de l’une des parties. De là, la consécration de ce droit de résolution unilatéral dérogeant au principe qui gouverne le droit commun des contrats.

prestazioni, l'altra può chiedere la risoluzione del contratto, se l'inadempimento ha una notevole importanza ed è tale da menomare la fiducia nell'esattezza dei successivi adempimenti ».

593 J. Bonivento Fernández, Los principales contratos civiles y mercantiles, T. II, 8e éd., Librería del

Profesional, Bogotá, 2009, p. 172.

594 C. civ. col., art. 28 : « Les mots de la loi se comprennent dans leur sens naturel et évident, selon l’usage

général de ces mots ; mais quand le législateur les a expressément définis pour certaines matières, on doit les attribuer sa signification légale ».

b. Une rupture dérogatoire du droit commun

284. Les articles 1325 et 973 C. com. col. indiquent les motifs qui légitiment la rupture extrajudiciaire du contrat. Il est nécessaire d’examiner ces derniers afin de discerner leur spécificité par rapport au droit commun des contrats.

285. Tout d’abord, s’agissant de la résolution pour inexécution, l’article 973 C. com. col. l’autorise lorsque le manquement « a causé des préjudices graves ou revêt une certaine

importance, propre à miner la confiance de cette partie dans l’exactitude de l’autre partie dans la réalisation de fournitures postérieures ». Pour sa part, l’article 1325 C. com. col. mentionne

l’inexécution des obligations et le comportement du cocontractant qui porte gravement atteinte aux intérêts du cocontractant. La disposition ajoute néanmoins une précision : lorsque le mandant est l’auteur de la rupture, il doit invoquer une inexécution grave des obligations de l’agent. Lorsque l’auteur est l’agent commercial, la règle énonce simplement « une inexécution ». Constituant une mesure en faveur de la stabilité du contrat, elle est l’expression de la conception protectrice du législateur à l’égard de l’agent commercial. Elle crée cependant une inégalité : l’agent commercial peut mettre fin extrajudiciairement au contrat pour toute inexécution du mandant indépendamment de sa gravité, alors que celui-ci n’est autorisé à le faire qu’en cas d’inexécution grave. Si ce n’est pas le cas, le mandant doit avoir recours au juge en conformité avec le principe de la résolution judiciaire du contrat qui domine le droit commun des contrats. Il en résulte une distinction : l’agent commercial étant particulièrement intéressé à la stabilité du contrat, le risque d’en abuser est faible et, par voie de conséquence, un droit de résolution unilatérale même en l’absence d’une inexécution grave du fournisseur peut lui être attribué. À l’opposé, il existe une méfiance envers le mandant : le risque d’abus de ce droit serait dans ce cas plus important, d’où l’exigence d’une inexécution grave. Cette analyse n’est pas toujours pertinente tant le fournisseur peut être également intéressé à la stabilité du contrat. Par exemple, à l’instar de l’agent commercial, il peut réaliser des investissements en temps et en argent pour mettre consolider l’activité de son distributeur (formation des salariés, transmission du savoir-faire). Cette distinction ne semble donc pas légitime.

286. Concernant la cause de rupture pour « atteinte grave aux intérêts de l’autre partie », elle se rattache au devoir d’exécution de bonne foi du contrat ainsi qu’au rapport de confiance qui doit régner entre les parties pour l’exécution optimale du contrat d’agence commerciale596.

Certes, il semblerait que même en l’absence d’une telle règle, la résolution du contrat d’agence commerciale puisse être considérée comme légitime lorsque le contractant qui la met en œuvre invoque l’atteinte grave de ses intérêts. Il en est ainsi parce cela constitue une inexécution contractuelle au regard du devoir d’exécution de bonne foi du contrat. Il n’en reste pas moins que la règle met au premier plan le respect des intérêts du cocontractant dans le cadre de l’exécution du contrat d’agence commerciale.

287. Plus délicate est la question relative à la faillite et à l’insolvabilité du cocontractant comme juste cause de cessation du contrat d’agence commerciale. En réalité, leur considération en tant que motifs légitimes de rupture du contrat d’agence commerciale est inutile puisque les effets de ces situations sont réglementés impérativement par les lois relatives aux procédures collectives. Ces règles peuvent notamment imposer la continuation du contrat malgré le délicat état patrimonial du contractant qui n’a pas exécuté ses engagements597. Enfin, le dernier alinéa autorise une partie à mettre fin unilatéralement au contrat lorsque son cocontractant a cessé son activité. Ce qu’il importe ici de souligner est que pour le législateur, est indifférente la cause qui a conduit à la cessation de l’activité du cocontractant. Tout ce qui importe est la cessation de l’activité. Elle obéit donc à un critère de rapidité ou de fluidité visant à faciliter la sortie du contractant qui n’est alors pas tenu de solliciter l’intervention du juge. Un tel droit n’existe pas en droit commun des contrats. Si la jurisprudence ne s’est pas encore prononcée sur ce point, il nous semble cependant qu’une distinction s’impose selon que la cessation des activités soit ou non imputable à un cocontractant. En effet, lorsqu’elle lui est imputable, il est redevable de dommages-intérêts. C’est le cas, à titre d’exemple, de la fermeture des locaux de l’agent commercial en raison d’une décision administrative après la constatation de la violation de règles relatives à la sécurité des produits ou à l’hygiène des locaux. En revanche, lorsqu’il s’agit d’un cas de force majeure, il ne devrait pas y avoir de paiement de dommages-intérêts.

288. À la lumière de ce constat, nous pouvons considérer que législateur établit à l’article 1325 C. com. col. un régime dérogatoire du droit commun des contrats. En l’absence d’obligation de faire appel au juge, la sortie du contrat est en quelque sorte facilitée. Il semble que cette solution obéisse à des considérations économiques en ce sens que le marché nécessite de privilégier la fluidité des relations commerciales et de repousser l’incertitude qui découlerait du maintien du contrat pendant la procédure à l’issue de laquelle le juge déciderait ou non de

la résolution du contrat. Bien entendu, le destinataire peut avoir recours au juge s’il considère illégitime la résolution unilatérale dictée par l’autre partie. Cependant, dans le système de la résolution unilatérale du contrat, le contrat prend fin en vertu de la seule décision du contractant affecté par l’inexécution. Le législateur propose à cet égard une règle qui tient compte du contexte dans lequel s’exécutent les contrats de distribution, qui semble ainsi mieux adaptée que l’application du principe de résolution judiciaire.

B. L’appréciation critique du principe de résolution

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