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L’examen clinique et l’identification des causes

Chapitre 2 : Recension des écrits

2.3 Les causes biopsychologiques des SCPD

2.3.2 L’examen clinique et l’identification des causes

L’infirmière, dans sa pratique, a un grand rôle à jouer dans la prise en charge des SCPD, comme évaluer et identifier les besoins compromis des SCPD. Pour cela, il existe des lignes directrices sur lesquelles elle doit s’appuyer pour mieux guider cette pratique (CCSMPA, 2006; 2014; MSSS, 2014b). Ces lignes directrices insistent sur l’importance de procéder à une démarche systématique lors de la prise en charge des SCPD, et ce, par une évaluation approfondie permettant d’identifier les besoins compromis afin de planifier des interventions en conséquence.

Comme mentionné plus haut, il existe plusieurs causes qui peuvent expliquer ces besoins compromis. Les lignes directrices guident la façon d’identifier ces causes. Parmi les recommandations ressorties dans ces lignes, l’évaluation constitue l’une des premières étapes. Une des dimensions importantes de cette évaluation est l’examen clinique, car il s’intéresse plus particulièrement à l’identification des causes biopsychologiques. En ce sens, il va enrichir notre compréhension au niveau des facteurs contextuels, et aussi au niveau des facteurs personnels dans les facteurs proximaux du modèle des besoins compromis d’Algase.

Les éléments essentiels de base d’une évaluation détaillée devraient inclure, entre autres, l’anamnèse et l’examen physique (CCSMPA, 2006, 2014). Tout d’abord, en ce qui concerne l’anamnèse, il s’agit concrètement de recueillir des données subjectives sur l’histoire du malaise dominant (Voyer, 2017). En fait, le principe du malaise dominant permet à l’infirmière de garder le fil conducteur (le focus) en situation de comorbidité ou de plusieurs symptômes. Face à un SCPD, l’infirmière doit donc réaliser son anamnèse pour tenter d’obtenir le portrait le plus précis possible du malaise afin d’émettre des hypothèses concernant la cause du SCPD. Contrairement à l’anamnèse, l’examen physique vise à objectiver les symptômes afin de confirmer ou d’infirmer les hypothèses émises durant l’anamnèse sur l’origine du malaise (Voyer, 2017).

Les lignes directrices québécoises ont produit des outils d’évaluation recommandés que les infirmières du Québec peuvent utiliser pour apporter leur contribution, par l’examen

clinique, en contexte de SCPD (Fleury, 2014). Les SCPD sont un syndrome qui est caractérisé par un ensemble de malaises qu’il faut répertorier. Une seule évaluation n’est donc pas suffisante pour les identifier. Les outils issus des lignes directrices permettent de guider les infirmières sur les évaluations à réaliser. Ainsi, en contexte de première ligne, on commence par déterminer quel comportement est problématique en ressortant le malaise dominant suivi d’un ensemble d’évaluations telles que l’examen clinique sommaire de l’aîné, l’examen clinique de l’état mental et l’examen clinique pulmonaire. Dans un contexte de 2e

ligne, il s’agit de la prise en charge par une équipe spécialisée. Il n’est pas nécessaire d’utiliser le principe du malaise dominant puisque, étant en 2e ligne, l’on a déjà une bonne

description de la problématique. Il s’agira alors d’aller plus en profondeur dans l’évaluation. Dans ce cas, on précédera, notamment à l’examen clinique cardiaque et l’examen clinique de l’abdomen, l’évaluation de la douleur chez les aînés atteints de TNCM.

En fait, l’examen clinique va au-delà du simple fait de prendre des signes vitaux. Toute la contribution de l’infirmière est sollicitée. En ce sens, lorsque l’infirmière a en sa charge une personne qui présente des SCPD, elle doit faire une évaluation détaillée. Elle doit vérifier s’il n’existe pas des causes biopsychologiques qui expliqueraient le comportement de la personne. De plus, l’examen clinique est un rôle essentiel de la profession infirmière (OIIQ, 2016). Par conséquent, elle doit assumer pleinement ce rôle.

D’ailleurs, une étude américaine a démontré qu’en procédant à une évaluation des besoins compromis, il est possible d’identifier les causes des SCPD, qui peuvent expliquer le comportement adopté par la personne (Cohen-Mansfield, Dakheel-Ali, Marx, Thein et Regier, 2015). L’objectif était de décrire les besoins compromis des SCPD. Plusieurs questions étaient soulevées, notamment l’identification des besoins compromis qui contribuent aux SCPD. Les chercheurs s’intéressaient à la détermination des besoins compromis dans le contexte d’une de leur précédente étude randomisée (Cohen-Mansfield, Thein, Marx, Dakheel-Ali et Freedman, 2012). Les participants (n = 89) avaient une moyenne d’âge de 85,9 ans et provenaient de six centres d’hébergement dans l’état du Maryland.

L’observation a été utilisée par les chercheurs comme méthode d’évaluation. Les participants ont été observés un à la fois pendant trois minutes chaque demi-heure pour un total de 13 heures d’observation par jour pendant trois jours consécutifs par des assistants de recherche. L’évaluation, qui avait pour objectif d’identifier les besoins compromis, a été

réalisée autant par les assistants de recherche que par les infirmières auxiliaires, qui offraient des soins directs, à l’aide de plusieurs outils d’évaluation. Les données sur l’agitation ont été évaluées à partir de l’outil Agitated Behaviors Mappig Instrument (ABMI). La douleur a été évaluée par l’outil Pain Assessment in Eldery Persons (PAINE). Les besoins compromis ont été évalués à partir de l’outil Type of Unmet Need Assessment (TUNA).

Les résultats du TUNA ont été tabulés en séparant les réponses obtenues des assistants de recherche et des infirmières auxiliaires. Les besoins compromis les plus communs étaient la solitude/le besoin de contact social et l’ennui/la privation sensorielle. Ces besoins ont été identifiés pour à peu près les deux tiers des participants évalués par les assistants de recherche et pour la moitié de ceux évalués par les infirmières auxiliaires. L’inconfort a été identifié comme besoin compromis pour le tiers de l’échantillon. Les assistants de recherche ont rapporté 2,9 besoins compromis par participant (0-7 ± 1,3) et les infirmières auxiliaires en ont rapporté 2,6 (0-6 ± 1,4). Les participants qui ont été désignés par les assistants de recherche comme ayant de la solitude comme besoin compromis présentaient de façon significative un plus grand taux d’agitation verbale (z = 1,70, p = 0,045) que ceux qui ne présentaient pas ce besoin. L’inconfort était significativement associé à une plus grande douleur (z = 1,93, p = 0,027). Il était aussi associé à des niveaux plus élevés de comportements d’agitation tels que des demandes constantes d’attention (z = 1,93, p = 0,027), de plaintes (z = 2,92, p = 0,004) et de cris (z = 2,28, p = 0,02). Ces résultats démontrent qu’il existe plusieurs besoins compromis qui peuvent être à l’origine des SCPD et les expliquer, et qu’en procédant à une évaluation, il est possible de les identifier.

Plusieurs limites ont été soulevées dans cette étude. Les participants qui présentaient des besoins compromis comme l’ennui et la privation sensorielle ont manifesté un taux élevé de comportement physique non agressif. Ce résultat n’était pas statistiquement significatif. Les chercheurs justifient cela par la petite taille de leur échantillon. Il faut plus de recherche avec une plus grande taille d’échantillon pour appuyer les résultats de cette étude. Le TUNA est également un outil développé par les chercheurs pour évaluer des besoins compromis. Toutefois, des confusions dans la nomenclature de certaines catégories sont présentes. Par exemple, il a été constaté dans la littérature que le besoin compromis comme l’ennui soit proche du besoin d’activités physiques (Cohen-Mansfield, 2001; Cohen-Mansfield, Dakheel-Ali et Marx, 2009; Kolanowski, Litaker, Buettner, Moeller, et Costa Jr, 2011). Les

auteurs précisent que les futures versions du TUNA devraient affiner davantage la nomenclature utilisée. Il est donc possible que la version du TUNA utilisée dans cette étude ait pu causer des distorsions dans ses résultats. Il faut de surcroît remarquer que dans le cadre de cette étude, une partie des résultats provenait de l’évaluation des infirmières auxiliaires qui dispensaient les soins directs aux participants. Il est probable que les résultats de cette étude ne soient pas applicables ou généralisables au Québec, puisque l’évaluation est un acte réservé aux infirmières (OIIQ, 2016).

En revanche, les résultats d’une étude québécoise ont montré des lacunes au niveau des connaissances des infirmières par rapport à ce rôle en contexte de SCPD (Gagné, 2010; Gagné et Voyer, 2013). Cette étude descriptive s’est intéressée à l’état des connaissances des infirmières concernant la prise en charge des SCPD. Elle a été réalisée dans huit centres d’hébergement de la région de Québec. Elle visait à évaluer si les infirmières connaissent les principes recommandés par les lignes directrices. Quarante-quatre (n = 44) infirmières, âgées en moyenne de 40 ans et cumulant en moyenne 15,6 années d’expérience, ont participé à cette étude. Les résultats ont permis de mettre en relief les principales lacunes au niveau des connaissances des infirmières dans la prise en charge des SCPD. Ces lacunes se situaient au niveau, entre autres, du dépistage, de l’évaluation des causes et des outils de dépistage. Les auteurs ont constaté que seulement 45,5 % des participantes ont mentionné l’un ou l’autre des principaux moyens d’évaluation. Parmi elles, seulement trois infirmières ont nommé l’examen physique. Seulement 42,2 % ont mentionné l’importance de chercher les causes des SCPD. Or, il est important qu’elles maîtrisent cette étape pour la mise en place des interventions.

En somme, les lignes directrices indiquent à quel point il est important dans un contexte de SCPD de faire un examen clinique afin d’identifier les causes biopsychologiques. De plus, il a été démontré dans la recherche que les SCPD peuvent être diminués en détectant et en traitant les causes à l’origine de ceux-ci (Cohen-Mansfield, 2014), et par ce fait même, prévenir le recours à des interventions non justifiées (Tampi et al., 2011). Ainsi, il est fortement recommandé de procéder à l’examen clinique afin d’identifier les causes sous-jacentes des SCPD pour éclairer les interventions (Gagné, 2010; Gagné et Voyer, 2013; Kales et al., 2015; Rey, 2014; Voyer, 2013). Il s’agit d’une étape importante pour cibler les interventions, car une fois les causes identifiées, il devient alors possible de déterminer le bon choix d’intervention (Gagné et Voyer, 2013; Kales et al., 2015; Morley, 2013). En d’autres mots, la compréhension

des besoins compromis, par l’examen clinique, est essentielle à la formulation de plans d’interventions pour les patients atteints de TNCM. Cohen-Mansfield et al. (2015) mentionnent que cette compréhension constitue la base des interventions non pharmacologiques pour la prise en charge des SCPD.

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