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Les causes biopsychologiques des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence

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Academic year: 2021

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Les causes biopsychologiques des symptômes

comportementaux et psychologiques de la démence

Mémoire

Lalla Mariam Haïdara

Maîtrise en sciences infirmières - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

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Les causes biopsychologiques des

symptômes comportementaux et

psychologiques de la démence

Mémoire

Lalla Mariam Haïdara

Sous la direction de :

Philippe Voyer, directeur de recherche

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Résumé

Les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD) gagnent de plus en plus d’ampleur et signalent bien souvent un problème sous-jacent qu’il faut chercher à comprendre. Le but de cette étude rétrospective est de décrire les causes biopsychologiques des SCPD identifiées à l’examen clinique infirmier et les interventions non pharmacologiques associées à ces causes. Pour ce faire, des données cliniques ont été recueillies à partir des dossiers de personnes âgées atteintes de troubles neurocognitifs majeurs (TNCM) suivies par les infirmières de l’équipe de mentorat du Centre d’excellence

sur le vieillissement de Québec (CEVQ). Les données issues de 110 dossiers montrent que les causes biopsychologiques les plus fréquentes des SCPD sont les signes d’anxiété, la douleur, l’isolement social, l’ennui ou le besoin de contacts sociaux, la personnalité prémorbide ou l’évènement biographique significatif, l’instabilité physiologique, les signes de dépression et les signes de déshydratation. À la suite de l’identification de ces causes, les infirmières ont été en mesure de proposer des interventions non pharmacologiques qui ont démontré leur efficacité (p < 0,0001). Parmi ces interventions, la communication optimale fut la principale décelée, suivie de près par les démarches médicales, la diversion, le renforcement différentiel, les interventions de gestion de la douleur ou de l’inconfort et la thérapie occupationnelle ou les activités de loisirs. Ces résultats suggèrent qu’il est possible d’intervenir efficacement lorsque la cause à l’origine des SCPD est connue. Ces résultats appuient également les postulats du modèle des besoins compromis d’Algase et les lignes directrices sur les SCPD, qui mettent de l’avant l’importance d’intervenir sur les causes sous-jacentes des SCPD.

Mots-clés : Troubles neurocognitifs majeurs, symptômes comportementaux et psychologiques de la démence, causes biopsychologiques, examen clinique infirmier, interventions non pharmacologiques

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Abstract

The behavioral and psychological symptoms of dementia (BPSD) are becoming more and more prominent and often denote an underlying problem that needs to be addressed. This retrospective study describes the biopsychological causes of BPSD identified during nursing clinical assessment and the non-pharmacological interventions planned by nursing staff to target these causes. Clinical data were collected from the files of people with dementia followed by nurses from the CEVQ mentoring team. The data extracted from 110 of these files indicate that the most common biopsychological causes of BPSD are signs of anxiety, pain, social isolation, boredom or need for social contact, pre-morbid personality or significant biographical event, physiological instability, depression, and dehydration. Having identified these causes, nurses were able to plan non-pharmacological interventions that proved effective (p < .0001). Optimal communication was the most frequent planned intervention, followed closely by medical procedures, diversion, differential reinforcement, pain or discomfort management interventions and activity therapy and recreation. These results suggest that it is effective to intervene on the causes of BPSD. These results support Algase’s Need-driven dementia-compromised behavior model and of the guidelines for BPSD, which highlight the importance of intervening on the underlying causes of BPSD.

Keywords: Dementia, behavioral and psychological symptoms of dementia, biopsychological causes, nursing clinical examination, non-pharmacological interventions

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Table des matières

Résumé... iii

Abstract ... iv

Table des matières... iv

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... viii

Liste des abréviations ... ix

Remerciements ... x

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Problématique ... 3

1.1 Mise en contexte ... 3

1.2 Les SCPD : définition, prévalence, conséquences ... 4

1.3 Les facteurs à l’origine des SCPD ... 5

1.4 Les lignes directrices et les SCPD ... 5

1.5 Lien avec la discipline infirmière ... 7

1.6 But de la recherche ... 8

Chapitre 2 : Recension des écrits ... 9

2.1 Les SCPD : définition et classification ... 9

2.2 Les facteurs à l’origine des SCPD ... 10

2.2.1 Le modèle des besoins compromis ... 10

2.2.2 Les facteurs contextuels (prédisposants) ... 11

2.2.3 Les facteurs proximaux (précipitants) ... 12

2.3 Les causes biopsychologiques des SCPD ... 14

2.3.1 État de connaissances sur les causes biopsychologiques ... 14

2.3.2 L’examen clinique et l’identification des causes ... 19

2.3.3 Les interventions selon les causes ... 23

2.4 Liens de cette étude avec la discipline infirmière ... 31

2.4.1 Le centre d’intérêt de la discipline infirmière ... 31

2.4.2 Activités réservées à la profession infirmière ... 31

2.5 But et questions de recherche ... 32

Chapitre 3 : Méthodologie ... 33

3.1 Devis ... 33

(6)

3.2.1 Critères d’inclusion et d’exclusion ... 34

3.2.2 Technique d’échantillonnage ... 34

3.2.3 Taille de l’échantillon ... 35

3.2.4 Recrutement des participants ... 35

3.3 Instruments de mesure ... 35

3.4 Collecte de données ... 42

3.5 Analyse de données ... 42

3.6 Considérations éthiques ... 43

3.6.1 Comité d’éthique de la recherche ... 44

3.6.2 Enjeux éthiques ... 44

Chapitre 4 : Résultats ... 47

4.1 Description de l’échantillon ... 47

4.1.1 Processus de sélection de l’échantillon... 47

4.1.2 Caractéristiques sociodémographiques des participants ... 49

4.1.3 Données descriptives sur les diagnostics de TNCM et les SCPD ... 49

4.1.4 Données descriptives sur la médication ... 51

4.2 Résultats des questions de recherche ... 53

4.2.1 Les causes biopsychologiques identifiées à l’examen clinique ... 53

4.2.2 Les interventions associées aux causes biopsychologiques ... 55

Chapitre 5 : Discussion ... 75

5.1 Comparaison des résultats sur les causes biopsychologiques ... 75

5.2 Comparaison des résultats sur les interventions ... 86

5.3 Limites et forces de l’étude ... 92

5.3.1 Les limites de l’étude ... 92

5.3.2 Les forces de l’étude ... 94

5.4 Retombées de l’étude ... 94

5.4.1 Pour la discipline infirmière ... 94

5.4.2 Pour la pratique clinique ... 96

5.4.3 Pour la recherche ... 97

Conclusion ... 98

Références ... 100

Annexe A : Caractéristiques des participants ... 110

Annexe B : Antécédents (Index de comorbidité de Charlson) ... 113

Annexe C : Instrument de collecte de données ... 115

Annexe D : Formulaire du CEVQ consulté durant l’élaboration de l’instrument ... 121

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Liste des tableaux

Tableau 1 Caractéristiques sociodémographiques des participants ... 49

Tableau 2 Les diagnostics de TNCM (n = 110) ... 50

Tableau 3 Les SCPD identifiés (n = 110) ... 50

Tableau 4 Les médicaments ... 51

Tableau 5 Nombre d’agents psychotropes identifiés ... 52

Tableau 6 Nombre de participants ayant au moins un médicament psychotrope et analgésique au dossier ... 52

Tableau 7 Causes identifiées à l’examen clinique infirmier ... 54

Tableau 8 Efficacité des interventions à l’aide du CMAI et du NPI (n = 110) ... 56

Tableau 9 Interventions identifiées (n = 110) ... 57

Tableau 10 Interventions associées aux signes d’anxiété ... 59

Tableau 11 Interventions associées à la douleur ... 60

Tableau 12 Interventions associées à l’isolement social ou l’ennui ou le besoin de contacts sociaux ... 61

Tableau 13 Interventions associées à la personnalité prémorbide ou évènement biographique significatif ... 62

Tableau 14 Interventions associées aux signes de dépression ... 63

Tableau 15 Interventions associées à l’instabilité physiologique ... 64

Tableau 16 Interventions associées aux signes de déshydratation ... 64

Tableau 17 Interventions associées à la communication non adaptée ou atteinte des fonctions langagières ... 65

Tableau 18 Interventions associées aux problèmes perceptuels ... 66

Tableau 19 Interventions associées au déficit auditif ... 66

Tableau 20 Interventions associées au déficit visuel ... 67

Tableau 21 Interventions associées aux signes d’insomnie ... 68

Tableau 22 Interventions associées à l’inattention ... 69

Tableau 23 Interventions associées aux idées délirantes ... 69

Tableau 24 Interventions associées au ralentissement des processus mentaux ... 70

Tableau 25 Interventions associées aux signes cliniques de dénutrition ... 71

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Liste des figures

Figure 1 Illustration du modèle des besoins compromis d’Algase ... 11 Figure 2 Processus de sélection de l’échantillon ... 48

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Liste des abréviations

4AT 4 ‘A’S test

ABID Agitated Behavior in Dementia

ABMI Agitated Behaviors Mapping Instrument

BPSD Behavioral and Psychological Symptoms of Dementia CAM Confusion Assessment Method

CCSMPA Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées CÉRUL Comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval

CEVQ Centre d’excellence sur le vieillissement de Québec

CIUSSS Centre intégré universitaire de santé et des services sociaux CMAI Cohen-Mansfield Agitating Inventory

DSP Directeur des services professionnels EDG Échelle de dépression gériatrique HDS Hierarchic Dementia Scale ICC Index de comorbidité de Charlson MEEM Mini-examen de l’état mental MI Membres inférieurs

MSSS Ministère de la Santé et des Services sociaux NPI Neuropsychiatric Inventory

OIIQ Ordre des infirmières et infirmiers du Québec

PACSLAC Pain Assessment Checklist for Seniors with Limited Ability to Communicate PAINAD Pain Assessment in Advanced Dementia Scale

PAINE Pain Assessment in Elderly Persons PI Plan d’intervention

PTI Plan thérapeutique infirmier

RMBPC Revised Memory and Behavior Problem Checklist

SCPD Symptômes comportementaux et psychologiques de la démence SV Signes vitaux

TNCM Troubles neurocognitifs majeurs

TREA Treatment Routes for Exploring Agitation TUNA Type of Unmet Need Assessment

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Remerciements

J’aimerais prendre ces quelques lignes pour remercier les personnes qui m’ont accompagnée tout au long de ce mémoire.

Je tiens à remercier d’abord mon directeur de recherche, Philippe Voyer. Je vous remercie sincèrement pour tout votre soutien, vos conseils, votre patience et votre écoute tout au long de mon cheminement. Ce fut un honneur pour moi d’avoir été guidée par un professeur comme vous. Votre passion pour les soins aux personnes âgées est contagieuse et je vous remercie de me l’avoir partagée. Merci aussi d’avoir enrichi mes connaissances. Votre rôle en tant que directeur a été très constructif pour moi, autant dans ma vie académique, professionnelle que personnelle. Grâce à vous, j’ai compris que la clé du succès c’est d’abord d’avoir confiance en soi et en ses capacités afin de se surpasser. Vous êtes un excellent et très inspirant professeur. J’espère que j’aurai l’immense honneur de continuer à collaborer avec vous à l’avenir.

Un grand merci à Pierre-Hugues Carmichael. Vous avez été d’une aide incommensurable. Merci pour toutes vos explications, votre temps et votre grande disponibilité durant l’analyse statistique des données. Merci pour votre patience et le temps que vous m’avez consacré pour répondre à mes nombreuses questions. J’ai beaucoup apprécié travailler avec vous.

J’adresse un merci à toute l’équipe de mentorat du CEVQ. Merci aux infirmières qui ont pris le temps de répondre à mes questionnements et qui m’ont aidée à comprendre tout le fonctionnement au CEVQ. Un merci particulier à France Lafrenière. Merci pour la coordination et ton support durant tout le processus de collecte de données.

Je remercie très chaleureusement mes collègues du soutien à domicile au CLSC La Source Sud. Merci d’avoir toujours été là durant tout mon cheminement. Merci pour la confiance que vous m’accordez et de continuer à m’encourager malgré mes absences dues à ce projet. Je remercie particulièrement Dominique Lacasse et Nancy Rousseau. Avec des collègues comme vous, le travail d’équipe prend tout son sens. Vous êtes des collègues remarquables et inspirantes et c’est toujours un immense plaisir de travailler avec vous. Je tiens également à remercier très profondément ma supérieure Camille Huard. Camille, je

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n’aurai jamais assez de mots pour te témoigner toute ma gratitude. Merci de croire en moi, de me faire confiance et de me permettre de me réaliser non seulement au niveau professionnel, mais également au niveau personnel. Merci également à notre chef de programme, Marie-Pier Morin, de me donner des opportunités de relever des défis et d’apporter ma contribution dans l’amélioration de la qualité des soins auprès des personnes âgées.

Je remercie du fond de mon cœur ma famille. Merci à mes parents, frères et sœurs pour le soutien, la pensée et les prières à distance. Je remercie également ma belle-famille dont je suis très choyée d’en faire partie. Je remercie mon mari, Vincent Bouchard, d’avoir été toujours présent malgré toutes les difficultés rencontrées et de m’avoir permis de mener cette maîtrise à bon port. Je remercie mes amies pour leur support et leur compréhension durant mes longues périodes de retrait. Je remercie aussi toutes les merveilleuses personnes que j’ai eu la chance de côtoyer dans le cadre de ce mémoire et qui ont su m’apporter le soutien dont j’avais besoin. Une pensée profonde pour mes enfants que je chéris tant. Vous êtes les raisons qui me poussent à ne jamais abandonner et à toujours continuer à me dépasser.

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Introduction

Le vieillissement constitue un phénomène grandissant et il a un effet sur l’émergence de plusieurs pathologies, dont les TNCM. La majorité des personnes âgées atteintes de TNCM sont affectées par les SCPD qui témoignent bien souvent la présence d’une problématique sous-jacente. Le modèle des besoins compromis d’Algase conceptualise les SCPD comme indiquant une expression de besoins non satisfaits. Ce modèle met en évidence qu’il existe des facteurs à l’origine des SCPD témoignant d’un besoin insatisfait qu’il faut chercher à identifier. Le rôle des infirmières, et plus largement, leur défi, est d’essayer de déceler ces facteurs afin de cerner ces besoins. Car, une fois lesdits facteurs identifiés, il devient possible d’exposer les besoins non satisfaits afin d’intervenir efficacement. En d’autres mots, plusieurs causes qui sont à l’origine de ces besoins peuvent être identifiées afin d’intervenir efficacement et diminuer la survenue des SCPD. Comprendre et connaître ces facteurs permet donc de mieux identifier les causes biopsychologiques des SCPD.

Sur le plan de la pratique, il existe actuellement des lignes directrices visant à identifier les causes biopsychologiques des SCPD. Ces lignes directrices mettent de l’avant l’importance de procéder à une évaluation approfondie afin de constater si des causes biopsychologiques sont présentes, et ce, dans l’optique de favoriser une meilleure planification des interventions. Or, des études montrent qu’il existe des lacunes dans l’identification de ces causes, ce qui se traduit par l’application d’interventions non adaptées. En plus, à la connaissance de l’étudiante, les connaissances relatives aux causes biopsychologiques les plus fréquentes et les interventions non pharmacologiques qui y sont associées sont limitées.

Le but de ce présent mémoire est de décrire les causes biopsychologiques des SCPD identifiées à l’examen clinique infirmier et les interventions non pharmacologiques associées à ces causes.

Le premier chapitre décrit la problématique liée aux symptômes comportementaux et psychologiques de la démence.

Le deuxième chapitre porte sur la recension des écrits. L’état des connaissances sur les causes biopsychologiques et les interventions associées à ces causes sera présenté.

(13)

Le lien avec la discipline infirmière sera démontré dans ce chapitre. Le but et les questions de recherche seront présentés.

Le troisième chapitre présente la méthodologie utilisée dans le cadre de cette étude ainsi que les considérations éthiques.

Le quatrième chapitre fait ressortir les résultats de cette étude. Les caractéristiques de l’échantillon ainsi que les résultats obtenus à chacune des questions de recherche seront abordés dans ce chapitre.

Le cinquième chapitre discute des résultats de ce mémoire en les comparant avec ceux d’autres études portant sur le même sujet. Les forces, les limites et les retombées de ce mémoire pour la discipline infirmière, la pratique clinique et la recherche seront mises en relief.

(14)

Chapitre 1 : Problématique

Ce chapitre a pour objectif de décrire la problématique liée aux symptômes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD) et de mettre en évidence l’importance de l’examen clinique infirmier pour faire face à ce défi clinique. Il s’agit, tout d’abord, de faire une mise en contexte de la situation. Ensuite, une définition des SCPD, leur prévalence et leurs conséquences seront présentées, suivies d’une section dédiée aux facteurs de risque. Une autre section portera sur les lignes directrices. Enfin, ce chapitre terminera par une présentation du but de la recherche.

1.1 Mise en contexte

Le vieillissement occupe une place incontournable dans la société québécoise. En 2003, les personnes âgées de 65 ans et plus représentaient plus de 13 % de la population totale (Lefebvre, 2003). Cette population est en croissance continue et les chiffres l’indiquent clairement : elle occupait, en 2016, 18,1 % de l’ensemble de la population québécoise (Institut de la statistique du Québec, 2016). Si la tendance se maintient, cette population passera de 1 personne sur 6 en 2011 à 1 personne sur 4 en 2031, faisant de la société québécoise l’une des plus vieilles en occident (Institut national de santé publique du Québec, 2016).

Les troubles cognitifs, plus précisément la maladie d’Alzheimer et les autres formes de troubles neurocognitifs majeurs (TNCM), figurent parmi les problèmes de santé les plus préoccupants pour la société. Le vieillissement de la population a un impact profond sur l’émergence de cette pathologie qui, généralement, affecte les personnes âgées (Prince et al., 2013). En ce sens, les TNCM sont une condition qui est principalement associée à l’âge (Robinson et al., 2014). En 2010, le nombre de personnes atteintes de ces troubles dans le monde atteignait 35,6 millions et il devrait doubler au cours des 20 prochaines années (Wong, Gilmour et Ramage-Morin, 2016). En 2013, ce nombre était estimé à 44 millions et il devrait atteindre 76 millions en 2030 et 135 millions en 2050 (Kales, Gitlin et Lyketsos, 2015). C’est donc dire que le nombre de personnes atteintes de cette maladie est

en croissance rapide dans le monde. Ainsi, la prise en charge de ces troubles cognitifs sera le principal défi à relever lors des prochaines années (Lefebvre, 2003).

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1.2 Les SCPD : définition, prévalence, conséquences

La majorité des personnes atteintes de TNCM sont affectées par les SCPD (Finkel, 2000; Voyer, 2013). Les SCPD sont définis comme des signes et des symptômes indiquant une altération de la perception, du contenu de la pensée, de l’humeur ou du comportement et ils se produisent fréquemment chez des patients atteints de TNCM (Finkel, Costa e Silva, Cohen, Miller et Sartorius, 1996).

Certaines études ont démontré que ces symptômes se produisaient chez 97 % des patients atteints d’une des formes connues de TNCM (Draper, Brodaty et Finkel, 2012). Les

SCPD peuvent entraîner des souffrances, une institutionnalisation prématurée, des coûts accrus de soins et une perte de qualité de vie significative pour les patients et leurs familles, et pour les soignants (Draper et al., 2012). Des études ont aussi établi des liens entre les SCPD et des problèmes de santé physique, comme la douleur, des infections et le delirium (Dewing, 2010; Horgas et Miller, 2008; Kovach, Logan, Joosse et Noonan, 2012).

Sur le plan psychologique, la personne souffrant de SCPD peut vivre un sentiment de peur, d’anxiété et de frustration face à la réaction de son entourage (Rey, 2014). Il est aussi possible que la personne atteinte de SCPD vive du rejet, de l’abandon, de l’étiquetage ou un langage blessant (Voyer, 2013). Pour leur part, les proches souffrent aussi de la situation. Leur souffrance peut se manifester sous forme d’impuissance, de culpabilité, de honte, d’anxiété ou de dépression (Rey, 2014 ; Voyer, 2013). Il a également été démontré que les aidants qui prodiguent des soins auprès des personnes présentant des SCPD sont plus à risque de détresse psychologique et de détérioration de leur situation de santé physique (Toot, Swinson, Devine, Challis et Orrell, 2016). Certaines recherches ont établi que le personnel soignant éprouve aussi des difficultés et des sentiments de culpabilité et de détresse pour faire face aux SCPD (Zwijsen et al., 2014).

Les SCPD représentent de grands défis pour les infirmières et le système de santé, et ce, dans tous les milieux cliniques. Les SCPD peuvent même précipiter le placement dans des établissements de santé (Algase et al., 1996; Finkel, 2000; McCloskey, 2004; Toot et al., 2016; Zwijsen et al., 2014). Il serait donc important de reconnaître la vulnérabilité de ces personnes afin de prodiguer des interventions appropriées.

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1.3

Les facteurs à l’origine des SCPD

Plusieurs facteurs peuvent être à l’origine des SCPD. Selon Voyer (2013), les SCPD témoignent d’un problème sous-jacent qu’il faut chercher à connaître et à comprendre. Le modèle d’Algase (Algase et al., 1996) fait partie des modèles qui permettent d’expliquer les SCPD. Selon ce modèle, les SCPD sont une expression de besoin ou la quête d’atteindre un objectif. La perte de la capacité à exprimer des besoins ou des objectifs verbalement conduit la personne à communiquer et à exprimer ses besoins grâce à divers comportements (Kales et al., 2015). Toujours selon ce modèle, les SCPD sont la conséquence d’une combinaison de facteurs contextuels et proximaux. Les facteurs contextuels regroupent les facteurs neurologiques, les facteurs cognitifs, l’état de santé de la personne et les facteurs psychosociaux. Quant aux facteurs proximaux, on retrouve les facteurs personnels, l’environnement physique et l’environnement social.

Ainsi, l’étiologie des SCPD est considérée comme multifactorielle. En fait, selon Kales et al. (2015), le déclin cognitif seul ne peut pas expliquer ces symptômes. Il faut considérer plusieurs autres causes, comme les composantes neurobiologiques et physiques (Tosato et al., 2012).

Il est donc important d’identifier les causes neurologiques, cognitives et de santé afin de prodiguer des interventions plus adaptées aux besoins compromis de la personne. Pour alléger le texte, ces causes seront nommées causes biopsychologiques dans le cadre de cette recherche. Pour cela, un des rôles importants de l’infirmière est la réalisation de l’examen clinique. Cet examen est considéré comme une étape incontournable permettant d’identifier ces causes spécifiques des SCPD dans l’optique de mieux intervenir.

1.4 Les lignes directrices et les SCPD

Les lignes directrices canadiennes ont établi des recommandations sur la prise en charge des SCPD (Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées [CCSMPA], 2006; 2014). Une des recommandations met en relief l’importance de faire une évaluation clinique complète afin de cerner les causes qui précipitent, maintiennent ou exacerbent les SCPD. Une autre recommandation touche les interventions à prodiguer une fois les causes identifiées. Ces interventions peuvent être de nature non pharmacologique ou pharmacologique. Toutefois, il est fortement recommandé de privilégier les interventions non pharmacologiques.

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Il existe également des lignes directrices québécoises qui mettent l’accent sur l’importance de l’examen clinique dans l’identification de ces causes afin de recourir à des interventions non pharmacologiques ou pharmacologiques (Ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2014b). Cette évaluation englobe, entre autres, l’histoire de santé, l’examen physique et l’examen de l’état mental (Haute Autorité de Santé, 2011; Voyer, 2013).

L’examen clinique est une étape incontournable dans la prise en charge des SCPD (Draper et al., 2012; Gagné et Voyer, 2013). Il constitue un des outils principaux de l’infirmière dans l’identification des causes biopsychologiques des SCPD, dans l’optique de mieux adapter les interventions. En ce sens, lorsque l’infirmière intervient auprès d’une personne âgée qui présente des SCPD, elle doit procéder à une évaluation complète de la situation afin de voir si des causes biopsychologiques sont présentes, telles que de la douleur et de l’inconfort, ce qui expliquerait le comportement. Si l’évaluation révèle une altération, plusieurs possibilités d’interventions s’offrent à l’infirmière afin d’apporter un soulagement (MSSS, 2014a). Ainsi, l’examen clinique est au cœur de la pratique de l’infirmière intervenant auprès des personnes avec SCPD.

Par ailleurs, l’identification des causes sous-jacentes est un défi clinique significatif, car les personnes souffrant de SCPD ne sont pas en mesure de communiquer adéquatement leurs symptômes. En plus, cela se complique chez les personnes âgées puisqu’il a été établi que ce groupe peut présenter des manifestations atypiques ou asymptomatiques d’une maladie aiguë avec présentation insidieuse (Hodgson, Gitlin, Winter et Czekanski, 2011). Cela peut conduire à une aggravation de la symptomatologie comportementale sans une évaluation adéquate. Les études montrent aussi qu’il existe des

lacunes dans l’identification de ces causes, ce qui se traduit par l’application d’interventions non adaptées (Cohen-Mansfield, 2013; Voyer, 2013). De plus, une étude québécoise a permis de mettre en perspective le manque de connaissance des infirmières quant à la réalisation de l’examen clinique dans un contexte de SCPD (Gagné, 2010; Gagné et Voyer, 2013). Selon cette même étude, l’examen clinique est un bon moyen d’identifier les causes de SCPD, mais seulement 6,8 % des infirmières qui ont participé à cette étude ont mentionné cet élément.

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En somme, connaître les causes biopsychologiques des SCPD par le biais de l’examen clinique contribuera à orienter la pratique des infirmières et à les outiller sur les interventions potentielles à mettre en place dans leur traitement. L’on comprend alors toute

l’importance que revêt la pratique efficace de cet examen dans la prise en charge de ces symptômes. Il faut donc insister sur l’importance de procéder à un examen clinique, un rôle qui leur appartient, en contexte de SCPD. C’est principalement en s’appuyant sur cet examen clinique que l’infirmière peut élaborer son plan thérapeutique infirmier (PTI).

Cependant, il n’existe aucune étude clinique québécoise ayant porté spécifiquement sur l’identification des causes biopsychologiques des SCPD par les infirmières lors de l’examen clinique. Beaucoup d’études ont démontré qu’il existait des causes biopsychologiques qui tournaient plus souvent autour de la dépression, de l’inconfort et de la douleur, mais les connaissances qu’on possède sur toutes les causes biopsychologiques les plus fréquentes des SCPD sont assez limitées, et ce, dans tous les milieux cliniques. Les connaissances sur les interventions non pharmacologiques les plus fréquentes associées à ces causes sont également limitées à la connaissance de l’étudiante. La présente étude portera donc sur la description des causes biopsychologiques des SCPD détectées à l’examen clinique infirmier ainsi que sur les interventions non pharmacologiques réalisées en lien avec ces causes.

1.5 Lien avec la discipline infirmière

Selon Pépin, Ducharme et Kérouac (2017, p. 16), « la discipline infirmière s’intéresse au soin, dans ses diverses expressions, auprès des personnes, des familles, des communautés et des populations qui, en interaction continue avec leur environnement, vivent des expériences de santé ». Ainsi, la personne, l’expérience de santé, le soin et l’environnement représentent les quatre concepts qui constituent le centre d’intérêt de la discipline infirmière. En ce qui a trait à la présente étude, la perte de capacité à exprimer des besoins conduit la personne à communiquer et à exprimer ses besoins grâce à divers comportements que sont les SCPD. L’expérience de santé que vit la personne se manifeste par des SCPD. Le soin vise à identifier les causes à l’origine de ces SCPD par le biais de l’examen clinique afin d’intervenir adéquatement sur les besoins compromis. De ce fait, la personne qui vit une expérience de santé en interaction avec son environnement est au cœur de l’approche de cette étude.

(19)

L’examen clinique fait partie des activités réservées de l’infirmière. Évaluer la condition physique et mentale d’une personne symptomatique constitue la première activité réservée de l’infirmière. Cette évaluation est l’assise de l’exercice infirmier (Ordre des infirmières et infirmiers du Québec [OIIQ], 2016). « Elle est essentielle et nécessaire à la détermination des problèmes de santé et des besoins de la personne, y compris ceux qui requièrent un suivi clinique dans le PTI. La plupart des interventions de l’infirmière découlent de cette évaluation » (OIIQ, 2016, p. 29). Il s’agit donc d’une activité importante et indéniable à la profession infirmière et elle sera mise en exergue dans cette recherche afin de contribuer à l’avancement de la pratique. De même, par une meilleure connaissance des causes biopsychologiques des SCPD, cette recherche contribuera à augmenter le corps des connaissances dans la discipline infirmière pour la planification des interventions pour les SCPD.

1.6 But de la recherche

Le but de la présente recherche est de décrire les causes biopsychologiques des SCPD identifiées à l’examen clinique infirmier et d’identifier les interventions non pharmacologiques associées à ces causes.

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Chapitre 2 : Recension des écrits

Ce second chapitre, portant sur la recension des écrits, est divisé en cinq sections. La première section définit et décrit les SCPD. Les facteurs à l’origine des SCPD seront présentés dans la section suivante. Une troisième section, portant sur les causes biopsychologiques, fera ressortir l’état de connaissances sur ces causes, leur identification par l’examen clinique et les interventions associées à ces causes. Par la suite, le lien avec la discipline infirmière sera démontré. Enfin, le but et les questions de recherche seront abordés dans la dernière section.

2.1 Les SCPD : définition et classification

Les paragraphes suivants présenteront une définition des SCPD suivie d’une description de la classification des SCPD.

Il n’existe pas de consensus quant à l’expression exacte pour désigner les comportements des personnes atteintes de TNCM (Voyer, 2013). L’association internationale de psychogériatrie propose le terme « symptômes comportementaux et psychologiques de la démence » (Draper et al., 2012). Comme présenté au chapitre précédent, les SCPD sont des signes et symptômes indiquant une altération de la perception, du contenu de la pensée, de l’humeur ou du comportement se produisant fréquemment chez des patients atteints de TNCM (Finkel et al., 1996).

Il existe différentes classifications sous lesquelles peuvent se manifester les SCPD. L’association internationale de psychogériatrie classifie les SCPD en deux catégories, soit les symptômes comportementaux et les symptômes psychologiques (Draper et al., 2012). Les symptômes comportementaux regroupent l’errance, l’agitation et l’agressivité, la résistance aux soins, les comportements sexuels inappropriés, la réaction catastrophique et le syndrome crépusculaire. Quant aux symptômes psychologiques, il faut noter les idées délirantes, les hallucinations, les illusions, la dépression, l’apathie et l’anxiété.

Les SCPD peuvent donc se manifester de différentes manières dont la fréquence et l’intensité peuvent varier en fonction de différents facteurs (Voyer, 2013). Par ailleurs, il est essentiel de connaître ces facteurs afin de pouvoir intervenir adéquatement. De ce fait, il existe un modèle en sciences infirmières qui présente une explication de ces facteurs à l’origine des SCPD.

(21)

2.2

Les facteurs à l’origine des SCPD

Pour mieux guider et orienter la pratique infirmière, un cadre conceptuel est essentiel. Pour ce qui des SCPD, il existe différents modèles qui peuvent expliquer leur étiologie. Les modèles théoriques les plus généralement appliqués sont, entre autres, le modèle biologique, le modèle des besoins non satisfaits, le modèle comportemental et le modèle de la vulnérabilité environnementale (Cohen-Mansfield, 2001, 2013).

Toutefois, le modèle des besoins compromis d’Algase est maintenant la théorie la plus utilisée en sciences infirmières et dans les autres disciplines, en raison de sa pertinence. En ce sens, cette théorie est proposée comme cadre pour améliorer la compréhension des SCPD et des besoins non satisfaits (Algase et al., 1996; Kovach, Noonan, Schlidt et Wells, 2005; Whall et Kolanowski, 2004). D’ailleurs, plusieurs études se sont inspirées de ce modèle comme cadre de référence (Ahn et Horgas, 2013; Gauthier et al., 2010; Kales et al., 2015; Kolanowski, Litaker et Buettner, 2005; Kovach et al., 2005, 2012; Rey, 2014; Whall et Kolanowski, 2004). Ainsi, il sera le modèle retenu comme cadre théorique dans cette recherche.

2.2.1 Le modèle des besoins compromis

En 1996, Algase et ses collaborateurs ont proposé un modèle afin de modifier la vision négative des SCPD comme « perturbateurs ou inadaptés » à une perspective qui conceptualise ces comportements comme indiquant une expression de besoins non satisfaits (Algase et al., 1996; Kolanowski et al., 2005). Ce modèle suggère que les personnes souffrant de TNCM ne sont pas en mesure d’exprimer leurs besoins clairement. Elles réagissent donc à des situations difficiles avec des comportements qui peuvent être troublants pour les autres (Cohen-Mansfield, 2013; Gauthier et al., 2010). Ainsi, les SCPD sont une stratégie de réponse adoptée par les personnes atteintes de TNCM afin de communiquer à autrui un besoin compromis. Il faut chercher à comprendre ce besoin et y répondre, car s’il est non satisfaisant, il se maintient comme facteur expliquant la présence des SCPD.

Pour mieux comprendre ces besoins compromis en lien avec la survenue de SCPD, Algase et ses collaborateurs ont identifié deux principaux groupes de facteurs (Figure 1). Les SCPD seraient causés par une combinaison de facteurs contextuels ou prédisposants, et de facteurs proximaux ou précipitants (Algase et al., 1996; Kolanowski et al., 2005; Voyer, 2013; Whall et Kolanowski, 2004).

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Figure 1 : Illustration du modèle des besoins compromis d’Algase Facteurs contextuels • Facteurs neurologiques • Facteurs cognitifs • État de santé de la personne • Facteurs démographiques et historiques Facteurs proximaux • Facteurs personnels • Environnement physique • Environnement social

Sources : Adapté d’Algase et al. (1996), Kolanowski et al. (2005) et Voyer (2013).

2.2.2 Les facteurs contextuels (prédisposants)

Les facteurs contextuels représentent toutes les caractéristiques qui placent les personnes âgées à risque de manifester des SCPD (Ahn et Horgas, 2013). Ils sont répartis en quatre catégories (Figure 1). Les facteurs neurologiques constituent les problèmes de santé qui peuvent occasionner une diminution des capacités motrices. Une personne qui a un diagnostic de TNCM et qui est atteinte de paralysie est plus à risque de présenter un SCPD contrairement à une personne avec des TNCM et qui n’a aucune atteinte motrice. En ce sens, la personne, dont les mouvements sont limités, ne serait pas capable de se rendre sans assistance à la salle de bain ou de changer de position si le besoin se présente. Ainsi, l’immobilité peut limiter la personne à satisfaire ses besoins personnels, ce qui peut engendrer des SCPD afin de communiquer un état de malaise.

SCPD

• Fréquence • Durée

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En ce qui concerne les facteurs cognitifs, ils touchent les fonctions cognitives, les fonctions perceptuelles et sensorielles et les capacités langagières (Algase et al., 1996). Une personne avec une atteinte cognitive ne serait pas en mesure de communiquer clairement ses besoins, ce qui peut entraîner des SCPD (McCloskey, 2004; Somes et Donatelli, 2013; Tosato et al., 2012). Par exemple, l’altération de la capacité des patients à s’autoapaiser et la difficulté à communiquer leur inconfort peuvent se manifester par un comportement dérangeant afin de témoigner à autrui un besoin compromis. Ainsi, les troubles verbaux tels que les cris ou les insultes doivent être considérés comme une tentative de communiquer ces besoins non satisfaits, dus à une cause sous-jacente (Gauthier et al., 2010).

Dans le cas de l’état de santé, bien que les TNCM soient le principal facteur prédisposant des SCPD, plusieurs problèmes de santé peuvent entraîner un état de malaise, contribuant par ce fait même à la survenue des SCPD (Voyer, 2013). En ce sens, ces personnes peuvent souffrir de douleurs et de maladies non diagnostiquées telles que l’infection des voies urinaires et l’anémie, de façon disproportionnée par rapport aux personnes sans déficience cognitive (Kales, Gitlin et Lyketsos, 2014). Les problèmes de santé non traités peuvent donc être des contributeurs importants aux SCPD.

Quant aux facteurs démographiques et historiques, des liens ont été établis entre la survenue de SCPD et l’âge de la personne, le sexe, le trait de personnalité de la personne et ses capacités à faire face aux situations stressantes (Algase et al., 1996; Voyer, 2013). Ces caractéristiques sont essentielles à considérer afin de mieux comprendre les besoins de l’aîné et de personnaliser les interventions (Rey, 2014).

2.2.3 Les facteurs proximaux (précipitants)

Les facteurs proximaux représentent les conditions dans lesquelles se produisent les SCPD (Ahn et Horgas, 2013). Ils comprennent les facteurs personnels et l’environnement physique et social de la personne (Kolanowski et al., 2005). Les facteurs personnels incluent les besoins physiques comme s’habiller, boire, manger, uriner, déféquer, dormir (Voyer, 2013). Si l’on prend l’exemple du sommeil, un certain nombre d’études ont montré une plus grande perturbation du sommeil chez les patients atteints de TNCM (Algase et al., 1996; Voyer, 2013). Ces patients présentent généralement un pourcentage plus élevé de sommeil léger et une plus grande fréquence de réveil nocturne (Algase et al., 1996). Cela a pour

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conséquence de diminuer leur bien-être physique et psychologique, d’entraîner de l’irritabilité, de l’apathie, de la somnolence diurne et une plus grande sensibilité à la douleur. Ceci contribue à augmenter la probabilité de manifester des SCPD.

En ce qui concerne l’environnement physique, il contient des stimuli qui sont associés à l’apparition des SCPD. Ces stimuli incluent notamment le bruit, l’intensité de la lumière et la température (Algase et al., 1996; Gauthier et al., 2010). En fait, les personnes avec TNCM ont une diminution de leur capacité à traiter et à répondre aux stimuli environnementaux et leur seuil de stress devient plus bas. Ainsi, si elles sont exposées sans relâche à ces stimuli, cela augmente leur niveau de frustration et le risque de SCPD (Kales et al., 2015).

Enfin, l’environnement social se décrit par la qualité et la quantité des interactions sociales qu’entretiennent les personnes (Voyer, 2013). Cela englobe les contacts sociaux, le réseau personnel et les soignants (Algase et al., 1996). Les SCPD comme l’errance et les cris sont associés à un plus grand temps de solitude (Algase et al., 1996). Pour ce qui est des soignants, les auteurs précisent que les SCPD se produisent plus fréquemment en présence de personnel qui manque de préparation adéquate pour répondre aux demandes environnementales. Par exemple, le niveau global des comportements notés est notamment lié à un manque d’intimité dans le réseau social, au fait de parler fort dans les corridors ou ailleurs dans l’unité de soins, etc. Ainsi, l’environnement social peut avoir des effets positifs ou négatifs sur l’apparition des SCPD selon sa qualité.

Le modèle d’Algase met en évidence qu’il existe des facteurs à l’origine des SCPD témoignant d’un besoin insatisfait qu’il faut chercher à identifier. En identifiant les facteurs contextuels ou proximaux, il devient alors possible de mettre en relief les besoins compromis. Plusieurs besoins compromis à l’origine des SCPD ont été identifiés dans la littérature, notamment les causes environnementales, les causes reliées à l’approche des soignants, etc. (Gauthier et al., 2010; Gitlin, Kales et Lyketsos, 2012; Kales et al., 2014, 2015; Zwijsen et al., 2014). Toutefois, peu d’études se sont intéressées aux causes biopsychologiques des SCPD à la connaissance de l’étudiante.

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2.3 Les causes biopsychologiques des SCPD

Comme décrit dans la section précédente, les SCPD sont un syndrome multifactoriel indiquant la présence de besoins compromis. Il en existe plusieurs causes, notamment d’origines biopsychologiques, environnementales et interactionnelles, qui peuvent les expliquer. Toutefois, cette étude portera uniquement sur les causes biopsychologiques. Il serait pertinent de se pencher sur les autres causes, mais dans un cadre de mémoire, il est nécessaire de limiter l’étendue des variables mesurées. Cette recherche s’intéresse en plus à l’identification des causes biopsychologiques des SPCD par l’examen clinique. L’examen clinique s’applique davantage à ces causes biopsychologiques qu’aux autres causes d’importance susmentionnées, lesquelles ne seront pas abordées dans le cadre de ce mémoire. Les prochaines sections traiteront de l’état de connaissances sur les causes biopsychologiques, de leur identification par l’examen clinique infirmier et les interventions qui y sont associées.

2.3.1 État de connaissances sur les causes biopsychologiques

À la connaissance de l’étudiante, il existe peu d’études qui se sont penchées sur les causes les plus fréquentes des SCPD. Selon Husebo, Ballard, Cohen-Mansfield, Seifert et Aarsland (2014), l’étiologie des SCPD chez les personnes atteintes de TNCM n’est pas connue, mais elle est plus souvent multifactorielle. Ils précisent que les SCPD peuvent être une forme de recherche d’aide pour les patients atteints d’une maladie physique et d’un état dépressif. Une recension des écrits a permis de faire ressortir que les SCPD peuvent être causés par plusieurs problèmes physiques comme la douleur, le delirium, la dépression et les infections (Cohen-Mansfield, 2013; Gitlin et al., 2012; Kales et al., 2015; Toot, Devine, Akporobaro et Orrell, 2013).

La première étude recensée a été réalisée au Québec. Cette étude transversale s’est intéressée à la relation qui existe entre le delirium et les SCPD (Landreville, Voyer et Carmichael, 2013). Les participants ont été recrutés dans trois établissements de soins de longue durée et une unité de soins de longue durée d’un grand hôpital régional au Québec. 155 personnes ont participé à l’étude avec une moyenne d’âge de 86,3 ± 6,9 ans, la majorité était des femmes (73,5 %). Deux infirmières de recherche étaient responsables de la collecte de données. Une était responsable d’évaluer la présence de delirium à l’aide de l’outil Confusion Assessment Method (CAM) ainsi que de la sévérité du TNCM à l’aide de

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l’outil Hierarchic Dementia Scale (HDS). La seconde infirmière, qui était « aveugle » par

rapport au statut de delirium des résidents, était assignée à la collecte de données sur les caractéristiques et le profil médicamenteux. Il faut noter que les infirmières de recherche, impliquées dans cette étude, ont complété 15 heures de formation donnée par un membre de l’équipe de recherche sur le delirium et les TNCM (Voyer, Richard, Doucet, Cyr et Carmichael, 2011).

De ces 155 participants, 109 (70,3 %) étaient en delirium. Les résultats indiquent que les participants en delirium présentaient de façon significative plus de SCPD que ceux qui n’avaient pas de delirium (p ˂ 0,0001). Plus spécifiquement, le delirium était associé à l’errance/tentative de fugue, aux problèmes de sommeil et aux comportements irrationnels. Ainsi, les résultats de cette étude permettent de considérer le delirium comme une cause possible des SCPD et une cible pour leur gestion. Toutefois, cette étude s’est penchée sur une seule cause potentielle des SCPD qu’est le delirium. De plus, la petite taille de l’échantillon ne permet pas de généraliser les résultats.

La seconde étude recensée s’intéressait à la prévalence de la douleur chez les personnes atteintes de TNCM admises dans les hôpitaux généraux et à explorer l’association entre la douleur et les SCPD (Sampson et al., 2015). Cette étude de cohorte longitudinale a été menée dans deux grands hôpitaux généraux à Londres, au Royaume-Uni. Deux assistants de recherche ont passé cinq mois sur chaque site. Ils évaluaient dans les 72 heures de l’admission tous les patients admis avec n’importe quel type de problème médical. Les patients qui avaient un diagnostic de TNCM, un score inférieur à 24 au mini-examen de l’état mental (MEEM) et qui ne présentaient pas de delirium, étaient éligibles pour participer à l’étude. Au total, 230 personnes âgées de plus de 70 ans ont participé à l’étude, dont la majorité était des femmes (66 %).

Différents outils ont été utilisés durant la collecte de données. Les chercheurs ont utilisé des questions avec des réponses « oui/non » et l’échelle Wong Baker FACE pour l’autoévaluation de la douleur. L’observation de la douleur au mouvement et au repos a été faite à l’aide de l’outil Pain Assessment in Advanced Dementia Scale (PAINAD). En ce qui concerne l’agitation, ils ont utilisé l’outil Cohen-Mansfield Agitating Inventory (CMAI). L’outil BEHAVE-AD a également été utilisé pour évaluer les SCPD. Les données ont été collectées au début de l’étude et ensuite tous les quatre jours jusqu’à la sortie d’hôpital, au décès ou à l’attente d’un placement en hébergement.

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Les résultats indiquent, à l’évaluation initiale, que 27 % des participants ont rapporté avoir de la douleur. En utilisant l’outil PAINAD, 9,6 % avaient de la douleur au repos et 42,4 % avaient de la douleur au mouvement. Durant l’ensemble de l’admission, 38,5 % ont déclaré avoir de la douleur au moins à une occasion et 18,7 % avaient de la douleur au repos tandis que 57 % présentaient de la douleur au mouvement. Les résultats montrent également une association significative entre le score total au BEHAVE-AD et la douleur autant au mouvement (p = 0,002) qu’au repos (p = 0,003). Plus spécifiquement, la douleur était associée à des SCPD comme l’agressivité et l’anxiété. Cette étude montre que les SCPD peuvent être associés à une présence de douleur.

La généralisation des résultats de cette étude peut être difficile au Québec puisque les outils d’évaluation utilisés au Royaume-Uni n’équivalent pas nécessairement à ceux utilisés par les infirmières au Québec. D’ailleurs, les outils d’évaluation de la douleur utilisés dans cette étude ont été sujets à de nombreuses critiques. Une étude britannique a démontré que l’outil PAINAD avait une faible spécificité (62 %) (Jordan, Regnard, O’Brien et Hughes, 2012). Cet outil a un taux élevé de faux positifs (Jordan et al., 2012; Jordan, Hughes, Pakresi, Hepburn et O’Brien, 2011). Ainsi, les résultats de cette étude peuvent surestimer la prévalence de la douleur. En outre, durant leur analyse de données, les chercheurs ont constaté qu’un chevauchement était possible entre certains items dans les outils d’évaluation des SCPD et de la douleur. Ils ont retiré les items du PAINAD qui se dupliquaient dans l’outil BEHAVE-AD. Il est fort possible que le retrait de ces items ait pu affecter la consistance interne de l’outil. Tout comme dans l’étude précédente, cette étude s’est intéressée à une seule cause possible des SCPD, alors que les SCPD peuvent être une manifestation de plusieurs facteurs.

Une étude française (Prado‐Jean et al., 2010) s’est intéressée à la dépression comme étant une autre cause possible des SCPD. Cette étude transversale avait pour objectif de caractériser les SCPD comme étant étroitement liés à la dépression chez les patients atteints de TNCM. Au total, 319 résidents répartis dans 17 centres d’hébergement ont participé à l’étude. La moyenne d’âge était de 85,6 ± 7,9 ans. Pour évaluer la fonction cognitive, les chercheurs ont utilisé le MEEM. En ce qui concerne les symptômes de la dépression, ils ont utilisé l’échelle de Cornell. Quant aux SCPD, ils ont utilisé le Neuropsychiatric Inventory (NPI). Les données ont été recueillies par un examinateur qualifié au cours d’une entrevue structurée avec un personnel des soins infirmiers. Les

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participants ont été divisés en deux groupes selon l’échelle de Cornell : ceux qui avaient un score > 6 (n = 137; 42,9 %), qui étaient donc considérés comme dépressifs et ceux qui n’étaient pas dépressifs (n = 182; 57,1 %).

Le score total du NPI était significativement plus élevé chez les participants dépressifs (p < 0,0001) comparés à ceux qui n’étaient pas en dépression (17,4 ± 16,3 versus 4,5 ± 6,9). Les SCPD étaient donc plus présents dans le groupe dépressif (96,4 % versus 60,4 %). L’agitation, l’anxiété, l’irritabilité étaient, entre autres, les symptômes que présentait le groupe dépressif. Cette étude démontre que les SCPD peuvent être reliés à un état dépressif chez des résidents avec des TNCM dans les centres d’hébergement. Il faut néanmoins noter que les chercheurs ont inclus dans leur étude les participants qui avaient un diagnostic de TNCM en se basant sur les critères du DSM-IV (American Psychiatric Association, 1994). Or, lesdits critères ont évolué, et ils sont présentés dans un nouveau manuel qu’est le DSM-5 (American Psychiatric Association, 2013). Il est donc, possible que le profil des participants inclus dans cette étude ne soit pas similaire à ceux d’aujourd’hui. De plus, comme les études précédentes, la même limite subsiste : elle s’intéressait à une seule cause des SCPD. Elle ne met pas en évidence les autres causes possibles. De ce fait, il faut se référer à d’autres études dans lesquelles les chercheurs ont essayé d’identifier plus d’une cause sous-jacente aux SCPD.

Une étude rétrospective américaine (Hodgson et al., 2011) a tenté d’évaluer la relation entre les maladies non diagnostiquées et les SCPD chez les personnes âgées atteintes de TNCM vivant à domicile. Pour cela, les chercheurs ont utilisé des données qui proviennent de deux essais cliniques randomisés distincts (Gitlin, Winter, Dennis et Hauck, 2007; Gitlin, Winter, Dennis, Hodgson et Hauck, 2010). Deux cent soixante-cinq (n = 265) personnes âgées, dont l’âge moyen était de 82,7 ± 8,2 ans, ont participé à l’une des deux études. Dans les deux études, le protocole infirmier était le même. Une intervention comportait une visite à domicile ainsi qu’une évaluation d’une infirmière. Pour découvrir une possible maladie non diagnostiquée, plusieurs tests de laboratoire et d’urine ont été effectués. De plus, une infirmière-chercheuse qualifiée a complété un bref historique médical de la personne atteinte de TNCM avec l’aidant. L’infirmière a également effectué un examen physique pour détecter les signes de déshydratation. Pour évaluer les SCPD, les chercheurs ont utilisé l’outil Agitated Behavior in Dementia (ABID) qui comprend 16 éléments. Ils ont également ajouté cinq SCPD, dont deux provenaient de Revised Memory and Behavior Problem Checklist (RMBPC) et les trois autres de leurs précédentes recherches.

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La résistance ou le refus des soins était le comportement le plus souvent présent chez les personnes ayant une maladie détectée (66 %), comparativement à 47 % des personnes n’ayant aucune maladie détectée (² = 5,44, p = 0,02). Les résultats montrent également une corrélation significative entre des maladies détectées comprenant la bactériurie, l’hyperglycémie, l’anémie, les désordres métaboliques (hyponatrémie, hypokaliémie, troubles thyroïdiens) et divers SCPD. Plus spécifiquement, des corrélations statistiquement significatives ont été trouvées entre l’hyperglycémie et l’agitation et les vocalisations répétitives (p < 0,05). L’anémie était significativement associée au comportement de cri (p = 0,03). Les troubles métaboliques tels que l’hypernatrémie, l’hypokaliémie et les troubles thyroïdiens étaient significativement associés à la présence d’idées délirantes, d’hallucinations et d’agitation (tous p < 0,05). Les données révèlent aussi des corrélations statistiquement significatives, mais faibles entre la bactériurie et l’agitation (p = 0,02).

Les résultats montrent que les SCPD peuvent être reliés à certaines maladies aiguës comme la bactériurie, l’hyperglycémie et l’anémie qu’il faut chercher à identifier afin de les traiter. Par ailleurs, il faut noter que les tests, les examens et l’analyse en laboratoire n’incluaient pas l’évaluation d’autres diagnostics souvent omis chez les personnes atteintes de TNCM, notamment la dépression et le delirium en raison de la difficulté à communiquer leur besoin compromis (Somes et Donatelli, 2013). Il est aussi difficile de généraliser les résultats de cette étude puisque les chercheurs y ont seulement retenu deux items de l’outil RMBPC, alors que la version originale en contenait 24 (Teri et al., 1992). Cela peut affecter la consistance interne de l’outil de mesure. En plus, les auteurs avaient ajouté trois autres SCPD à leur outil de mesure pour évaluer les SCPD. Or, aucune précision n’a été donnée à savoir si des tests et prétests ont été effectués pour s’assurer que l’ajout de ces SCPD n’affecterait pas la validité des résultats de l’étude. Il faut remarquer que la taille de l’échantillon variait dans la présentation des résultats. Les résultats de cette étude doivent être interprétés avec réserve. Il s’agit également de la première étude, selon eux, à évaluer la prévalence de maladies traitables et leur relation avec les SCPD. Plus de recherches s’avèrent nécessaires à ce niveau.

Ainsi, les études portant sur les SCPD chez les personnes atteintes de TNCM ont montré que plusieurs besoins compromis peuvent être en cause chez ces derniers. Mais les connaissances à ce jour restent quand même limitées. Il s’agit souvent de conditions

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médicales non détectées qui peuvent être modifiées. Un examen clinique minutieux est donc fort utile pour leur identification (Hodgson et al., 2011).

2.3.2

L’examen clinique et l’identification des causes

L’infirmière, dans sa pratique, a un grand rôle à jouer dans la prise en charge des SCPD, comme évaluer et identifier les besoins compromis des SCPD. Pour cela, il existe des lignes directrices sur lesquelles elle doit s’appuyer pour mieux guider cette pratique (CCSMPA, 2006; 2014; MSSS, 2014b). Ces lignes directrices insistent sur l’importance de procéder à une démarche systématique lors de la prise en charge des SCPD, et ce, par une évaluation approfondie permettant d’identifier les besoins compromis afin de planifier des interventions en conséquence.

Comme mentionné plus haut, il existe plusieurs causes qui peuvent expliquer ces besoins compromis. Les lignes directrices guident la façon d’identifier ces causes. Parmi les recommandations ressorties dans ces lignes, l’évaluation constitue l’une des premières étapes. Une des dimensions importantes de cette évaluation est l’examen clinique, car il s’intéresse plus particulièrement à l’identification des causes biopsychologiques. En ce sens, il va enrichir notre compréhension au niveau des facteurs contextuels, et aussi au niveau des facteurs personnels dans les facteurs proximaux du modèle des besoins compromis d’Algase.

Les éléments essentiels de base d’une évaluation détaillée devraient inclure, entre autres, l’anamnèse et l’examen physique (CCSMPA, 2006, 2014). Tout d’abord, en ce qui concerne l’anamnèse, il s’agit concrètement de recueillir des données subjectives sur l’histoire du malaise dominant (Voyer, 2017). En fait, le principe du malaise dominant permet à l’infirmière de garder le fil conducteur (le focus) en situation de comorbidité ou de plusieurs symptômes. Face à un SCPD, l’infirmière doit donc réaliser son anamnèse pour tenter d’obtenir le portrait le plus précis possible du malaise afin d’émettre des hypothèses concernant la cause du SCPD. Contrairement à l’anamnèse, l’examen physique vise à objectiver les symptômes afin de confirmer ou d’infirmer les hypothèses émises durant l’anamnèse sur l’origine du malaise (Voyer, 2017).

Les lignes directrices québécoises ont produit des outils d’évaluation recommandés que les infirmières du Québec peuvent utiliser pour apporter leur contribution, par l’examen

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clinique, en contexte de SCPD (Fleury, 2014). Les SCPD sont un syndrome qui est caractérisé par un ensemble de malaises qu’il faut répertorier. Une seule évaluation n’est donc pas suffisante pour les identifier. Les outils issus des lignes directrices permettent de guider les infirmières sur les évaluations à réaliser. Ainsi, en contexte de première ligne, on commence par déterminer quel comportement est problématique en ressortant le malaise dominant suivi d’un ensemble d’évaluations telles que l’examen clinique sommaire de l’aîné, l’examen clinique de l’état mental et l’examen clinique pulmonaire. Dans un contexte de 2e

ligne, il s’agit de la prise en charge par une équipe spécialisée. Il n’est pas nécessaire d’utiliser le principe du malaise dominant puisque, étant en 2e ligne, l’on a déjà une bonne

description de la problématique. Il s’agira alors d’aller plus en profondeur dans l’évaluation. Dans ce cas, on précédera, notamment à l’examen clinique cardiaque et l’examen clinique de l’abdomen, l’évaluation de la douleur chez les aînés atteints de TNCM.

En fait, l’examen clinique va au-delà du simple fait de prendre des signes vitaux. Toute la contribution de l’infirmière est sollicitée. En ce sens, lorsque l’infirmière a en sa charge une personne qui présente des SCPD, elle doit faire une évaluation détaillée. Elle doit vérifier s’il n’existe pas des causes biopsychologiques qui expliqueraient le comportement de la personne. De plus, l’examen clinique est un rôle essentiel de la profession infirmière (OIIQ, 2016). Par conséquent, elle doit assumer pleinement ce rôle.

D’ailleurs, une étude américaine a démontré qu’en procédant à une évaluation des besoins compromis, il est possible d’identifier les causes des SCPD, qui peuvent expliquer le comportement adopté par la personne (Cohen-Mansfield, Dakheel-Ali, Marx, Thein et Regier, 2015). L’objectif était de décrire les besoins compromis des SCPD. Plusieurs questions étaient soulevées, notamment l’identification des besoins compromis qui contribuent aux SCPD. Les chercheurs s’intéressaient à la détermination des besoins compromis dans le contexte d’une de leur précédente étude randomisée (Cohen-Mansfield, Thein, Marx, Dakheel-Ali et Freedman, 2012). Les participants (n = 89) avaient une moyenne d’âge de 85,9 ans et provenaient de six centres d’hébergement dans l’état du Maryland.

L’observation a été utilisée par les chercheurs comme méthode d’évaluation. Les participants ont été observés un à la fois pendant trois minutes chaque demi-heure pour un total de 13 heures d’observation par jour pendant trois jours consécutifs par des assistants de recherche. L’évaluation, qui avait pour objectif d’identifier les besoins compromis, a été

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réalisée autant par les assistants de recherche que par les infirmières auxiliaires, qui offraient des soins directs, à l’aide de plusieurs outils d’évaluation. Les données sur l’agitation ont été évaluées à partir de l’outil Agitated Behaviors Mappig Instrument (ABMI). La douleur a été évaluée par l’outil Pain Assessment in Eldery Persons (PAINE). Les besoins compromis ont été évalués à partir de l’outil Type of Unmet Need Assessment (TUNA).

Les résultats du TUNA ont été tabulés en séparant les réponses obtenues des assistants de recherche et des infirmières auxiliaires. Les besoins compromis les plus communs étaient la solitude/le besoin de contact social et l’ennui/la privation sensorielle. Ces besoins ont été identifiés pour à peu près les deux tiers des participants évalués par les assistants de recherche et pour la moitié de ceux évalués par les infirmières auxiliaires. L’inconfort a été identifié comme besoin compromis pour le tiers de l’échantillon. Les assistants de recherche ont rapporté 2,9 besoins compromis par participant (0-7 ± 1,3) et les infirmières auxiliaires en ont rapporté 2,6 (0-6 ± 1,4). Les participants qui ont été désignés par les assistants de recherche comme ayant de la solitude comme besoin compromis présentaient de façon significative un plus grand taux d’agitation verbale (z = 1,70, p = 0,045) que ceux qui ne présentaient pas ce besoin. L’inconfort était significativement associé à une plus grande douleur (z = 1,93, p = 0,027). Il était aussi associé à des niveaux plus élevés de comportements d’agitation tels que des demandes constantes d’attention (z = 1,93, p = 0,027), de plaintes (z = 2,92, p = 0,004) et de cris (z = 2,28, p = 0,02). Ces résultats démontrent qu’il existe plusieurs besoins compromis qui peuvent être à l’origine des SCPD et les expliquer, et qu’en procédant à une évaluation, il est possible de les identifier.

Plusieurs limites ont été soulevées dans cette étude. Les participants qui présentaient des besoins compromis comme l’ennui et la privation sensorielle ont manifesté un taux élevé de comportement physique non agressif. Ce résultat n’était pas statistiquement significatif. Les chercheurs justifient cela par la petite taille de leur échantillon. Il faut plus de recherche avec une plus grande taille d’échantillon pour appuyer les résultats de cette étude. Le TUNA est également un outil développé par les chercheurs pour évaluer des besoins compromis. Toutefois, des confusions dans la nomenclature de certaines catégories sont présentes. Par exemple, il a été constaté dans la littérature que le besoin compromis comme l’ennui soit proche du besoin d’activités physiques (Cohen-Mansfield, 2001; Cohen-Mansfield, Dakheel-Ali et Marx, 2009; Kolanowski, Litaker, Buettner, Moeller, et Costa Jr, 2011). Les

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auteurs précisent que les futures versions du TUNA devraient affiner davantage la nomenclature utilisée. Il est donc possible que la version du TUNA utilisée dans cette étude ait pu causer des distorsions dans ses résultats. Il faut de surcroît remarquer que dans le cadre de cette étude, une partie des résultats provenait de l’évaluation des infirmières auxiliaires qui dispensaient les soins directs aux participants. Il est probable que les résultats de cette étude ne soient pas applicables ou généralisables au Québec, puisque l’évaluation est un acte réservé aux infirmières (OIIQ, 2016).

En revanche, les résultats d’une étude québécoise ont montré des lacunes au niveau des connaissances des infirmières par rapport à ce rôle en contexte de SCPD (Gagné, 2010; Gagné et Voyer, 2013). Cette étude descriptive s’est intéressée à l’état des connaissances des infirmières concernant la prise en charge des SCPD. Elle a été réalisée dans huit centres d’hébergement de la région de Québec. Elle visait à évaluer si les infirmières connaissent les principes recommandés par les lignes directrices. Quarante-quatre (n = 44) infirmières, âgées en moyenne de 40 ans et cumulant en moyenne 15,6 années d’expérience, ont participé à cette étude. Les résultats ont permis de mettre en relief les principales lacunes au niveau des connaissances des infirmières dans la prise en charge des SCPD. Ces lacunes se situaient au niveau, entre autres, du dépistage, de l’évaluation des causes et des outils de dépistage. Les auteurs ont constaté que seulement 45,5 % des participantes ont mentionné l’un ou l’autre des principaux moyens d’évaluation. Parmi elles, seulement trois infirmières ont nommé l’examen physique. Seulement 42,2 % ont mentionné l’importance de chercher les causes des SCPD. Or, il est important qu’elles maîtrisent cette étape pour la mise en place des interventions.

En somme, les lignes directrices indiquent à quel point il est important dans un contexte de SCPD de faire un examen clinique afin d’identifier les causes biopsychologiques. De plus, il a été démontré dans la recherche que les SCPD peuvent être diminués en détectant et en traitant les causes à l’origine de ceux-ci (Cohen-Mansfield, 2014), et par ce fait même, prévenir le recours à des interventions non justifiées (Tampi et al., 2011). Ainsi, il est fortement recommandé de procéder à l’examen clinique afin d’identifier les causes sous-jacentes des SCPD pour éclairer les interventions (Gagné, 2010; Gagné et Voyer, 2013; Kales et al., 2015; Rey, 2014; Voyer, 2013). Il s’agit d’une étape importante pour cibler les interventions, car une fois les causes identifiées, il devient alors possible de déterminer le bon choix d’intervention (Gagné et Voyer, 2013; Kales et al., 2015; Morley, 2013). En d’autres mots, la compréhension

Figure

Figure 1 : Illustration du modèle des besoins compromis d’Algase  Facteurs contextuels  •  Facteurs neurologiques  •  Facteurs cognitifs  •  État de santé de la  personne   •  Facteurs démographiques  et historiques  Facteurs proximaux  •  Facteurs personn
Figure 2 : Processus de sélection de l’échantillon
Tableau 1 : Caractéristiques sociodémographiques des participants
Tableau 3 : Les SCPD identifiés (n = 110)
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