• Aucun résultat trouvé

Comparaison des résultats sur les interventions

Chapitre 5 : Discussion

5.2 Comparaison des résultats sur les interventions

Une fois les causes biopsychologiques les plus fréquentes des SCPD identifiées par le biais de l’examen clinique infirmier, les infirmières du CEVQ ont été en mesure de planifier leurs interventions, et ce, de façon efficace (p < 0,0001). Les prochains paragraphes mettront en parallèle ces interventions et les données qui sont présentes dans la littérature à ce niveau.

Les résultats de ce mémoire ont permis de faire ressortir les interventions les plus fréquemment associées aux causes biopsychologiques des SCPD. Parmi ces interventions, la communication optimale était la principale intervention identifiée (86 %). Elle est suivie de près par les démarches médicales (77 %), la diversion (69 %), le renforcement différentiel (68 %), les interventions de gestion de la douleur ou de l’inconfort (65 %) et la thérapie occupationnelle ou activités de loisirs (58 %). D’ailleurs, ces interventions font partie des interventions les plus reconnues et elles sont également recommandées par les lignes directrices québécoises (MSSS, 2014a). Les chercheurs d’une revue systématique (Livingston et al., 2014) se sont également intéressés aux interventions non pharmacologiques les plus efficaces pour diminuer l’agitation chez les personnes avec des TNCM. Leurs résultats démontrent que les habiletés de communication centrées sur la personne figuraient parmi les interventions les plus efficaces pour diminuer les symptômes d’agitation chez des personnes atteintes de TNCM. Ce résultat est conforme à celui de ce mémoire puisque la communication optimale était l’intervention principale identifiée.

Les résultats d’une étude longitudinale (White et al., 2017) vont également dans le même sens. Une des questions de cette étude visait à décrire les types d’interventions non pharmacologiques qui étaient utilisés chez des personnes hospitalisées, atteintes de TNCM et présentant des SCPD. Au total, 230 personnes âgées de 75 ans ont participé à l’étude. L’échantillon était constitué majoritairement de femmes (65,7 %). L’étude s’est déroulée dans deux hôpitaux à Londres. Parmi les interventions qui ont été les plus utilisées dans cette étude, il faut noter les instructions simples. Dans le présent mémoire, la communication optimale était l’intervention principale identifiée. Elle inclut justement les instructions simples identifiées par White et ses collaborateurs. Les autres interventions les plus utilisées dans leur étude ont également été identifiées comme des interventions dans ce mémoire telles que la marche et l’orientation à la réalité. En revanche, ces interventions ne prédominent pas dans le présent mémoire.

En outre, il faut préciser qu’aucune preuve de l’efficacité des interventions utilisées dans leur étude n’a été présentée. En fait, les interventions non pharmacologiques consistaient en toute intervention mise en place par l’équipe soignante qui n’impliquait pas de médicaments et qui était utilisée avec l’intention de gérer les SCPD. Les interventions ont été identifiées par les chercheurs en demandant aux infirmières responsables des soins comment elles géraient les SCPD, en examinant les notes médicales depuis l’admission du patient, et en observant les lieux pendant la collecte d’informations sur le patient. Puisque les chercheurs n’ont eu recours à aucun outil valide à ce niveau, il est donc difficile de se prononcer sur le niveau d’efficacité de ces interventions. De plus, aucune association n’a été établie entre ces interventions et les besoins compromis en cause. Il est alors possible que ces interventions aient été planifiées pour des causes qui ne sont pas nécessairement biopsychologiques. Or, le présent mémoire s’intéresse principalement aux causes biopsychologiques.

Une autre étude, publiée récemment, a également tenté de décrire les interventions non pharmacologiques des SCPD (Scales, Zimmerman et Miller, 2018). Cette revue systématique de la littérature s’est déroulée aux États-Unis. Leur recherche incluait les articles publiés en anglais de janvier 2010 à janvier 2017. Leurs bases de données de recherche incluaient PubMed, CINAHL, PsycINFO, AgeLine et Cochrane. Au total, 197 articles rapportant des interventions non pharmacologiques des SCPD fondées sur des niveaux de preuve et 14 articles simples ont été examinés. La majorité des interventions non pharmacologiques, répertoriées dans l’étude de Scales et al. (2018), ont été identifiées dans ce mémoire, notamment, l’aromathérapie, le massage, la stimulation multisensorielle, la validation, la thérapie de réminiscence, la musicothérapie, la zoothérapie et les activités significatives. Scales et al. (2018) précisent aussi que la plupart de ces interventions sont acceptables; elles n’ont pas d’effets néfastes et elles nécessitent un investissement minimal à modéré. Toutefois, les interventions les plus fréquentes identifiées dans ce mémoire n’ont pas été répertoriées dans l’étude de Scales et al. (2018). Cette étude incluait seulement les articles publiés en anglais. Il se peut que des interventions identifiées dans des articles publiés dans d’autres langues aient été omises. De plus, les interventions non pharmacologiques identifiées dans cette étude étaient plus associées aux SCPD et non à leurs causes.

D’ailleurs, à la connaissance de l’étudiante, peu d’études se sont intéressées à l’association entre les interventions non pharmacologiques et les causes biopsychologiques les plus fréquentes. La majorité des interventions identifiées dans la littérature s’appliquaient principalement aux formes de SCPD manifestés et non à leurs causes (Deudon et al., 2009; Livingston et al., 2014). Dans la mesure où les études qui ont été réalisées sur cette association sont limitées, il est difficile de comparer les résultats à ce niveau.

Il faut cependant souligner une étude qui a tenté de mettre en perspective différentes interventions possibles qui peuvent se rattacher à certaines causes (Cohen-Mansfield et al., 2012). En fait, cette étude aborde les limites d’une étude antérieure des chercheurs (Cohen- Mansfield et al., 2007), en misant sur la randomisation pour éliminer le biais dans l’assignation du traitement. Ils ont aussi conduit cette étude dans l’optique de fournir une approche plus systématique dans les choix d’interventions. Au total, 125 personnes, avec une moyenne d’âge de 85,7 ans, présentant de l’agitation et atteintes de TNCM sévère, ont participé à l’étude. Les participants provenaient de onze centres d’hébergement dans l’état du Maryland, aux États-Unis. Les participants ont été randomisés dans deux différents groupes. Quatre-vingt-neuf (89) participants, provenant de six centres d’hébergement, étaient assignés dans le groupe intervention, tandis que 36 participants, provenant des cinq autres centres d’hébergement, ont été assignés dans le groupe contrôle (recevant le placebo). Dans les deux groupes, la majorité des participants étaient des femmes. Les chercheurs ont utilisé l’outil TREA qu’ils avaient développé dans une étude antérieure. À l’aide de cet outil, ils ont été en mesure d’émettre l’hypothèse d’un besoin compromis et d’identifier une catégorie d’interventions. Lorsque la solitude ou la dépression étaient identifiées comme besoins compromis, les interventions planifiées comprenaient une thérapie assistée par un animal simulé (animal robotisé), une interaction individuelle avec un assistant de recherche, une interaction simulée, une poupée réaliste, des activités de groupe avec des personnes ayant des scores similaires au MEEM et une vidéo de répit.

Lorsque le besoin compromis identifié était l’ennui, les interventions étaient divisées en deux catégories : les activités et la stimulation. Les activités incluaient les arts et l’artisanat, les activités physiques, les jeux adaptés au niveau de fonctionnement du participant, les magazines à gros caractères et les activités de type « travail » (triage d’enveloppes, pliage de serviettes). Les stimulations consistaient en des massages, de la musique basée sur la préférence des participants, et des films.

Enfin, le dernier besoin compromis exploré par les chercheurs était l’inconfort. Si les participants présentaient des difficultés d’audition ou de vision, des ajustements étaient apportés, notamment par l’utilisation d’un amplificateur ou bien la localisation des lunettes de la personne. Si des contentions physiques étaient utilisées, les assistants de recherche discutaient avec l’infirmière gestionnaire et le directeur de la thérapie pour recommander leur retrait. Si la faim ou la soif causait de l’inconfort, de la nourriture ou des breuvages étaient fournis. Lorsqu’il est apparu qu’un participant n’était pas assez souvent amené aux toilettes, les assistants de recherche demandaient aux infirmières auxiliaires d’amener le résident à la toilette lorsqu’il le demandait ou lorsqu’il était agité. En cas d’inconfort causé par les fauteuils roulants ou les combinaisons marchette/chaise, un ajustement du siège était demandé. Si un participant avait chaud ou froid, des ajustements appropriés étaient faits.

Les résultats de l’étude de Cohen-Mansfield et al. (2012) corroborent plus ou moins ceux de ce mémoire. Effectivement, dans le présent mémoire, lorsque les signes de dépression étaient identifiés comme cause, la plupart des interventions identifiées dans l’étude de Cohen-Mansfield et al. (2012) étaient aussi planifiées par les infirmières du CEVQ, notamment la zoothérapie, l’interaction individuelle ou de groupe et le contact social simulé. Toutefois, dans ce mémoire, ce ne sont pas ces interventions qui étaient le plus fréquemment planifiées pour traiter les signes de dépression. Les démarches médicales et la thérapie de réminiscence représentaient les principales interventions associées aux signes de dépression dans ce mémoire.

Pour ce qui est de l’ennui, les résultats sont comparables. D’ailleurs, la thérapie occupationnelle ou les activités de loisirs ainsi que les activités physiques faisaient partie des principales interventions identifiées par les infirmières du CEVQ. La musicothérapie a également été identifiée. Toutefois, le massage n’a pas été identifié comme intervention en situation d’ennui dans ce mémoire.

En ce qui concerne l’inconfort, les résultats ne sont pas comparables, car les chercheurs ont inclus dans cette catégorie plusieurs causes qui étaient identifiées séparément dans le présent mémoire. La différence dans la nomenclature de cette cause fait en sorte qu’il est difficile de comparer les résultats à ce niveau. De plus, cette cause était identifiée chez seulement 6 % (n = 7) des participants du présent mémoire. Comme indiqué dans le chapitre précédent (chapitre 4), l’association entre les interventions et les causes

était faite dans ce mémoire pour les causes qui étaient présentes chez au moins dix participants (9 %). Il est toutefois possible de faire une analogie entre les interventions associées à certaines causes identifiées dans ce mémoire que les chercheurs ont incluses dans l’inconfort dans leur étude, notamment le déficit auditif et le déficit visuel. Lorsque les participants de ce mémoire présentaient un déficit visuel, les infirmières du CEVQ utilisaient des aides à la vision. Lorsque le déficit auditif était identifié comme cause, des aides à l’audition étaient planifiées. Toutefois, il ne s’agit pas des interventions le plus souvent associées à ces causes dans le présent mémoire. En situation de déficit visuel, l’adaptation de l’environnement et la communication optimale constituaient les principales interventions identifiées. En situation de déficit auditif, il s’agissait de la communication optimale.

Aussi, il faut remarquer que les causes les plus fréquentes identifiées dans le présent mémoire, ainsi que les interventions qui y sont associées, n’ont pas été soulignées par Cohen-Mansfield et al. (2012) dans leur étude. Il est donc difficile de dire que les résultats de cette étude appuient ceux de ce mémoire. Une explication possible est que Cohen- Mansfield et ses collaborateurs ont fait leur étude en centres d’hébergement alors que dans ce mémoire-ci, les participants provenaient de différents milieux. Il n’est pas mentionné dans l’étude citée si les chercheurs avaient eu recours à l’histoire biographique durant leur recherche des causes et la planification des interventions qui s’y rattache. Or, comme mentionné auparavant, le fait d’avoir recours à l’histoire biographique permet d’identifier certaines causes, dont la personnalité prémorbide, et de mieux planifier des interventions personnalisées. Il est alors possible que les infirmières du CEVQ, par le biais de l’histoire biographique, aient pu identifier d’autres interventions plus appropriées au contexte de la personne. Effectivement, comme le montrent les lignes directrices (MSSS, 2014a), outre les interventions identifiées par Cohen-Mansfield et ses collaborateurs, il peut exister une panoplie d’autres interventions appropriées pour une même cause.

À ce stade-ci, à la connaissance de l’étudiante, les études similaires à ce mémoire, mettant en perspective les interventions les plus fréquemment associées aux causes biopsychologiques, sont limitées. Les études vont souvent se limiter à la description des interventions non pharmacologiques, mais l’arrimage entre ces interventions et les causes des SCPD est peu ressorti dans la littérature. Les études ciblent davantage une seule intervention et souvent relativement à une catégorie de SCPD, alors que les causes des SCPD sont multifactorielles (Rey, 2014). D’ailleurs, une étude publiée récemment affirmait

qu’à l’heure actuelle, les interventions non pharmacologiques s’apparentent à des « médicaments orphelins », en ce sens qu’il n’existe aucune organisation prête à investir des sommes importantes afin de les tester (Cohen-Mansfield, 2018). L’auteure précise que l’étude sur les interventions non pharmacologiques auprès des personnes atteintes de TNCM en est encore à ses débuts. Elle encourage d’ailleurs les chercheurs à profiter de l’occasion pour mener des études à ce niveau afin d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de TNCM.

Par ailleurs, même s’il existe peu d’études à ce sujet, il est intéressant de mettre en perspective le fait que les résultats de ce présent mémoire vont dans le même sens que les lignes directrices sur la prise en charge des SCPD, notamment celles proposées par le MSSS (2014a) et par la CCSMPA (2006, 2014). La plupart des interventions identifiées par les infirmières du CEVQ en fonction de la cause correspondent effectivement aux recommandations. En particulier, les signes d’anxiété ont été la cause dominante dans le présent mémoire. Les interventions les plus souvent associées à cette cause étaient notamment la diversion, la communication optimale, le massage des mains et le toucher thérapeutique. Ces interventions font partie des interventions recommandées en situation d’anxiété (MSSS, 2014a). Une étude américaine (Cohen-Mansfield, 2013) portant sur une revue de la littérature sur les interventions non pharmacologiques abonde également dans le même sens. Par exemple, lorsque la douleur est identifiée comme cause, une panoplie d’interventions sont présentées (Cohen-Mansfield, 2013; MSSS, 2014a), parmi lesquelles figurent justement les démarches médicales incluant la possibilité d’introduire une molécule analgésique, les interventions visant la gestion de la douleur ou l’inconfort, qui font également partie des interventions les plus fréquentes en situation de douleur dans le présent mémoire.

De surcroît, il est important de souligner plusieurs autres interventions fréquentes mises en place par les infirmières de l’équipe de mentorat du CEVQ selon la cause qui concordent aussi avec ce qui est recommandé dans les lignes directrices sur les SCPD et dans la littérature (CCSMPA, 2006; Cohen-Mansfield, 2013; Draper et al., 2012; Draper, Brodaty et Finkel, 2015; MSSS, 2014a). À titre d’exemples, il est indiqué que lorsque la personne présente des signes de dépression, il faut faire de la thérapie de réminiscence. Dans le présent mémoire, la thérapie de réminiscence a été mise en place par les infirmières chez 72 % des participants qui manifestaient des signes de dépression. En situation d’ennui, il est suggéré de faire de la thérapie occupationnelle. Dans ce mémoire, la thérapie

occupationnelle a été planifiée pour cette cause chez 82 % des participants. La validation est recommandée dans les situations de troubles perceptuels et d’idées délirantes. Cette intervention a été identifiée chez 100 % des participants de ce mémoire qui avaient des idées délirantes et chez 96 % des participants qui présentaient des troubles perceptuels. Il est suggéré de mettre un programme d’hygiène de sommeil en place en cas de problème de sommeil. Les infirmières mettaient en place des programmes d’hygiène de sommeil chez 95 % des participants lorsque ceux-ci présentaient des signes d’insomnie. Il est recommandé d’adapter la façon de communiquer à la personnalité de la personne lorsque celle-ci avait une personnalité prémorbide. Dans le présent mémoire, c’est ce qui a été mis en place par les infirmières. La communication optimale a été identifiée chez 62 % des participants qui avaient une personnalité prémorbide. En somme, ces derniers paragraphes mettent en relief que les interventions non pharmacologiques mises en place pour traiter les SCPD sont choisies de façon systématique et reposent sur la science.

En résumé, la plupart des interventions non pharmacologiques associées aux causes biopsychologiques des SCPD identifiées dans le présent mémoire sont conformes à celles présentées dans la littérature et dans les lignes directrices. Toutefois, étant donné qu’à la connaissance de l’étudiante il existe peu d’études similaires, des recherches plus approfondies sont nécessaires afin d’appuyer les résultats de ce mémoire avant de pouvoir faire une généralisation. Les prochaines sections aborderont d’ailleurs les limites et les forces de ce mémoire.

Documents relatifs