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3-3: LES PAYSAGES DE PLAINES ALLUVIALES

3.4.1.2. L’ERG DE KALFOU

De Moulvouday (N 10° 25’–E 14° 52’) à Yagoua (N 10° 21’–E 15° 13’) les dunes de sables rouges s’ordonnent en un faisceau parallèle à crêtes orientées SO-NE comme celle des alignements sableux précédents. Elles butent contre le grand cordon sableux Limani-Yagoua suivant un angle de 55°. Hautes de 10 à 15 m et larges de quelques 700 m, elles sont régulièrement séparées par des dépressions interdunaires étroites, allongées sur 20 à 35 km.

Ces dernières à l’instar de petites cuvettes de déflation sont hydromorphes en saison de pluies.

Les mares saisonnières que portent certaines de ces petites dépressions sapent la base des dunes, amorçant une érosion qui se manifeste sur les versants par des griffures d’érosion ou de petites têtes de vallées.

Le mayo Bourlouk, haut mayo Danay en passant par le yaéré Kouro, semble surimposé à ce système dont il entaille l’extrémité NE, aussi bien que le cordon sableux Limani-Yagoua, au pied duquel il coule parallèlement. Ce mayo marque la limite morphologique entre les deux unités sans pour autant qu’il y ait une différence au point de vue sédimentologiquement. Les coupes réalisées dans le secteur montrent un matériau indifférencié jusqu’à la nappe phréatique (4 m dans le talweg). (Figure 28).

L’échantillon témoin (CAM 2002 - 8) prélevé par carottage au sommet d’une de ces dunes dans une large excavation de 12 m de profondeur visible à la sortie Est de Yagoua au pied de l’école construite dans le cadre de la coopération japonaise (N 10° 19’-E 15° 14’, altitude 335 m) est un sable fin (Md = 130 µm) pulvérulent rouge (P20 2,5YR 5/6), très bien classé (Qdϕ = 0,17), avec 50 % du stock éolisé.

Une courbe granulométrique très redressée, un grand pourcentage de grains de quartz ronds-mats (50 %), un pourcentage pondéral de minéraux lourds égal à 0,56 que cet échantillon a sont des caractères typiques d’un matériau éolien. Il s’agirait en fait d’une reprise éolienne par vents faibles (SK = -0,13) des matériaux qui ont été antérieurement remaniés par des actions fluviatiles.

Ces sabbles dunaires reposent sur des limons sableux jaunes (S 85 2,5Y 7/6), à passées rouilles d’hydromorphie, proche de l’assise limono-argilo-sableuse de Doyang. L’échantillon témoin (CAM 2002–9) prélevé à 3 km à la sortie Est de Guidiguis (N 10° 08’–E 14° 43’, altitude 414 m) a 40 % de grains aux caractères fluviatiles (épandages fluviatiles). Ce matériau fixé par une végétation de Gueira senegalensis connaît une évolution pédogénétique (courbe granulométrique logarithmique).

Figure 32. Paysage géomorphologique à la jonction entre l’erg de Kalfou et le cordon sableux paléolacustre tchadien

Figure 33a. La coupe de Kalfou - Guidiguis

Figure 33b. Données morphoscopiques

Figure 34. Scène SPOT 5 P + X S N° 088 /329, 088 / 330, 089 / 229 et 089 / 330 présentant le paysage à la jonction de l’erg de Kalfou, les nappes sableuses du secteur de Lokoro et le cordon sableux paléolacustre tchadien.

Ces épandages fluviatiles remarquables par la quasi absence d’axe hydrique actuel ont été modelés en dunes longitudinales probablement par l’Harmattan (NE–SO) sauf vers l’Est où ils se disposent en bandes suivant une orientation SE-NO, constituant le « système dunaire de Lokoro ».

En effet, de Golompoui (N 10° 01’–E 15° 07’) au Sud jusqu’à la vallée du Yaéré Kouro et du mayo Danay au pied du cordon sableux paléolacustre tchadien au Nord (N 10 26’) et de Doukoula (N 10° 07–E 14° 58’) à l’Ouest jusqu’à la dépression du lac de Fianga à l’Est (N 10° 10’-E 15° 14’), les épandages sableux sont marqués par 5 dépressions interdunaires, saisonnièrement hydromorphes et/ou marécageuses d’orientation NO-SE. Le lac de Fianga les sépare du « bec de canard »* ( petite langue de terre localisée à l’extrême SE de la plaine du Logone. Limitée du SE au NO par ce cours d’eau, elle est séparée du Tchad par une frontière artificielle). Ces dépressions sont bien visibles même dans l’erg de Kalfou sur les images satellitaires Spot N° 088 / 329 et 088 / 330. Ces dépressions sont subparallèles et calquent probablement leur tracé sur un réseau de failles. Ces dernières peuvent être suivies vers l’Ouest jusqu’à Boudou (N 10° 42’- E 14° 41’) où le mayo Boula déviant son cours SO-NE épouse la direction NO-SE devenant mayo Mouda, conformémment à la dépression du yaéré Kaoun-mayo Bourlouk-mayo Danay. De même le changement de direction (NO-SE) de ce mayo entre Ouré-Bouné (N 10° 31’-E 14° 26’) et Gay-Gay Kounaré (N 10° 28’ – 14° 33’) s’aligne sur la dépression de Daram-Kalfou-Guinane. On a ainsi dans le paysage des bandes sableuses avec des sommets très étalés à 335–340 m d’altitude. Elles sont plus ou moins rectilignes et larges de quelques 1,6 km. Ce sont celles de Golompoui, de Lokoro, de Guinane et de Bougay.

Ces observations excluent l’hypothèse de corridors interdunaires d’un mégatransverse SE–NO, perpendiculaire à l’Harmattan.(Mainguet et Wakponou, 2002). Cette thèse d’une origine tectonique met en doute l’idée de Sieffermann et Vallerie (1963) selon laquelle les dépressions hydromorphes interdunaires correspondraient aux marécages et aux «lagunes»

ayant marqué les étapes successives du retrait d’un paléomégalac dont le niveau a oscillé entre 350 et 450 m (Hervieu, 1975) à travers le sillon des lacs Fianga-Tikem-Toubouris au profit du bassin de la Bénoué. En effet, hormis la morphologie, l’orientation et la position topographique de ces bandes sableuses à 335-340 m et le pourcentage de grains de quartz fluviatiles (90 %), on n’a aucune preuve tangible de l’existence d’un grand lac entre 25000-20000 BP («Ghazalien supérieur»)* [terme créé par Servant (1983), correspondant plus ou moins au Pléistocène Supérieur. C’est une période humide qui s’est étendue entre 35000 et 20000 B.P. et a été marquée par des extensions lacustres].

La différence entre cette formation et celle de Kalfou n’est que le façonnement de cette dernière en dunes longitudinales. En effet, un moule structural (failles) orienté SE-NO aurait eu raison d’un façonnement de dunes suivant la direction de l’Harmattan (NE–SO).

Dailleurs, sur les images satellitairees SPOT N° 088/329 et 088/330 et même sur le terrain, cette orientation est décelable au sommet des bandes sableuses.(Figure 34).

Le matériau dunaire (CAM 2002 – 10) prélevé à la tarière au bord de la piste Guinane- Bougay (2 km au NE ) à 1 m de profondeur au sommet d’une dune haute de 7 m (N 10° 11’–E 15° 06’, altitude 3 54 m) est constitué de sables rouges jaunes (P45 5YR), pulvérulents. C’est un matériau fin (Md = 130µm), bien classé (Qdϕ = 0,20) avec 48 % du

Figure 35. Paysage géomorphologique à la jonction entre l’erg de Kalfou et les nappes sableuses du secteur de Lokoro

Figure 36a. La coupe de Guinane

Figure 36b. Données morphoscopiques

Figure 36c. Courbe granulométrique

Brabant et Gavaud (1985) ont interprété cette formation comme d’anciennes formations de plage bordant une série d’extensions lacustres, antérieures à la percée du seuil de Mbourao par lequel le paléomégalac Tchad s’est déversé dans le bassin de la Bénoué.

Photographie 13. Coupe dans les sables rouges. (Danaïré, 16-I-2002 )

Un écroulement du talus de la piste Yagoua-Moulvouday permet de voir sur 8 m de hauteur du sable rouge ( P20 2,5YR 5/6 ) pulvérulent

Sans accréditer la thèse d’un lac ayant atteint les latitudes de Kalfou au Quaternaire, mais plutôt celle de multiples plans d’eau de type marécageuse lors des pluviaux, on peut aussi soutenir que la pigmentation des dunes (sables très rubéfiés : R 37 2,5 YR 5 / 6) est due à des oxydes de fer précipités qui dérivent de l’altération des silicates ferromagnésiens et du fer contenu dans la poussière enrobant les grains de sable. Réagissant à l’eau météorique sous forme de pluie et d’eau interstitielle, ces oxydes de fer précipitent à la surface des grains en état d’hydroxyde de fer (hématite brune ou limonite). Le caractère fixe actuel de ces dunes favorise l’accumulation de cette limonite. Cependant il faudra compter avec l’âge du matériau : les datations par thermoluminescence ont donné à Bogo 11850 ± 750 BP. Il ne faudrait pas aussi oublié comme l’a montré Anonyme (1979) la distance du transport, le taux d’humidité présent et passé surtout, la nature des minéraux argileux mais surtout le taux de fer qui ici est de 1,5 %. selon Sieffermann (1963) et Tillement (1970), la teinte rouge caractéristique des dunes est due à la décoloration ou à la rubéfaction relative à l’âge du matériau (Kanémien : 20 000–12 000 BP). La précipitation de sels ferriques qui est à l’origine de la couleur rouge du matériau éolien, résulte de l’ascension capillaire vers les sommets à partir de la base des dunes.

Les résultats d’analyses exoscopiques montrent des caractères éoliens francs : l’état mat de suface des grains de quartz, avec des traces de «coups d’ongle», les figures de broutage et la forme arrondie. La stabilité acquise des grains est marquée par le polissage, la dissolution chimique ainsi que la formation des bourgeons de néogenèse et la précipitation de la silice. Les traces primitives de cupules de chocs et les coins arrondis traduisent soit une double évolution : éolienne (acquisition des traces de chocs), puis dans un milieu hydrique (acquisition des figures de polissage) masquant les «V» de chocs d’origine éolienne ; soit une

PLANCHE 4. EXOSCOPIE DES GRAINS DE QUARTZ PRELEVES AUX SOMMET DES DUNES DE SABLES ROUGES

- 1 : Mazangay (N 10° 51’–E 14° 14’, altitude 357), (CAM 2002–7) : grain de quartz sub-arrondi présentant des lambeaux d’une pellicule de silice dissoute, des traces de coups d’ongle et des figures de broutage.

- 2 : Kolofata (N 11° 10’–E 14° 01’, altitude 366 m) : grain émoussé, présentant des traces de dissolution de la silice précipitée dans les dépressions, et des bourgeons de néogénèse.

- 3 et 4 : Kalfou (N 10° 18’–E 15° 11’, altitude 375 m), (CAM 2002-8) : grains sub-arrondis à arrondis, présentant les mêmes caractéristiques que précédemment.

- 5 : Guinane (N 10° 11’–E 15° 06’, altitude 354 m), (CAM 2002-10) :grain rond mat,avec des cupules de chocs.

- 6 : Guinane (CAM 2002–10) ; grain présentant des traces de chocs à bord anguleux, ce qui témoigne d’un épisode éolien ou d’un transport fluviatile par courant turbulent. L’état de semi-briance du grain dénote une évolution dans un milieu hydrique, postérieurement ou antérieurement au transport éolienne.

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