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L’EPS : une activité que l’on enseigne différemment selon que l’on est homme ou

IV. Le fait d’être homme ou femme a-t-il un impact dans la relation aux élèves ? 85

IV.2. L’EPS : une activité que l’on enseigne différemment selon que l’on est homme ou

 

Cette mise au défi de montrer plus importante des enseignantes par les élèves est particulièrement nette en EPS ; les entretiens individuels comme collectifs en donnent plusieurs illustrations.

A - Des stratégies pour s’imposer différentes selon le genre

Dans les entretiens comme les deux focus groupes, les femmes ont exprimé le sentiment que les hommes avaient moins de difficultés à s’imposer vis-à-vis des élèves, du fait de leur stature et du fait de la puissance de leur voix.

Moi, mon collègue, il fait du football américain, il est grand, costaud, avec des bras comme ça : il n’y a pas un mec dans l’établissement qui lui dit quoi que ce soit, parce que les garçons, ils ont peur. Ils sont tout en bouche, tout en paroles, mais en contrôle physiquement… Ils ont cette notion de physique en se disant :

« mais le prof s’il m’empoigne, s’il me met une gifle, il me décapite » ; je pense que dans leur tête ils se disent

ça, donc ils le respectent physiquement. Sauf qu’après ils voient arriver une naine d’un mètre 60 qui est

Les hommes on est avantagés là-dessus parce que l’on a souvent une voix qui porte plus ; et mes collègues femmes, au niveau de la voix, c’était quand même plus difficile ! Donc c’est vraiment pénible pour les femmes de travailler dans un gymnase où l’on est 3 classes : ça va résonner. Pour avoir le silence, ce sera très difficile (F, 39, clg, EPS) (focus)

De fait, elles doivent beaucoup plus passer par l’engagement dans l’activité, par la démonstration de leurs compétences pour assoir leur présence et légitimer leur statut d’enseignant-e, surtout vis- à-vis des élèves garçons. Elles s’appuient alors sur leurs qualités sportives pour faire des démonstrations.

D’ailleurs, elles sont beaucoup plus souvent mises au défi de prouver leurs compétences aux élèves que leurs homologues masculins comme ont pu le constater les enseignant-es.

Dans mon établissement, 1 homme, 3 femmes. Encore là, mes collègues femmes ont besoin, plus souvent que moi, de faire des démonstrations aux élèves : c’est comme si elles avaient besoin de prouver encore leur légitimité. Alors que moi - parce que là encore on travaille souvent en doublettes - je n’ai pas besoin de le faire parce que la représentation qu’ils ont c’est « je leur dis » tandis que les élèves sollicitent mes collègues femmes « Allez-y Madame, montrez-nous ! » Moi, ils ne me sollicitent pas comme ça ! (H, 52, lyc, EPS)

Une enseignante de technologie d’un autre focus groupe rapporte des comportements de défiance de la part de ses élèves du même type dans sa discipline où la représentation masculine est majoritaire.

J’ai eu une fois des élèves qui ont remis en cause ma crédibilité à leur enseigner la techno : c’était une

classe de rugbymen au moment de l’utilisation de la perceuse. Dans la consigne, il était indiqué : « Percer

dans un tube creux de plexi glace », avec des consignes de sécurité pour réaliser l’opération. C’était « cause toujours, je prends la perceuse, je fais vroum»…. et la pièce a éclaté. Régulièrement, j’ai ces

comportements ; et je pense que mes collègues hommes n’auraient pas eu le même comportement. Il y en a qui me disent « chez moi, c’est mon père que se sert de la perceuse ». (F, 52, clg, Techno)

Prouver, toujours prouver que l’on est capable de faire aussi bien que les hommes pour assoir son autorité ; une forme de pénibilité supplémentaire pour les femmes qui coûte au fil de la carrière. Ce que confirment leurs collègues masculins : « Montrer aux élèves, les femmes ont tendance à le faire plus pour assurer leur légitimité ». (H, 52, lyc, EPS)

B - Des modes de gestion des conflits avec les élèves différents selon le genre

Les conflits avec des élèves qui ne veulent pas travailler, qui pratiquent l’inertie dans leur travail ou qui provoquent volontairement l’enseignant sont fréquents chez des adolescent-es en quête d’identité et de confrontation.

Au travers des deux focus groupes EPS, deux types de stratégies de femmes ont été identifiées : l’une est de rentrer dans le conflit en s’appuyant sur l’activité pour imposer son autorité ; l’autre est d’utiliser le dialogue en refusant la confrontation physique.

Mais jamais je n’ai laissé déborder, jamais, jamais, jamais. Là, avant de me mettre en arrêt, j’avais un cycle de lutte, avec une classe où justement il y en avait trois ou quatre - on n’en a discuté en conseil de classe - qui étaient très machos, très très machos les gamins, qui vraiment ne respectaient pas et tout. Et démonstration

en lutte, je lui ai fait un retourné, et je lui ai coupé la respiration. Ça a été fini. Après ils étaient aux petits soins, aux petits soins, super motivés dans le cycle de lutte, hyper volontaires, hyper respectueux : il n’y avait plus de mouche qui volait, plus rien. (…) Après je ne dis pas qu’il faille rentrer

dans la confrontation en étant une femme, il y a vraiment d’autres moyens certainement de se faire respecter. Moi, perso dans ma carrière je n’en ai trouvé aucun autre. (F, cité sco – 38 – EPS)

Une stratégie que l’enseignante met en jeu car elle maîtrise totalement cette activité qu’elle pratique dans le cadre du rugby, sa discipline sportive depuis de longues années et qu’elle enseigne en club – et – qu’elle est dans la première partie de carrière.

Mais ce n’est pas le registre préféré des enseignantes d’EPS ; en général elles fonctionnent davantage par le dialogue.

J’ai appris à ne pas utiliser le rapport physique : je le mets complètement de côté. Le rapport physique, je ne peux pas rentrer dans ce rapport-là, donc il faut développer autre chose. Qu’est-ce que j’ai développé, moi, personnellement ? Beaucoup de patience, de ténacité, ne pas rentrer dans le jeu de la discussion, ne pas rentrer du tout dans le jeu de l’agression, rester ferme sur ce que l’on a dit et très rigoureux. L’élève, il doit savoir qu’en face de lui il y a quelqu’un qui peut-être ne va pas être d’accord, et qui le dit parce qu’il m’est déjà arrivé de dire à un élève « Je n’ai pas les moyens de t’empêcher de faire ça, de toute façon, physiquement, je n’en ai pas les moyens. Mais tu ne peux pas m’empêcher de dire que je ne suis pas d’accord ». Donc d’être très ferme et d’exprimer à tout moment ce qu’on pense. Toujours reprendre et jamais laisser partir un élève avec qui on a eu un problème, toujours reprendre le problème en fin de séance pour qu’il parte en ayant l’impression qu’il n’y a pas d’injustice, que les choses sont claires et nettes. Pour l’instant, c’est ma façon de faire. C’est une stratégie que l’on apprend dans le métier. (F, 56, clg, EPS) Il faut leur montrer qu’on n’a pas peur d’eux en tant que femme ; mais il faut aussi les emmener à nous respecter en tant que femme parce qu’on a plus de répartie qu’eux, plus de vécu qu’eux. Moi, il n’y a que comme ça que ça a fonctionné. Moi, à chaque fois que j’obtenais le respect de mes classes masculines, c’est parce que à un moment donné je les avais fait taire par la parole. Parfois on est borderline, quand on essaye de les faire taire par la parole, c’est borderline, vraiment, mais je pense qu’il faut passer par là. Je n’ai jamais eu peur. (F, 38, cit sco, EPS)

Une stratégie qui semble aussi bien marcher vis-à-vis des garçons que des filles ; et que leur envient parfois certains collègues hommes pris parfois dans des conflits difficiles avec leurs élèves et qui refusent de rentrer dans le rapport de force viril.

 

IV.3  Des  contextes  particuliers  où  l’on  peut  parfois  identifier  des  problématiques  de