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Des contextes particuliers où l’on peut parfois identifier des problématiques de genre

IV. Le fait d’être homme ou femme a-t-il un impact dans la relation aux élèves ? 85

IV.3 Des contextes particuliers où l’on peut parfois identifier des problématiques de genre

 

A - Travailler dans un quartier difficile, dans des ZEP

Plusieurs enseignantes ont expliqué leurs difficultés en tant que femmes à travailler dans des quartiers difficiles, dans des disciplines différentes de l’EPS.

J’ai l’impression qu’il y a parfois des problèmes d’autorité des femmes avec certains élèves qui ont une

représentation dégradée de la femme. De ce point de vue, on se dit que s’il y avait plus de profs hommes,

ce serait mieux : ces élèves sont souvent plus infects avec les femmes qu’avec les hommes. En tant que femme, il faut donc s’imposer plus vis-à-vis des élèves. Cette évolution est très inquiétante. F, 43, clg, HG). Je pense que dans notre profession, nous manquons d’hommes ; dans notre collège, nous manquons d’hommes (5/30). Nous avons dans notre établissement une population mixte, dans le sens où nous avons pour moitié des enfants qui viennent des « quartiers de M.», et des élèves qui viennent du centre-ville de M. Et les enfants des quartiers n’ont pas toujours beaucoup de respect ni de considération pour les femmes, pour les profs femmes. Et les relations avec les familles des quartiers ne sont pas toujours faciles, et je pense que les hommes en imposent plus à leurs yeux. Ça joue dans la relation que vous avez avec les élèves surtout en grandissant, lorsque les garçons sont en 4° et 3°. Il peut arriver que certains ne respectent absolument pas

la parole des profs femmes parce que ce sont des femmes. Ce n’est pas facile ! (F, 49, clg, LV)

On sent au travers leurs propos la difficulté à mobiliser les élèves en activité et les comportements de déficiences auxquelles elles sont exposées dans certaines situations. Ce sont également des éléments que l’on retrouve chez certaines professeures d’EPS.

Moi je pense qu’il y a aussi des choses qui sont parfois difficiles vis-à-vis de nos élèves et ça peut être une souffrance pour l’enseignant. A l’adolescence, il y a aussi chez les garçons des garçons qui acceptent mal l’autorité féminine. Et du coup, il y a des réactions qui sont pour nous très très difficiles à vivre. Il faut vraiment arriver à s’imposer, alors qu’un collègue homme, pour ça, a beaucoup plus de facilités. Pour nous, parfois c’est difficile face à ça. Moi des fois, je n’étais pas bien parce que je me disais « Tiens lui, il aurait

été mieux avec un collègue masculin » ; mais ce n’est pas le cas de tous les garçons. Il y a des garçons qui

sont des petits coqs, ce sont des footballeurs souvent. (F, 56, clg, EPS)

J’ai eu plusieurs garçons qui ont refusé complètement de se soumettre vu qu’avec mon collègue, on ne procédait pas de la même manière. C’était du style : « Mr B., quand il nous dispute, lui il nous fait faire des

pompes, on les fait ». Et moi, je lui réponds : « Et si moi je te demande de faire des pompes ? », « Ah ben non, quand même pas ! » Vous voyez un peu où l’on en est ! On en est là ! J’en ai discuté avec mon collègue

et il m’a dit « C’est sûr que … » Lui, jeune professeur encore très très très sportif - parce que ça ça joue beaucoup dans notre profession – qui arrive devant eux, qui les dominait tous du fait de sa taille puisqu’il était plus grand qu’eux, et qui leur disait « Eh, t’arrête ! Et pour ta punition, tu feras des pompes ! » Et le garçon les faisait pour lui montrer qu’il pouvait le faire ! Ça se jouait comme ça ! Moi, je ne pouvais pas leur demander ça ! Moi, je n’ai pas donné la même punition parce que je n’aurais pas obtenu qu’il la fasse : ils

auraient fait les pitres ou ils auraient dit « Madame, à vous maintenant, faites-le » ! Je l’aurais fait, de toute façon je l’aurais fait, j’étais capable de le faire ; mais je n’ai pas à leur prouver ce que je suis capable de faire ou pas, c’est pas ma position. (F, 56, clg, EPS)

Mais deux enseignants travaillant dans ce type de quartier relativisent le fait que les femmes seraient plus en difficultés que des hommes dans ce type de quartier ; selon lui, la personnalité de l’enseignant-e serait plutôt le facteur pertinent

C’est quelque chose que l’on entend bien souvent. « Moi, je suis une femme, je rencontre des difficultés parce que les mecs de la classe ne supportent pas qu’une femme fasse ceci cela » ; c’est quelque chose qui est souvent sorti par les gens comme un facteur d’explication de difficultés que l’on rencontre avec les élèves. « Les jeunes arabes à V. sont plus sexistes que les autres élèves ; donc c’est normal que les femmes aient des difficultés avec eux». Je pense que c’est une réalité le sexisme ambiant ; après je ne pense pas que ce soit le facteur fondamental qui explique l’essentiel des dynamiques qu’il y a. Je vois plein de nanas qui apparaissent comme de frêles femmes et qui n’ont aucun problème avec les élèves pour assoir leur autorité ! J’ai aussi vus des mecs qui jouent aux mecs et qui ramassent ! (H, 40, lyc, PC)

Je pense que c’est une histoire de personnalité. Moi, j’ai connu une femme, dans ce genre de situation, qui y arrivait très bien, et qui était même plus autoritaire que moi avec des élèves difficiles. (H, 48, lyc, EPS) (focus établissement)

Mais des hommes qui peuvent aussi être mis à mal dans les situations de conflits.

Les élèves n’attendent pas la même chose d’un enseignant homme ou femme. Moi, je suis allée travailler

en Zep, on était 2 femmes et un garçon. Le collègue homme a eu énormément plus de problèmes que nous. Les garçons allaient le provoquer physiquement, ils allaient le chercher. Et à un moment donné, …. Nous, ils n’allaient pas nous chercher ; c’était comme tu dis « Vas-y, vas-y, oui, tu es plus fort physiquement… Mais tu

n’es pas plus fort en fait ! » (F, 60, cité sco, EPS) (focus)

Cela laisserait penser que le sexe n’est pas nécessairement un facteur protecteur de l’enseignant comme se le représentent parfois certaines enseignant-es.

B – Des difficultés différentes des hommes et des femmes en lycées professionnels Plusieurs enseignant-es rencontré-es ont à un moment donné de leur trajectoire professionnelle travaillé en lycée professionnel. Et lorsqu’ils-elles parlent de cette expérience, c’est souvent pour pointer les difficultés rencontrées, qui semblent de nature différente entre hommes et femmes : des provocations physiques vis-à-vis des hommes, des mises au défi de prouver leurs compétences aux femmes lorsque le public des élèves est masculin, comme nous l’avons déjà relevé plus haut.

Moi la difficulté d’enseigner en tant que femme, je l’ai ressentie énormément quand je suis arrivée devant des classes de lycée professionnel mécanique ou menuisiers garçons. J’ai ressenti pour la première fois la difficulté en tant que femmes d’enseigner à une classe où il n’y avait que des garçons. Et surtout ce que j’ai ressenti à ce moment-là, c’est la question du rapport de force. J’ai entendu des choses comme ça « On se

mesure sur la course ? Vous nous montrez ce que vous savez faire ? » Et je leur ai répondu « Moi j’ai 36 ans, tu en as 18, ce n’est même pas la peine que l’on essaye ! Tu vas courir plus loin que moi et tu vas sauter plus haut que moi ! » Donc quand on se retrouve dans une situation où l’image de la personne qui doit

enseigner l’EPS est liée à une image de performances, ça peut poser problème ! On peut imaginer un homme à mobilité réduite, pourquoi pas, qui fasse l’EPS de par ses compétences : le regard serait le même ! Il se trouve qu’actuellement c’est associé à la femme, et moi je l’ai vraiment ressenti à ce moment-là. On nous demande beaucoup plus de puiser dans nos compétences pour montrer que l’on peut enseigner ! (F, 56, lyc, EPS) (Focus)

J’ai fait qu’un an en lycée pro avec 30 gamins de 16 ans en face de moi. Ça m’a usée parce qu’ils ne voulaient même pas se lever ; je n’avais pas les capacités, je n’avais pas l’aura ou je n’avais pas l’autorité… ; ils ne se levaient pas, ils me regardaient de manière provocatrice, ils ne faisaient pas. Mais après, au fil de l’année, je suis passée de celle qui était sévère à celle qui les regarde ne rien faire parce que c’était trop usant : ma vie de famille était complètement fragilisée ! Je n’en pouvais plus ! Ils ne voulaient pas bouger ; et bien moi aussi je m’assois ! Et ça pouvait durer 1/2h… Après, plutôt que de perdre ma voix et de libérer toutes mes énergies chez moi,… .Après, si on n’a pas une direction qui nous soutient, on n’a que nous pour arriver à faire quelque chose. (F, 33, lyc, EPS) (focus établissement)

Cela peut insécuriser certaines enseignantes qui peuvent être très mal à l’aise dans ce type d’établissement et qui demanderont à changer tout de suite au risque d’y laisser leur santé. D’autres redoutent moins ces situations même si elles sont coûteuses ; le respect passera quand même par le fait de « montrer », prouver leurs compétences physiques.

Moi j’avais une classe d’électro. C’est un peu dur au début en tant que femme de t’imposer, mais après

il y a un vrai respect. Quand tu as une classe que de filles, elles sont tout le temps là pour te casser les pieds,

ça piaille de partout. (F, 38, cité sco, EPS)

Mais les hommes peuvent être engagés dans les mêmes processus de défiance physique que dans les ZEP ; avec parfois des situations de corps à corps qui se jouent pouvant fragiliser le rapport au métier.

J’étais content d’être un garçon dans les problèmes de conflits, notamment avec les élèves très durs. J’étais content d’être un garçon et d’avoir pratiqué des sports de combat, ça m’a beaucoup servi là-dessus parce que j’ai eu des collègues qui ont eu peur, notamment les filles qui à un moment donné se sont faites agresser. J’étais content d’être un homme ; et ma collègue, qui était pourtant une fille costaud au niveau du projet d’établissement c’est elle qui l’a construit, et là à un moment donné, elle a eu peur : elle s’est reculée. (H, 60, LP, EPS)