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L’entreprise espagnole à Cuba et le fondement de son profit

Investissements, rentabilité et régulation formelle

Section 1 L’entreprise espagnole à Cuba et le fondement de son profit

L’entreprise qui s’installe à Cuba peut compter sur plusieurs atouts, au nombre desquels un système éducatif performant.

Le niveau de dépenses publiques d’éducation représente 9% du PNB, et les dépenses d’éducation représentent 17% des dépenses publiques en 2001. Le résultat est un niveau de d’alphabétisation pour la période 2000-2004 de 97%. Les taux bruts de scolarisation sont en 2001 : 110% en maternelle, dans le primaire 100%, dans le secondaire de 89% et 27% dans le supérieur, avec à chaque niveau la quasi parité entre garçons et filles. Le rapport UNESCO 2005 souligne les performances et la qualité du système éducatif cubain. Les investisseurs associés à la production profitent donc de personnel qualifié même s’il doit utiliser des techniques de gestion capitaliste et de nouveaux outils de gestion (informatique) qui leur sont peu familiers. La présence de personnel expatrié est donc moins indispensable, les coûts de formation sont aussi moins importants, les possibilités de modernisation de l’exploitation du réseau sont meilleures. La quantité d’expatriés à Aguas de La Habana a régulièrement diminué depuis l’arrivée des espagnols, le partenaire étranger reconnaissant la qualité du travail du personnel technique cubain (entretien 2006). Cela permet à l’investisseur étranger de limiter les coûts d’exploitation de l’entreprise.

1.1 L’entreprise optimise ses recettes grâce à la clientèle rentable

La partie de la ville que gère Aguas de La Habana est dense et concentre les activités en devises. Voyons à travers l’histoire de la ville le profil des municipalités données en gestion à l’entreprise mixte (Centro Habana, Cerro, Habana Vieja, Plaza de La Revolución, Playa, Lisa, Marianao, 10 de Octubre). Nous dressons ainsi une liste d’avantages directement liés à la localisation de la zone attribuée à Aguas de La Habana.

La Havane s’est construite sous l’impulsion des populations bourgeoises aux périodes coloniale et républicaine, c’est une ville ancienne. Dès le 16ème siècle les espagnols y établissent un port qui sert d’entrepôt et de point de départ de leur Flotte pour l’Espagne. Au 18ème siècle, le déclin de la production sucrière haïtienne favorise l’essor de la production et du commerce du sucre cubain (Segre; Baroni, 1998). A cette occasion la ville se développe : les commerçants se rapprochent du port et établissent leurs demeures dans ce qui est l’actuelle Habana Vieja (Vieille Havane), à l’ouest de la Baie. L’activité croissante dans la ville (port) incite les populations bourgeoises à s’éloigner régulièrement. Progressivement, se construisent des résidences secondaires au sud de la ville (actuelle municipalité Cerro). La Vieille Havane, dont l’activité accrue a entraîné l’afflux de migrants (densification), va progressivement se dépeupler des classes bourgeoises qui s’établissent alors de façon permanente dans leur résidence d’été du Cerro. Des divisions spatiales sont introduites à l’intérieur des logements bourgeois (cuarterias) de la Habana vieja qui sont loués et se prolétarisent.

L’étape suivante de l’édification de la ville correspond au développement industriel de la municipalité du Cerro (industries liées à l’adduction d’eau, la Zanja). A nouveau, ce développement économique provoque une migration de main-d’œuvre, jusqu’à ce qu’à la fin du 19ème siècle le Cerro perde de son dynamisme : le déclin des industries lié à la pollution croissante de la Zanja (premier aqueduc) et la présence de couches populaires ont provoqué de nouvelles migrations des populations bourgeoises vers le littoral. Le Vedado (municipalité Plaza de La Revolucion) devient alors un nouveau pôle d’expansion de la ville et la 1ère zone dont l’urbanisation est planifiée. Les migrations bourgeoises continueront à être le moteur de l’expansion territoriale qui s’effectuera vers l’Ouest, sur le littoral (Miramar, Siboney/ municipalité Playa).

Les trois quarts de La Havane se construisent sous la République et l’hégémonie américaine (1902- 1958). Cette phase de forte expansion voit l’afflux d’une main d’œuvre rurale attirée par les opportunités d’emploi, produit des investissements américains. Ces derniers se sont concentrés sur les infrastructures, les services liés au commerce, le secteur sucrier et le tabac. Le développement de l’île se fait cependant de façon déséquilibrée : les inégalités économiques et sociales s’exacerbent à l’intérieur de la capitale et entre la capitale et le reste du pays.

Carte 1. La Havane et ses 15 municipalités actuelles

A la Révolution en 1959, le nouveau pouvoir décide de rééquilibrer le développement territorial en investissant dans l’équipement des campagnes et des villes secondaires. Il freine ainsi les migrations vers La Havane (par ailleurs réglementées) et contrarie la logique capitaliste cherchant à augmenter la concentration de la main d’œuvre en ville ; la construction de la ville communiste doit se faire sur un mode équilibré. Des efforts importants sont alors consentis par le nouveau pouvoir, des travaux sont effectués et concernent notamment une partie jusque là délaissée, le littoral Est de La Havane (municipalité Habana del Este). Perez Rodriguez (1998) remarque que l’hétérogénéité de la ville persiste sous forme d’espaces aux fonctions déterminées. En prenant le temps

comme axe central de différenciation et l’appartenance à la zone littorale ou intérieure, elle établit 4 niveaux d’environnement en fonction des conditions d’habitabilité des maisons, de l’état technique des réseaux d’eau et d’évacuation, de la qualité de l’air et des espaces verts : le plus favorable correspond à ce qui à été construit au cours des trente dernières années de la période capitaliste (l’expansion ouest de la ville et en partie l’extension Est). Le niveau moyennement favorable se retrouve à toutes les périodes et aussi bien sur le littoral qu’à l’intérieur. Le milieu plutôt défavorable correspond aux constructions récentes d’avant 1959 mais qui n’ont pas été faites selon un plan de régulation urbain adéquat, ce sont des zones de construction à faible potentiel qui ont favorisé l’arrivée de populations à faibles revenus prêtes à s’établir dans de l’habitat précaire (le long des axes sud, sud-est et sud-ouest). Enfin, le milieu le plus défavorable correspond aux habitations de la période coloniale et de la première décennie du 20ème siècle. On oppose deux Havane : La Havane du nord, riche, moderne, touristique et La Havane du sud populaire.

L’entreprise Aguas de La Habana exerce donc son activité dans la partie la plus densément peuplée et qui contient les sites touristiques les plus attractifs et les zones d’activité modernisée. L’historique de l’occupation de la capitale a permis d’apprécier les atouts dont bénéficie Aguas de La Habana d’avoir en gestion ces 8 municipalités. C’est là que sont installées les principales activités en devises. Le contrat alloue aussi à l’entreprise toutes les recettes en devises qui se font en dehors de son territoire et à partir du réseau géré par les entreprises publiques (7 autres municipalités de la capitale). Le partage du marché de l’eau en réseau s’est fait en segment profitable, attribué à l’entreprise mixte, et non profitable, laissé aux entreprises publiques.

Carte 2. Répartition des municipalités entre gestionnaires du réseau selon leur statut Aguas de La Habana (mixte) – bleu ; Acueducto del Este (publique) – vert ; Acueducto del Sur (publique) - marron ; Acueducto del Cotorro (publique)- kaki

source : carte réalisée avec Philcarto http://perso.club-internet/philgeo

1.2 Le réseau est vétuste, des réparations sont indispensables

L’urbanisation de la ville est maîtrisée mais le réseau est mal en point : il faut donc le réhabiliter. L’intérêt pour l’entreprise privée d’être associée à l’Etat sous forme d’entreprise mixte réside dans le fait que le propriétaire restant l’Etat, les décisions en matière d’infrastructure sont moins négligées que si le partenaire était un autre privé. L’intérêt de la multinationale est de participer le moins possible aux investissements. La rentabilité de l’entreprise mixte a progressé grâce à la baisse des effectifs de l’entreprise, à la diminution des livraisons d’eau par camions-citernes (plus aucune municipalité ne recevait l’eau par camion après 2005) et à la réduction du pompage d’eau donc des dépenses d’énergie et de potabilisation, les principaux postes de dépenses de fonctionnement2. La modernisation de la gestion, les efforts sur la rationalisation des

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En 2000, plus de 90.000 habitants de la capitale recevaient l'eau en camions-citernes, et à la fin de 2006 ils avaient diminué à un peu plus de 24.000, selon des sources gouvernementales. Ce mode de distribution impliquait des frais additionnels de combustible, qui ont diminué de 480.000 dollars annuels en 2000 à 177.000

stocks c’est-à-dire la diminution de leur quantité et allongement des délais clients pour améliorer la trésorerie font partie des améliorations apportées. Toutefois, cela n’a été possible que parce que les investissements décisifs ont été pris en charge par l’Etat.

La majeure partie du système de distribution d’eau de La Havane est héritée des investissements américains et espagnols réalisés avant la révolution. En 2007, le réseau mesure 1859 km. Les aqueducs transportent l’eau à quelques zones de la ville puis une desserte de proximité est assurée. Ainsi la qualité et le coût du service dans chaque zone dépend de l’état des ouvrages principaux et des réseaux secondaires y amenant l’eau. Des réhabilitations ont été faites par l’Etat et des entreprises travaillant en devises. L’état du réseau justifie des réhabilitations d’ampleurs différentes selon la zone à desservir. Avant la crise économique des années 1990 le système d’économie planifiée privilégiait les dépenses d’investissement aux dépens de celles d’entretien, de production de biens de consommation ou de service à la population. L’obsolescence des technologies, la faiblesse de la qualité des intrants et de la production expliquent la détérioration des performances de la distribution d’eau (voir le tableau 16 ). La dégradation du réseau (fuites) a entraîné l’accroissement des coûts de production. En effet, il faut prélever plus d’eau pour maintenir les livraisons d’eau, le réseau doit s’alimenter à de nouvelles sources, et il faut utiliser plus d’intrants. La surexploitation de la ressource se répercute sur les coûts de production car il faut aller de plus en plus loin, dans d’autres provinces pour capter de l’eau à livrer à la capitale.

Tableau 16. Performances de différents aqueducs de La Havane

Amenée Km Année construction Pertes % Paso Seco 3 1950 2 Cuenca Sur 35 1955 13 Ariguanabo 9 1958 5

El Gato 55 1987 35

Begnino a Loma del cielo 7 1958 3

Source :UE, 1997

dollars en 2002 (web: CUBA : Davantage d'eau potable à La Havane par investissement étranger ; La Havane, feb, IPS).

La desserte par camion a progressé dans les années 1990. Cette distribution augmente les coûts totaux de l’approvisionnement de la capitale. Les zones les plus affectées sont : Lisa, Habana Vieja, Centro Habana, 10 de Octubre, Plaza de La Revolución. Le système de livraison par camion est un important consommateur de carburant, il est donc impératif pour abaisser les coûts de l’activité que les réseaux soient rénovés. Les réparations ont été menées, elles ont été financées par un crédit de AGBAR (l’investisseur espagnol) à l’entreprise mixte de 25 millions de dollars répartis entre l’amélioration de la gestion (6M pour l’informatique) et la réhabilitation des infrastructures (19M). L’Etat cubain a apporté 4M pour la réhabilitation des infrastructures. AGBAR a contribué pour 4 millions aux fonds propres.

La coopération espagnole (AECI) a financé la réhabilitation de l’aqueduc d’Albéar (1,7 millions de dollars de 1999 à 2002) en association avec le groupe AGBAR qui a complété les travaux avec 470 000 dollars, soit un total de 2 millions de dollars. L’aqueduc d’Albéar alimente La Habana vieja qui est sous la gestion de l’entreprise mixte cubano-espagnole. La ville de Barcelone et la région de Catalogne en Espagne participent également au financement des réparations des réseaux d’eau de La Havane. Entre 2000 et 2002, la majorité du réseau rénové, au sein des 8 municipalités gérées par Aguas de La Habana, se situe dans les municipalités du Centro Habana et de Habana Vieja. Elles ont reçu respectivement 63% et 24% des montants consacrés à la réhabilitation contre 5% pour les autres municipalités (Lisa, 10 octubre, Cerro, Marianao, Plaza) (cf carte). Les réhabilitations se poursuivent, l’entreprise ‘Bureau de l’Historien’ (Oficina del Historiador), qui gère les activités en devises du Centre Historique de La Habana Vieja a participé aux réhabilitations de canalisations du Centre Historique (de la réalisation de l’étude préliminaire sur l’état du réseau, jusqu’au financement des travaux). Les zones concernées par les réhabilitations ont un fort potentiel de génération de devises qu’il s’agisse de la zone de La Habana vieja et du Centro Habana (tourisme) ou de Playa (services).

Carte 3. Réhabilitations du réseau (rouge)

Nina Bonit a

Arroyodel Guatao

El A t revido Arroyo Arenas El Doctor La Teresita Naranj ito Banaguey dares Boca de la Chorrera Rí o Al men Mordazo Alme ndares S anta Ana E nsenadaP artier P unta Mangle P laya Sant a Fe P unta Cabeza de Vaca

Laguna M ar Cuat ro Cam inos de F alcón Jai m anitas Jaima ni tas Quibú Pl aya Marianao El Laguit o Luyano

Castil lo delMorro

A st illeros L anchas Ferroce mento Zona 4 Aracelio Iglesias Zona 5 Juan Manuel Diaz S ervicios M ari tim os M uelle Osvaldo S anchez(MI P)

A traque Ceme nt o a Granel Puerto P esqu ero(MI P)

T erm inal Haiphong Zona 6 Ensenada de A tares

(Di que de losF ranceses)

Luyano

A ve. de A cost a El Laguit o